DE BON VOISINAGE

 
   

Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément appartient à Masami Kuramada la Shueisha et Toei Animation. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Genre
:
Yaoi. Petites pillules bleues, réflexions intenses sur leur usage et dérapage contrôlé volontaire.

Rating : interdit au moins de 16 ans.

Auteur : Kiranagio

J'espère que tu aimeras...

 

Chapitre unique

« C'est vraiment très stupide, comme plaisanterie ! »

Habituellement calme, le chevalier du Capricorne fulminait. Prenant à parti son collègue du onzième temple, il le prit à témoin :

« Enfin, ce n'est pas parce que nous ne passons pas notre temps comme eux à nous livrer à des partouzes géantes que nous sommes forcément frigides ou impuissants ! »

Camus tournait et retournait la petite plaquette de pilules bleues entre ses longs doigts fins, le visage sans expression.

« … N'est-ce pas ? » ajouta Shura, sur un ton plus incertain.

Quelque chose lui paraissait bizarre dans l'attitude du chevalier du Verseau. Enfin, plus bizarre que d'habitude. Il brandit sa propre plaquette de pilules d'un air triomphant.

« Tu sais quoi ? On devrait aller jeter ces saloperies dans l'aquarium de Kanon, ça mettrait de l'ambiance au moins ! Et puis j'en mettrais bien quelques unes au pied des rosiers d'Aphrodite, pour faire bonne mesure. »

Cette proposition pourtant parfaitement justifiée étant donnée l'attitude des suscités, ne provoqua aucune réaction chez le chevalier du Verseau.

« En fait, annonça-t-il après quelques pas de plus en silence, je crois que je vais les garder. »

« Quoi !? s'exclama Shura, ahuri. Mais… Mais tu… Mais tu ne… »

« Bonne soirée » le coupa Camus, qui était arrivé devant son temple et s'engouffra dedans sans plus de cérémonie.

Shura resta figé sur place quelques minutes, abasourdi. Se pouvait-il qu'avec leur blague stupide, Aphrodite et consorts aient, sans le savoir, tapé juste ?

Certes, Camus n'avait jamais été vu en galante compagnie, jusqu'à présent, mais il avait supposé que, comme lui, il préférait la discrétion à l'étalage tapageur de ses conquêtes. Peut-être même qu'il partageait son penchant pour les corps masculins et qu'il ne souhaitait pas en faire étalage dans une ambiance plutôt machiste.

Mais de là à penser qu'il était impuissant… Il y avait une marge qu'il n'aurait jamais franchie. Histoire de réfléchir un peu, il dépassa le dixième temple, marcha jusqu'au troisième, vida ses pilules bleues dans l'aquarium qui faisait la fierté de l'ex Dragon des Mers, dans un moment de mesquine revanche, et remonta jusque chez lui.

Où il arriva toujours aussi désorienté.

Les jours suivants, il surveilla discrètement son voisin du onzième temple, histoire de s'assurer que tout allait bien. Après tout, les troubles érectiles n'étaient souvent que la manifestation extérieure d'un malaise plus profond. Pourtant, Camus ne marqua aucun changement dans sa routine : entraînement le matin, lecture l'après-midi, apéritif avec Milo en fin de journée, coucher de bonne heure. À se demander quelle utilité il pouvait bien trouver aux fameuses pilules bleues, étant donné qu'il ne fréquentait personne en-dehors de Milo – lequel, de notoriété publique, entretenait avec Kanon une compétition à qui aurait le plus beau harem.

Et ce qui devait arriver arriva. À force de se poser des questions sur la vie sexuelle de son voisin, Shura en vint tout doucement à fantasmer dessus. Il tenta bien de lutter contre cette inclination. Il s'était jusqu'alors fixé comme limite très stricte de ne jamais s'intéresser de cette façon à aucun de ses camarades du Sanctuaire, qui ignoraient tout de ses goûts particuliers. Sauf peut-être Shion, mais Shion savait toujours tout au sujet de tout le monde.

Hélas pour lui, la graine du désir s'était implantée profondément dans son cœur, arrosée de l'estime qu'il avait toujours entretenue pour le chevalier du Verseau. Oh combien trop facilement la lointaine admiration se transformait en passion, une fois le trouble jeté !

Il garderait ses distances, se jurait-il. Tout au plus entretiendrait-il des relations de bon voisinage – Athéna n'avait-elle pas dit qu'il fallait cultiver la fraternité entre chevaliers ? Et après tout, que lui coûtait de rajouter à son chocolat aux écorces d'oranges un paquet d'After Eight dont le Verseau aimait à agrémenter son thé ? Tout au plus un petit, oh, tout petit mensonge. Ils étaient en promotion.

Petit à petit, le glaçon se dégela. Après tout, il était poli de rendre ce qu'on vous offrait, n'est-ce pas ? Et puis Shura était un voisin tellement plus appréciable qu'Aphrodite. Lui au moins ne laissait pas sa chaîne audio hurler « I will survive » à trois heures du matin. De plus, il souscrivait avec empressement à toutes les lectures suggérées par le Verseau, au lieu, comme Milo, de se débiner lâchement dès qu'il apercevait plus de trois lignes de texte sans image. Et Camus aimait jouer les mentors.

Il en venait même à trouver aux boucles brunes de Shura un charme qu'il n'avait jamais vu à celles de Hyoga. Et puis jamais le Capricorne ne se serait abaissé à poser une question indiscrète, au contraire de DeathMask. « Ça remonte à quand, la dernière fois que tu as baisé ? » Imbécile.

L'ennui, c'est que ça commençait effectivement à dater. Il avait rapidement épuisé les charmes des rares bordels masculins des environs (la réputation de la Grèce était très surfaite à ce sujet) et il aurait volontiers engagé une relation plus établie. Aïolia venait de convoler avec Marine, Aldébaran et sa danseuse de sirtaki attendaient leur premier enfant, même Saga avait annoncé ses fiançailles avec une jeune et jolie archéologue, pourquoi pas lui ? Il avait, autant que les autres, droit à une vie normale. Même si ses goûts s'écartaient de la norme.

Et à vrai dire, il commençait à penser que parfois, il n'y avait pas à aller bien loin pour trouver chaussure à son pied. Évidemment, il y avait quelques inconvénients à entretenir une liaison au sein même du Sanctuaire, Aiolia et Marine en avaient fait les frais, mais le plaisir d'avoir un partenaire pourvu d'un cosmos compensait largement. Quant à la question des couples masculins, Shun et Hyoga – les braves petits – avaient bien déblayé la question.

La seule raison pour laquelle il se taisait sur ses goûts, c'était qu'il n'aimait pas les questions sur sa vie privée.

Un soir, il se décida à empoigner la question par les cornes.

« Dis-moi, demanda-t-il à l'espagnol qui dégustait son café noir – leur nouvelle tradition d'après repas de midi – est-ce que tu connais l'Abbyss, à Rodario ? »

L'endroit en question était un bar gay qu'il avait fréquenté une ou deux fois avant de décider que ce genre de chose était décidément trop glauque pour lui.

Shura manqua en recracher son café.

« Euh... oui » finit-il par admettre.

« Étonnant que je ne t'y ai jamais croisé » commenta Camus, continuant complaisamment à lui tendre la perche.

« Euh... Oui. Hum. Je ne te connaissais pas ces goûts » marmonna Shura, brusquement fasciné par le fond de sa tasse.

« Je ne les crie pas sur les toits non plus. Pas plus que toi, ce me semble. »

Shura se dit que, peut-être, son fantasme avait une chance de devenir réalité.

« Pourtant il ne me semble pas t'avoir déjà vu avec quelqu'un. À quoi destinais-tu les pilules d'Aphrodite, l'autre jour ? »

Camus fronça les sourcils, dans un visible effort de mémoire.

« Oh, ça. Je les ai refilées à Milo, il en fait un trafic avec Kanon, je ne veux même pas savoir à quoi ils les destinent. Tu pensais que c'était pour moi ? »

« Hum... » bafouilla le Sagittaire en se mettant une gifle mentale. Tout ça pour ça.

« Je t'assure que tout va très bien de ce côté. À moins que tu ne tiennes à vérifier par toi-même ? »

Un ange passa. Le temps pour Shura de réaliser que Camus – Camus ? Le saint de Glace ? - venait de lui faire une proposition malhonnête. Mais ô combien tentante.

« Pourquoi pas ? » répliqua-t-il une fois qu'il eût repris ses esprit.

Il se pencha en avant. Camus ne bougeait pas, alors il posa ses lèvres sur les siennes. La bouche du Verseau était fraîche et sentait le chocolat à la menthe.

« Maintenant ? » proposa-t-il, hésitant tout de même.

« L'art de la sieste en Grèce est proverbial, non? » répliqua Camus sans se départir de son air calme.

Laissant en plan chocolat qui ne tarderait pas à fondre et café non terminé, ils se dirigèrent vers la chambre du Verseau. Il régnait à l'arrière du temple une atmosphère fraîche qui fit frissonner le Capricorne, plus habitué aux ambiances torrides.

Ce qui fut torride, en revanche, ce fut le baiser de Camus à peine eurent-ils franchi le seuil de la pièce.

« Tu caches bien ton jeu » remarqua Shura, un peu étourdi, à l'issue de celui-ci.

« Peut-être, mais en parlant de pilules bleues, je suis surtout en manque. J'espère que tu es prêt à payer de ton corps... »

« Évidemment » fanfaronna l'espagnol qui n'était pas du genre à se laisser déstabiliser bien longtemps, fut-ce par de la glace soudainement transformée en source chaude.

Pour prouver ses dires, il débarrassa promptement son partenaire de sa tunique avant de faire de même de la sienne. Puis il le reprit dans ses bras pour l'embrasser tout en glissant ses mains de plus en plus bas le long de son dos, jusqu'aux fesses qu'il massa du bout des doigts, légèrement d'abord, puis de plus en plus fermement comme Camus lui soufflait un « oui » extatique en fermant les yeux.

« Tu es vraiment en manque » remarqua-t-il en le reversant sur le lit, arrachant au passage le dernier rempart de tissu ne masquant plus grand chose de l'excitation de de vis à vis.

Effectivement, Camus n'avait nul besoin de petites pilules bleues, songea-t-il alors qu'il en saisissait la preuve pulsante dans sa bouche. Tant pis pour les préliminaires, il y avait urgence. Ils feraient mieux une prochaine fois ? Quelques coups de langue habile plus tard, le Verseau se répandait dans sa bouche.

« Pardon. »

« Ce n'est pas grave. Nous avons tout notre temps. »

Les mains fraîches du Verseau glissaient déjà sur sa peau brûlante, et il s'abandonna à son tour aux sensations. Même pour lui, cela faisait un moment... Et il n'avait pas eu un partenaire aussi adroit, dont les longs cheveux le chatouillaient aussi délicieusement, et dont le cosmos l'enveloppait d'un cocon de bien-être mêlé de luxure...

« Ah ! »

Non, vraiment, ils avaient raisons, ceux qui proclamaient que c'était définitivement mieux avec un partenaire doté d'un cosmos. Surtout lorsque celui de Camus était aussi glacial que le sien flamboyant, et qu'ils s'épousaient pour se compléter aussi parfaitement que leurs corps imbriqués l'un dans l'autre.

C'était au-delà du désir. C'était au-delà du manque. C'était juste... parfait. Comme s'ils venaient de poser la pièce manquant à un puzzle qu'ils formaient.

Pour le reste, les questions pratiques, la gestion des relations avec leurs pairs et toutes ces basses considérations matérielles, ils verraient une autre fois. Lorsqu'ils se seraient rassasiés l'un de l'autre. Ce qui ne semblait pas sur le point d'arriver. Ils avaient ouvert une vanne dont ils ne soupçonnaient pas l'existence, et derrière, roulait le torrent d'une passion dont ils ignoraient être capables.

Ce soir-là, Milo, venu prendre son traditionnel apéritif avec Camus, rebroussa bien vite chemin lorsque, s'aventurant dans le temple à la recherche de son ami, il entendit les bruits en provenance de la chambre, et plus encore lorsqu'il ressentit l'aura de deux cosmos enchevêtrés au point qu'il aurait été bien incapable de dire où commençait l'un et où finissait l'autre.

Pour ce qui concernait l'annonce aux pairs, la question était réglée.

 

FIN


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