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Loin des yeux, près du coeur... |
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Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément Note : Merci à Hyma pour la bétalecture. J'espère que tu aimeras. Bonne lecture... Index : clique sur le numéro du chapitre que tu veux lire : |
Chapitre 1
De retour dans le monde des vivants et n'ayant nulle part où aller, les Chevaliers d'Athéna restèrent au Sanctuaire de leur Déesse. Ce n'était pas le travail qui manquait. Shion fut de nouveau investi des pouvoirs de Grand Pope et la tâche d'organiser la reconstruction lui échut naturellement. Il s'octroyait quand même le petit plaisir d'assister et aussi de participer de temps en temps aux entraînements lorsque Dohko l'y traînait par la peau des fesses. Au début, la Balance ne s'était pas gêné pour prendre le Pope en poids sur son épaule et l'emmener aux arènes. Après s'être fait chambrer dans les règles par ses "subordonnés" il préféra obtempérer docilement à chaque fois qu'il sentait approcher le cosmos du Chinois à l'heure de l'entraînement. Ce matin-là, tous eurent la surprise de voir Kanon se faire sévèrement corriger par son frère. D'ordinaire, leurs combats se terminaient soit par un match nul, soit par une victoire du cadet et beaucoup plus rarement par celle de Saga. Car bien qu'ayant suivi la même formation, l'aîné était un tantinet moins fort que son jumeau. Oh, pas de grand-chose, mais ça suffisait à surprendre leurs compagnons quand le porteur de Gemini filait une branlée à l'ex Dragon des Mers. Et c'était exactement ce qui venait d'arriver. Déjà la pommette de Kanon enflait et la teinte rouge virait au violet. Il se releva avec quelques difficultés et épousseta sa tunique. - Ca va ? demanda Saga en s'approchant de son frère. Kanon leva la tête et regarda son frère quelques secondes avant de détourner à nouveau les yeux. Pour Saga, c'était évident. L'absence de réponse lui confirma qu'il avait vu juste. - Allez viens ! On va prendre une bonne douche, manger et tu me raconteras ce qui te tracasse. L'ex Général de Poséidon suivit son Chevalier d'Or de frère sans rien dire. Il se demandait surtout comment il allait éviter l'interrogatoire. Il leva les yeux vers l'Escalier et devant lui, tous les Chevaliers avaient entamé la montée pour rejoindre leurs Temples respectifs. Inévitablement, son regard s'attarda sur l'un d'entre eux. Il se brula les yeux sur cette vision jusqu'à ce qu'elle disparaisse à la sortie de son Temple. Il se glissa sous la douche pendant que Saga préparait une salade puis il prit la relève, laissant la salle de bain à son frère. Une fois à table, un silence pesant s'établit entre eux. Dans la cuisine, on n'entendait que le bruit des fourchettes dans les assiettes et celui de l'eau qu'on verse dans un verre. - Tu veux rien me dire ? se lança Saga, d'une voix douce. Saga se figea. Son cœur se mit à battre à toute vitesse, ses mains devinrent moites et sa bouche, terriblement sèche. Il sentit sa gorge se serrer et le picotement familier au bord de ses paupières les lui fit baisser sur son plat où il ne restait que la peau et le trognon d'une pomme. - Je croyais que tu étais bien ici, murmura Saga sans lever la tête. Saga avait haussé le ton sur les derniers mots. Il étouffa un sanglot derrière sa main et se leva brutalement, renversant sa chaise. Kanon l'observa, un peu inquiet. Il percevait dans son cosmos un écho qu'il n'avait pas ressenti depuis… de nombreuses années. Une sourde angoisse lui tordit les tripes. Serait-il possible que Saga souffre encore de ce mal qui avait causé tant de morts ? Il se sentit brusquement malheureux comme les pierres de causer de la tristesse à son frère. Ils avaient déjà tant souffert. Et voilà qu'il recommençait. - Saga… commença-t-il en s'approchant de celui-ci, ça n'a rien à voir avec toi ou moi. Qu'on se soit retrouvé, ça tient du miracle. Tu es mon frère, mon jumeau. Tu me connais mieux que n'importe qui et je sais que tu m'aimes autant que je t'aime. Au fur et à mesure qu'il parlait, il avait contourné Saga et posé ses mains sur ses épaules. Son aîné ne bougeait pas et ne se déroba pas au contact de leurs fronts. - Alors pourquoi Kanon ? sanglota Saga, les paupières douloureusement fermées. Deux sourires miroirs se répondirent. Doux et complices, remplis d'une infinie tendresse. **************** Comme tous les vendredi après-midi, Shion avait instauré la réunion. Les treize Chevaliers d'Or avaient des Chevaliers d'Argent sous leurs ordres qui eux-mêmes avaient des Chevaliers de Bronze à leur pogne et ces derniers supervisaient le travail des gardes et apprentis. Tout le monde mettait la main à la patte pour reconstruire le Sanctuaire d'Athéna. Soit dit en passant, celle-ci avait regagné le Japon avec sa garde rapprochée et ô combien célèbre, admirée, vénérée, adorée, adulée, encensée de Chevaliers Divins. Ils étaient des héros après tout… Donc, pendant cette réunion, tous les problèmes étaient abordés. Mais ils n'y en avaient guère, à vrai dire. Car les treize dirigeaient leur petite armée comme s'ils partaient au combat. Ordre, discipline, acharnement au travail, don de soi, et surtout aucune plainte. Et les choses avançaient plutôt bien. Lentement, mais sûrement. Le Grand Pope était relativement satisfait, mais il souhaitait accélérer un peu la cadence. Parce qu'après tout, il leur laissait les week-ends de libres. Devant la levée de boucliers à laquelle il avait dû faire face lorsqu'il avait instauré ce travail de rénovation sept jours sur sept, à moins de se retrouver avec une grève générale sur les bras, il céda aux revendications. A savoir travailler dix heures par jour ce qui nous amène à cinquante heures par semaine et les samedis et dimanches de repos. Bien mérité selon les uns, un tantinet usurpé selon d'autres qui ne pouvaient se servir de quelque chose qu'ils n'avaient pas : le cosmos. Quelle facilité pour Mû de transporter d'énormes blocs de marbre ou pour les jumeaux de les passer d'un endroit à un autre, via une autre dimension ou un triangle d'or. Et que dire de la glace plus que bienvenue pour faire glisser la pierre et l'ajuster parfaitement à ses voisines. Quant à tailler les blocs à la bonne dimension, Excalibure n'avait pas son pareil. Et sur ces dix heures quotidiennes, il y en avait trois consacrées à l'entraînement. Pas question de se ramollir. Enfin… chacun faisait avec les moyens qu'il avait… La réunion tirait à sa fin et Shion libéra ses Chevaliers. En fait, ils faisaient plus office de contremaîtres que de Chevaliers et certains semblaient apprécier moyennement. Il y avait ceux pour qui la reconstruction était une nécessité absolue par respect pour leur Déesse. Techniquement, c'étaient bien eux qui avait détruit le Sanctuaire, même si dans l'absolu c'était de SA faute à ELLE. Après il y avait ceux pour qui il n'y avait pas le feu au lac, et pour terminer, ceux qui auraient bien fait appel à une entreprise de BTP pour se charger de la besogne. Quitte à effacer la mémoire des ouvriers par la suite, mais ça, ce n'était pas le plus difficile. A peine un détail facilement réglable. L'un dans l'autre, les trois idéaux cohabitaient paisiblement. - Encore une réunion qui ne sert à rien, murmura Kanon en se glissant derrière son frère pour sortir. Parla-t-il trop fort ? Shion était-il plus près qu'il ne l'aurait cru ? L'ex Dragon des Mers se retourna lentement sous les yeux de ses compagnons, qui après quelques secondes de surprise préférèrent s'éloigner prudemment. Le regard que le frère de Saga vrillait sur Shion n'augurait rien de bon, pas plus que celui que le Pope dardait sur le cadet des jumeaux. Il fut décontenancé de voir que celui-ci ne baissait pas les yeux. Jusqu'à présent, s'il avait à peine haussé le ton, les douze Chevaliers d'Or finissaient par se plier à ses ordres. Mais pas Kanon. Peut-être était-ce dû au fait qu'il avait été loin de lui, loin d'une autorité supérieure. Chez les Marinas, jusqu'à ce que Poséidon se réveille, c'est le Dragon des Mers qui avait tout dirigé, tout régenté. Il était l'autorité supérieure incontestable et incontestée jusqu'à la fin de la bataille, quand le Général de Sirène avait découvert ses mobiles et s'était détourné de lui. Kanon était un rebelle dans l'âme et il en serait toujours ainsi. Pourtant, Shion avait cru qu'en retrouvant Saga, il mettrait un peu d'eau dans son vin, mais là, critiquer ouvertement son Pope devant ses amis était bien la preuve qu'il ne lui reconnaissait qu'un commandement partiel. - Je pense que ces réunions sont une perte de temps. On parle toujours de la même chose d'une semaine sur l'autre. Je me disais que tu pourrais les espacer. Tout en écoutant l'ex Dragon des Mers, le Pope avait gagné son bureau. Il invita Kanon à entrer et referma la porte. - Précise ta pensée, l'encouragea Shion en lui désignant un fauteuil face à son bureau sur lequel le frère de Saga se laissa tomber. Kanon baissa la tête et passa une jambe par-dessus l'accoudoir. Combien de temps allait-il tenir sans se trahir ? Cette attitude désinvolte et provocatrice était sa marque de fabrique. Quoi qu'il fasse, il finissait toujours par se comporter ainsi. Il cachait sa sensibilité derrière une certaine arrogance et une assurance feinte. Pas qu'il en ait honte, mais ça lui permettait de garder les gens à distance. Il choisissait de se laisser approcher, il décidait d'ouvrir la porte, il acceptait de faire entrer l'autre dans son espace vital. Ou pas. Il était le maître du jeu. Il savait que Shion ne supportait pas son comportement actuel et il comptait là-dessus pour le mettre assez en rogne et qu'il accède à sa demande, plus sous le coup de l'énervement qu'après une mure réflexion. Il glissa un regard entre ses cils et vit que le Pope s'agitait sur son fauteuil. - Je vais quitter le Sanctuaire, déclara-t-il d'une voix basse et rauque. Shion cessa de s'agiter. L'ex Dragon des Mers releva la tête, toujours ce même regard en coin pour voir le visage décomposé de son Pope. Il appuya son coude sur son genou et cala son menton dans sa main. Bon sang, que c'était difficile ! Allait-il se décider à parler ? - C'était donc ça ? Pour aller où ? s'étrangla la voix de Shion. Et maintenant, l'estocade finale. - Poséidon est d'accord pour que je reprenne la tête des Généraux des Mers et de tous les Marinas. Il vit l'ancien Bélier blêmir comme il n'aurait pas cru que cela fut possible. Shion était si blanc qu'il en était presque transparent. Il passa une main devant ses yeux, comme pour en chasser le malaise qui était brusquement monté dans sa poitrine lui mettant le cœur au bord des lèvres et surtout, surtout qui lui donnait des envies de meurtres. Il respira plusieurs fois profondément et parvint à retrouver un peu de son calme. - Tu peux m'expliquer ? parvint-il à articuler dans un souffle ténu. Shion ne broncha pas. Depuis le début de leur conversation, il sondait le cosmos de son vis-à-vis. Et ce qu'il découvrait lui confirmait bien que c'était avant tout pour cela que Kanon voulait s'éloigner. Il le sentait très perturbé, terriblement malheureux. Jusqu'à présent il avait réussi à donner le change mais apparemment, il venait d'atteindre le point de non-retour. Le cœur du Pope se serra. Une vague de compassion le balaya. Il le comprenait si bien. - Je ne comprends pas alors pourquoi tu veux partir. Tu n'as pas envisagé de révéler à cette personne la nature de tes sentiments ? Ou sans être trop direct, les lui faire doucement comprendre ? Shion ne résista pas longtemps et éclata de rire. Mais il voyait bien que le toujours ex Dragon des Mers tentait de cacher son désarroi derrière ce trait d'humour graveleux. - Moi c'est la droite, rétorqua-t-il en observant le visage de Kanon jusqu'à ce que la lumière se fasse en lui et qu'il éclate de rire à son tour. Kanon avait de nouveau ce masque de tristesse sur le visage et Shion ne savait pas comment faire pour lui redonner le sourire. Même un petit. Il percevait sa détresse, sa souffrance et ça lui serrait le cœur. - Il est… intelligent, cultivé, il a de l'humour et de l'esprit, poursuivit Kanon. Sa compassion n'a d'égale que sa gentillesse, sa loyauté et sa fidélité envers Athéna et ses amis n'est plus à démontrer. Et c'est un redoutable guerrier. Je sais pas comment je suis tombé amoureux, mais je sais que je ne suis pas digne de respirer le même air que lui. Je te l'ai dit, il m'est inaccessible. Et je meurs d'amour à petit feu... Durant sa tirade, Kanon avait le regard perdu dans sa mémoire qui lui repassait des images enjolivées par ses sentiments. L'étincelle qui s'était mise à briller dans ses yeux n'avait pas échappé à Shion. Que pouvait-il faire pour le soulager un peu ? Il voulait tellement l'aider. Tellement… Voir cet homme si fort, si puissant, si sûr de lui dans un état proche de la déprime, complètement à la merci de son cœur était presque insoutenable. - Alors ? Tu me laisses partir chez Poséidon ? reprit-il devant le manque de réaction du Pope. Comme je l'ai dit à Saga, stratégiquement, ça peut être un atout de savoir ce qui se passe chez lui. Et de toute façon, jamais plus je ne trahirai Athéna. Je resterai toujours un de ses Chevaliers, même si je ne suis pas là. A nouveau, le regard de Kanon s'était allumé d'une lueur ensorcelante. Shion se demandait si lui aussi aurait les yeux brillant s'il parlait de l'homme dont il était éperdument amoureux ? Serait-il capable de le décrire avec autant de passion ? La passion. Une chose dont il n'aurait pas cru Kanon capable. Enfin si, mais pas à un tel degré. Comme ça devait être bon d'être aimé par cet homme. Dévaster l'univers tout entier… Toujours dans la démesure le Dragon des Mers. - Et toi ? De qui es-tu amoureux ? Sans s'en apercevoir, le cadet des jumeaux avait adopté une étrange attitude. Aux yeux de Shion en tout cas. Le moindre de ses gestes semblait avoir un double sens et était empreint d'une grâce à la limite de la sensualité. Sa voix avait les accents rauque et chaud du désir. Les regards qu'il glissait entre ses longs cils déroutaient complètement le Grand Pope et le remuaient jusqu'au fond de son être. Se pourrait-il que Kanon soit en train de tenter de le séduire ? Non ! Impossible ! - Ecoute, reprit l'ex Dragon de Mers, je te proposerais bien quelque chose mais tu dois me promettre de ne pas te fâcher. Garde à l'esprit que ma proposition part d'un bon sentiment. Après tout, trente ans de main droite, le Pope devait avoir un grand besoin d'évacuer la pression, lui aussi. - Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ? L'ex Dragon des Mers plongea son regard émeraude dans celui de Shion qui resta harponné. Il était comme hypnotisé, fasciné par ces deux prunelles qui semblaient vouloir lire en lui jusque dans son cœur. - Tu sais, j'en ai connu des maîtresses et des amants. Des aventures sans lendemain ou de quelques jours, quelques semaines peut-être. Mais je n'ai jamais donné mon cœur. Et je ne le donnerai qu'une seule et unique fois. C'est ce que je viens de faire. Et tant pis s'il doit être piétiné et meurtri. Je préfère ça plutôt que de n'avoir jamais connu l'amour. Ces paroles frappèrent cruellement Shion en plein cœur. Kanon lui apparaissait sous un nouveau jour. Il était bien plus complexe qu'il ne l'avait cru. Il lui connaissait son côté rebelle, manipulateur, réfractaire à tout autorité ou presque. Mais là, c'était un nouvel aspect de sa personnalité qu'il découvrait. Et ça lui plaisait. Le frère de Saga n'était pas si égoïste. S'il l'avait prouvé en regagnant le giron d'Athéna, il le démontrait encore maintenant. Ce qu'il était capable de faire par amour dépassait l'entendement. Mais tant qu'il ne dirait pas qui était l'élu de son cœur, il valait peut-être mieux, effectivement, l'éloigner du Sanctuaire comme il le désirait. - C'est d'accord. Si Poséidon respecte le pacte de non-agression qu'il a passé avec Athéna, tu pourras même servir d'intermédiaire entre eux. Kanon s'avança vers le Pope et le prit dans ses bras. Une accolade amicale et fraternelle pour le remercier de l'avoir écouté et accédé à sa demande. Mais le contact fut une révélation pour l'ancien Bélier. Kanon s'écarta et un magnifique sourire étira ses lèvres. - Je reviendrai souvent et on pourra parler toi et moi… Kanon sortit du bureau et s'obligea à marcher calmement jusqu'à l'entrée du treizième Temple. A partir de là, il se mit à courir à plusieurs fois la vitesse du son sans trop savoir où il allait. Sans qu'il le veuille, sa course folle le mena jusqu'au petit Temple de Poséidon au Cap Sounion. Là, au somment de la falaise au bas de laquelle il devinait sans la voir la prison où son frère l'avait enfermé, il regarda les vagues se fracasser sur les rochers avec une violence inouïe, tout en reprenant son souffle. Soudain un terrible hurlement sortit de sa poitrine en feu. Un cri de désespoir, de souffrance à la mesure du colossal effort sur lui-même qu'il venait de faire tout au long de son entretien avec Shion afin de ne rien révéler, de ne pas se laisser aller à l'envie de se confier, afin de ne pas commettre l'irréparable. Voilà. Alea jacta est. Il quittait le Sanctuaire pour soigner son cœur. Shion le comprenait, son frère aussi. Il allait pouvoir se reconstruire… A suivre…
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