RESURRECTION

 

 

 

 

Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément
appartient à Masami Kurumada. L'auteur ne retire aucun bénéfice si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Genre
: romance/amitié/intrigue.

Rating
: interdit au moins de 18 ans.

Note
: nombreux couples principalement Yaoi.

Auteur : Gajin

J'espère que tu aimeras. Bonne lecture...

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Chapitre 15

 

Le Sang des Dieux

 

Dans la chambre de Rhadamanthe, Kanon laissait son regard courir sur le corps de son Juge. La Wyverne sortait de son bain, un bain que Perséphone lui avait imposé, le trouvant un peu tendu, un bain qu'il avait pris seul, tandis que son Gémeau aidait ses frères d'armes à s'installer. Dans la joie et la bonne humeur. Youpi. Milo, Camus et Hyoga se retrouvaient ensemble dans la chambre de Valentine. Shaka partageait celle de Queen avec Ikki et Shun, le Phénix ayant rapidement décidé qu'il n'y avait aucun danger à ce que les deux personnes les plus précieuses à ses yeux occupent le même lit – hors de question que l'un ou l'autre se contente d'un canapé ou ne soit pas avec lui.

Shion et Dohko avaient récupéré Shiryu. Marine et Aiolia avaient accepté Seiya et Ayoros avec eux. Angelo, Shura et Aphrodite, s'étaient installés tous les trois. Enfin, Aldébaran et Shina avaient rejoint Saga et Mû dans la chambre que Kanon avait déjà occupée. C'est-à-dire exactement celle ayant un mur commun avec la pièce dans laquelle le cadet se trouvait actuellement, allongé sur un grand lit, occupé à détailler consciencieusement le corps sculptural de la Wyverne. Qui avait noué une serviette autour de sa taille, et séchait ses cheveux, avec son mélange habituel de nonchalance et de gravité.

– Tu es vraiment beau, mon amour, lâcha le Grec.

Rhadamanthe se figea un instant puis vint s'installer à ses côtés, s'allongeant sur le lit.

– Merci… mais tu l'es davantage encore. Il n'y a personne sur terre de plus attirant et désirable que toi, fit-il en l'embrassant et le couvrant de caresses. Ce physique absolument parfait… ces yeux sages et espiègles… ce sourire doux et moqueur… Par tous les Dieux, Kanon… comment-est-ce possible que… tu m'aies attendu ?
– De quoi tu parles ? demanda le Gémeau entre deux baisers.
– Que personne ne t'ait sauté dessus… que tu aies été encore libre… que tu veuilles de moi…

Le cadet des Gémeaux s'écarta doucement, et passa une main sur la joue de l'Anglais.

– Avant toi, je ne savais pas que j'attendais quelqu'un. Avant toi, je n'avais jamais imaginé pouvoir être amoureux.
– Et maintenant ?

La question de Rhadamanthe surprit Kanon. De même que son inquiétude.

– Quoi, et maintenant ?
– Maintenant que tu sais que tu peux l'être, comment peux-tu encore vouloir de moi… ?

Kanon ouvrit de grands yeux, et réfléchit un moment.

– Shaka…, murmura le Grec, dans un sourire.

Ceux de la Wyverne se chargèrent d'horreur.

– Rhaaa ! Mais tu es insupportable, ma parole, fit le Chevalier en enlaçant brutalement le Juge. Et je m'excuse. Je sais que tu braques facilement et je continue à ne pas faire attention…

Contre la poitrine du Gémeau, Rhadamanthe serrait les dents et était à la limite de l'hyperventilation.

– Tu n'as pas à t'inquiéter. Tu n'as à t'inquiéter de rien, mon amour. Tu n'as pas à craindre que j'aille voir ailleurs… Personne ne m'intéresse en dehors de toi. Lorsque tu m'as embrassé, tu as ouvert une porte sur un monde que je ne connaissais pas. J'ai envie de l'explorer. De l'explorer avec toi. Seulement avec toi. Toi. Toi. Toi.
– J'ai peur de te perdre, Kanon…, souffla l'Anglais, qui se détendait peu à peu.
– Je sais. Tu me l'as déjà dit. Mais tu ne risques rien. Tu n'imaginerais pas Milo trahissant Camus, non ? Je suis certain que je t'aime encore plus qu'il n'aime son Verseau.
– J'ai confiance en toi… je veux avoir confiance. Mais je n'y arrive pas.
– Comment cela ?

Le Juge bascula de manière à contempler le plafond.

– Je ne sais pas comment l'expliquer… Je doute. J'ai peur. Je suis désolé, Kanon. Ça ne me ressemble pas.
– Ne t'excuse pas…, fit le Grec en venant se coller à la Wyverne. Essaie juste de m'expliquer. De quoi doutes-tu ?

Rhadamanthe sourit.

– Tu joues au psy ?
– Il paraît que les patients font souvent des transferts et tombent irrésistiblement amoureux de leur thérapeute, se justifia-t-il en faisant courir ses doigts le long des abdominaux du Juge. De toute façon, ça nous a plutôt pas mal réussi ces petites discussions jusqu'à présent et je t'avais dit que nous reparlerions de ta jalousie. Alors ?
– Je crois que je n'arrive pas à… comprendre que tu m'aimes. Je veux dire… Je sais que tu m'aimes. Tu me le montres, tout le temps, dans chacun de tes gestes, chacun de tes regards… Je vois ce que tu ressens pour moi. Mais c'est comme si ça refusait de s'imprimer. Dès que tu arrêtes de me regarder, dès que tu regardes quelqu'un d'autre, j'ai l'impression que… ce n'était qu'une illusion. Qu'un jour tu verras quel minable je suis, et que tu arrêteras de croire que tu m'aimes. Quand tu as embrassé Milo, quand je t'ai vu avec Shaka… c'est comme si une voix dans ma tête m'avait dit « tu vois, c'est enfin arrivé : il a ouvert les yeux».

Kanon se releva à moitié pour planter son regard dans celui de Rhadamanthe, les sourcils froncés.

– Depuis quand est-ce que tu crois que tu es un minable ?

L'Anglais le regarda, étonné et perturbé.

– Je… ne sais pas…, avoua-t-il après quelques secondes de réflexion. Mais je le pense. C'est exactement comme pour tes sentiments. Je suis Juge des Enfers, je sers Perséphone du mieux que je peux… mais non. Je suis persuadé que je ne vaux pas grand-chose…
– Tu ne sais pas depuis quand… parce que tu l'as toujours plus ou moins pensé ou parce que tu n'arrives pas à déterminer le moment où ça a changé ?
– Ca a changé. L'orgueil des Trois Juges est presque légendaire ici. On est très fiers de ce qu'on est, de ce qu'on fait. Mais j'ai l'impression que… ne le prends pas mal, mais j'ai l'impression que c'est depuis que… nous sommes ensemble.
– C'est la première fois que tu es… amoureux ?
– Je t'ai dit que je n'avais pas ce genre de sentiments pour Valentine, et il a été ma seule relation avant toi.
– Ca vient peut-être de là. Une relation amoureuse, c'est se mettre en danger…
– Tu te sens en danger ?
– Tu pourrais me détruire d'une seule phrase, mon amour.
– Comment fais-tu pour… surmonter ça ?
– Une Déesse est venue me dire que tu m'aimais. Et j'ai confiance. Ça doit venir de mon histoire avec Saga. J'ai quasiment été l'incarnation du mal absolu. Mon frère m'a emprisonné… mais je suis persuadé que, même à ce moment-là, il m'aimait encore. Moi, je l'ai toujours aimé. Je suis convaincu que les liens que nous tissons sont forts. Peut-être pas éternels, d'un autre côté, je ne vois pas l'intérêt vu que nous ne le sommes pas… mais suffisamment solides. Je ne sais pas si on restera ensemble, je l'espère du plus profond de mon cœur. Mais je suis convaincu que je t'aimerais toujours, Rhadamanthe. Et je suis persuadé que j'aurais toujours une place dans ton cœur, en bien ou en mal. Tu m'aimes trop pour que je puisse disparaître de ta vie.
– Comment pourrait-on trop t'aimer, Kanon ? J'ai l'impression que mon cœur seul ne suffit pas à te donner tout l'amour que tu mérites.
– Ca tombe bien… je n'en veux pas qu'à ton cœur. Ton âme et ton corps m'intéressent aussi, fit le Gémeau dans un sourire, avant d'embrasser le Juge, passionnément.

On frappa à la porte. Kanon et Rhadamanthe grognèrent.

– Dis-moi que nous n'avons pas besoin de répondre…, gémit le Grec.
– Ce n'est pas Perséphone. On fait ce que tu veux. Tu décides de tout, Kanon… absolument de tout…, confirma le Juge, tout bas.

On frappa à nouveau.

– On dira qu'on était dans la salle de bains, qu'on est désolés mais qu'on n'a rien entendu…, chuchota le Gémeau à l'oreille de la Wyverne.
– Tu es aux commandes…

A la porte, les coups redoublèrent, beaucoup plus insistants. Le Grec et l'Anglais se regardèrent longuement. Kanon grimaça en levant les yeux au plafond et poussa un long soupir. Ils échangèrent un dernier baiser, rapide et chaste, avant de se séparer.

– Entrez !

Deux regards noirs accueillirent Saga.

– Je ne vous dérange pas ? demanda l'aîné des Gémeaux.
– A ton avis ? grogna son cadet.

Rhadamanthe avait renoué sa serviette autour de sa taille et s'était levé pour aller chercher des vêtements. Kanon, lui, était resté allongé sur le lit, sa chemise largement ouverte, et complètement décoiffé.

– Bah… c'est qu'en fait on a tous terminé de s'installer…, hésita l'ancien Pope.
– Et vous vous êtes dit : « hé ! Ya pas un couple qui peut profiter d'un peu d'intimité pour batifoler gaiement ! Pas de raison que Kanon profite d'un régime privilégié ! Allons donc lui pourrir le début de sa vie sexuelle ! ». Non, vraiment c'est sympa, les copains. A moins que tu sois simplement venu nous chaperonner, de peur que je ne fasse des bêtises ?
– Attends, tu veux dire que… enfin, que… tous les deux, vous n'avez pas… et que toi, tu n'as… !

L'aîné des Gémeaux ouvrait de grands yeux et ne savait plus où se mettre. Même avec Mû – ils n'étaient pourtant pas ensemble depuis très longtemps –, ils avaient pu profiter d'une nuit fort agréable et intime, juste après l'annonce d'Athéna. Ils avaient été sages… un peu. Pas trop. C'était un sujet sur lequel il avait toujours jeté un voile pudique, Saint Saga n'ayant pas particulièrement confiance en son jumeau en matière de discrétion et tenant un tant soit peu à ne pas entacher sa réputation, même si évidemment il n'avait à rougir de rien –pour qui le prenait-on ?...

Et son frère venait plus ou moins de lui annoncer qu'il était encore vierge à vingt-huit ans… Plutôt plus que moins, d'ailleurs. Et en présence de la personne amenée à mettre rapidement un terme à cette situation. Le bon côté des choses, c'était que Kanon semblait le vivre assez bien. Sans honte, ni gêne… comme il convenait – et Rhadamanthe aussi, un bon point pour le Juge. Le moins bon côté, c'était qu'il semblait désireux d'évacuer sa légitime frustration sur la personne de son jumeau, qui avait viré à l'écarlate.

– Quand, Saga ? Quand est-ce que j'aurais pu ? J'ai passé mon adolescence au Cap Sounion et ensuite j'ai fait du baby-sitting avec les Généraux ! Pour Rhadamanthe et moi… Durant notre première nuit ensemble, Perséphone était dans le coma ! La nuit d'après, on préparait notre pseudo-fuite des Enfers… Au Sanctuaire bah, avec Perséphone à côté… et puis, la première nuit, je te rappelle que tu l'as passée avec nous. La seconde, Valentine était à l'infirmerie… Pour une fois qu'on nous accorde royalement une heure rien qu'à nous et qu'on n'a pas une crise majeure sur le feu, il faut que tu débarques !

Rhadamanthe ressortit du dressing en boutonnant sa chemise.

– C'est un mal pour un bien, fit-il d'une voix grave. Une heure n'aurait pas suffi pour la première fois dont je rêve avec toi…
– Vantard ! lui fit le cadet dans un sourire.
– Crois-tu ?

Les yeux d'or du Juge s'étaient plantés dans le regard bleu de Kanon. Il n'y avait ni prétention ni désir insatisfait… juste un extrême sérieux et de l'amour. Le Gémeau lui rendit la pareille, la majeure partie de sa frustration s'étant envolée comme par enchantement. L'Anglais se pencha pour le recoiffer un peu, d'un geste tendre.

– Rhabille-toi, mon amour, et allons nous occuper de tes amis.

Kanon frissonna.

– J'adore quand tu m'appelles comme ça… Saga, fit-il sans regarder son jumeau et en reboutonnant sa chemise, je te jure que tu me le paieras.

********************

Lorsque Perséphone et Athéna pénétrèrent dans le bureau de Rhadamanthe, toute la chevalerie y était réunie. Le Juge se mit instantanément à genoux. Après quelques instants de flottement, les Chevaliers l'imitèrent. Athéna ouvrit de grands yeux, et Perséphone les regarda d'un air désolé.

– Levez-vous, Chevaliers… Voyons, ne vous sentez pas obligés… Comportez-vous normalement, je vous en prie. Rhada, tu as une mauvaise influence sur eux.

La Wyverne se releva.

– La faute à mes très mauvaises fréquentations, Majesté. La votre, en particulier.
– C'est moi la responsable si tu tiens à un protocole que j'ai abrogé ? fit-elle dans un sourire.
– Plus ou moins. Vous êtes mon modèle… en matière d'opiniâtreté.

La Reine des Enfers lui sourit et se jeta dans ses bras. Le Juge l'accueillit et la serrant tendrement contre lui.

– Je t'aime, Rhada.
– Moi aussi, je vous aime, Majesté. Vous me rendez heureux, et vous me rendrez plus heureux encore dès que Sa Majesté sera parmi nous. Je vous remercie, Athéna, du cadeau que vous faites à ma Reine.
– Attends que cela soit fait, Rhadamanthe, pour me remercier, lui répondit la Déesse. Nous verrons dans quelles dispositions sera mon oncle à son réveil. Nous nous réjouirons plus tard.
– Tout ira bien, je te le promets, l'assura Perséphone.
– Nous verrons bien. J'ai choisi de faire confiance à Pos' sur ce coup…
– On parle de moi ?

Le Dieu des Mers fit son entrée, Pandore à son bras, Rune sur leurs talons. Il était tout sourire, sa main sur celle de la Prêtresse, naturel et décontracté. La sœur d'Hadès, de son côté, se sentait toujours mal à l'aise. La scène du trône… Elle avait confondu Minos et Poséidon. Quelle était la signification de tout ceci ? Son inclination pour le Griffon était-elle, elle aussi, une erreur ? Elle ne pouvait s'imaginer amoureuse du Dieu. Il… papillonnait trop. Il ressemblait trop à Eaque. Et même, le Garuda avait la bonne idée d'allier sa légèreté avec une sorte de cynisme désenchanté de bon aloi. Rien de semblable chez Poséidon. Rien qui venait compenser sa frivolité. Toute sa conduite était un scandale. Encore maintenant, alors qu'il lançait des sourires charmeurs à ses deux nièces.

– De qui d'autre, Pos' ? De qui d'autre ? fit tendrement Perséphone.
– Ne l'encourage pas, répliqua Athéna. Il va finir par se croire réellement irrésistible.
– J'en suis loin… Un irrésistible à qui, toutes deux, vous avez résisté, avouez que ce serait ridicule… mais je ne vous en veux pas. Pas trop, en tout cas. D'ailleurs pour te faire totalement pardonner, Nonie, il faut que tu acceptes de me rendre un service.
– Dis toujours, l'invita la Reine.
– Je veux que Valentine soit nommé ambassadeur des Enfers au Sanctuaire sous-marin.
– Il faut voir ça avec Rhada, Valentine est sous ses ordres… Rhada ?

La Wyverne s'excusa auprès du Balrog, avec lequel il était en grande conversation, pour s'intéresser à sa Reine.

– Majesté ?
– Serais-tu opposé au fait que Valentine soit envoyé en mission diplomatique permanente au sanctuaire sous-marin ?
– Pour quelle raison ? fit le Juge, peu enclin à laisser partir son bras droit, qui se trouvait être aussi son meilleur ami – ou inversement.
– Et bien, c'est très simple, fit, très sérieusement, Poséidon. Je veux que Sorrente garde son poste. S'il veut démissionner, c'est, en partie, parce qu'il ne peut pas quitter mon Sanctuaire aussi souvent qu'il le souhaiterait pour venir voir votre Harpie. Si Valentine s'installe chez moi, il arrêtera de me répéter que Io est tout indiqué pour le remplacer puisque que Baian est aussi Général. Oui, ces deux-là sont ensemble et Sorrente le vit assez mal...
– C'est vraiment ce qu'il t'a dit? s'étonna Athéna.
– Pas tout à fait dans ces termes, reconnût le Dieu. Alors, Rhadamanthe ?
– Pourquoi tenez-vous autant à ce que la Sirène reste à son poste ? demanda le Juge.
– Je pourrais te répondre que cela ne te regarde pas, mais ce n'est pas mon genre. Je l'aime bien. C'est un garçon intelligent et notre duo fonctionne parfaitement. Il me respecte suffisamment mais n'est pas obséquieux. Il a juste ce qu'il faut d'impertinence pour ne pas me laisser faire n'importe quoi. Un peu comme toi avec Nonie. Ensuite, il a une immense influence sur les autres Généraux. Même s'il quittait ce poste, ils viendraient tout de même lui demander conseil. Et surtout, Sorrente est le meilleur ami de Julian. Mon « véhicule » prendrait très mal le fait de ne plus l'avoir à ses côtés. Vous remarquerez que chacune de ces raisons est parfaitement suffisante…. Allez Rhadamanthe, je n'ai pas envie de me battre avec ma Sirène. Si Valentine est chez moi, je suis pratiquement certain que j'arriverai à le décider pour peu que je montre coulant sur la question de ses horaires.
– Vous allez négocier avec un de vos hommes ? s'indigna Pandore.
– Chère enfant, fit le Dieu en lui tapotant la main. Votre révolte est d'une naïveté touchante… Avoir encore tant d'illusions, c'est absolument adorable.
– Je ne suis pas naïve !
– Du calme, du calme… Je ne voulais pas vous vexer. Je vous trouve vraiment charmante… mais croire que l'on peut imposer quoique ce soit à ceux qui nous servent... Ces relations sont basées sur la confiance, la loyauté et le respect. Il ne s'agit pas de s'opposer mais de composer. C'est la seule manière de fonctionner qui soit viable à long terme. Et nous fonctionnons sur le long terme. Evidemment, certains trichent et y rajoutent l'amour…, ajouta le Dieu en regardant Perséphone. Mais je trouve ça un peu facile.
– J'avoue que c'est extrêmement pratique, reconnut la Reine. Mais nous fonctionnons tous comme ça, Pos'. Même Athéna ne peut s'empêcher de se faire aimer de ses Chevaliers.
– Nous le leur rendons du mieux que nous le pouvons…, ajouta sa cousine, en couvant du regard ses protecteurs.

Le Juge toussa légèrement.

– Ce n'est pas que cette discussion n'est pas passionnante, mais…
– Mais quoi ? demanda le Dieu des Mers. Tu as pris ta décision ?
– J'en parlerai avec Valentine… Cependant, le problème que je souhaitais aborder est tout autre. Combien vous faut-il de temps pour préparer la cérémonie ?

Les trois Dieux échangèrent un regard.

– Nous pouvons le faire immédiatement, répondit Athéna.
– Il suffit de lever la restriction sur Elysion, afin que tout le monde puisse être présent, ajouta Perséphone. Pourquoi cette question ?
– Rune vient de me faire part de ses inquiétudes… Minos ne va pas bien, Majesté.

La voix de Rhadamanthe témoignait du souci que les sentiments de son homologue provoquaient chez lui. Il s'était toujours senti très proche du Griffon. Leur statut respectif les liait irrémédiablement. A cela se rajoutait le fait que le premier Minos et le premier Rhadamanthe avaient été frères… une relation qui perdurait à travers les âges. Les deux Juges ne se considéraient pas comme étant unis par le sang… pas tout à fait, mais presque. La Wyverne était d'autant plus sensible aux craintes de Rune que le Balrog avait pour habitude de ne pas lui en faire part.

– Je sais, reprit l'Anglais, que vous comptiez ne procéder à la résurrection que demain, mais je crois qu'il serait plus judicieux de le faire le plus rapidement possible. Plus vite Sa Majesté sera de retour, plus vite nous retrouverons la stabilité que nous appelons tous de nos vœux.
– Minos va si mal ? s'inquiéta Perséphone.
– Il s'en veut terriblement, Majesté. Eaque est avec lui en ce moment, je doute toutefois que quelqu'un puisse l'amener à s'accorder le pardon, en dehors de Sa Majesté Hadès. Et même là, je ne fais que l'espérer.
– Il a raison, Nonie, intervint Poséidon. Nous ferions mieux de régler toute cette histoire au plus vite. J'ai une désagréable impression. L'atmosphère est lourde, chargée de culpabilité… Il est inutile d'entretenir ce climat déplaisant. Ressuscitons Hadès. Nous verrons bien ce qu'il adviendra ensuite.

********************

Pendant ce temps, Rune tentait de garder son calme. Le brouhaha incessant lui tapait sur les nerfs… et il avait laissé Minos avec Eaque, ce qui n'était pas pour le rassurer. S'il s'était ouvert de ses craintes à Rhadamanthe, il s'était bien gardé de lui expliquer qu'il tenait le Garuda pour entièrement responsable de cet état de fait. Du point de vue du Balrog, la perversion du Népalais allait jusqu'à encourager le coup de blues du Griffon. La preuve en était que le Garuda avait interdit l'entrée du bureau de Minos, de manière à maintenir plus facilement son emprise sur lui. Et si Rune était venu alerter la Wyverne, son but était aussi de mettre un terme à cette situation. Perdu dans ses réflexions, il ne sentit la présence d'Aphrodite que lorsque le Poisson posa sa main sur son épaule.

– Rune du Balrog, c'est cela ? lui fit le Chevalier avec un sourire éclatant. Nous n'avons guère eu l'occasion de faire connaissance lors de notre précédent séjour ici…

Le Norvégien, surpris et effrayé, recula de quelques pas, pour venir heurter le Chevalier du Cancer, qui semblait sur la même longueur d'onde que son compagnon.

– Tu lui fais peur, Aphro…
– Vraiment ? Je vous fais peur ? s'enquit le Poisson en passant un bras autour des épaules de Rune.
– Pas du tout… mais cessez ces familiarités, répondit-il en se dégageant, pour atterrir une fois de plus contre Angelo.
– Tu vois, mon cœur, susurra DeathMask, il préfère le type méditerranéen.
– Excellente nouvelle ! se réjouit le Poisson. Et sinon, vous êtes célibataire ?
– Mais je ne vois pas en quoi cela vous regarde !
– Dix contre un qu'il n'a personne, déclara sentencieusement le Cancer. Etrange tout de même, vous êtes plutôt pas mal, dans votre genre. Ça ne vous intéresse pas ?
– Et la question la plus importante, en fait… homme ou femme ? Parce que c'est fondamental, si vous voulez qu'on vous aide.
– Mais je ne veux pas que vous m'aidiez ! Je n'ai pas besoin d'aide !
– Bien sûr que non… Vous êtes magnifique et intelligent, et célibataire. Vous n'avez besoin de l'aide de personne. J'ai un ami par contre… Est-ce que vous aimez l'Espagne ? C'est joli, comme pays non ? Picasso, Gaudí, Dali… l'Alhambra… Shura…

Rune tiqua. N'était-ce pas le nom d'un des renégats ? Aphrodite, qui s'était recollé contre le Balrog, leva un bras et claqua des doigts.

– Shushu ! Viens voir s'il-te-plait !

Le Capricorne s'approcha, laissant derrière lui un Shiryu compréhensif.

– Il se passe quoi, ici ? demanda l'Espagnol, flairant le piège.
– Je prospecte pour toi, fit le Poisson le plus naturellement du monde. Angie m'aide, évidemment. Bon et bien, nous allons vous laisser faire plus ample connaissance… Tu viens, mon crabi ?
– Je vais finir par t'appeler Poiscaille, s'amusa le Cancer en passant un bras autour de la taille de son compagnon.

Shura se retourna vers Rune, qui reprenait un peu de contenance maintenant que les deux Chevaliers étaient partis.

– Je suis désolé…, s'excusa le Capricorne. Aphro s'est mis en tête de me trouver quelqu'un. Histoire que je ne sois plus le seul célibataire du Sanctuaire. Quoique, techniquement, Seiya l'est aussi. Si on ne compte pas son espèce de relation avec Athéna… Enfin, toujours est-il qu'il essaye de me caser… d'une manière assez spéciale. Mes amis ont un comportement un peu particulier.
– Vous feriez bien de changer d'amis dans ce cas…

Le Capricorne planta un regard déterminé dans les yeux de Rune, qui en fut très impressionné.

– Jamais. Aphro et Angie sont ce que j'ai de plus précieux au monde. Ils sont un peu spéciaux, je le reconnais… mais ce sont deux chevaliers fabuleux et deux personnes absolument géniales.
– On ne dirait pas…, fit Rune d'un air pincé.
– Ne vous fiez pas aux apparences… Il n'est jamais sage de juger quelqu'un sans le connaître. La frivolité cache bien souvent plus de choses que ce que peuvent imaginer les gens sérieux. Sans vouloir vous offenser, évidemment.

Et le Capricorne prit congé. Les réflexions de l'Espagnol tournèrent un moment dans la tête du Norvégien. Se pourrait-il qu'Eaque cache quelque chose derrière son dandysme ? Se pourrait-il que Minos ait raison de l'apprécier… ? Utiliser le verbe aimer était encore trop révoltant dans l'esprit du Balrog.

********************

Alors que la nouvelle de l'imminence de la cérémonie de résurrection se répandait dans les Enfers, et qu'une procession de Spectres et de Chevaliers se dirigeait vers le Palais de Giudecca, Perséphone prit quelques instants pour se porter à la hauteur de Shun. Le Chevalier d'Andromède serrait la main de son homologue du Cygne, couvé du regard par Ikki qui marchait aux côtés de Shaka.

– Chevalier, fit-elle doucement, si tu préfères ne pas assister à la cérémonie… tout le monde comprendra. Ne te sens pas obligé à quoique ce soit.

Shun la regarda et baissa les yeux, serrant un peu plus la main de Hyoga.

– Je veux être là… C'est étrange mais… Hadès me manque.
– Il n'y a rien là que de très naturel. Partager son corps avec une persona est une expérience traumatisante. Cela crée un lien très fort. C'est du reste la principale raison pour laquelle Julian Solo a accepté de redevenir la réincarnation de mon oncle.
– Vous ne voulez pas dire qu'Hadès risque de vouloir reprendre le corps de mon frère ? s'inquiéta Ikki.
– Non… non. Et quand bien même mon époux le souhaiterait, nous serions tous là pour l'en empêcher. Tu ne cours aucun danger, je peux te l'assurer, fit la Reine des Enfers en prenant la main libre d'Andromède dans la sienne. Je te protègerai, mon Enfant.
– Mon Enfant ? releva Shaka.

Perséphone rougit légèrement et relâcha la main de Shun.

– Je m'excuse pour cet abus de langage… Tu lui ressembles tellement, fit-elle en osant un regard tendre vers Andromède, que j'ai parfois l'impression que tu pourrais être notre fils… J'oublie de ne pas me laisser aller à ce genre d'illusions.

Shun rattrapa la main de la Déesse et la serra dans la sienne.

– Non. Ne vous excusez pas. Moi aussi, j'ai parfois l'impression que… nous sommes de la même famille. Vous n'êtes pas ma mère évidemment, mais… il y a des moments où j'aimerais le croire.

Sous les yeux effarés du Phoenix, Shun lâcha la main du Cygne et se rapprocha de Perséphone. Après quelques instants, ils s'enlacèrent avec douceur.

– Merci…, murmura la Déesse d'une voix nouée par l'émotion.

********************

Il fallut que les trois Dieux frappent quasiment du poing sur la table pour qu'Hypnos et Thanatos acceptent de lever la restriction élyséenne. Les Jumeaux semblaient traîner des pieds, et Perséphone leur fit remarquer que s'ils ne souhaitaient pas revoir Hadès, ils n'avaient qu'à le dire clairement. Le Sommeil lui expliqua qu'évidemment de telles pensées leur étaient tout simplement étrangères et qu'ils n'agissaient que dans le strict respect des usages. Des mortels avaient déjà franchi le Mur des Lamentations, et les conséquences avaient été tragiques. La Reine des Enfers, forte du soutien d'Athéna et de Poséidon, balaya l'objection d'un revers de la main et fit valoir sa position. Elle gouvernait, ils exécutaient ; la discussion s'arrêtait là. Pandore en fut surprise, surtout après le discours qu'avait tenu le Dieu des Mers.

L'attitude de Poséidon elle-même la perturba un peu. Il intervenait de la même manière que Perséphone : avec fermeté, intransigeance. Rien à voir, ou très peu, avec leurs manières habituelles. La dualité de comportement des Dieux semblait épargner un peu Athéna, qui restait, comme à son habitude, l'incarnation de la Justice. Derrière eux, les Trois Juges arboraient leur masque officiel. Rhadamanthe contenait son impatience, en gardant un œil sur son frère. Minos était légèrement plus pâle qu'à son habitude et Eaque ne semblait pas en meilleure forme. Rune avait vu juste. L'Anglais espérait sincèrement que le retour d'Hadès réglerait tout ou partie de leurs problèmes.

Une fois l'obstacle des Jumeaux réglé d'une divine main de maître, la totalité des Chevaliers, des Marinas et des Spectres mirent pied en Elysion. Tous purent admirer la beauté des lieux et il fallut un moment avant qu'ils puissent reprendre tout à fait leurs esprits. Lorsque Perséphone y pénétra à son tour, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. Rhadamanthe vint se porter à son secours, la soutenant de ses bras puissants.

– Encore un peu de courage, Majesté…

Du courage, il lui en avait fallut pour venir jusqu'à Giudecca. Elle en aurait presque remercié les Jumeaux de leur entêtement : ils lui avaient permis de ne pas réaliser où elle était, de se focaliser sur autre chose. Le Château était sa demeure. Le Palais de Giudecca était celle d'Hadès. Les Champs-Elysées étaient à eux. Tous les souvenirs de son époux, de leur amour, lui revenait douloureusement à l'esprit. Ici plus qu'ailleurs, l'absence d'Hadès était flagrante. Intolérable. Alors que le paysage grandiose d'Elysion éblouissait le reste des personnes présentes, aux yeux de Perséphone il ne faisait que révéler l'horreur du vide. Une vision cauchemardesque. Elle se raccrocha à son Juge.

– Je ne sais pas si je pourrais tenir, Rhada. Mais tu dois me faire une promesse…
– Tout ce que vous voulez, ma Reine.
– Si je perds connaissance… je veux que tu fasses continuer la cérémonie. Tu suivras les instructions d'Athéna et de Pos'… tu répandras mon sang… et tu devras expliquer la situation à Hadès… Je sais qu'il t'écoutera.
– C'est vous qui lui direz, Majesté. Vous êtes suffisamment forte… et puis songez à vos retrouvailles.
– Promets, Rhada.
– Je te le promets, Persy.

Elle lui sourit et il l'aida à se relever. Poséidon et Athéna s'étaient rapprochés et Perséphone les rassura. Dans un de ces gestes d'autorité dont il était coutumier, Rhadamanthe la souleva de terre, et la porta le reste du chemin jusqu'au tombeau. La Reine des Enfers n'osa pas protester.

Aidés par Minos et Eaque, Hypnos et Thanatos déplacèrent le cercueil d'Hadès jusque sur le parvis du mausolée. Perséphone demanda à Rhadamanthe de la poser à terre. Le Juge accéda à sa requête, mais continua à la soutenir. Derrière les trois Dieux et le Juge, les trois armées s'étaient mêlées pour former un arc de cercle. Alors les Jumeaux exposèrent le corps du Dieu des Enfers à la vue de tous. Même dans la mort, Hadès gardait toute sa prestance. Ses longs cheveux noirs semblaient comme flotter autour de son visage délicat, où la lassitude semblait avoir disparu. Il était simplement beau, telle une statue de marbre à qui il ne manquait que la vie. Car Hadès était mort, à n'en pas douter. Son teint était d'un gris pâle, ses lèvres d'un rouge passé et affadi, tiraient elle aussi vers cette absence de couleur. Et il n'émanait rien de ce corps.

Il ne s'agissait que d'une enveloppe vide. Perséphone crut mourir. Elle détourna le regard en broyant la main de son Juge, et portant son autre main à ses lèvres dans le vain espoir de contenir sa nausée. Elle tomba à genoux, tremblante, à moitié consciente, pleurant toutes les larmes de son corps, incapable de s'empêcher de vomir. Rhadamanthe s'agenouilla à son tour, dégrafant sa cape pour en entourer sa Déesse. Aussi étrange que cela puisse paraître, il était fier d'elle en cet instant. Elle ne s'était pas mise à hurler, elle ne s'était pas évanouie. Bientôt, il en était sûr, elle reprendrait le contrôle de son corps. Oh oui, il était fier d'elle. Et il l'aimait. Il la prit dans ses bras, une nouvelle fois. Elle tenta de résister. Elle ne voulait pas le salir, elle avait honte… Il augmenta la pression et elle finit par céder, se laissant aller contre lui.

– Qu'attendez-vous ? fit le Juge à l'adresse de Poséidon et Athéna. J'ai cru comprendre que vous n'aviez besoin que de son sang.
– Ah… euh… oui…, balbutia Poséidon. Nana ? Tu es plus callée que moi dans tous ces trucs protocolaires…
– Pos'… Ne m'appelle plus Nana. Eaque, Minos, si vous voulez bien vous écarter… Hypnos et Thanatos, vous vous placez à la tête du cercueil. Pos', tu te mets en face de moi. Nonie restera aux pieds. Ah ! Pandore ? Dans le mausolée, tu devrais trouver un ensemble de couteaux sacrificiels. Si tu pouvais nous les ramener…
– Tout de suite, Athéna.

La sœur d'Hadès appréciait la Déesse. Elle représentait exactement ce que devait être une divinité aux yeux de la Prêtresse. Elle se pressa de les rapporter. Les Jumeaux se tenaient de chaque côté d'une vasque dans laquelle un feu brûlait. Athéna prit l'un des couteaux, et indiqua à Pandore de les distribuer à son oncle et à sa cousine. Ce fut Rhadamanthe qui se saisit de celui destiné à Perséphone.

– Vous connaissez mon goût pour les discours… je vais donc faire vite. Nous sommes ici pour ramener mon oncle à la vie. Je ne vous mentirai pas : je ne le fais pas le cœur léger. Oui, je suis inquiète. Inquiète parce que je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait. Pour la première fois depuis longtemps, je ne sais pas. Pour la première fois depuis très longtemps, il est possible que dans deux cents quarante trois ans nous ne connaissions pas une nouvelle guerre. Nous prenons des risques, aujourd'hui. Nous les prenons tous ensemble. Nous prenons le risque de la paix. Seigneur Poséidon…

D'un geste, Athéna invita son oncle à prendre la suite.

– Tu dis ne pas aimer ça, Nana, mais tu as toujours su trouver les mots, remarqua-t-il. Spectres ! Chevaliers ! Marinas ! L'heure n'est plus aux bavardages ! L'heure est à la vie !

Et d'un geste ample, il se coupa une mèche de cheveux. Athéna l'imita. Et Rhadamanthe finit par se résoudre à faire de même sur la chevelure de sa Reine. Pandore passa parmi eux et revint vers la tête du cercueil pour jeter les trois mèches dans les flammes. Athéna et Poséidon tendirent un bras au-dessus du cercueil. Perséphone se releva, soutenue par Rhadamanthe et plaça le sien à son tour, la tête enfouie contre la poitrine de son Juge. Les trois couteaux entaillèrent leur poignet et les sangs divins se mirent à couler dans le cercueil, alors qu'Hypnos et Thanatos entamaient un chant liturgique.

Tout le monde retenait son souffle. Personne, en dehors des cinq Dieux, ne savait à quoi s'attendre. Bientôt, toutes les personnes présentes se serrèrent les unes contre les autres, réunies dans une même inquiétude et dans un même espoir. Debout entre le cercueil et le reste de l'assistance, Minos, Eaque, Shion et Sorrente semblaient jurer avec cette ambiance. Le Pope et le Général en chef gardaient un œil constant sur leur divinité respective. Les deux Juges, de leur côté, serraient les poings. Comme Minos aurait aimé pouvoir serrer la main d'Eaque dans la sienne, en cet instant ! Pour le rassurer. Pour se rassurer. Il avait besoin du Garuda. Il l'aimait tant… Mais, en cet instant plus qu'en aucun autre, il refusait de révéler ce lien. Il avait trop de poids sur ses épaules. Sa culpabilité était trop flagrante. Il était un criminel atroce. Il ne voulait pas que son amour puisse en subir les conséquences. Il ne manquerait plus qu'on accuse Eaque d'être son complice. Non. Il répondrait de ses actes, seul. Devant Sa Majesté, dès qu'Il serait revenu à la vie.

Athéna et Poséidon mêlèrent leur voix à celle des Jumeaux. Pandore, ne contrôlant plus son corps, fit de même. Le chant enfla, enfla encore et encore… les cinq cosmos ne firent plus qu'un et lancèrent un appel. Qui fut entendu. L'ombre de la persona du Dieu des Enfers apparut au-dessus du Mausolée et fondit sur le cercueil. Alors le silence se fit. La flamme s'éteignit. Les trois blessures se refermèrent.

Et Hadès ouvrit les yeux.

Le cosmos du Dieu explosa, révélant sa colère et sa folie. Perséphone s'effondra une nouvelle fois. Athéna et Poséidon reculèrent d'un pas, imités par Pandore, Hypnos et Thanatos. Shion se précipita vers sa Déesse. Sorrente bondit aux côtés de Poséidon. Minos et Eaque restèrent de marbre. Le reste des personnes présentes se serra encore davantage. Le Dieu se releva d'un bond et jeta sur l'assistance un regard empli de fureur. Ses yeux verts n'étaient plus qu'haine pure lorsqu'ils se posèrent sur Athéna et Poséidon.

– Comment osez-vous venir en ce lieu ? Comment osez-vous vous présenter devant moi ? Comment osez-vous… Toi ! Comment peux-tu être ici ?

Sa main tendue vers la foule semblait indiquer Pégase… mais il n'en était rien. Derrière Seiya, se tenait Ayoros, plus pâle que la mort.

– Déicide !
– Hadès… calme-toi, tenta Poséidon. Nous sommes venus…
– Ne m'adresse pas la parole, traître ! hurla-t-il en augmentant encore son cosmos. Et toi ! Toi qui as osé me faire une leçon d'amour ! Pour qui te prends-tu Athéna ? Tu ne sais pas ce que c'est ! Tu ne sais rien !
– … C'est moi qui les ai invités, ‘Dès…

Au faible son de la voix de son épouse, Hadès se figea. Son cosmos s'adoucit instantanément, permettant à tous de respirer à nouveau normalement. Rhadamanthe soutint sa Reine qui se relevait, de manière à la révéler à son Roi.

– Perséphone…

Il n'osait pas y croire. Elle était là… dans son corps. Elle se tenait juste devant lui. Le plus précautionneusement possible, il s'avança vers elle. Il finit par oser tendre sa main et effleurer son visage de ses doigts. Il ne sentit pas les larmes couler le long de ses joues.

– Par l'Olympe, mon amour… c'est bien toi…

Le plus doucement possible, Rhadamanthe confia sa Reine à Hadès, et recula de deux pas, pour poser un genou en terre. La conscience du Dieu des Enfers semblait se résumer au corps fragile qu'il tenait contre lui.

– Persy…
– ‘Dès…

Il releva tendrement le visage de sa bien-aimée vers le sien. Et pour la première fois depuis des siècles, ils purent échanger un baiser.

Aussitôt, une lumière aveuglante les enveloppa pour se répandre dans tout Elysion. Ce contact n'avait rien à voir avec la bienveillance du cosmos d'Athéna. C'était l'amour absolu et divin. Un concept purement et simplement étranger à l'esprit humain. Les Spectres, les Marinas et les Chevaliers prenaient ses vagues de plein fouet, incapables de se protéger de si puissants sentiments. Comme pour le désespoir de Perséphone, comme pour la haine d'Hadès, ils subissaient leur amour.

– Euh, frérot, intervint prudemment Poséidon, ce n'est pas que je ne veux pas que tu profites de ta femme, hein… je suis le premier à être ravi pour vous deux mais… je ne crois pas que les autres soient prêts à ça…
– Je suis assez d'accord, l'appuya Athéna.

Alors Hadès et Perséphone mirent fin à leur baiser, mais le Dieu des Enfers garda précieusement sa Reine dans ses bras.

– Tu peux m'expliquer, Petit Frère, ce que toi et… notre nièce faites ici ? gronda Hadès.
– Nous sommes venus te ressusciter. Et te proposer la paix. C'est une idée de ta femme, se pressa d'ajouter Poséidon. Ça a été un peu compliqué, mais on a tous plutôt bien travaillé. On a vraiment une chance de repartir à zéro, d'oublier le passé. Grâce à Nonie.
– C'est vrai ? demanda le Roi à son épouse.
– Je ne veux plus te perdre, ‘Dès… Je t'en supplie… par amour pour moi…

Le Dieu ne répondit rien et se contenta de la serrer davantage contre lui. Son regard vint se poser sur les trois Juges qui étaient agenouillés.

– Rhadamanthe ?
– Seigneur Hadès…, fit la Wyverne en se relevant. Je suis à vos ordres.
– Je te connais suffisamment pour savoir que tu as apporté ton appui à ma Reine dans cette histoire… et que tu l'as protégée, conformément à mes ordres. Je t'en remercie.
– Je n'ai fait que mon devoir, Votre Majesté.
– Ce n'est pas une raison pour ne pas te témoigner ma reconnaissance… Merci, mon ami.

Rhadamanthe remit un genou à terre, tentant de cacher l'émotion que lui procuraient les mots d'Hadès. Le Dieu continua.

– Minos ?

Le Griffon tressaillit et s'avança à son tour.

– Je compte sur toi pour me faire un rapport de la situation au plus tôt.
– Majesté… je ne crois pas être la personne la plus à même de…

Le Norvégien baissa la tête et s'agenouilla.

– Votre Majesté. J'ai accusé Sa Majesté Perséphone de trahison. J'ai voulu l'écarter du trône. J'ai failli déclencher une guerre… j'ai trahi les Enfers et la confiance que vous avez placée en moi. Je ne mérite pas de continuer à occuper le poste de Juge. Je vous présente ma démission.

Le Dieu fronça les sourcils.

– Qu'est-ce que… 
– Minos…, intervint Perséphone. Je l'ai manipulé, développa-t-elle à l'attention de son époux. Je lui ai fait croire que j'avais trahi… Je t'expliquerai tout, ‘Dès. Mais Minos n'a pas à rougir de ses actions. Il est ton Juge. Et a été absolument irréprochable dans ce rôle.
– Si Perséphone considère que tu n'as fait que ton devoir, cela me suffit. Ta démission est évidemment refusée. Quand j'en saurais plus sur cette histoire, nous aurons une longue conversation tous les deux. Tu es mon Juge, Minos. Je t'ai choisi, et j'en suis extrêmement fier. Comme je l'ai toujours été.

Le Griffon ne sut que répondre et se contenta de reprendre sa place aux côtés des deux autres Juges.

– Eaque ?

Le Garuda se leva, et sourit aux deux dirigeants des Enfers, en s'inclinant devant eux.

– Vos Majestés.
– Tu n'as pas changé…
– Peut-être plus que Votre Majesté ne peut le voir en surface, si je puis me permettre.
– Vraiment ? s'enquit Hadès, sincèrement intéressé.
– Peut-être… il est plus facile pour moi de juger les autres que de me juger moi-même. Et mes Jugements manquent cruellement de fiabilité en ce moment, j'en ai peur.
– Mais qu'est-ce que tu leur as fait ? demanda le Roi à Perséphone.
– Je n'en suis pas très fière… Il nous faudra du temps pour reconstruire. Mais je n'avais pas le choix. Eaque a été, lui aussi, parfait de bout en bout.
– Tu as entendu ma Reine, Eaque. Ne doutes plus de tes Jugements, Juge des Enfers. Car ce titre est le tien et ne saurait convenir à aucun autre.
– Je tâcherai de m'en montrer digne, Votre Majesté.
– Je sais que tu le seras. Comme tu l'as toujours été.

Alors que le Garuda reculait, Hadès reporta son attention sur Pandore.

– Petite Sœur…
– Hadès… je suis…

Le Dieu l'interrompit d'un geste de la main.

– Je ne comprends guère la situation présente, mais je crois comprendre que si tu es là, c'est que tu as eu une part active dans ces événements et que tu œuvres aussi pour la paix. Cela me suffit, à l'heure actuelle. J'aimerais te confier une tâche.
– Je suis à tes ordres.
– J'aimerais que tu raccompagnes nos invités à Giudecca. Perséphone et moi-même… souhaitons nous retrouver seuls, un moment.

La Prêtresse vira écarlate.

– Tout de suite. Bien ! fit-elle en s'adressant à la foule, vous avez entendu le Roi des Enfers ! En route pour Giudecca !

********************

Arrivés au Palais, Poséidon se tourna vers Pandore.

– Alors, belle enfant, que fait-on ?
– Et bien… je ne sais pas… je doute qu'on revoit mon frère et sa femme avant demain…, fit elle en rougissant.

Le Dieu éclata de rire.

– Tu les connais si peu ! Ce sont deux véritables animaux politiques. Dans deux heures, ils seront parmi nous. Et je vous parie qu'ils vont passer plus de temps à parler des événements récents qu'à se faire des papouilles.
– Vraiment ?
– C'est ainsi que fonctionnent les Enfers et leur couple. Un savant équilibre entre la sphère privée et la sphère publique. Les morts de Perséphone l'avaient rompu. Je suis certain qu'ils vont tout faire pour le retrouver. Donc, qu'allons-nous faire jusqu'à leur retour ?

Ce fut sa nièce qui prit la parole.

– Que pensez-vous de prendre les dispositions pour la célébration que nous avions en tête ?
– Une grande fête ? voilà qui me plait ! convint Poséidon. Nous avons tant de raisons de nous réjouir, ce soir… Voir Elysion retrouver son aspect, pour commencer.
– Pardon ? s'étonnèrent de concert Pandore et Athéna.
– C'est vrai que vous n'avez jamais eu l'occasion de voir les vrais Champs-Elysées, très chères… Ce que vous avez connu… ce n'était que le souvenir de leur véritable forme. Elysion... Le seul endroit au monde où deux Dieux éprouvent et expriment l'un pour l'autre un amour absolu… C'est cela, le Paradis.

 

A suivre...

Chapitre 16

 

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