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RESURRECTION |
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Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément Auteur : Gajin J'espère que tu aimeras. Bonne lecture... Index : clique sur le numéro du chapitre que tu veux lire : |
Chapitre 15
Le Sang des Dieux
Dans la chambre de Rhadamanthe, Kanon laissait son regard courir sur le corps de son Juge. La Wyverne sortait de son bain, un bain que Perséphone lui avait imposé, le trouvant un peu tendu, un bain qu'il avait pris seul, tandis que son Gémeau aidait ses frères d'armes à s'installer. Dans la joie et la bonne humeur. Youpi. Milo, Camus et Hyoga se retrouvaient ensemble dans la chambre de Valentine. Shaka partageait celle de Queen avec Ikki et Shun, le Phénix ayant rapidement décidé qu'il n'y avait aucun danger à ce que les deux personnes les plus précieuses à ses yeux occupent le même lit – hors de question que l'un ou l'autre se contente d'un canapé ou ne soit pas avec lui. Shion et Dohko avaient récupéré Shiryu. Marine et Aiolia avaient accepté Seiya et Ayoros avec eux. Angelo, Shura et Aphrodite, s'étaient installés tous les trois. Enfin, Aldébaran et Shina avaient rejoint Saga et Mû dans la chambre que Kanon avait déjà occupée. C'est-à-dire exactement celle ayant un mur commun avec la pièce dans laquelle le cadet se trouvait actuellement, allongé sur un grand lit, occupé à détailler consciencieusement le corps sculptural de la Wyverne. Qui avait noué une serviette autour de sa taille, et séchait ses cheveux, avec son mélange habituel de nonchalance et de gravité. – Tu es vraiment beau, mon amour, lâcha le Grec. Rhadamanthe se figea un instant puis vint s'installer à ses côtés, s'allongeant sur le lit. – Merci… mais tu l'es davantage encore. Il n'y a personne sur terre de plus attirant et désirable que toi, fit-il en l'embrassant et le couvrant de caresses. Ce physique absolument parfait… ces yeux sages et espiègles… ce sourire doux et moqueur… Par tous les Dieux, Kanon… comment-est-ce possible que… tu m'aies attendu ? Le cadet des Gémeaux s'écarta doucement, et passa une main sur la joue de l'Anglais. – Avant toi, je ne savais pas que j'attendais quelqu'un. Avant toi, je n'avais jamais imaginé pouvoir être amoureux. La question de Rhadamanthe surprit Kanon. De même que son inquiétude. – Quoi, et maintenant ? Kanon ouvrit de grands yeux, et réfléchit un moment. – Shaka…, murmura le Grec, dans un sourire. Ceux de la Wyverne se chargèrent d'horreur. – Rhaaa ! Mais tu es insupportable, ma parole, fit le Chevalier en enlaçant brutalement le Juge. Et je m'excuse. Je sais que tu braques facilement et je continue à ne pas faire attention… Contre la poitrine du Gémeau, Rhadamanthe serrait les dents et était à la limite de l'hyperventilation. – Tu n'as pas à t'inquiéter. Tu n'as à t'inquiéter de rien, mon amour. Tu n'as pas à craindre que j'aille voir ailleurs… Personne ne m'intéresse en dehors de toi. Lorsque tu m'as embrassé, tu as ouvert une porte sur un monde que je ne connaissais pas. J'ai envie de l'explorer. De l'explorer avec toi. Seulement avec toi. Toi. Toi. Toi. Le Juge bascula de manière à contempler le plafond. – Je ne sais pas comment l'expliquer… Je doute. J'ai peur. Je suis désolé, Kanon. Ça ne me ressemble pas. Rhadamanthe sourit. – Tu joues au psy ? Kanon se releva à moitié pour planter son regard dans celui de Rhadamanthe, les sourcils froncés. – Depuis quand est-ce que tu crois que tu es un minable ? L'Anglais le regarda, étonné et perturbé. – Je… ne sais pas…, avoua-t-il après quelques secondes de réflexion. Mais je le pense. C'est exactement comme pour tes sentiments. Je suis Juge des Enfers, je sers Perséphone du mieux que je peux… mais non. Je suis persuadé que je ne vaux pas grand-chose… On frappa à la porte. Kanon et Rhadamanthe grognèrent. – Dis-moi que nous n'avons pas besoin de répondre…, gémit le Grec. On frappa à nouveau. – On dira qu'on était dans la salle de bains, qu'on est désolés mais qu'on n'a rien entendu…, chuchota le Gémeau à l'oreille de la Wyverne. A la porte, les coups redoublèrent, beaucoup plus insistants. Le Grec et l'Anglais se regardèrent longuement. Kanon grimaça en levant les yeux au plafond et poussa un long soupir. Ils échangèrent un dernier baiser, rapide et chaste, avant de se séparer. – Entrez ! Deux regards noirs accueillirent Saga. – Je ne vous dérange pas ? demanda l'aîné des Gémeaux. Rhadamanthe avait renoué sa serviette autour de sa taille et s'était levé pour aller chercher des vêtements. Kanon, lui, était resté allongé sur le lit, sa chemise largement ouverte, et complètement décoiffé. – Bah… c'est qu'en fait on a tous terminé de s'installer…, hésita l'ancien Pope. L'aîné des Gémeaux ouvrait de grands yeux et ne savait plus où se mettre. Même avec Mû – ils n'étaient pourtant pas ensemble depuis très longtemps –, ils avaient pu profiter d'une nuit fort agréable et intime, juste après l'annonce d'Athéna. Ils avaient été sages… un peu. Pas trop. C'était un sujet sur lequel il avait toujours jeté un voile pudique, Saint Saga n'ayant pas particulièrement confiance en son jumeau en matière de discrétion et tenant un tant soit peu à ne pas entacher sa réputation, même si évidemment il n'avait à rougir de rien –pour qui le prenait-on ?... Et son frère venait plus ou moins de lui annoncer qu'il était encore vierge à vingt-huit ans… Plutôt plus que moins, d'ailleurs. Et en présence de la personne amenée à mettre rapidement un terme à cette situation. Le bon côté des choses, c'était que Kanon semblait le vivre assez bien. Sans honte, ni gêne… comme il convenait – et Rhadamanthe aussi, un bon point pour le Juge. Le moins bon côté, c'était qu'il semblait désireux d'évacuer sa légitime frustration sur la personne de son jumeau, qui avait viré à l'écarlate. – Quand, Saga ? Quand est-ce que j'aurais pu ? J'ai passé mon adolescence au Cap Sounion et ensuite j'ai fait du baby-sitting avec les Généraux ! Pour Rhadamanthe et moi… Durant notre première nuit ensemble, Perséphone était dans le coma ! La nuit d'après, on préparait notre pseudo-fuite des Enfers… Au Sanctuaire bah, avec Perséphone à côté… et puis, la première nuit, je te rappelle que tu l'as passée avec nous. La seconde, Valentine était à l'infirmerie… Pour une fois qu'on nous accorde royalement une heure rien qu'à nous et qu'on n'a pas une crise majeure sur le feu, il faut que tu débarques ! Rhadamanthe ressortit du dressing en boutonnant sa chemise. – C'est un mal pour un bien, fit-il d'une voix grave. Une heure n'aurait pas suffi pour la première fois dont je rêve avec toi… Les yeux d'or du Juge s'étaient plantés dans le regard bleu de Kanon. Il n'y avait ni prétention ni désir insatisfait… juste un extrême sérieux et de l'amour. Le Gémeau lui rendit la pareille, la majeure partie de sa frustration s'étant envolée comme par enchantement. L'Anglais se pencha pour le recoiffer un peu, d'un geste tendre. – Rhabille-toi, mon amour, et allons nous occuper de tes amis. Kanon frissonna. – J'adore quand tu m'appelles comme ça… Saga, fit-il sans regarder son jumeau et en reboutonnant sa chemise, je te jure que tu me le paieras. ******************** Lorsque Perséphone et Athéna pénétrèrent dans le bureau de Rhadamanthe, toute la chevalerie y était réunie. Le Juge se mit instantanément à genoux. Après quelques instants de flottement, les Chevaliers l'imitèrent. Athéna ouvrit de grands yeux, et Perséphone les regarda d'un air désolé. – Levez-vous, Chevaliers… Voyons, ne vous sentez pas obligés… Comportez-vous normalement, je vous en prie. Rhada, tu as une mauvaise influence sur eux. La Wyverne se releva. – La faute à mes très mauvaises fréquentations, Majesté. La votre, en particulier. La Reine des Enfers lui sourit et se jeta dans ses bras. Le Juge l'accueillit et la serrant tendrement contre lui. – Je t'aime, Rhada. Le Dieu des Mers fit son entrée, Pandore à son bras, Rune sur leurs talons. Il était tout sourire, sa main sur celle de la Prêtresse, naturel et décontracté. La sœur d'Hadès, de son côté, se sentait toujours mal à l'aise. La scène du trône… Elle avait confondu Minos et Poséidon. Quelle était la signification de tout ceci ? Son inclination pour le Griffon était-elle, elle aussi, une erreur ? Elle ne pouvait s'imaginer amoureuse du Dieu. Il… papillonnait trop. Il ressemblait trop à Eaque. Et même, le Garuda avait la bonne idée d'allier sa légèreté avec une sorte de cynisme désenchanté de bon aloi. Rien de semblable chez Poséidon. Rien qui venait compenser sa frivolité. Toute sa conduite était un scandale. Encore maintenant, alors qu'il lançait des sourires charmeurs à ses deux nièces. – De qui d'autre, Pos' ? De qui d'autre ? fit tendrement Perséphone. La Wyverne s'excusa auprès du Balrog, avec lequel il était en grande conversation, pour s'intéresser à sa Reine. – Majesté ? Le Juge toussa légèrement. – Ce n'est pas que cette discussion n'est pas passionnante, mais… Les trois Dieux échangèrent un regard. – Nous pouvons le faire immédiatement, répondit Athéna. La voix de Rhadamanthe témoignait du souci que les sentiments de son homologue provoquaient chez lui. Il s'était toujours senti très proche du Griffon. Leur statut respectif les liait irrémédiablement. A cela se rajoutait le fait que le premier Minos et le premier Rhadamanthe avaient été frères… une relation qui perdurait à travers les âges. Les deux Juges ne se considéraient pas comme étant unis par le sang… pas tout à fait, mais presque. La Wyverne était d'autant plus sensible aux craintes de Rune que le Balrog avait pour habitude de ne pas lui en faire part. – Je sais, reprit l'Anglais, que vous comptiez ne procéder à la résurrection que demain, mais je crois qu'il serait plus judicieux de le faire le plus rapidement possible. Plus vite Sa Majesté sera de retour, plus vite nous retrouverons la stabilité que nous appelons tous de nos vœux. ******************** Pendant ce temps, Rune tentait de garder son calme. Le brouhaha incessant lui tapait sur les nerfs… et il avait laissé Minos avec Eaque, ce qui n'était pas pour le rassurer. S'il s'était ouvert de ses craintes à Rhadamanthe, il s'était bien gardé de lui expliquer qu'il tenait le Garuda pour entièrement responsable de cet état de fait. Du point de vue du Balrog, la perversion du Népalais allait jusqu'à encourager le coup de blues du Griffon. La preuve en était que le Garuda avait interdit l'entrée du bureau de Minos, de manière à maintenir plus facilement son emprise sur lui. Et si Rune était venu alerter la Wyverne, son but était aussi de mettre un terme à cette situation. Perdu dans ses réflexions, il ne sentit la présence d'Aphrodite que lorsque le Poisson posa sa main sur son épaule. – Rune du Balrog, c'est cela ? lui fit le Chevalier avec un sourire éclatant. Nous n'avons guère eu l'occasion de faire connaissance lors de notre précédent séjour ici… Le Norvégien, surpris et effrayé, recula de quelques pas, pour venir heurter le Chevalier du Cancer, qui semblait sur la même longueur d'onde que son compagnon. – Tu lui fais peur, Aphro… Rune tiqua. N'était-ce pas le nom d'un des renégats ? Aphrodite, qui s'était recollé contre le Balrog, leva un bras et claqua des doigts. – Shushu ! Viens voir s'il-te-plait ! Le Capricorne s'approcha, laissant derrière lui un Shiryu compréhensif. – Il se passe quoi, ici ? demanda l'Espagnol, flairant le piège. Shura se retourna vers Rune, qui reprenait un peu de contenance maintenant que les deux Chevaliers étaient partis. – Je suis désolé…, s'excusa le Capricorne. Aphro s'est mis en tête de me trouver quelqu'un. Histoire que je ne sois plus le seul célibataire du Sanctuaire. Quoique, techniquement, Seiya l'est aussi. Si on ne compte pas son espèce de relation avec Athéna… Enfin, toujours est-il qu'il essaye de me caser… d'une manière assez spéciale. Mes amis ont un comportement un peu particulier. Le Capricorne planta un regard déterminé dans les yeux de Rune, qui en fut très impressionné. – Jamais. Aphro et Angie sont ce que j'ai de plus précieux au monde. Ils sont un peu spéciaux, je le reconnais… mais ce sont deux chevaliers fabuleux et deux personnes absolument géniales. Et le Capricorne prit congé. Les réflexions de l'Espagnol tournèrent un moment dans la tête du Norvégien. Se pourrait-il qu'Eaque cache quelque chose derrière son dandysme ? Se pourrait-il que Minos ait raison de l'apprécier… ? Utiliser le verbe aimer était encore trop révoltant dans l'esprit du Balrog. ******************** Alors que la nouvelle de l'imminence de la cérémonie de résurrection se répandait dans les Enfers, et qu'une procession de Spectres et de Chevaliers se dirigeait vers le Palais de Giudecca, Perséphone prit quelques instants pour se porter à la hauteur de Shun. Le Chevalier d'Andromède serrait la main de son homologue du Cygne, couvé du regard par Ikki qui marchait aux côtés de Shaka. – Chevalier, fit-elle doucement, si tu préfères ne pas assister à la cérémonie… tout le monde comprendra. Ne te sens pas obligé à quoique ce soit. Shun la regarda et baissa les yeux, serrant un peu plus la main de Hyoga. – Je veux être là… C'est étrange mais… Hadès me manque. Perséphone rougit légèrement et relâcha la main de Shun. – Je m'excuse pour cet abus de langage… Tu lui ressembles tellement, fit-elle en osant un regard tendre vers Andromède, que j'ai parfois l'impression que tu pourrais être notre fils… J'oublie de ne pas me laisser aller à ce genre d'illusions. Shun rattrapa la main de la Déesse et la serra dans la sienne. – Non. Ne vous excusez pas. Moi aussi, j'ai parfois l'impression que… nous sommes de la même famille. Vous n'êtes pas ma mère évidemment, mais… il y a des moments où j'aimerais le croire. Sous les yeux effarés du Phoenix, Shun lâcha la main du Cygne et se rapprocha de Perséphone. Après quelques instants, ils s'enlacèrent avec douceur. – Merci…, murmura la Déesse d'une voix nouée par l'émotion. ******************** Il fallut que les trois Dieux frappent quasiment du poing sur la table pour qu'Hypnos et Thanatos acceptent de lever la restriction élyséenne. Les Jumeaux semblaient traîner des pieds, et Perséphone leur fit remarquer que s'ils ne souhaitaient pas revoir Hadès, ils n'avaient qu'à le dire clairement. Le Sommeil lui expliqua qu'évidemment de telles pensées leur étaient tout simplement étrangères et qu'ils n'agissaient que dans le strict respect des usages. Des mortels avaient déjà franchi le Mur des Lamentations, et les conséquences avaient été tragiques. La Reine des Enfers, forte du soutien d'Athéna et de Poséidon, balaya l'objection d'un revers de la main et fit valoir sa position. Elle gouvernait, ils exécutaient ; la discussion s'arrêtait là. Pandore en fut surprise, surtout après le discours qu'avait tenu le Dieu des Mers. L'attitude de Poséidon elle-même la perturba un peu. Il intervenait de la même manière que Perséphone : avec fermeté, intransigeance. Rien à voir, ou très peu, avec leurs manières habituelles. La dualité de comportement des Dieux semblait épargner un peu Athéna, qui restait, comme à son habitude, l'incarnation de la Justice. Derrière eux, les Trois Juges arboraient leur masque officiel. Rhadamanthe contenait son impatience, en gardant un œil sur son frère. Minos était légèrement plus pâle qu'à son habitude et Eaque ne semblait pas en meilleure forme. Rune avait vu juste. L'Anglais espérait sincèrement que le retour d'Hadès réglerait tout ou partie de leurs problèmes. Une fois l'obstacle des Jumeaux réglé d'une divine main de maître, la totalité des Chevaliers, des Marinas et des Spectres mirent pied en Elysion. Tous purent admirer la beauté des lieux et il fallut un moment avant qu'ils puissent reprendre tout à fait leurs esprits. Lorsque Perséphone y pénétra à son tour, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. Rhadamanthe vint se porter à son secours, la soutenant de ses bras puissants. – Encore un peu de courage, Majesté… Du courage, il lui en avait fallut pour venir jusqu'à Giudecca. Elle en aurait presque remercié les Jumeaux de leur entêtement : ils lui avaient permis de ne pas réaliser où elle était, de se focaliser sur autre chose. Le Château était sa demeure. Le Palais de Giudecca était celle d'Hadès. Les Champs-Elysées étaient à eux. Tous les souvenirs de son époux, de leur amour, lui revenait douloureusement à l'esprit. Ici plus qu'ailleurs, l'absence d'Hadès était flagrante. Intolérable. Alors que le paysage grandiose d'Elysion éblouissait le reste des personnes présentes, aux yeux de Perséphone il ne faisait que révéler l'horreur du vide. Une vision cauchemardesque. Elle se raccrocha à son Juge. – Je ne sais pas si je pourrais tenir, Rhada. Mais tu dois me faire une promesse… Elle lui sourit et il l'aida à se relever. Poséidon et Athéna s'étaient rapprochés et Perséphone les rassura. Dans un de ces gestes d'autorité dont il était coutumier, Rhadamanthe la souleva de terre, et la porta le reste du chemin jusqu'au tombeau. La Reine des Enfers n'osa pas protester. Aidés par Minos et Eaque, Hypnos et Thanatos déplacèrent le cercueil d'Hadès jusque sur le parvis du mausolée. Perséphone demanda à Rhadamanthe de la poser à terre. Le Juge accéda à sa requête, mais continua à la soutenir. Derrière les trois Dieux et le Juge, les trois armées s'étaient mêlées pour former un arc de cercle. Alors les Jumeaux exposèrent le corps du Dieu des Enfers à la vue de tous. Même dans la mort, Hadès gardait toute sa prestance. Ses longs cheveux noirs semblaient comme flotter autour de son visage délicat, où la lassitude semblait avoir disparu. Il était simplement beau, telle une statue de marbre à qui il ne manquait que la vie. Car Hadès était mort, à n'en pas douter. Son teint était d'un gris pâle, ses lèvres d'un rouge passé et affadi, tiraient elle aussi vers cette absence de couleur. Et il n'émanait rien de ce corps. Il ne s'agissait que d'une enveloppe vide. Perséphone crut mourir. Elle détourna le regard en broyant la main de son Juge, et portant son autre main à ses lèvres dans le vain espoir de contenir sa nausée. Elle tomba à genoux, tremblante, à moitié consciente, pleurant toutes les larmes de son corps, incapable de s'empêcher de vomir. Rhadamanthe s'agenouilla à son tour, dégrafant sa cape pour en entourer sa Déesse. Aussi étrange que cela puisse paraître, il était fier d'elle en cet instant. Elle ne s'était pas mise à hurler, elle ne s'était pas évanouie. Bientôt, il en était sûr, elle reprendrait le contrôle de son corps. Oh oui, il était fier d'elle. Et il l'aimait. Il la prit dans ses bras, une nouvelle fois. Elle tenta de résister. Elle ne voulait pas le salir, elle avait honte… Il augmenta la pression et elle finit par céder, se laissant aller contre lui. – Qu'attendez-vous ? fit le Juge à l'adresse de Poséidon et Athéna. J'ai cru comprendre que vous n'aviez besoin que de son sang. La sœur d'Hadès appréciait la Déesse. Elle représentait exactement ce que devait être une divinité aux yeux de la Prêtresse. Elle se pressa de les rapporter. Les Jumeaux se tenaient de chaque côté d'une vasque dans laquelle un feu brûlait. Athéna prit l'un des couteaux, et indiqua à Pandore de les distribuer à son oncle et à sa cousine. Ce fut Rhadamanthe qui se saisit de celui destiné à Perséphone. – Vous connaissez mon goût pour les discours… je vais donc faire vite. Nous sommes ici pour ramener mon oncle à la vie. Je ne vous mentirai pas : je ne le fais pas le cœur léger. Oui, je suis inquiète. Inquiète parce que je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait. Pour la première fois depuis longtemps, je ne sais pas. Pour la première fois depuis très longtemps, il est possible que dans deux cents quarante trois ans nous ne connaissions pas une nouvelle guerre. Nous prenons des risques, aujourd'hui. Nous les prenons tous ensemble. Nous prenons le risque de la paix. Seigneur Poséidon… D'un geste, Athéna invita son oncle à prendre la suite. – Tu dis ne pas aimer ça, Nana, mais tu as toujours su trouver les mots, remarqua-t-il. Spectres ! Chevaliers ! Marinas ! L'heure n'est plus aux bavardages ! L'heure est à la vie ! Et d'un geste ample, il se coupa une mèche de cheveux. Athéna l'imita. Et Rhadamanthe finit par se résoudre à faire de même sur la chevelure de sa Reine. Pandore passa parmi eux et revint vers la tête du cercueil pour jeter les trois mèches dans les flammes. Athéna et Poséidon tendirent un bras au-dessus du cercueil. Perséphone se releva, soutenue par Rhadamanthe et plaça le sien à son tour, la tête enfouie contre la poitrine de son Juge. Les trois couteaux entaillèrent leur poignet et les sangs divins se mirent à couler dans le cercueil, alors qu'Hypnos et Thanatos entamaient un chant liturgique. Tout le monde retenait son souffle. Personne, en dehors des cinq Dieux, ne savait à quoi s'attendre. Bientôt, toutes les personnes présentes se serrèrent les unes contre les autres, réunies dans une même inquiétude et dans un même espoir. Debout entre le cercueil et le reste de l'assistance, Minos, Eaque, Shion et Sorrente semblaient jurer avec cette ambiance. Le Pope et le Général en chef gardaient un œil constant sur leur divinité respective. Les deux Juges, de leur côté, serraient les poings. Comme Minos aurait aimé pouvoir serrer la main d'Eaque dans la sienne, en cet instant ! Pour le rassurer. Pour se rassurer. Il avait besoin du Garuda. Il l'aimait tant… Mais, en cet instant plus qu'en aucun autre, il refusait de révéler ce lien. Il avait trop de poids sur ses épaules. Sa culpabilité était trop flagrante. Il était un criminel atroce. Il ne voulait pas que son amour puisse en subir les conséquences. Il ne manquerait plus qu'on accuse Eaque d'être son complice. Non. Il répondrait de ses actes, seul. Devant Sa Majesté, dès qu'Il serait revenu à la vie. Athéna et Poséidon mêlèrent leur voix à celle des Jumeaux. Pandore, ne contrôlant plus son corps, fit de même. Le chant enfla, enfla encore et encore… les cinq cosmos ne firent plus qu'un et lancèrent un appel. Qui fut entendu. L'ombre de la persona du Dieu des Enfers apparut au-dessus du Mausolée et fondit sur le cercueil. Alors le silence se fit. La flamme s'éteignit. Les trois blessures se refermèrent. Et Hadès ouvrit les yeux. Le cosmos du Dieu explosa, révélant sa colère et sa folie. Perséphone s'effondra une nouvelle fois. Athéna et Poséidon reculèrent d'un pas, imités par Pandore, Hypnos et Thanatos. Shion se précipita vers sa Déesse. Sorrente bondit aux côtés de Poséidon. Minos et Eaque restèrent de marbre. Le reste des personnes présentes se serra encore davantage. Le Dieu se releva d'un bond et jeta sur l'assistance un regard empli de fureur. Ses yeux verts n'étaient plus qu'haine pure lorsqu'ils se posèrent sur Athéna et Poséidon. – Comment osez-vous venir en ce lieu ? Comment osez-vous vous présenter devant moi ? Comment osez-vous… Toi ! Comment peux-tu être ici ? Sa main tendue vers la foule semblait indiquer Pégase… mais il n'en était rien. Derrière Seiya, se tenait Ayoros, plus pâle que la mort. – Déicide ! Au faible son de la voix de son épouse, Hadès se figea. Son cosmos s'adoucit instantanément, permettant à tous de respirer à nouveau normalement. Rhadamanthe soutint sa Reine qui se relevait, de manière à la révéler à son Roi. – Perséphone… Il n'osait pas y croire. Elle était là… dans son corps. Elle se tenait juste devant lui. Le plus précautionneusement possible, il s'avança vers elle. Il finit par oser tendre sa main et effleurer son visage de ses doigts. Il ne sentit pas les larmes couler le long de ses joues. – Par l'Olympe, mon amour… c'est bien toi… Le plus doucement possible, Rhadamanthe confia sa Reine à Hadès, et recula de deux pas, pour poser un genou en terre. La conscience du Dieu des Enfers semblait se résumer au corps fragile qu'il tenait contre lui. – Persy… Il releva tendrement le visage de sa bien-aimée vers le sien. Et pour la première fois depuis des siècles, ils purent échanger un baiser. Aussitôt, une lumière aveuglante les enveloppa pour se répandre dans tout Elysion. Ce contact n'avait rien à voir avec la bienveillance du cosmos d'Athéna. C'était l'amour absolu et divin. Un concept purement et simplement étranger à l'esprit humain. Les Spectres, les Marinas et les Chevaliers prenaient ses vagues de plein fouet, incapables de se protéger de si puissants sentiments. Comme pour le désespoir de Perséphone, comme pour la haine d'Hadès, ils subissaient leur amour. – Euh, frérot, intervint prudemment Poséidon, ce n'est pas que je ne veux pas que tu profites de ta femme, hein… je suis le premier à être ravi pour vous deux mais… je ne crois pas que les autres soient prêts à ça… Alors Hadès et Perséphone mirent fin à leur baiser, mais le Dieu des Enfers garda précieusement sa Reine dans ses bras. – Tu peux m'expliquer, Petit Frère, ce que toi et… notre nièce faites ici ? gronda Hadès. Le Dieu ne répondit rien et se contenta de la serrer davantage contre lui. Son regard vint se poser sur les trois Juges qui étaient agenouillés. – Rhadamanthe ? Rhadamanthe remit un genou à terre, tentant de cacher l'émotion que lui procuraient les mots d'Hadès. Le Dieu continua. – Minos ? Le Griffon tressaillit et s'avança à son tour. – Je compte sur toi pour me faire un rapport de la situation au plus tôt. Le Norvégien baissa la tête et s'agenouilla. – Votre Majesté. J'ai accusé Sa Majesté Perséphone de trahison. J'ai voulu l'écarter du trône. J'ai failli déclencher une guerre… j'ai trahi les Enfers et la confiance que vous avez placée en moi. Je ne mérite pas de continuer à occuper le poste de Juge. Je vous présente ma démission. Le Dieu fronça les sourcils. – Qu'est-ce que… Le Griffon ne sut que répondre et se contenta de reprendre sa place aux côtés des deux autres Juges. – Eaque ? Le Garuda se leva, et sourit aux deux dirigeants des Enfers, en s'inclinant devant eux. – Vos Majestés. Alors que le Garuda reculait, Hadès reporta son attention sur Pandore. – Petite Sœur… Le Dieu l'interrompit d'un geste de la main. – Je ne comprends guère la situation présente, mais je crois comprendre que si tu es là, c'est que tu as eu une part active dans ces événements et que tu œuvres aussi pour la paix. Cela me suffit, à l'heure actuelle. J'aimerais te confier une tâche. La Prêtresse vira écarlate. – Tout de suite. Bien ! fit-elle en s'adressant à la foule, vous avez entendu le Roi des Enfers ! En route pour Giudecca ! ******************** Arrivés au Palais, Poséidon se tourna vers Pandore. – Alors, belle enfant, que fait-on ? Le Dieu éclata de rire. – Tu les connais si peu ! Ce sont deux véritables animaux politiques. Dans deux heures, ils seront parmi nous. Et je vous parie qu'ils vont passer plus de temps à parler des événements récents qu'à se faire des papouilles. Ce fut sa nièce qui prit la parole. – Que pensez-vous de prendre les dispositions pour la célébration que nous avions en tête ? A suivre... |