RESURRECTION

 

 

 

 

Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément
appartient à Masami Kurumada. L'auteur ne retire aucun bénéfice si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Genre
: romance/amitié/intrigue.

Rating
: interdit au moins de 18 ans.

Note
: nombreux couples principalement Yaoi.

Auteur : Gajin

J'espère que tu aimeras. Bonne lecture...

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Chapitre 14

 

Les Liqueurs d'Heinstein

 

Il fallut quelques heures pour permettre à chacun de prendre ses dispositions et pour rappeler quelques chevaliers de bronze et d'argent afin qu'ils assurent la défense du Sanctuaire durant l'absence de leur déesse et de ses principaux protecteurs. Considérant la destination du voyage, Kiki, Shunreï et Seika acceptèrent sans protester de rester en Grèce. Marine et Shina, elles, avaient réussi à convaincre Athéna de ne pas les laisser en arrière.

De son côté, Poséidon contacta Io pour l'avertir de la situation, par cosmos interposé. Le Général tenta d'émettre une objection lorsque le Dieu lui expliqua que, non, il n'était pas nécessaire de vider le sanctuaire sous-marin pour lui servir d'escorte, mais il ne plia réellement que lorsque Sorrente intervint pour soutenir la divine position. L'ascendant de la Sirène sur les autres Marinas était, une fois de plus, flagrant. Et dire qu'il voulait renoncer à son poste… Il était absolument hors de question, pour Poséidon, d'accéder à cette demande. Quoiqu'il lui en coûte, l'Autrichien resterait à la tête de ses Généraux. Le Dieu n'aimait pas particulièrement faire montre d'autorité, et, de toute façon, contraindre Sorrente serait contre-productif, mais il avait besoin de la Sirène à ce poste. Il fallait qu'il accepte de son plein gré… Ce fut en observant un échange entre Valentine et l'Autrichien que les yeux se mirent à briller et que ses lèvres s'étirèrent en un large sourire. Il avait une idée. Si tout se passait bien, il pourrait la mettre en application. Il rejoignit ses deux nièces, particulièrement satisfait d'avoir réussi à résoudre ce problème. Qu'il était agréable, tout de même, d'être aussi intelligent.

Les au-revoir furent rapides. Kiki promit d'être sage. Shunreï, habituée à voir son cher Shiryu partir, se consolait en se disant que, pour une fois, il ne devrait participer à aucun combat. Seika embrassa son petit frère, et ses amies, pour finir par se présenter devant le Sagittaire.

– Soyez prudent, Chevalier…
– Seika… tu m'avais promis….
– Oui, pardon. Sois prudent, Ayoros…

Et elle l'embrassa sur la commissure des lèvres, avant d'aller rejoindre Shunreï. Le Sagittaire se mit à murmurer pour lui-même qu'il lui en faisait la promesse, en passant une main distraite là où il sentait encore la délicatesse du baiser de Seika. Aiolia, à ses côtés, le regardait en souriant. Athéna battit le rappel de ses Chevaliers et ils se mirent en route. Ce fut une véritable armée qui se présenta aux portes du Château d'Heinstein.

********************

Dans le bureau de Minos, on se préparait à la guerre. L'annonce de l'arrivée des trois Dieux et de leurs combattants s'était répandue comme une traînée de poudre dans tout le Royaume. Le Griffon avait convoqué ses Gardiens et multipliait les ordres de manière à assurer la défense des Enfers. Seuls deux n'avaient pas encore reçu les leurs. Au dehors, chaque Spectre était prêt à combattre. Pour la Gloire d'Hadès et l'Honneur des Enfers. Deux valeurs supérieures que l'ancienne Reine semblait avoir oubliées. Sa trahison ne faisait plus aucun doute.

Pandore entra comme une trombe dans la pièce, constatant avec une immense satisfaction l'absence du Garuda. Elle se planta devant Minos.

– Que comptes-tu faire ?
– A votre avis ? Défendre le Royaume, évidemment ! Myu ! rugit-il. Trouve-moi Phlégyas et Charon ! Je les veux ici dans dix minutes !

Habituellement, le Papillon aurait probablement fait remarquer que les deux Passeurs dépendaient d'Eaque… mais il préféra, compte-tenu des circonstances et de l'humeur du Juge, ne rien répliquer et se contenta d'obéir prestement.

– Tu crois vraiment qu'ils viennent pour combattre ? demanda Pandore.
– Mais non, voyons… Ils se sont postés devant Heinstein, en armure, parce qu'ils trouvent l'endroit joli pour piqueniquer… ! Si votre contribution ici se limite à poser des questions stupides, vous pouvez vous retirer, Lady Pandore.

Il se retourna vers la carte des Enfers.

– Yvan ! Je veux des hommes ici, ici et ici, fit-il en montrant quelques points sur la carte. Nous devrons suivre leur progression et la ralentir autant que possible. Que les Spectres se tiennent prêt à… à n'importe quoi. Détruire les ponts, écrouler les falaises… tout ce qui pourra leur venir à l'esprit. Il est probable que cela ne servira pas à grand-chose mais nous devons gagner du temps…
– Je vais faire suivre vos ordres, mon Seigneur.

Et le Troll fila, laissant Minos seul avec ses angoisses, sa colère et Pandore. Le Griffon doutait qu'ils puissent résister à cette invasion. Ils allaient devoir affronter deux Dieux Guerriers, sans compter Perséphone qui connaissait le Royaume mieux que quiconque. Cinq Chevaliers Divins, et un Chevalier d'Or avaient suffi à les mettre en déroute durant la dernière guerre… Certes, à présent, les Spectres étaient prévenus. Mais Hadès n'était plus là. Et leurs ennemis s'étaient notablement renforcés. Outre les autres Ors, et les quelques Marinas, il fallait compter avec Rhadamanthe. La Wyverne serait un adversaire difficile à abattre. De par sa force, évidemment. Mais, surtout, en raison des quatre mille ans qu'ils avaient passés côte à côte. Comme deux frères. Deux frères qui avaient accepté de servir le Dieu de Enfers. Et dont l'un avait trahi, sans que l'autre ne puisse rien faire contre lui.

– Vous devriez aller à Elysion, fit-il à l'adresse de Pandore. Nous devons prévenir les Jumeaux et… être prêts à protéger le corps de Sa Majesté.
– Je les ai déjà contactés, avant de venir ici. Le corps de mon frère sera leur seule priorité. Hypnos a convaincu Thanatos… qui était à deux doigts de débarquer, prêt à affronter lui-même Perséphone, ajouta-t-elle.
– J'aurais aimé pouvoir compter sur leur puissance, mais…

La sœur d'Hadès acquiesça. Elle le comprenait parfaitement. Même les Enfers étaient moins importants que le véritable corps de son frère. Elle vint poser sa main sur le bras du Juge, qui contemplait sa carte hésitant entre rage et désespoir.

– Nous avons fait ce qui est juste, Minos, le rassura-t-elle. Nous devons être forts. Nous vaincrons. Pour la Gloire d'Hadès et l'Honneur des Enfers.

Le Griffon ne dit rien et posa simplement sa main sur celle de la Prêtresse. Eaque entra alors dans la pièce, s'arrêta un instant pour les observer et referma doucement la porte, avant de prendre une grande inspiration et de se retourner vers le… le couple. Il n'y avait pas d'autre mot.

– Hé bien, hé bien… serait-ce la journée des surprises ? fit-il dans un sourire.

Minos se retourna et lâcha précipitamment Pandore, qui regardait le Garuda avec un air satisfait.

– Où vois-tu une surprise, Eaque ? lui demanda-t-elle.
– Dans la nouvelle que vient de me faire parvenir Charon. Tu m'excuseras, Minos, mais il ne se présentera pas devant toi : je l'ai renvoyé à son poste sur l'Achéron, je vais avoir besoin de lui. Phlégyas, par contre, ne devait plus tarder.

– Et quelle est cette nouvelle ? fit Minos d'un ton légèrement plus agressif qu'il ne l'aurait souhaité.

Qu'Eaque l'ait surpris trouvant du réconfort dans la présence de la Prêtresse le dérangeait fortement. Les discussions qu'ils avaient eues récemment… Le Garuda était bien capable de croire que lui, Minos, succombait à son destin et cela l'énervait, car rien n'était plus faux, rien n'était plus absurde ; son Destin était avec le Népalais, il en était certain.

– Poséidon et Athéna veulent me parler, leur apprit le brun. Je vous l'avais dit, pour une surprise, c'est une surprise.
– Et qu'est-ce que tu as l'intention de faire ? s'enquit Minos, soucieux.
– Allez les voir et écouter ce qu'ils ont à me dire, évidemment.

Le Griffon et la Prêtresse ouvrirent de grands yeux.

– Mais tu n'y penses pas ! Ils vont te tuer ! cria le Norvégien. Je te l'interdis, tu m'entends ? Tu n'iras pas à Heinstein !
– Oh que si, Minos. Je t'assure que je vais y aller, répondit calmement le Garuda. Déjà parce que tu n'as aucune autorité sur moi. Ensuite parce que je suis véritablement intéressé et intrigué. Je vous ai dit que je trouvais toute cette histoire trop évidente. Presque vulgaire, en fait. Or il s'agit là d'une véritable opportunité pour lever un peu le voile... et vérifier que mon intuition était juste pour ce qui est de la délicatesse de ce tableau. Je suis venu vous avertir de mes intentions par pure politesse.

Il y avait dans son ton, et dans ses manières, un mélange de gravité et de légèreté que Pandore n'arrivait pas à comprendre. Il semblait déterminé mais complètement libéré des conséquences de son choix, comme s'il accordait moins d'importance au danger qu'à la vérité. Minos se porta à la hauteur de son homologue.

– Ils sont venus pour la Guerre. Ils vont te tuer…, fit-il en serrant les dents.
– En sommes-nous si sûrs ? lui répondit le Juge des Enfers dans un sourire. Peut-être sont-ils là pour discuter tout simplement…
– A la tête d'une armée ? objecta le Griffon.

Eaque soupira, avec indulgence.

– Perséphone a besoin d'une bonne raison pour être revenue.
– Le trône, répondit Pandore, comme une évidence.
– Vous, vous avez vraiment un problème avec ces fauteuils encombrants, hein, nota le Garuda. Bien sûr que non, pas le trône. Déjà parce que le meuble en lui-même est affreux… Et si c'était véritablement le pouvoir qui l'intéressait, elle ne serait pas partie : elle l'avait de facto en étant la Reine des Enfers.
– Elle ne l'avait plus quand nous l'avons accusée ! objecta la Prêtresse.
– Elle est partie avant de perdre son titre. Et ne me dites pas, par pitié, qu'elle est partie parce qu'elle savait que ça allait arriver. Il faudrait savoir. Vous considérez qu'elle se moque complètement des Enfers, vous lui en voulez tous les deux pour cela, et maintenant, elle viendrait reprendre un trône qui ne l'intéresse pas à la tête d'une armée ? Soyons un peu… cohérents, tout de même.
– Tu es vraiment prêt à risquer ta tête pour… satisfaire ta curiosité et ton besoin de cohérence, comme tu dis? demanda Minos d'une voix trahissant une profonde incrédulité et presqu'autant d'inquiétude.
– Il ne s'agit pas que de moi. Les Enfers ont besoin de réponses, et je compte bien les obtenir. S'ils me tuent, vous saurez quelles sont leurs intentions, finit-il en haussant les épaules.

Minos blêmit instantanément, devant le peu de cas que son compagnon faisait de sa vie. Il s'avança de manière à pouvoir lui prendre la main, mais il ne finit pas son geste, préférant serrer le poing pour cacher ses tremblements.

– Ne me fais pas ça… Je t'en prie… Je ne pourrai pas continuer si tu n'es plus là…
– Bien sûr que si… Tu trouveras quelqu'un d'autre, quelqu'un qui t'attend, fit le Garuda en désignant Pandore du regard.
– Mais tu as perdu l'esprit ? cria le Griffon, horrifié. Tu ne vas pas la croire ? Elle délire !
– Cassandre, elle aussi, délirait… mais Troie est tout de même tombée, répondit le brun en le regardant avec une douloureuse tendresse. Bien, puisque nous nous sommes tout dit… je vais y aller.
– Eaque… non… s'il-te-plait…

Le Népalais joua un instant avec une mèche du Norvégien, lui tapota le bout du nez de son index et salua Pandore pour quitter aussitôt la pièce, son sourire toujours aux lèvres. Il fallut quelques secondes à Minos pour réaliser…. Il se précipita à la porte.

– Eaque… EAQUE !

Son cri résonna dans le couloir, mais le Garuda ne se retourna pas. Il se contenta d'un petit geste de la main au moment où il franchit la porte du Tribunal.

********************

Devant le château d'Heinstein, Athéna, Poséidon et Perséphone attendaient, ainsi que tous leurs compagnons, depuis de longues minutes l'éventuel retour du garde à qui ils avaient formulé leur demande d'entretien. Ou, à défaut, l'on pouvait toujours rêvé, l'apparition d'Eaque du Garuda. Mais rien n'arrivait et la patience de certains commençaient à montrer ses limites. Rhadamanthe devenait à moitié fou. Perséphone et Kanon devaient déployer des trésors d'imagination pour que la Wyverne n'aille pas rappeler à ces Spectres les règles en vigueur dans le Royaume, de manière assez brutale si l'on se fiait à ses déclarations.

– Vous pouvez être certains que Minos va m'entendre…, gronda-t-il. Comment peut-il tolérer ce genre de comportements… ?
– Euh… je pense qu'il a d'autres problèmes, de son point de vue, que de faire respecter le délai d'attente pour les visites officielles impromptues, fit remarquer Kanon.
– Ce n'est pas une raison pour traiter ainsi Sa Majesté !
– Techniquement, Rhada, je ne suis plus Reine des Enfers.

La Wyverne serra les dents et les poings.

– Ne fais pas l'enfant…, le sermonna-t-elle.
– Majesté ! Les Enfers font attendre deux Dieux ! Et je suis toujours Juge que je sache !
– Ah ? fit le Gémeau, sautant sur le nouveau sujet potentiel, tu as gardé ton titre ?
– La Directive d'Hadès, je t'en ai parlé. Je ne le remercierai jamais assez pour cela. Vous auriez bien été capable de me rejeter moi aussi, fit-il à l'adresse de celle qui restait sa Reine.
– Pour te protéger, Rhada.
– Arrêtez de vouloir protéger tout le monde… Combien de fois devrais-je vous le dire ?
– Tu ferais mieux d'arrêter tout de suite, au lieu de gaspiller ta salive, remarqua-t-elle. Je ne changerai pas pour toi.

De son côté, Valentine jouait les guides touristiques pour passer le temps, décrivant à Sorrente les particularités architecturales d'Heinstein. La Sirène venait aux Enfers pour la première fois, et même si les circonstances étaient particulièrement particulières, le Chypriote comptait bien lui rendre son séjour aussi agréable que possible. Plusieurs chevaliers, dont notamment Camus et Shiryu, s'étaient portés à leur côté et une conversation passionnante pour certains – beaucoup moins pour d'autres au nombre desquels figurait Milo – s'était alors engagée. Athéna et Poséidon finirent par aller trouver Perséphone.

– Nonie, ma chérie, je dois à la vérité de te le dire : le service d'étage chez toi est absolument exécrable.

Perséphone allait répondre, tandis que Kanon calmait Rhadamanthe, lorsqu'une voix s'éleva en provenance des portes du château.

– Pardonnez, Seigneur Poséidon… tant il est vrai que, si je suis en retard pour notre entrevue, c'est d'avoir trop longuement hésité sur la couleur de mon cercueil. Mais je manque, une fois de plus, à tous mes devoirs et aux règles les plus élémentaires de la politesse.

Le Népalais fit une profonde révérence.

– Seigneur Poséidon, Déesse Athéna, je me présente : Eaque du Garuda, Juge des Enfers… Dame Perséphone, salua-t-il son ancienne Reine après s'être relevé.
– Comment oses-tu, Eaque ? gronda la Wyverne, offusqué par le manque de respect du brun.
– Mon cher Rhadamanthe… Pourquoi poses-tu des questions dont tu connais les réponses ? Valentine, fit-il en s'inclinant légèrement. Ravi de voir que tu vas bien. Et pour les autres… j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je me contente d'un salut général. Bien… je ne sais pas pour vous mais je trouve l'endroit des moins plaisants pour une longue discussion. Peut-être pourrions-nous directement passer à la raison de cette entrevue ?

Poséidon sourit et s'avança un peu, en compagnie d'Athéna.

– Nonie nous avait prévenu que tu étais quelqu'un d'intéressant, je vois qu'elle avait parfaitement raison.
– Nonie ? releva le Garuda, dans un sourire.
– Perséphone. Que vas-tu imaginer ? fit le Dieu sur le même ton.
– Oh, rien du tout. Mon imagination est déplorable. C'est bien la seule raison pour laquelle j'ai accepté cet entretien : je n'arrive pas à concevoir une explication plausible à votre présence ici.
– Nous sommes venus vous demander l'annulation des poursuites contre Perséphone, fit Athéna.

Cette ambiance mondaine commençait à la fatiguer.

– Sommes-nous bien sûr qu'il s'agisse de votre demande, Déesse, et non celle de notre ancienne Reine bien-aimée ?
– Absolument. Nous avons passé des heures à la convaincre. Ma nièce était pleinement comblée à l'idée de passer plusieurs jours dans vos cachots, répondit Poséidon.
– Mais s'il n'y a que ça pour lui faire plaisir… je suis certain que Minos et Pandore seront absolument enchantés de la satisfaire.
– Eaque ! Tu vas trop loin ! rugit Rhadamanthe.
– Cela m'étonnerait, puisque je ne vais nulle part, rétorqua le Népalais.

Il regarda longuement son homologue.

– J'entends mener ces débats, comme je l'entends. Si tu n'aimes pas cette discussion, j'ai cru comprendre que ta présence n'était pas nécessaire, ajouta-t-il d'un ton légèrement moqueur.
– Tututu, intervint Poséidon. Nous sommes ici entre amis. Donc Rhadamanthe va aller compter fleurette à son Gémeau, et nous allons reprendre tranquillement. N'est-ce-pas Rhadamanthe ? Tu ne souhaites pas que cet entretien soit écourté à cause d'un malentendu, est-ce que je me trompe ?

La Wyverne ne répondit rien, et se retourna vers Kanon en grognant, sous le regard doux mais inflexible de sa Reine.

– Bien… où en étions-nous ?
– Au fait que « Nonie » ne souhaitait pas voir les accusations contre elle levées, rappela le Garuda.
– Ah oui, très juste. Nana, tu veux continuer ?

Athéna leva les yeux au ciel.

– Pos', si tu m'appelles encore une seule fois comme ça en public… Bon. Eaque du Garuda, je ne suis pas mon oncle. J'aime les approches plus directes et tout ceci a duré depuis bien trop longtemps. Nous sommes venus vous faire une proposition.
– Je suis toute ouïe, Déesse, fit le Népalais.
– Vous annulez les poursuites contre Perséphone et ses hommes, et nous vous ramenons Hadès.
– Pardon ? s'étrangla le Garuda.

Athéna le regarda droit dans les yeux, imperturbable.

– Mon oncle et moi avons accepté d'aider ma cousine à ressusciter son époux. Mais nous ne ferons rien tant qu'elle sera sous le coup de ses accusations ridicules et déshonorantes.
– Ressusciter Hadès ?

Le Garuda regardait Perséphone à présent, cherchant à lire dans ses yeux s'il s'agissait de la vérité. Elle acquiesça silencieusement, d'un simple mouvement de tête. Et ce fut comme si le voile se levait sur le tableau qu'Eaque guettait depuis des jours. Une révélation. La Lumière. Un choc aveuglant.

– C'est pour cela que vous… Mais pourquoi avoir voulu perdre…

Le cerveau du Garuda tournait à plein régime. Perséphone s'approcha et lui sourit.

– Pour la paix, Eaque. Je ne veux plus de guerre. Si Athéna avait refusé…

Eaque lui sourit. Tout faisait sens maintenant dans son esprit, même s'il lui manquait probablement quelques détails marginaux. Il mit un genou à terre.

– Majesté. Je ne puis que m'incliner devant votre ingéniosité, et votre sens du sacrifice. Les Enfers seront fiers de retrouver une Reine telle que vous. Mais avant votre retour triomphal, j'aimerais contacter Minos, pour qu'il apprenne la nouvelle de votre bouche, à tous les trois. Le retour de Sa Majesté le comblera de bonheur. Sans parler du fait qu'il est absolument nécessaire que ce soit lui qui fasse les annonces qui s'imposent.
– Fais, Eaque. Et demande-lui de venir accompagner de Pandore. Que je puisse leur présenter mes excuses à tous les deux.

Le Garuda releva les yeux vers elle.

– Et moi, je n'ai pas droit à quelques mots pour vous faire pardonner ? lui fit-il dans un petit sourire.
– Pardonner de quoi, Eaque ? lui fit-elle en passant une main sur sa joue. Toi, je n'ai jamais réussi à te manipuler, n'est-ce-pas ? Tu n'as jamais cherché à m'écarter du trône parce que tu pensais que j'avais trahi…
– Je le reconnais. Je ne vous pensais plus apte à gouverner. C'est donc à moi de vous…
– Non, certainement pas, l'interrompit-elle. Nous savons très bien, tous les deux, quel est ton poste et quelles sont tes responsabilités. Tu as fait ce qu'il fallait, Eaque. Je suis fière de toi.

Il lui sourit.

– Et je le suis de vous. C'est un honneur de vous voir sur le trône, Majesté. Minos ? Tu peux venir à Heinstein avec Pandore ? J'ai besoin de vous.

********************

Il ne fallut que quelques minutes au Griffon pour arriver en vue du Château et gravir les marches, Pandore sur ses talons. Le cosmos du Garuda reflétait un profond trouble… Eaque avait besoin de lui. Et Eaque était toujours en vie. Minos ne savait pas laquelle des deux informations avait le plus d'importance à ses yeux. Il n'arrivait pas à garder les idées claires, balancé continuellement entre la joie la plus absolue – Eaque était vivant ! – et l'angoisse la plus totale – pour combien de temps encore…?–. Il ne pouvait pas vivre sans Eaque. Il ne pourrait pas vivre sans Eaque. Jamais. Il s'y refusait absolument. Qu'on touche à un seul cheveu de son amour… et ce serait la Guerre. Le corps d'Hadès était en sécurité avec les Jumeaux. Si Eaque n'était plus là, le reste n'avait aucune espèce d'intérêt.

Lorsqu'il arriva sur l'esplanade, son cosmos brûlait. Eaque était là, discutant avec Perséphone, Athéna, Poséidon et Rhadamanthe… Le Népalais, sentant sa présence, se retourna et lui fit un sourire. Le cœur de Minos rata un battement. Pandore arriva derrière lui. Il lui barra le passage en tendant le bras. Que se passait-il, ici ? Il n'en savait rien. Mais Eaque était vivant et ne courrait apparemment aucun danger. Il abaissa son bras.

– Je te l'avais dit ! Je te l'avais dit que c'était un traître lui aussi ! hurla Pandore.

Minos se contenta de regarder le Garuda… Jusqu'à quel point lui faisait-il confiance ? C'est ce que semblaient lui demander les yeux du Népalais. Ces yeux magnifiques dans lesquels il aurait souhaité ne voir que de l'amour…

– Taisez-vous, Milady. Eaque ne trahirait jamais les Enfers.
– Comment peux-tu en être aussi sûr ?

Parce que je le connais… parce que je l'aime… Mais ces mots, bien sûr, il ne les prononça pas.

– Parce que Rhadamanthe ne trahirait jamais Perséphone. Et que je ne trahirais jamais Hadès. Alors calmez-vous, et tâchons de comprendre de quoi il retourne.

********************

Une heure plus tard, les armées du Griffon et du Garuda étaient rassemblées au bas des marches d'Heinstein. Sur leur gauche, se tenaient les Chevaliers, les Marinas, Valentine, Pandore et les trois Dieux.

– Moi, Minos du Griffon, Juge des Enfers…
– Moi, Eaque du Garuda, Juge des Enfers…
– Moi, Rhadamanthe de la Wyverne, Juge des Enfers…

Leur trois voix se mêlèrent pour faire leur annonce.

– Nous déclarons solennellement la fin des poursuites contre Sa Majesté Perséphone, sans qu'aucun chef d'inculpation ne soit retenu contre elle. Elle retrouve, par là-même, son titre de Reine des Enfers. En conséquence, nous décrétons la remise en liberté de toutes les personnes arrêtées du fait de cette mise en accusation.

Une vague de stupeur passa parmi les Spectres. Minos les fit taire d'un simple geste de la main.

– Les actes de Sa Majesté qui m'ont conduit à la soupçonner… je les ai mal interprétés. J'ai commis une erreur qui sera jugée en son temps. Notre Reine a toujours gardé à l'esprit l'intérêt supérieur des Enfers, et celui de Sa Majesté Hadès. Elle vous a toujours été fidèle. Et grâce à son action, grâce à son intelligence et son dévouement, elle offre au Royaume le plus beau des présents.

Il marqua une pause. Eaque était toujours ébloui par l'aisance avec laquelle le Griffon s'exprimait en public. Il y mettait ce qu'il fallait de gravité et d'émotion. Tout était criant de sincérité, comme sa honte et son bonheur transparaissaient dans sa voix qui pourtant ne tremblait pas. Il aurait aimé prendre cette main, si blanche, dans la sienne… mais il garda la même attitude stoïque que Rhadamanthe de l'autre côté de leur collègue.

– La présence parmi nous d'Athéna et de Poséidon est de son fait. Ces deux Dieux ont accepté d'accéder à la requête que notre Reine a formulée… Ils sont venus pour ressusciter Sa Majesté Hadès. Oui, mes amis, vous m'avez bien entendu, reprit Minos après un instant. Notre Roi sera bientôt de retour parmi nous. Et c'est à son épouse que nous le devons. Alors si vous le voulez bien…

L'instant d'après, les Spectres réunis imitèrent dans un même geste les trois Juges qui s'étaient agenouillés.

Perséphone libéra un peu de son cosmos pour envelopper ses sujets.

– Minos se trompe pas. Il n'a pas commis d'erreur. Personne, parmi vous, n'en a commis. Et je suis fière en cet instant. Fière d'être votre Reine, aujourd'hui et à jamais. Mais allons libérer ceux qui doivent l'être, que nous puissions célébrer, tous ensemble, le prochain retour de mon époux.
– Pour la Gloire d'Hadès…, rugit Minos.
– … l'Honneur des Enfers…, reprit Eaque.
– … et l'Amour de Perséphone, conclut Rhadamanthe.

Et une marée humaine prit la direction de la Première Prison.

********************

La libération des Spectres fut l'occasion de scènes émouvantes où se mêlaient excuses et embrassades. La quasi-totalité de leur armée se mit successivement à genoux devant la Reine et son Juge, implorant leur pardon pour avoir douter et les avoir reniés. Perséphone donna une sincère accolade à chacun, expliquant à tous qu'ils ne devaient pas s'en vouloir, s'excusant pour n'avoir pas su trouver d'autre moyen pour mener son plan à bien. Queen, blotti dans les bras de Gordon, s'excusa également auprès de Kanon, pour son attitude agressive à son égard. Sylphide fut le dernier à être libéré.

Lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir, il ne leva même pas les yeux.

– Sylphide ?

La douceur de la voix de Perséphone. Il crut à un rêve et resta prostré, mais la Reine vint s'agenouiller devant lui, pour retirer ses chaînes.

– C'est fini, Sylphide.
– Majesté ? C'est bien vous ? demanda-t-il d'une toute petite voix.
– Oui. Tout est rentré dans l'ordre… tu es libre. Il n'y a plus d'accusation de trahison. Ni contre toi, ni contre personne.
– Queen et Gordon ? Vos Spectres?
– Ils t'attendent tous dehors. Tout le monde va bien.
– C'est bien. C'est très bien. Je vous remercie.

Elle lui sourit en l'aidant à se mettre debout. Il semblait extrêmement las.

– C'est Athéna et Poséidon qu'il faut remercier. Ils vont m'aider à ressusciter Hadès.
– C'est… une merveilleuse nouvelle, Majesté. Je suis heureux pour vous et pour le Royaume.

Le pire étant qu'il l'était très sincèrement. Dès qu'il passa la porte, Queen et Gordon le prirent dans leurs bras. Il leur accorda un sourire fatigué et sans joie, fit rapidement le tour des présents. Finalement, il s'agenouilla devant Rhadamanthe.

– Quels sont vos ordres, mon Seigneur ?
– De quoi parles-tu, Sylphide ? fit le Juge surpris par l'attitude de son Secrétaire.
– Toutes ces personnes vont devoir être logées…, fit remarquer le Basilic.
– Oui, évidemment, mais… Il n'y a pas d'urgence, voyons. Avant tout, nous allons célébrer le retour prochain d'Hadès et la fin de cette absurdité. Tous ensemble.
– Une célébration, oui. C'est une excellente idée… Je vais m'occuper des détails. Et je regarderai les chambres disponibles.

Rhadamanthe le prit par les épaules, le fit se relever et chercha son regard qu'il finit par accrocher.

– Hé… Tout va bien ?
– Oui, je vous assure, fit-il en se dégageant. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai du travail.

Et il quitta la Prison, en passant devant Pharaon. Il n'eut pas le moindre regard pour le Sphinx.

********************

Perséphone s'était rangée à l'avis de Sylphide et avait décidé d'organiser la répartition de ses invités. Poséidon fut conduit par Pandore dans les quartiers d'Hadès, au Palais de Giudecca, avec ses trois Marinas et Valentine qui refusait de quitter Sorrente. Perséphone invita Athéna à occuper les siens. Le Château pouvait accueillir l'ensemble de la Chevalerie depuis que Valentine avait libéré ses quartiers et que Queen et Gordon avaient proposé de faire chambre commune. On leur fit remarquer que cela ne les changerait guère de d'habitude.

Minos, lui, avait confié les plein pouvoirs à Rune et s'était réfugié dans son bureau, dès qu'il l'avait pu. Le Griffon se sentait excessivement mal. C'était une chose d'avoir œuvré pour destituer sa Reine, c'en était une autre de constater qu'il avait failli commettre l'irréparable. Car oui, il avait été proche de déclencher lui-même les hostilités… pour compenser la faiblesse relative des Enfers. Si Eaque ne l'avait pas averti, si Eaque n'avait pas eu des doutes… Si Eaque n'avait pas été là… Il aurait condamné Perséphone et ils auraient perdu Hadès. Depuis son retour, la Déesse l'avait mille fois assuré du fait qu'il n'avait rien à se reprocher, cela ne changeait rien. Il n'avait même pas la force de chercher à réparer… Réparer quoi, puisqu'il n'avait pas fait d'erreur ? Minos se donnait envie de vomir.

Il se prit la tête à deux mains. Il se faisait horreur.

– Minos ?

Il releva la tête. Eaque se tenait sur le seuil de la porte.

– Tu veux en parler ? demanda le Garuda.
– A quoi bon ?

Le Népalais ferma la porte à double tour.

– Tu crois vraiment que tout peut se résoudre par une partie de jambes en l'air ?
– J'ose espérer que ce que nous faisons ensemble a un tout petit peu plus de signification que ça…, fit remarquer Eaque, sans pour autant s'offusquer. Mais non, je ne compte pas te sauter dessus, pour une fois.
– Pourquoi fermer, alors ?
– Parce que tu ne veux pas qu'un autre que moi te voit dans cet état.

C'était la stricte vérité. S'il était venu dans son bureau, c'était pour y trouver l'isolement le plus complet. L'autorité des Enfers était retournée au Château. Rhadamanthe coordonnait les opérations, et c'était très bien comme ça... Parce que lui ne méritait plus rien.

– Arrête…, fit la voix du Garuda, à présent toute proche.
– Arrêter quoi ?
– De t'en vouloir. De culpabiliser. Ça ne te ressemble pas.

Le Griffon se leva d'un bond et se mit à hurler.

– Ce qui me ressemble davantage c'est de comploter, et de conduire ce Royaume à la ruine, peut-être ?
– Ai-je dit cela ?
– Non… mais c'est pourtant ce que j'ai fait ! Je n'ose même plus regarder les hommes en face ! Comment veux-tu que j'ose me présenter devant Perséphone ? Hadès va revenir à la vie… que faudra-t-il que je lui dise ? Que je mérite la mort ?

Le Népalais le regarda calmement, s'installant contre le dossier d'un canapé.

– Pourquoi voudrais-tu lui dire une chose aussi insensée ?
– Insensée ? Tu sais parfaitement ce que j'ai fait ! Par l'Olympe ! J'ai accusé Perséphone de trahison, Eaque ! J'aurais pu déclencher une guerre !
– Ne dis pas de bêtises.
– Si tu n'avais pas été là, c'est ce que j'aurais fait !
– Mais je suis là…
– Si je ne commets pas de crimes atroces, c'est parce que tu es à mes côtés… Quelle consolation, vraiment !
– Que ma présence ne t'apporte pas de réconfort n'est pas le problème. Mais il faut que tu réalises que tu as fait ce que tu croyais le mieux pour défendre les intérêts de notre Roi, continua-t-il sans porter attention à l'air effaré de son homologue. Tu as respecté scrupuleusement toutes les règles. Tu as fait ton devoir, Minos. Nous ne sommes pas, individuellement, infaillibles. Si nous sommes trois, c'est pour une bonne raison. Tu t'es trompé, parce que Perséphone a voulu te tromper. Tu as fait ce qu'elle attendait de toi. Il n'y a pas à t'en vouloir.
– Mais elle m'a trompé moi ! Pas toi ! C'est moi qui suis responsable !
– Parce que tu es le Juge d'Hadès ! Et que je suis celui des Enfers ! Je ne nourris aucune passion pour notre Roi. Pas plus que pour notre Reine. Je les respecte, mais tant que le Royaume reste debout, ils peuvent bien mourir tous les deux, ou abandonner leur charge, ce n'est pas mon problème. Tu lui en as voulu, elle a pu te manipuler, parce qu'elle a tout fait pour que tu crois qu'elle n'aimait plus Hadès. Tu as souffert pour lui. Moi, je m'en contrefous de leurs histoires. Enfin… ça m'a rendu triste, évidemment. C'est toujours triste ce genre d'histoires… de voir qu'un amour se termine. Mais c'est la vie. Life is life…
– Elle l'aime toujours, fit Minos.
– Oui.
– Et à cause de moi, il aurait pu la renier…
– Mais ce n'est pas ta faute ! Et arrête de culpabiliser pour ce qui aurait pu éventuellement arriver si les choses avaient été différentes ! Elles ne sont pas différentes !
– C'est facile à dire pour toi… Tu n'as rien à te reprocher…
– Pardon ? Est-ce que tu réalises, mon cher Minos, que je l'ai évincée du trône parce que je l'ai jugée inapte à la pratique du pouvoir ? En mon âme et conscience ? Que je n'ai pas la plus petite excuse ? Elle ne m'a pas déçue, je n'étais pas en colère contre elle, comme tu l'as pu être ou comme l'a été Pandore. Je ne la haïssais pas, moi. J'ai participé à cette histoire sans être persuadé qu'elle avait trahi. J'ai laissé partir Valentine, mettant en péril la sécurité des Enfers…
– Mais la suite t'a donné raison.
– La suite, la suite. C'est tellement facile de juger a posteriori. En toute objectivité, Minos, tu n'as rien à te reprocher. Tu as été loyal à Hadès de bout en bout. Tu as parfaitement tenu ton rôle. Mais si mon avis ne te suffit pas, prépare un beau discours d'excuses publiques pour le retour de Sa Majesté. Je suis certain que Pandore sera ravie de te faire répéter.
– Je t'en prie ! Arrête avec Pandore ! Ça en devient ridicule, à force !
– Je suis quelqu'un de ridicule…, fit Eaque en s'effondrant dans un fauteuil.
– Mais… qu'est-ce qu'il te prend ?

Le Norvégien s'approcha du Népalais qui gisait là, une main vaguement posée sur son front, l'autre pendant mollement dans le vide. Le visage d'Eaque noua le cœur de Minos, qui vint s'installer juste à côté de lui.

– Dis-le-moi… Qu'est ce que tu as ?
– Je réalise que je me suis leurré moi-même…, avoua le Garuda tout bas.
– A quel propos ?

La main de Minos caressait doucement ses cheveux, et vint mourir sur sa joue. Eaque ferma les yeux.

– Je croyais sincèrement que j'y étais préparé mais… Tu vas me quitter. Et je ne le supporterai pas.
– Pourquoi voudrais-je te quitter, mon amour ?
– Pandore. Elle est la sœur d'Hadès. Tu aimes Hadès. Vous vous comprenez. Elle t'aime. Elle vous a vu… Elle te réconforte alors que moi, moi… ma présence n'est même pas une consolation…
– Eaque…

Minos prit la main du Népalais et posa son front contre celui du Garuda.

– Pandore n'est rien à côté de toi. C'est toi que j'aime. C'est toi que je veux. C'est de toi dont j'ai besoin, et uniquement de toi. Je t'aime… tellement que j'ai cru mourir quand tu es parti leur parler. Je suis fou de toi, mon amour.
– J'aimerais tellement pouvoir te croire…, fit le brun, la gorge nouée.

Le Griffon ne répondit rien et se contenta de le serrer tendrement contre lui.

********************

Au Château, Sylphide s'activait, prenant sur lui toutes les responsabilités possibles. Il voulait se perdre dans son travail. Oui, il était heureux pour Perséphone. Oui, il est ravi qu'Hadès soit bientôt de retour parmi eux. Oui, il était content que cette histoire de trahison soit éclaircie de la meilleure des façons qui soient. Oui… Il regarda la répartition des chambres. Les Chevaliers avaient été particulièrement accommodants. Tout le monde avait trouvé naturellement une place, même lorsqu'ils devaient partager des appartements à quatre.

– Tu aurais une minute ?

Sylphide poussa un soupir, et posa sa feuille.

– Qu'est-ce que tu viens faire ici, Pharaon ?
– Je suis venu te voir, puisque tu m'évites…
– Oui, je t'évite. Compte tenu des circonstances, je ne pensais pas que ma conduite te surprendrait.
– Compte tenu de quelles circonstances ? demanda le Sphinx.
– Notre séparation. Maintenant, si tu veux bien, j'ai beaucoup à faire, ajouta le Basilic en lui montrant la porte.
– Non, je ne veux pas.

Pharaon vint se planter devant le bureau du Secrétaire.

– Sylphide, il n'y a pas de trahison, tout est réglé. Rien ne nous empêche de… de nous remettre ensemble. C'était bien toi et moi, non ? Enfin, moi je trouvais ça bien. Mais si tu as des reproches à me faire… vas-y. Je changerai. Je… veux vraiment qu'on recommence, tous les deux.

Le Basilic releva les yeux vers son ancien amant. C'était probablement la plus grande déclaration d'amour dont il était capable. Ainsi, Pharaon l'avait aimé… l'aimait.

– Tu ne comprends pas…
– Il y a quelqu'un d'autre ? s'inquiéta l'Egyptien.
– Mais non… Ecoute, reprit-il après une courte pause, je ne suis ni Rhadamanthe, ni Valentine...
– Encore heureux, fit remarquer le Sphinx. Tu m'excuseras, mais ce n'est pas eux que je veux voir dans mon lit.
– Laisse-moi finir, s'il-te-plait.

Sylphide joignit les mains pour les poser contre son front, fermant les yeux.

– Je n'ai jamais vraiment renié Perséphone. En le disant, je ne faisais que suivre ses ordres.
– Et alors ? On s'en moque ! Elle n'a pas trahi !
– Mais je n'en savais rien… ! J'ai choisi de lui obéir alors que j'ignorais tout de ses plans. Si son but avait été la destruction du Royaume, je l'aurais suivie de la même façon.

Le Secrétaire se quitta son bureau pour se diriger vers la porte.

– Tu m'as quitté parce que j'obéissais à une traîtresse. Je n'ai rien fait qui puisse justifier que tu m'accordes ton pardon, Pharaon. Au contraire, même.
– Mais…
– Il n'y a rien à ajouter. Je suis un traître. Et je ne veux pas que tu sortes avec un traître. Tu mérites mieux. Beaucoup mieux.

Il quitta son bureau, tête basse, laissant le Sphinx en état de choc.

********************

Pandore avait des envies de meurtres. Elle ne supportait plus Poséidon. Elle lui était reconnaissante de tout, à commencer par son désir d'effectuer le rituel de résurrection, mais le Dieu lui sortait par les yeux avec son humour qui se voulait drôle et qui ne l'était décidément pas du tout. Valentine s'occupait de guider Sorrente. Isaac et Thétis, eux, s'étaient arrêtés à la chambre qu'on leur avait attribuée. En bref, ils étaient seuls et elle devait supporter les facéties de… son frère, par alliance. Quelque chose comme ça. Elle était la sœur d'Hadès. Poséidon est le frère d'Hadès. Mais elle ne se sentait absolument pas faisant partie de sa famille. Leur statut relatif était des plus étranges.

– Pandore…, finit par lâcher le Dieu. Pas évident de te trouver un surnom… Panpan, même moi, je trouve ça ridicule.
– Je n'ai pas besoin de surnoms, Seigneur Poséidon.
– Rhoo… Appelle-moi, Pos'. Tout le monde m'appelle Pos'.
– Pas Sorrente.
– Sorrente ne fait pas partie de ma famille, chère enfant. Pandi ? Non, hein… Vraiment, tu me poses un réel problème.
– Vous m'en voyez désolée, fit-elle sèchement.
– C'est vrai ? fit-il dans un sourire. Tu sais que j'ai une idée pour te faire pardonner ?
– Non et non. Aux deux questions. Mais vous commencez à m'inquiéter…
– Aie confiance… et allons ensemble à la salle du trône.
– Qu'est-ce que…
– Chut. Pour te faire pardonner ! fit-il dans un sourire charmeur.

Pandore leva les yeux au ciel, mais accepta de l'y conduire.

Les deux trônes des Enfers étaient installés côte à côte. En pierre grise et recouverts de larges étoffes de velours noir et perle, ils étaient d'une sobriété qui imposait le respect. Simples et efficaces. Le Dieu des océans traîna la Prêtresse jusqu'à la faire asseoir sur celui réservé à Perséphone. Elle se leva horrifiée.

– Mais vous avez perdu l'esprit ?
– Rhooo, ne fais pas la rabat-joie…
– Mais ce n'est pas une question d'être rabat-joie ! C'est le siège de Perséphone ! J'ai aidé à l'écarter ! C'est… ce serait une abomination ! Un outrage ! protesta-t-elle avec véhémence.
– Meuh non ! C'est justement si ça te pose un problème de t'asseoir ici deux minutes, juste pour délirer, qu'il y a un souci. Nonie ne vous en veut pas. Et Hadès a déjà essayé mon trône… alors j'ai envie d'essayer le sien.
– Et bien essayez-le, et ne me mêlez pas à vos histoires !
– Mais ce sera beaucoup moins drôle ! L'intérêt ici c'est justement d'avoir quelqu'un à ses côtés ! Et puis, allez ! C'est pour te faire pardonner, donc pas de discussions.

Il la prit par la taille, et la souleva sans effort apparent pour l'installer à la place de la Reine des Enfers. La maintenant par une pression de sa main sur le poignet de la jeune femme, il vint prendre place à ses côtés, sur le trône d'Hadès. Pandore se figea instantanément. Elle était là, sur le trône, à attendre le retour de son frère. La chevelure claire de Poséidon était à la limite de son champ de vision. La main du Dieu vint se poser doucement sur la sienne, avec un naturel désarmant.

– On est pas mal là, non ? Rien que tous les deux ?

Elle ne répondit jamais à la question de Poséidon.

– Bon ! finit par faire le Dieu des Mers en se relevant, ce n'est pas tout ça, mais nous devons réveiller mon frère. Si vous voulez bien me faire l'honneur, ma chère…

Et dans une révérence, il lui offrit sa main. Pandore y posa la sienne, sans trop savoir au juste pourquoi elle acceptait.

 

A suivre...

Chapitre 15

 

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