RESURRECTION

 

 

 

 

Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément
appartient à Masami Kurumada. L'auteur ne retire aucun bénéfice si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Genre
: romance/amitié/intrigue.

Rating
: interdit au moins de 18 ans.

Note
: nombreux couples principalement Yaoi.

Auteur : Gajin

J'espère que tu aimeras. Bonne lecture...

Index : clique sur le numéro du chapitre que tu veux lire :
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Chapitre 1

L'Ouzo de Milo.

 

Rhadamanthe s'autorisa une pause, posant la petite valise qu'il transportait. Il ôta le casque de son armure, qu'il calla sous son bras, et secoua sa chevelure blonde avec un plaisir non feint. Finalement, il laissa son regard embrasser le sanctuaire d'Athéna tout entier. Il remarqua des échafaudages vers le milieu de la pente : probablement le temple de la Vierge, qui avait été complètement ravagé durant les combats, selon les rapports qu'on lui avait faits parvenir. Il était probable que les autres informations en sa possession soient également fiables. C'était une bonne nouvelle. Le Spectre se concentra un instant et un regroupement de nombreux cosmos, un peu à l'écart, du sanctuaire attira son attention. Il valait sans doute mieux commencer par là. Inutile de créer un incident en entamant la montée sans que tous les Chevaliers soient à leur poste. Il était là en mission diplomatique après tout. Et les sanctuaires étaient en paix.

Dans l'arène, deux Chevaliers combattaient sous les encouragements de leurs pairs. Deux Chevaliers d'Or, qui se ressemblaient trop pour qu'il s'agisse d'une simple coïncidence. Le Sagittaire et le Lion. Dans l'agitation générale, personne ne semblait avoir remarqué le Spectre qui en profita pour observer les gradins. Une dizaine de Chevaliers en armure, d'Or, d'Argent ou de Bronze, formaient de petits groupes. Rhadamanthe en reconnut la plupart pour les avoir côtoyés ou combattus. Le Poisson, le Cancer et le Capricorne suivaient le match avec enthousiasme. Le Verseau et un Bronze, eux, semblaient n'en avoir rien à faire et discutaient calmement. Un peu plus loin, deux femmes Chevaliers d'Argent commentaient le match en compagnie de deux jeunes filles – qui ne faisaient certes pas partie de l'armée d'Athéna – et de deux autres Chevaliers de Bronze en armure.

Rhadamanthe reconnût dans l'un d'entre eux le Chevalier Pégase, et aussitôt son poing se serra. Il le tenait en grande partie pour responsable de la disparition d'Hadès et… Non. Il ne devait pas laisser libre court à ce genre de sentiments. Sa mission avant tout… Il prit une grande respiration. Ses yeux se posèrent finalement sur Kanon, qui discutait avec son jumeau. Ils semblaient heureux. Et proches. Le Juge choisit ce moment pour intensifier légèrement son cosmos : il fallait bien qu'il leur fasse sentir sa présence. L'ex-Marina se figea instantanément et se retourna vers le Spectre. Le reste de l'assemblée s'était levée d'un bond et, dans l'arène, le combat avait cessé. Rhadamanthe nota que les deux adversaires s'étaient précipités vers le groupe le plus… féminin, de manière à le protéger.

– Que fais-tu ici, Rhadamanthe?

Le Spectre se tourna vers une partie des gradins qu'il n'avait pas encore examinée et d'où provenait la voix. Il reconnut le Chevalier du Scorpion et s'inclina légèrement.

– Je viens apporter un document à Athéna, de la part de Sa Majesté.
– Sa Majesté ? Hadès est revenu ou Pandore a eu de l'avancement ? demanda Seiya.

Le Juge se crispa l'espace d'une seconde. Décidément, ce jeune Chevalier, il ne le supportait pas.

– Mon Seigneur est toujours dans son tombeau. Et Pandore ne règne certainement pas sur les Enfers. Cela vient de Sa Majesté, Perséphone, répondit-il le plus calmement qu'il put.
– Ah oui ! Celle que Zeus a mise aux commandes après qu'elle ait accepté de tous nous ressusciter ? C'est une lettre pour remercier Athéna de l'avoir enfin débarrassée d'Hadès ?

Une lueur de meurtre se mit à briller dans les yeux dorés de Rhadamanthe, et son cosmos s'intensifia. Mais avant même que les chevaliers d'Athéna aient pu réagir, le Juge avait réussi à reprendre le contrôle de ses émotions et se contentait de jeter un regard noir à Pégase. Milo choisit ce moment pour s'approcher, et s'emparer de la valise, posée aux pieds du Spectre.

– Je vais t'accompagner jusqu'au Palais. Je me suis assez entraîné aujourd'hui.

Rhadamanthe acquiesça et emboita le pas du Scorpion qui s'en allait déjà.

– Hé ! Milo ! Tu n'as fait que regarder ! Tu n'as même pas combattu !

C'est sans se retourner que le Scorpion répondit, d'un ton las.

– C'est déjà largement suffisant, je t'assure, Aiolia…

********************

Le début de la montée se fit sans incident. Milo grimpait doucement, sans dire un mot, passant les temples désertés par leurs occupants. Rhadamanthe suivait, docilement. L'intervention du Scorpion l'avait soulagé, et il lui en était reconnaissant. Il aurait bien voulu le remercier mais le comportement de Milo l'en avait dissuadé. Si le Chevalier souhaitait limiter les échanges, il aurait été malvenu d'en imposer. Au milieu des escaliers, Milo s'arrêta et se retourna vers Rhadamanthe.

– Attends-moi là.

Il grimpa quelques marches, puis revint sur ses pas.

– On répare le temple de Shaka. Ils sont tout un groupe là-bas, expliqua-t-il en indiquant les échafaudages un peu plus haut. Vaut mieux que j'aille les prévenir. Ikki est probablement encore plus impulsif que Seiya…

Et il laissa le Juge, seul sur les marches, pour filer chez la Vierge.

Décidément, ce Chevalier intriguait le Juge. L'humeur du Scorpion était sombre. Cela se ressentait jusque dans son cosmos. En même temps, c'était bien la sensibilité, ou l'intelligence, de l'Or qui avait désamorcé la situation dans l'arène, et qui prévenait celle-là… Pourtant, le Spectre en était certain, Milo se souvenait parfaitement qu'ils avaient été adversaires, que le Juge l'avait tué. Rhadamanthe soupira. S'il commençait à se poser des questions sur les raisons du comportement de ce Chevalier… La mission que Perséphone lui avait confiée était délicate, il ne pouvait pas se permettre de laisser son esprit divaguer. Il réfléchit… Il fallait aussi prendre en compte le fait que le Scorpion pourrait s'avérer utile, si tout se passait selon les vœux de sa Déesse. Alors qu'il était perdu dans ses réflexions, les yeux du Spectre accrochèrent l'arène, en contrebas. Il se concentra pour essayer de savoir qui étaient les adversaires du moment, sans succès. Les cosmos étaient trop mêlés les uns aux autres pour qu'il parvienne à… Une Galaxian Explosion. S'agissait-il de Kanon ? Non… ce cosmos, c'était celui de Saga, il en était certain. Contre qui se battait l'ancien Pope ?

– Hé ! Tu rêves ?

La voix de Milo était presque taquine. Rhadamanthe sourit au Scorpion.

– Un peu… On peut y aller ?
– Oui. Shun a réussi à faire comprendre à son frère que Shaka ne supporterait pas que son temple subisse de nouveaux dommages… et qu'il fallait qu'il se tienne tranquille. Je crois qu'ils ont tous décidé d'aller voir s'il n'y avait pas du boulot pour eux dans les quartiers privés de Shaka.
– Nous ne croiserons personne, si je comprends bien.
– Plus ou moins. Aldébaran, Kiki et Mû sont sur le toit. Ils nous verront mais ils sont tombés d'accord sur le fait qu'ils ont suffisamment de travail pour ne pas avoir le temps de prendre une pause.
– Je vois… Milo ?

Le Scorpion, qui avait repris la valise et commençait à monter les marches, s'arrêta et interrogea le Juge du regard.

– Merci pour tout, dit Rhadamanthe grave.

Le Chevalier haussa les épaules mais, alors qu'il s'apprêtait à repartir, il se ravisa et se retourna vers Rhadamanthe.

– On va passer chez moi, avant d'aller au Palais. Tu pourras y poser tes affaires. Cette valise ne contient pas qu'une lettre, non ? continua-t-il devant l'air surpris du Spectre. Tu comptes rester longtemps ?
– Le temps qu'il faudra à Athéna pour me donner une réponse. Sa Majesté lui demande de bien vouloir m'accorder l'hospitalité quelques jours…
– Tu sais ce qu'il y a dans cette lettre ?
– Évidemment.

Le Scorpion tiqua, mais Rhadamanthe choisit de ne pas relever. Il n'était pas là pour semer le trouble dans l'esprit des chevaliers d'Athéna. Perséphone avait été parfaitement claire sur ce point. L'heure n'était pas aux polémiques, aux remises en questions des us et coutumes respectives des sanctuaires. Tact et diplomatie étaient les mots-clés de sa mission. Et il comptait bien coller au mieux aux souhaits de sa Reine.

– Bon, c'est pas tout…, reprit le Scorpion, mais on a encore la moitié du chemin à faire. Ca te dérange pas, au moins, de squatter chez moi, si Athéna t'y autorise ?

Est-ce que Milo avait utilisé le terme squatter à dessein ? Rhadamanthe décida que non et choisit donc de ne pas s'en offusquer.

– Non, du tout. J'essaierai de ne pas être un invité trop envahissant. Mais, et toi ? Ça ne te pose pas de problème ?

Milo baissa les yeux. Rhadamanthe allait s'excuser pour sa curiosité déplacée, quand Milo releva la tête un léger sourire accroché au visage.

– Je vais être honnête : ça ne m'en pose aucun. Ça m'arrange même.

Le Scorpion ne laissa pas au Juge le temps de poser la moindre question, et se relança à l'assaut des marches. Rhadamanthe le suivit, notant tout de même que Milo venait de lui accorder son premier sourire et que le Scorpion était particulièrement séduisant.

********************

 Dire que le palais d'Athéna n'était pas du goût de Rhadamanthe était un doux euphémisme. Il passait son temps à froncer les sourcils, tout en suivant Milo qui le guidait dans les couloirs. Des colonnes et des courants d'air. Par tous les Dieux que ce Palais pouvait être froid, malgré la chaleur étouffante qui régnait à l'extérieur. Le Spectre poussa un soupir : tact et diplomatie. Il n'était pas pour juger des choix architecturaux d'Athéna. Tant qu'il gardait son opinion pour lui, il n'était même pas obliger de les apprécier. Encore heureux. L'espace d'un instant, il imagina Hadès et Perséphone dans ce genre de Palais. Il chassa aussitôt cette pensée pour le moins déplaisante. Milo frappa à une lourde porte ouvragée. Une voix, masculine, s'éleva pour lui dire d'entrer. Milo s'exécuta faisant signe à Rhadamanthe de le suivre.

– Shion, Dokho… Athéna a de la visite. Officielle, rajouta-t-il en saluant ses aînés.

Les deux chevaliers regardèrent, étonnés, Rhadamanthe s'incliner très respectueusement devant eux.

– Juge Rhadamanthe ? Que nous vaut l'honneur… ?

C'était la voix de Dohko. Shion, de son côté, avait pris une position clairement défensive. Il n'appréciait pas le Spectre. Cette inimité était née principalement du fait de la méfiance que le Juge avait toujours ressenti envers les renégats. A cela, venait s'ajouter que le Juge avait vu juste et qu'il avait tenté de faire échouer le plan que lui, Shion, avait élaboré consciencieusement. Si Pandore et les autres lui avaient accordé un peu plus de crédit… Le Pope frémit et reporta son attention sur Rhadamanthe qui s'expliquait maintenant avec Dohko, Milo donnant des précisions de temps en temps. Le Spectre avait l'air parfaitement calme. Se sentant observé, il se tourna vers Shion et leurs regards s'affrontèrent. Le Pope fut surpris de n'y lire aucune agressivité. Après tout, le Juge était en droit de lui en vouloir : Shion avait trompé Hadès, comploté à sa chute… Shion sourit. Rhadamanthe et lui avaient fait ce qu'ils pouvaient pour leur dieu ou déesse. Ils avaient été tous les deux des serviteurs loyaux, devenant des adversaires implacables. Il n'avait aucune raison d'en vouloir au Spectre, si ce n'est celle d'avoir choisi de servir Hadès.

Mais Rhadamanthe avait-il vraiment choisi ? Lui-même avait-il vraiment choisi Athéna? Les Bronzes avaient-ils eu le choix ? Et, maintenant, les temps avaient changés. La paix était venue, saluant la victoire éclatante de sa Déesse. L'attitude de Rhadamanthe était sans doute bien plus pertinente que la sienne... Le Spectre avait-il compris ses réflexions ? Shion aurait juré l'avoir vu incliner légèrement la tête, comme pour acquiescer à la conclusion du Pope : nous ne sommes plus adversaires, si nous n'avons pas à être amis, au moins pouvons-nous nous montrer courtois. Shion s'approcha, posa sa main sur l'avant-bras de Dohko, signifiant ainsi au Chevalier de la Balance qu'il reprenait les choses en main.

– Va voir si Athéna peut les recevoir, je les emmène.
– Tu me donnes des ordres, maintenant ? s'offusqua Dohko.
– ...S'il te plait…? tenta timidement Shion, qui s'en voulait visiblement d'avoir blessé son ami.

Dohko explosa de rire.

– Regarde comment tu réagis… Tu prends tout beaucoup trop au sérieux, Shion !… Bon, je vais voir la gamine.
– Dohko !
– Qu'est ce que je disais ? Tu me rappelles son âge ? Et le mien ? lança la Balance en quittant la pièce.
– Pardonnez-le… Il essaye tellement de me distraire de cette paperasse qu'il en devient un peu trop… ingérable, s'excusa le Pope, en les faisant passer dans la salle du trône. J'imagine que vous connaissez cela aussi, aux Enfers, les problèmes d'intendance. Et le besoin de se changer les idées…

Aucun des subordonnés du Juge n'aurait osé lui parler comme ça, et encore moins manquer de respect de cette façon à sa Déesse. Aucun qui tienne un tant soit peu à son poste ou à la vie, en tout cas. Mais encore une fois, les paroles de sa Reine revinrent en mémoire à Rhadamanthe. Elle comptait sur lui pour ne pas faire d'esclandre.

– Nous avons tous nos façons de gérer les choses, répondit prudemment le Juge.
– Sans doute, oui, convint tout aussi diplomatiquement le Pope, qui regrettait un peu de s'être laissé aller à ce genre de confidences.

Que lui arrivait-il ? Voilà qu'il exposait ces états d'âmes à un homme dont il se méfiait comme de la peste quelques instants plus tôt. Dohko devait avoir raison : il avait vraiment besoin de repos. Il se tourna vers Milo.

– Tu voulais quelque chose, Milo ?
– Non, non… je suis juste venu pour escorter Rhadamanthe.
– Bien, dans ce cas, tu peux te retirer. Je m'en occupe. Et merci pour ton aide, Chevalier du Scorpion, rajouta-t-il après un instant.
– De rien, c'est normal… mais…
– Oui ?

Milo se gratta la tête, visiblement mal à l'aise.

– C'est que... Rhadamanthe va probablement rester un peu, et… enfin, je lui ai proposé de s'installer chez moi.
– Vraiment ? demanda Shion, interrogeant successivement le Scorpion et le Juge du regard.
– Dans sa lettre, sa Majesté émet le souhait de me voir rester quelques jours au sanctuaire… le temps pour Athéna de me donner sa réponse. Le Chevalier du Scorpion m'a offert l'hospitalité, sous réserve qu'Athéna donne son accord, évidemment, confirma le Juge de sa voix calme.
– C'est qu'il va bien falloir lui trouver un endroit où dormir… et comme je suis un des rares à être encore seul dans mon temple…, tenta de se justifier Milo.
– C'est vrai qu'il n'y a plus que toi, Shura et Aldébaran qui ne faites pas temple commun…
– Euh… juste Shura et moi, en fait. Shaka a déménagé chez Aldé : il ne supportait plus Kiki.

Shion passa une main lasse sur ses yeux. Il perdait pied…

– L'important, c'est que tout le monde ait un toit sur la tête, la nuit venue, hein…, finit par se consoler le Pope.
– Bof… c'est l'été, il fait beau… Un toit, c'est très surfait, en cette saison.

Shion se tourna vers le Scorpion, essayant de deviner si le Chevalier était sérieux ou non. Les deux, apparemment. La présence de Rhadamanthe semblait avoir une influence positive sur le Grec. L'humeur massacrante de Milo et les tendances asociales qu'il avait développées depuis leur résurrection à tous étaient parvenues jusqu'aux oreilles de Shion -c'est dire si elles n'étaient plus un secret pour personne au Sanctuaire– et voilà que le Chevalier d'Or plaisantait presque, offrait de partager son temple avec leur ancien ennemi… Shion ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou s'en inquiéter. Mais il devait reconnaître qu'il était soulagé. Il lui faudrait surveiller de près les agissements du Spectre, mais il soutiendrait la démarche de Milo auprès d'Athéna. Si c'était ce dont le Scorpion avait besoin, il n'y avait pas à hésiter.

– Et bien, Shion ? De quoi s'agit-il ?
– Athéna !

Aussitôt, le Pope et Milo s'inclinèrent profondément. Moins empressé, Rhadamanthe les imita tout de même, posant un genou à terre dans une attitude déférente.

– Relève-toi, Shion. Et explique-moi ce que fait ce Spectre d'Hadès dans mon sanctuaire.

Alors que Shion se portait auprès de sa Déesse, Rhadamanthe serra les dents. Le ton de cette voix… Il n'était pas un vulgaire Spectre… ! Il était un Juge des Enfers ! L'ambassadeur de sa Majesté Perséphone ! Et Il devait ravaler sa fierté et laisser un autre expliquer le but de sa mission… Pour sa Reine. C'était pour cette raison qu'elle l'avait choisi, lui. Elle savait qu'il serait capable de toute endurer par loyauté envers elle. Par amour, aussi. Il ne trahirait pas sa confiance. Jamais.

– Alors comme ça, ma cousine m'envoie du courrier ? questionna Saori Kido, après que Shion lui ait exposé la situation.

Aussitôt, Rhadamanthe se leva et tira de son armure un pli scellé qu'il présenta à la réincarnation d'Athéna. Il resta genou en terre, alors que la jeune fille prenait connaissance du contenu de la lettre. Alors qu'elle repliait le parchemin, Saori fit une petite moue.

– Perséphone a vraiment de ces idées… Pas forcément mauvaises, d'ailleurs, mais bon, un échange régulier d'émissaires entre les sanctuaires… Il faut que je réfléchisse, avant de lui donner une réponse. Et il va falloir te trouver un toit, Rhadamanthe, si j'en crois ce que je viens de lire…
– Si je puis me permettre, Déesse…, intervint Shion, le Chevalier du Scorpion, ici présent, s'est déjà proposé pour servir d'hôte à notre invité…

Saori haussa un sourcil.

– Vraiment, Milo ?
– En effet, Athéna, répondit le dit chevalier, toujours agenouillé.
– Parfait ! Le problème est réglé, alors ! Sur ce, je ne vous retiens pas, dit elle en se levant et regagnant ses appartements.

Shion s'approcha de Rhadamanthe et l'aida à se relever.

– Excusez-la… Parfois, elle a un comportement un peu…
– Vous n'avez pas à vous excuser, le coupa aussitôt Rhadamanthe. Ecoutez, je sais que notre passé commun est plutôt trouble, et que vous avez été en charge de ce Sanctuaire pendant très longtemps, vous jugerez peut-être que je ne me mêle de ce qui ne me regarde pas mais… si je peux me permettre un conseil…
– Allez-y…, l'invita Shion, intrigué.
– C'est une déesse, pas une enfant, ni un chevalier. N'endossez pas ses responsabilités. La persona ne perd jamais vraiment le contrôle, une fois qu'elle s'est réveillée.
– J'y penserai… Dohko ? Tu veux bien les raccompagner ? J'ai encore quelques papiers à classer…

La Balance accepta de mauvaise grâce, prévenant tout de même le Pope qu'il n'arriverait pas à se débarrasser de lui comme ça. Une fois sortis du Palais, Milo se tourna vers le vieux maitre, qui n'avait plus de vieux que le nom.

– Tu sais, je connais le chemin jusqu'à mon temple… en gros, il n'y a qu'à suivre les marches jusqu'au panneau Scorpion. Même moi, je devrais en être capable…
– Tu files un mauvais coton, Milo. L'autodépréciation, même cachée sous une couche d'humour, ça ne te va pas. Mais merci pour la proposition, gamin.

Rhadamanthe vit, surpris, la Balance continuer la descente à leur côté.

– Vous ne retournez pas… ?
– Non, répondit Dohko dans un sourire. Il a besoin de réfléchir à ce que tu viens de lui dire. Merci du coup de main, d'ailleurs. Ça aura peut-être plus d'impact si ça ne vient pas de moi… Et puis, il faut bien que quelqu'un fasse le lien entre lui et le reste des chevaliers. Si je n'étais pas là, il ne saurait même que Marine et Aiolia sont ensemble…
– Shion doit vraiment être à l'Ouest, pour être passé à côté de ça. Même moi j'ai réussi à être au courant…
– Milo… qu'est ce que je viens de te dire ?, balança Dohko en le frappant sur le crâne.

La descente continua tranquillement, dans la bonne humeur, jusqu'à ce qu'ils arrivent à la huitième maison. Dohko les laissa pour continuer la descente en direction des arènes, non sans avoir souhaité un bon séjour à Rhadamanthe. Alors que le Scorpion et le Juge entraient dans les appartements privés du chevalier, un sourire vint se poser sur les lèvres de la Balance. Milo semblait aller mieux… c'était une excellente nouvelle.

********************

 – Je ne reçois plus beaucoup, alors ce n'est pas très bien rangé, s'excusa Milo en faisant entrer Rhadamanthe dans ses appartements.

Le Scorpion était bien en-deçà de la vérité. Le salon était dans un état effroyable, ce qui provoqua un haussement de sourcil chez le Juge.

– Plus ? souligna-t-il.
– Ouais… Enfin, même avant, c'était à peine moins catastrophique… reconnût Milo, en rassemblant les vêtements qui gisaient ça et là. Tu veux boire quelque chose ?
– Pourquoi pas… Qu'as-tu à me proposer?
– Bonne question. Installe-toi, je vais voir ça…

Pendant que Milo filait à la cuisine faire le tour de ce qui était consommable, Rhadamanthe se mit à ranger un peu. Des magazines, qu'il empila sur la table basse… Des sachets de chips, de biscuits d'apéritifs vides ou à peine entamés mais au contenu douteux, dont il remplit un sac plastique trouvé sous un pull… Le chevalier du Scorpion se laissait visiblement aller. Et pourtant, Milo l'avait très vite invité… Il faudrait qu'il en parle à Perséphone. Il y avait là un mystère qu'il souhaitait percer.

– Je n'ai pas grand-chose… de la bière, de l'ouzo et… j'ai trouvé une bouteille de whisky au fond de mon frigo, cria une voix depuis l'autre pièce.
– Un whisky, ça m'ira très bien, répondit le Juge sur le même ton.

Quelques instants plus tard, Milo revenait dans la pièce avec un plateau sur lequel trônaient deux verres, une bouteille de whisky à moitié remplie, une bouteille d'Ouzo et une carafe d'eau. Il posa le plateau sur la table basse, et regarda le Juge qui continuait de ranger.

– Laisse… je m'en occuperai…
– Tsss… Sers-moi mon whisky pendant que je finis de débarrasser le canapé.
– Sérieusement… ça me gêne… Je t'ai invité et…

Rhadamanthe tourna le regard vers un Milo visiblement mal à l'aise. Le Juge soupira et s'installa dans le canapé qui avait retrouvé un aspect normal.

– Comme tu veux. Mais si je vis ici, même pour quelques jours, je ne vais pas me contenter de te regarder en me tournant les pouces.
– Entendu, mais… on s'en occupe après, d'accord ? demanda Milo, en tendant son whisky au Juge.

Rhadamanthe acquiesça en prenant son verre, bientôt rejoint par un Milo sirotant son ouzo. L'alcool que lui avait servi le Scorpion était bon, et le Juge le savoura lentement. C'est le Chevalier d'Athéna qui le premier troubla le silence.

– Ça se passe comment, pour vous ? Toute cette histoire de résurrection, je veux dire…, précisa Milo comprenant que sa question était relativement obscure.

Comment « ça » se passait aux Enfers ? Le Juge grimaça. « Ça » se passait mal, il fallait bien le reconnaître. Mais il n'était pas certain de pouvoir s'en ouvrir franchement à son hôte.

– Pas très bien, j'en ai peur. Mais j'imagine que c'est normal : nous avons perdu, après tout.
– C'est vrai… je suis désolé.
– D'avoir gagné ? Tu ne devrais pas, Chevalier. Et puis, tout n'est pas si noir, de notre côté… Toute cette histoire a permis à sa Majesté Perséphone de revenir parmi nous plus tôt que prévu. Et sous sa véritable forme, en prime.
– Comment ça ?
– C'est son véritable corps que Sa Majesté utilise. Zeus ne pouvait pas permettre que les Enfers soient laissés sans dirigeant le temps nécessaire à une réincarnation.
– Je vois… Et… elle est comment, Perséphone ?
– Tu es bien curieux …

Milo se mit à rire, gêné.

– Pardon. Je ne voulais pas être indiscret.
– Ce n'est rien …
– Alors ? Elle est comment ?, osa à nouveau le Scorpion.

Rhadamanthe se perdit quelques instants dans l'ambre de son verre.

– Merveilleuse…. Tout simplement merveilleuse, murmura-t-il en terminant son whisky d'un trait. Mais je ne suis pas objectif, dès qu'il s'agit de sa Majesté.
– Je ne voulais pas… Je suis désolé, si j'ai commis une gaffe…

Rhadamanthe se leva pour se resservir et se donner un peu de contenance, par la même occasion.

– Ne t'inquiète pas. Mes sentiments pour Sa Majesté ne sont pas un secret. Ni pour moi, ni pour elle, ni même pour sa Majesté Hadès.
– Hadès est au courant que tu…?

Milo n'osait pas continuer. Le Juge lui faisait des confidences et il n'était pas certain de mériter la confiance qu'il lui témoignait. Mais en même temps, il avait envie… besoin, peut-être, de se lier au Spectre. Rhadamanthe lui sourit, en se réinstallant confortablement, et reprit sur un ton parfaitement calme.

– Que j'aime sa femme ? Oui. Mais je ne suis pas amoureux d'elle. Sa Majesté est la personne la plus importante de mon existence, mais il n'y a aucune ambigüité dans nos relations. C'est difficile à expliquer, en fait. Elle est comme ma mère, ma sœur, ma fille… Elle est tout ça et plus encore. C'est ma Reine. C'est Sa Majesté Perséphone. Et je ne serais pas à ce poste si je n'éprouvais pas ce genre de sentiments.
– Qu'est-ce-que tu veux dire ?, demanda, véritablement intéressé, le Scorpion.
– La Wyverne est le protecteur attitré de Perséphone. On ne peut pas porter ce surplis sans éprouver un attachement très particulier pour Sa Majesté. Hadès le sait. C'est lui qui a détaché la Wyverne au service de son épouse. Deux Juges sont sous les ordres directs de notre Roi. Moi, je suis sous ceux de ma Reine. C'est assez pratique : je n'ai à me soustraire à mes obligations envers elle que lorsque Minos et Eaque ne parviennent pas à tomber d'accord.
– Ça ne doit pas être facile pour toi d'être ici… si tu tiens autant à elle.

Rhadamanthe regarda Milo, avec attention. La douleur se lisait dans les yeux du Scorpion. Quelque chose s'était cassé chez lui, et il avait décidé de ne pas le réparer. Et au vu de son intérêt pour les sentiments du Juge, la cause était probablement amoureuse. Même si ce n'était qu'une partie de l'explication du mystère Milo, le Spectre comprit instantanément pourquoi il s'intéressait tant à ce Chevalier. Il haussa les épaules.

– Je ne dis pas que c'est agréable. J'ai même essayé de me défiler, pour ne pas la quitter. Mais cette mission est capitale à ses yeux, et qu'elle me l'ait confiée… c'est une preuve de confiance. Si elle avait pu faire autrement, je sais qu'elle m'aurait gardé à ses côtés. Je l'aime… mais elle m'aime aussi. Tu aurais quelque chose à manger ? Deux whiskies à jeun, par cette chaleur… j'ai un peu de mal, avoua le Spectre, pour changer de sujet.
– Oh… on devrait bien trouver quelque chose de comestible, quelque part…

L'après-midi s'écoula doucement. Les deux hommes partageaient leur temps entre bavardage et confidences, rangement et boissons, accompagnées des sandwichs qu'ils avaient pu se faire avec ce qu'il restait dans le réfrigérateur de Milo. Rhadamanthe en profita pour récolter quelques informations sur la situation au Sanctuaire. Depuis la résurrection, près d'un mois auparavant, aucun Chevalier n'avait quitté les lieux. L'accueil des Bronzes, qui avaient débarqué avec armes et bagages –bagages qui répondaient aux noms de Shunreï et Seika- n'avait pas été simple, mais chacun avait fini par se trouver une place, tant bien que mal.

Mû partageait son temple avec Kiki et avait accueilli Shaka quelques temps, jusqu'à que celui-ci, fatigué par le comportement enthousiaste du disciple de son ami, s'installe une maison plus haut, chez Aldébaran. Kanon et Saga occupaient la Maison des Gémeaux. Aphrodite avait emménagé chez le Cancer, sous le prétexte fallacieux d'offrir à Ikki et Shun l'hospitalité de son temple. Marine vivait à présent avec Aiolia et avait laissé sa maison à Seika, que Shina couvait du mieux qu'elle pouvait. Dohko avait récupéré Shiryu et Shunreï. Ayoros, qui avait vu Seiya s'installer d'autorité dans le temple du Sagittaire, passait le plus clair de son temps chez Shura. Ceux qui pensaient qu'il cherchait à éviter Pégase au maximum n'étaient pas loin de la vérité. Hyoga, trop heureux d'avoir retrouvé son Maitre, ne quittait plus Camus d'une semelle. Restaient Athéna et Shion qui avaient leurs appartements respectifs au Palais. Bien évidemment, tout le monde allait voir un peu tout le monde, pour quelque raison que ce soit, et il n'était pas rare de voir, au petit matin, des chevaliers encore à moitié endormis rejoindre leur demeure respective dans l'espoir d'oublier sous une douche une soirée trop arrosée.

– Et toi ? Avec qui te saoules-tu ?

La question de Rhadamanthe sembla figer instantanément le Scorpion qui eut un pauvre sourire.

– Avec toi, fit-il en levant son verre.

Devant l'air à la fois sérieux et calme du Spectre qui n'avait pas bronché, Milo ne put s'empêcher de se justifier.

– C'est pas… si grave, t'inquiète. C'est même pas grave du tout, quand on y pense.
– Milo…
– MILO !

Au cri venant de l'extérieur, le visage de Milo s'était fermé. La mélancolie l'avait déserté pour laisser place à un regard d'une dureté peu commune.

– Au salon, Aiolia ! cria Milo, en s'écartant un peu de Rhadamanthe.

Le Chevalier du Lion entra dans la pièce comme un tourbillon, et s'arrêta net en voyant le Spectre.

– Dohko nous avait prévenus, mais je ne voulais pas le croire… Tu l'héberges, alors ?
– Comme tu vois… tu veux quoi ?

Le ton du Scorpion était légèrement agressif.

– On te voit tout à l'heure, au palais ? C'est Angelo qui s'occupe du repas…, précisa le Lion.
– Je ne pense pas… Le voyage a un peu fatigué Rhadamanthe, et je ferais un bien mauvais hôte si je l'abandonnais le premier soir…
– Pas la peine de te chercher d'excuse… si tu ne veux pas venir, tu le dis, et c'est tout, cracha le Lion.

Sentant la tension monter d'un cran entre les deux serviteurs d'Athéna, le Juge ne put s'empêcher d'intervenir. Tact et Diplomatie. Tact et Diplomatie…

– Milo a raison… C'est moi qui lui ai dit que je voulais passer une soirée au calme. Je ne suis pas habitué à toute cette agitation, ni à cette chaleur. Le rythme aux Enfers est légèrement différent. Je vais rester quelques jours, je suis certain que nous aurons d'autres occasions pour faire connaissance.
– Demain soir, pour l'inauguration du nouveau temple de Shaka ?
– Ils ont déjà fini ? demanda, surpris, Milo. On y est passé en montant, tout à l'heure et…
– Il doit rester des choses à faire, mais, a priori, il est habitable. Shaka emménage demain, et il fait une fête. Vous en serez ?
– Ma présence à cette occasion ne serait-elle pas inopportune ? Après tout, le temple de la Vierge a été détruit durant la guerre…, remarqua Rhadamanthe, avec le plus grand calme.
– Bah quoi, c'est pas toi qui l'a détruit, si ? Et puis on est en paix… Tu es bien là pour améliorer les relations entre les sanctuaires, non ? Ce sera une excellente occasion. Je m'occupe d'arranger ça, je vous tiens au courant. Passez une bonne soirée, finit-il par lâcher avant de quitter le temple.

Dès que le Lion fut parti, Milo poussa un long soupir.

– Merci de m'avoir couvert…
– De rien. Je peux savoir… ?
– J'ai pas envie de les voir, coupa Milo d'un ton sans appel. Je t'ai dit que ça m'arrangeait que tu t'installes chez moi, je ne te mentais pas. On va s'occuper de ton lit ? Chambre commune, mais matelas séparés : tu dors par terre. Ca te va ?
– Je n'aurais pu rêver mieux, répondit le Juge, le plus sérieusement du monde.

********************

 Le soleil déclinait sérieusement quand Rhadamanthe s'approcha de Milo qui rangeait la vaisselle. Ils avaient fini par abandonner leurs armures respectives pour des tenues plus civiles. Mais si Milo s'était glissé avec bonheur dans un tee-shirt trop large qui flottait sur un jean délavé, son invité avait choisi un costume trois pièces, d'un marron presque noir, au classicisme étudié. Le Juge semblait aussi à l'aise dans cette tenue que le Scorpion dans ses vêtements informes.

– Vous avez un cimetière, ici ? demanda le Spectre.
– Euh… oui. C'est quoi, cette question ?
– J'aimerais faire mon rapport à Sa Majesté. J'ai plus de facilités à la contacter dans les cimetières. Ce qui n'est guère étonnant, si on y réfléchit.

Le ton parfaitement calme du Juge perturbait un peu le Scorpion. Mais le Grec devait bien se l'avouer : ce flegme constant était un trait de caractère qu'il appréciait chez l'Anglais.

– Tu veux y aller maintenant ?
– A part si tu as quelque chose d'autre de prévu…

Il s'agissait du genre de phrases que lui, Milo, n'aurait certainement pas pu proférer sans y glisser de lourds sous– entendus. Pas avant , en tout cas. Mais la voix de Rhadamanthe, elle, était restée parfaitement neutre.

– On est parti, alors ! Le reste pourra bien rester comme ça… jusqu'à ce qu'on s'en serve.

Le cimetière du Sanctuaire était un peu à l'écart, et donnait sur la mer. Alors qu'ils arrivaient, après avoir marché une petite demi-heure, Rhadamanthe perçut le trouble de Milo.

– Ça ne va pas ?
– C'est rien… Juste que ça fait bizarre de revenir ici, alors qu'ils sont revenus à la vie, fit le Scorpion en pointant les tombes les plus récentes.
– J'imagine… fit le Juge. Je vais essayer de faire vite.
– Prends ton temps…, murmura Milo alors que son regard se perdait déjà sur les pierres tombales.

Notamment une, nota Rhadamanthe pour lui-même, avant de tendre son cosmos dans un appel vers sa Reine. Qui répondit aussitôt.

– Rhada ?
– Majesté… Comment allez-vous ?
– Bien, bien… Et toi ?
– Athéna a semblé plutôt bien accueillir votre proposition.
– Vraiment ? C'est une excellente nouvelle… mais tu n'as pas répondu à ma question…
– Je vais bien, Majesté.
– Rhada, je te connais. Tu ne peux rien me cacher, tu le sais. Quel est le problème ?
– C'est à propos du chevalier qui m'héberge…
– Qui est-ce ?
– Milo, le Chevalier d'Or du Scorpion.
– Et que se passe-t-il ?
– Il me fait penser à vous.
– Comment ça ?
– Vous savez… je me coupe du monde, je ne parle pratiquement à personne, je mange à peine…
– Rhadamanthe, mon chéri ? Ne serait-ce pas là un moyen détourné de me faire des reproches?
– Voyons, Majesté… je n'oserai pas…
– Mais bien sûr… Passe-le-moi.
– Pardon ?
– Dis-lui d'approcher ,à ce chevalier, je veux lui parler.
– A vos ordres…

Rhadamanthe reprit pied avec la réalité, et appela Milo. Ce dernier surpris accepta tout de même d'accéder à la demande de Perséphone et tendit son cosmos vers celui de la Déesse.

– Est-ce toi, Milo du Scorpion ?
– Oui…
– Je voulais te remercier d'offrir un toit à mon Juge. C'est très aimable de ta part.
– Euh… de rien, c'est normal. Et puis, il est plutôt sympa.
– Oui, je trouve aussi… Prends soin de lui, Chevalier. J'y suis très attachée…
– C'est ce qu'il m'a expliqué, oui…
– Il t'a… ?
– Il n'aurait pas dû ? Ne lui en voulez pas, pas à cause de moi… Je ne répéterai rien…
– De toute façon, ce n'est pas grave. C'est juste que… ça m'a surprise qu'il t'en ait parlé, c'est tout.
– Désolé...
– Je t'ai dit que ce n'était rien, ne t'inquiète pas… Bonne soirée Milo… et merci encore.
– Bonne soirée à vous…

Une fois Milo repartit un peu plus loin, Rhadamanthe sentit à nouveau la présence de sa Reine.

– Rhada ?
– Majesté ?
– Trouve ce qu'il a. Et fais au mieux.
– J'agirais selon votre volonté… mais je vous ferai remarquer que telle était déjà mon intention.
– Nos esprits s'accordent donc à nouveau, c'est merveilleux. Et à part ça, comment avancent nos affaires ?
– Je vous ai dit qu'Athéna…
– Je ne parlais pas de ça. Ne fais pas celui qui n'a pas compris.
– Aucune avancée concernant le reste, Majesté… dans quelque sens que ce soit.
– Et c'est plutôt positif, ou négatif, cette absence d'avancée ?
– Ni l'un, ni l'autre. C'est plutôt nul, en fait.
– Nul… ce n'est pas moi qui l'ai dit…
– Je vous trouve bien taquine, ce soir, Majesté.
– ... Tu me manques, Rhada.
– Vous aussi, vous me manquez. Je ferai au plus vite.
– Non. Fais au mieux. Tout ceci est trop important.
– Comme vous voulez.
– Rhada ?
– Majesté ?
– Prends soin de toi…
– Vous aussi, ma Reine. Je ne vous sais pas si je vous recontacterai...
– Oui. Inutile de leur donner des raisons d'aller imaginer un complot…
– My point, exactly. Bonne nuit, Majesté.
– Bonne nuit, Rhada.

Le Spectre resta quelques instants à savourer les bribes du cosmos de sa Reine encore présents dans l'air, puis il finit par se tourner vers Milo, qui l'observait, étrangement calme.

– Je comprends ce que tu entendais par merveilleuse, finit-il par dire. Son cosmos…

Rhadamanthe acquiesça en silence. Et ils remontèrent en direction du temple du Scorpion, sans prononcer un mot.

********************

– Milo ! Milo ! Je peux entrer ?

Rhadamanthe faillit lâcher sa tasse de thé, en reconnaissant la voix. Milo eût un sourire en direction du Juge avant de quitter son canapé pour aller ouvrir. Le Scorpion n'avait pas l'air aussi ennuyé que lorsque le Chevalier du Lion était venu, plus tôt dans la journée.

– Tu demandes la permission, maintenant ?, demanda-t-il avec un sourire en faisant entrer Kanon.

L'ex-Marina jeta un coup d'œil à la table, avant de s'installer dans un fauteuil.

– Par l'Olympe, Milo ! Qu'est ce que c'est que ça ? fit-il en pointant la théière.
– Je ne suis pas responsable ! C'est sa faute, à lui, répondit Milo en montrant le Spectre… Tu veux un verre ?
– Avec plaisir ! Descendre jusqu'ici m'a donné une de ces soifs !

Milo s'éclipsa en direction de la cuisine, laissant Kanon et Rhadamanthe seuls quelques instants. Mal à l'aise dans le silence qui s'était installé, le cadet des Gémeaux chercha à se justifier.

– Je viens du Palais… on a fait une fête. Et il faut bien que quelqu'un vienne faire son rapport, puisque notre Scorpion a décidé de mener une vie rangée en buvant du thé !

Il avait terminé sa phrase en hurlant presque, afin que Milo l'entende.

– Kanon, je t'ai dit que je n'étais pas responsable, pour le thé…, fit le Scorpion en revenant et en servant deux verres d'Ouzo.
– Tu veux me faire croire qu'il a ramené ses sachets depuis les Enfers ?

Alors que Rhadamanthe secouait doucement la tête en signe de dénégation, Kanon se retourna vers Milo, un sourire vainqueur aux lèvres. Sourire qui disparut aussitôt qu'il vit l'air sombre du Scorpion. Boulette. Qu'à cela ne tienne... Le Chevalier des Gémeaux tenterait de se rattraper avec son résumé.

– Vous avez loupé une soirée absolument phénoménale… Une des plus intéressantes qu'il m'ait été donné de voir, en tout cas.
– Je m'en veux d'avoir manqué ça, fit Rhadamanthe, en buvant tranquillement son thé.
– Heureusement que je suis là, dans ce cas. Installe-toi Milo, ça risque d'être long… Quand je dis que c'était phénoménal… Bon, on va commencer par le plus lourd… sans mauvais jeu de mot. Shina a jeté son dévolu sur Aldébaran !
– Vraiment ?, s'étonna Milo.
– Sans rire. Il ne savait plus où se mettre… il a passé la soirée à essayer de se cacher. Tu imagines ? Notre Taureau dépassant de partout de derrière les colonnes et les statues. C'était hilarant.
– Le Chevalier du Taureau aurait-il des raisons particulières pour… fuir à ce point cette personne ?, questionna le Juge.
– On voit qu'il ne connait pas Shina, hein…, fit Kanon en s'adressant à Milo qui ne put qu'acquiescer. Cette fille est une vraie furie… et puis, j'ai cru comprendre qu'Aldé… Comment dire… Il pense qu'elle se moque de lui. Elle va avoir du boulot si elle est vraiment sérieuse…
– Tu en doutes ?

Milo semblait vraiment intéressé. Comme toujours lorsqu'il était question d'amour, remarqua Rhadamanthe. Le Scorpion était détendu en présence de l'ex-Marina. Il souriait presque aux différentes anecdotes que lui racontait Kanon. Il faut dire que le Gémeau avait le don de rendre le récit vivant, avec un ton légèrement moqueur qui convenait parfaitement à l'état d'esprit de Milo. Kanon, de son côté, paraissait avoir complètement oublié la présence du Juge. Il ne s'intéressait plus qu'à son jeune collègue, déployant des trésors d'énergie pour lui donner le sourire. Rhadamanthe en aurait presque été vexé si ça ne lui avait pas permis de collecter une foultitude d'informations totalement futiles – par exemple que si Ayoros tolérait Seiya dans son temple, la sœur de ce dernier n'y serait pas totalement étrangère - et d'observer à loisir le cadet des Gémeaux.

Le Spectre devait bien reconnaître qu'il était étrange de se retrouver dans la même pièce que celui qui l'avait conduit à la mort. Il se souvenait de leur combat… de ce qu'il avait ressenti. Pour la première fois, il se trouvait dans la posture du perdant. Son orgueil avait beau lui dire que Kanon avait dû se sacrifier et que donc, techniquement, il y avait eu match nul… Il devait bien se rendre à l'évidence, ne serait ce que par honnêteté intellectuelle : tel n'était pas le cas. Kanon l'avait surpassé, vaincu. Et maintenant, il babillait en compagnie d'un autre Chevalier, en présence du Juge, comme si le passé n'existait pas, comme si tout cela avait été extrêmement naturel… Ou peut-être pas. Le Juge avait remarqué le trouble du Gémeau dans l'arène, sa gêne lorsqu'ils s'étaient retrouvés seuls, dans ce salon… Il dépassait ses sentiments pour Milo. Kanon se considérait comme l'ami du Scorpion. Et, visiblement, le Scorpion partageait cette affinité. N'avait-il pas sous-entendu que Kanon débarquait régulièrement dans son temple alors que, de son aveu même, il ne recevait personne ? Il y avait quelque chose entre ces deux-là, un lien particulier. Il n'avait pas eu l'occasion de beaucoup voir le Scorpion en société, mais Rhadamanthe était presque certain que Milo n'autorisait aucune personne à être aussi proche de lui. Aucun habitant du Sanctuaire tout du moins.

– Vous avez été aussi à l'origine d'un mini-scandale… Vous avez contacté Perséphone non ? Athéna a ressenti son cosmos…
– Euh oui, mais… Enfin, Rhadamanthe avait demandé l'autorisation à Dohko…
– Oh je sais ! Le vieux a passé la moitié de la nuit à courir après Shion pour se faire pardonner d'avoir oublié de le prévenir. Et l'autre moitié à se plaindre du caractère de cochon du Pope… Même Shiryu a fini par en avoir assez. Mais il a moins fait le malin, le Dragon, quand Dohko lui a expliqué qu'il aimerait bien le voir si, chaque jour, il se prenait la tête avec Shunreï à propos de son travail. J'ai l'impression qu'il y a de l'eau dans le gaz entre les centenaires…

– C'est inévitable, il faut croire…

La voix de Milo n'appelait pas de réponse. Mais Rhadamanthe finit par troubler le silence.

– Comment faites-vous ? Pour être au courant d'autant de détails, d'autant de scènes différentes ?
– J'ai un truc, j'avoue. En fait, on est deux. Je partage mes informations avec Aphro. On s'amuse beaucoup à jouer les commères. On a même réussi à corrompre Shura, Angelo… et même mon frère ! Ils avaient beau dire au départ qu'on était deux mégères, maintenant dès qu'ils sont témoins de quelque chose, ils accourent pour tout nous raconter. Tu imagines, Milo ? Saint Saga qui colporte des ragots ? C'est fabuleux ! J'adore !

Milo sourit franchement. L'idée était cocasse, il fallait bien le reconnaître.

– Et Camus ?

La voix du Scorpion était à peine un murmure.

– C'est le seul dont tu n'as pas parlé, ajouta Milo pour se justifier.
– Egal à lui-même… Non, en fait, Mr Freeze a réussi le tour de force d'être encore plus glacial que d'habitude. Il est parti tellement tôt que ça en a même surpris Hyoga. Le gamin parlait avec Shun, quand il a fallu qu'il rentre au bercail. Il avait presque l'air déçu, le pauvre. Mais Papa avait parlé, il n'avait pas le choix.

Le regard de Milo s'assombrit. Il finit son verre d'un trait.

– Je vais me coucher. C'est sympa d'être passé, Kanon. Vous n'aurez qu'à tout laisser comme ça quand vous aurez fini… je m'en occuperai demain. Bonne nuit, vous deux.

Et il disparut dans sa chambre. Kanon poussa un long soupir.

– Je vais y aller aussi… La route est longue jusque chez les Gémeaux…
– Je vous raccompagne.
– Je connais le chemin…
– Mais moi, je vais dehors…, dit le Juge en sortant un étui à cigarette.

Une fois à l'extérieur, Rhadamanthe s'en alluma une et en proposa une à Kanon, qui refusa tout net.

– Je peux vous poser une question ? demanda le Juge.
– Bien sûr… mais… Arrête avec le vous, s'il-te-plait. Ça me… met mal à l'aise. J'ai l'impression d'être aussi vieux que Shion, et je déteste ça.
– Entendu… Tu sais ce qu'il a, Milo ?
– Pourquoi ça t'intéresse ?
– J'ai mes raisons… Il y a quelque chose chez lui qui me rappelle quelqu'un à qui je tiens. Une partie de moi doit se dire qu'en aidant Milo, j'aide aussi un peu cette personne. Et puis, c'est un homme charmant.
– Mouais… et il l'était visiblement plus encore avant tout ça.
– Tout ça, quoi ? La guerre contre Hadès, la résurrection ?
– Non… a priori, c'est plus ancien que ça, encore. Evidemment, je ne sais que ce qu'on m'a raconté, vu que je n'étais pas là à l'époque, mais il parait qu'il faisait les quatre cents coups avec Aiolia dans tout le sanctuaire. Une catastrophe ambulante selon mon frère. C'est après la « bataille du Sanctuaire » qu'il a changé.

– Tu sais pourquoi ?

Kanon fit non de la tête.

– J'ai l'impression que personne ne sait vraiment… Il faut avouer que je me suis débrouillé pour qu'ils n'aient pas trop le temps de se poser ce genre de questions à l'époque. Mais ça aurait un rapport avec la mort des autres Ors. Certains pensent qu'il a pris conscience du poids de sa charge à ce moment là. Il s'est retrouvé, du jour au lendemain, dernier protecteur d'Athéna… Une sacrée responsabilité. Il était aussi le seul chevalier de la seconde moitié du Sanctuaire, et le dernier assassin encore en vie… Mais ça n'explique pas pourquoi il les évite tous depuis notre retour.

– Les ? releva Rhadamanthe. Il ne t'évite pas, toi ?
– Pas trop. Disons que tant que je débarque tout seul, je peux rester autant que je veux avec lui. On passe même de bonnes soirées tous les deux, compte tenu de son humeur. Dohko, il le supporte à peu près. Ayoros et Shion aussi. Les autres, c'est une catastrophe. Et c'est pire depuis quinze jours. Au départ, il était à peu près sociable. Bon, ses remarques continuelles étaient blessantes… limite méchantes, mais il acceptait encore de traîner avec nous.

– Il s'est passé quelque chose ?
– Je n'en sais rien. J'ai posé quelques questions mais je n'ai rien trouvé. Et puis, soyons francs, tout le monde a ses propres problèmes à régler… Saga est occupé à se faire pardonner par à peu près tout le monde, Shura à renouer avec Ayoros, Angelo et Aphro à se bécoter,… tu vois le genre.

Rhadamanthe fronça les sourcils. Et d'un coup… une illumination.

– Comment s'est passé la résurrection ?
– Je ne comprends pas.
– Quand vous vous êtes réveillés… qu'est ce qui s'est passé ?
– Et bien… on s'est réveillé sur la plage, en bas, tous ensemble. Il y avait même les Bronzes et les filles ont débarqués quasiment immédiatement. Je suis me suis jeté sur mon frère dès que je l'ai vu, fit Kanon en rougissant légèrement. Ça faisait tellement longtemps que…

Rhadamanthe posa une main sur l'épaule du Gémeau.

– Tu n'as pas à te justifier, pas devant moi, en tout cas. Et Milo ? Tu sais comment ça s'est passé pour lui ?
– Je ne sais pas, je… Non… Enfin… Je me souviens que, quand j'ai accepté de lâcher Saga, Milo était debout et regardait en direction des temples. Je lui ai demandé ce qu'il avait… il m'a regardé, a explosé de rire et s'est mis à en marche… On l'a tous suivi… Mais son rire était bizarre.

Le Juge s'arrêta brusquement, forçant l'ex-Marina à faire de même et à se retourner.

– Kanon ? Je vais avoir besoin que tu me rendes un service.
– Quel genre de service ?
– Demain soir, pour la soirée de la Vierge… j'aimerais que tu t'occupes de Milo. Ça t'empêchera probablement de récolter de quoi remplir la page potin de la Gazette mais…
– Mais quoi ?
– Je veux avoir les mains libres, pour poser quelques questions. Je veux savoir ce qu'il s'est passé au moment où vous êtes tous revenus à la vie.
– Tu penses que ça a un lien avec le comportement de Milo ?
– J'en suis sûr. Il n'y a pas que ça, de ça aussi j'en suis certain, mais il s'est produit quelque chose à ce moment là qui l'a poussé à ne pas chercher à renouer avec les autres, à ne pas essayer de faire en sorte que tout redevienne comme avant. Si on veut l'aider, il faut découvrir ce que c'est.
– Ce ne serait pas plus simple si c'était moi qui posais les questions ?
– Tu étais présent… J'ai l'avantage d'avoir un regard vraiment neuf sur toute cette histoire. Je n'aurais qu'à dire que c'est un moyen pour moi de faire connaissance… C'est un sujet qui en vaut un autre, après tout.

Kanon ouvrit de grands yeux, et finalement explosa de rire.

– D'une banalité affligeante, même. C'est bon, je marche : je m'occuperai de Milo aussi longtemps qu'il faudra. Tu auras ta soirée de libre
– Merci… Je vais remonter alors. Autant je crois Dohko capable de ne pas hurler en me voyant traverser seul son temple, autant pour les autres, je préfère être prudent.
– Je comprends… Bonne nuit alors. Et merci pour Milo : c'est gentil de l'aider. C'est quelqu'un de bien... sans lui, je ne serais probablement pas là, alors... Merci, vraiment.
– De rien. Bonne nuit.

Rhadamanthe se ralluma une cigarette et regarda en direction du temple du Scorpion. La balade avait été agréable, le retour promettait de l'être un peu moins.

– Hé Rhadamanthe !

La voix de Kanon. Le Juge se retourna.

– C'est sympa de te revoir… C'est un peu bizarre mais… ça me fait plaisir.
– A moi aussi, Kanon. Sincèrement.

 

A suivre...

Chapitre 2

 

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