RESURRECTION

 

 

 

 

Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément
appartient à Masami Kurumada. L'auteur ne retire aucun bénéfice si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Genre
: romance/amitié/intrigue.

Rating
: interdit au moins de 18 ans.

Note
: nombreux couples principalement Yaoi.

Auteur : Gajin

J'espère que tu aimeras. Bonne lecture...

Index : clique sur le numéro du chapitre que tu veux lire :
1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14 - 15 - 16

 

 

Chapitre 11

Le Thé au Jasmin de Mû

 

Kanon aurait donné n'importe quoi pour disparaître. Malheureusement, il devait affronter la dure réalité de la vie : l'invisibilité ne faisait pas partie de ses attributs. Il choisit donc, à contrecœur, de se relever et de saluer les arrivants.

– Seigneur Poséidon… Isaac…
– Alors Kanon ! Des nouveaux plans de conquête du monde en cours, ou une petite trahison en perspective ? fit le Dieu en fixant son ancien Général.

L'ex-Marina eut l'impression qu'il allait faire un malaise – tomber dans les pommes pouvait être une excellente technique pour éviter le regard de Poséidon… il aurait dû y penser plus tôt. Saga était consterné et atterré, et Rhadamanthe avait haussé un sourcil, prêt à toute éventualité pour défendre l'honneur de son Gémeau, même face à un Dieu.

– Ton humour est vraiment lamentable, Pos', intervint sèchement Perséphone. Sérieusement, qu'est ce que tu viens faire ici ?
– Je te l'ai dit ! Je viens t'aider ! Tu ne me crois pas, ma belle et tendre nièce préférée ? fit le Dieu avec un sourire charmeur.
– Nièce peut-être… mais belle-sœur avant tout, contra Perséphone.
– Veuve, ma chère…, fit Poséidon flirtant toujours effrontément.

Perséphone dût retenir du bras Rhadamanthe qui avait fait mine de se jeter sur le Dieu pour lui faire ravaler ses paroles. Elle planta sur son oncle un regard noir.

– Avant que je ne lâche ma Wyverne sur toi pour qu'il t'apprenne les bonnes manières, tu as quelque chose à rajouter ?
– Qu'ai-je à dire pour ma défense ? Je suis odieux, oui… mais je m'ennuie, Persy. Et Sorrente me mène une vie impossible, fit Poséidon d'une voix larmoyante.
– Mon pauvre, je vais te plaindre…, répliqua la Déesse. Trêve de plaisanterie, tu es vraiment venu m'aider ?

Poséidon acquiesça. Il semblait avoir repris un peu de son sérieux. L'air sévère de la Reine des Enfers devait y être pour quelque chose.

– Tu as prévenu Athéna de ton arrivée ? demanda-t-elle, légèrement radoucie.
– Euh… Isaac ? fit le Dieu en se retournant vers le Kraken. On a prévenu Athéna ?
– Non, Seigneur Poséidon. Sorrente ne nous en a pas laissé le temps.

Isaac avait répondu dans la seconde mais n'avait pas regardé son Dieu. Il fixait Kanon qui essayait de regagner un peu de dignité en enlevant le sable de son torse. Les Dieux savaient à quel point le sable pouvait être collant… et à quel point le corps du Gémeau pouvait être désirable.

– C'est Sorrente qui t'a mis à la porte ? releva Perséphone, qui trouvait la situation cocasse.
– C'est de ta faute, ça, alors ne te moque pas. C'est ton Valentine qui lui a tourné la tête.

Rhadamanthe s'avança vers le Dieu.

– Valentine de la Harpie est à mon service, et je ne tolèrerai pas qu'on mette en doute ses qualités en ma présence. De même que je vous saurais gré de ne plus vous en prendre au Chevalier des Gémeaux, comme stipulé dans l'accord que vous avez passé avec ma Reine, Seigneur Poséidon.

La voix du Juge des Enfers n'était pas vraiment agressive, ni même vraiment menaçante… pas suffisamment en tout cas pour que le Dieu en prenne ombrage. Il connaissait bien la Wyverne, depuis le temps.

– Toujours aussi susceptible ton chien de garde, Persy, fit le Dieu, amusé.
– Pos'…, soupira Perséphone. Sincèrement, arrête avec l'humour, c'est juste insupportable. Et arrête de m'appeler Persy, tu sais que je déteste ça.
– Tu m'appelles bien Pos' et est-ce que je me plains ?
– Tout le monde t'appelle Pos', Pos'… et personne ne m'appelle Persy. Je crois que c'est là que réside la différence.

Le Dieu regarda un moment sa nièce, sembla réfléchir puis finit par taper dans ses mains.

– Bon, j'ai compris ! Pas d'humour et pas de surnoms. Les bonnes manières y gagneront ce que l'affection y perdra… Tu m'emmènes voir la chouette ?

Perséphone soupira à nouveau.

– Si tu veux vraiment m'aider… commence par arrêter de l'appeler la chouette.

********************

Alors qu'ils avaient récupéré leurs affaires, enfilé des tenues un peu plus présentables et qu'ils escortaient maintenant Poséidon et Isaac en direction du cœur du Sanctuaire – Saga étant parti devant pour prévenir Athéna et le reste des Chevaliers –, Rhadamanthe était venu se placer tout à côté de Kanon.

– Tu m'expliques ? grinça-t-il à l'oreille du Gémeau.

Le Juge semblait sur le point d'exploser. Le problème étant que Kanon n'avait pas la moindre idée de ce qui pouvait provoquer cette rage chez son compagnon.

– T'expliquer quoi ?
– Isaac.

Evidemment. Il aurait dû y penser…

– J'ai cru comprendre qu'il avait toujours eu un petit faible pour moi…, tenta diplomatiquement le Gémeau.
– Tu te moques de qui, là ? C'est à peine s'il ne t'a pas sauté dessus pour t'aider à te changer…
– Rhadamanthe… c'est un gosse. Il a quatorze ans… J'ai le double de son âge…
– Ah parce que s'il était plus vieux, tu serais intéressé ? gronda le Juge.
– Non. Je préfère les blondes, lui répondit le Grec.
– Très drôle, Kanon, très drôle, fit le Juge qui ne semblait pourtant pas avoir goûté la saveur de l'humour de son compagnon. Tu ne m'en voudras doncpas si je vais mettre les choses au point avec lui ?
– Fais comme tu veux…, soupira le Chevalier.

Et Rhadamanthe fila en direction du Général.

– Isaac du Kraken, c'est cela ? fit-il une fois arrivé derrière lui.

Le Finlandais ralentit pour regarder qui l'appelait.

– Oui… ?
– Rhadamanthe de la Wyverne, Juge des Enfers, Protecteur de Perséphone et compagnon de Kanon.

L'Anglais laissa un peu de temps au jeune homme pour digérer l'information, avant de reprendre.

– Je vais être direct, nous sommes entre hommes après tout. Que les choses soient parfaitement claires, gamin. Si je te surprends encore à poser sur Kanon cet œil lubrique, je ferai en sorte de rendre à ton visage sa symétrie, d'une manière extrêmement déplaisante. Suis-je assez clair ?

Isaac déglutit avec difficulté. Mais il n'était pas question qu'il se laisse menacer sans réagir.

– Vous n'oseriez pas risquer un incident diplomatique pour une stupide histoire de sentiments, si ?

Rhadamanthe se retint de projeter ce petit insolent contre le sol sans savoir comment – un miracle probablement. Quand le Juge s'approcha de son oreille pour murmurer quelques mots, le Kraken sentit qu'il était allé trop loin. C'était une lente et douloureuse agonie que promettait cette voix.

– Je suis certain que Sa Majesté me comprendrait et m'accorderait son soutien, plein et entier. Et je suis persuadé que Poséidon serait tout à fait prêt à oublier un si léger incident pour maintenir le Pacte passé avec ma Reine. Je serais ravi de te prouver la justesse de mes propos… Ne me tente pas, Isaac du Kraken… à moins que tu ne veuilles poursuivre ton existence dans les ténèbres, ainsi qu'avec de très mauvais souvenirs.

Le Finlandais ne répondit rien. L'accord tacite semblait tellement plus approprié à la situation…

– Bien. Je vois que nous nous sommes compris. A plus tard, Général.

Rhadamanthe retourna auprès de son Gémeau. Il ne tirait aucune fierté de ce qu'il venait de faire, pas plus qu'il ne ressentait la moindre honte. Kanon le regardait avec une certaine appréhension.

– Qu'est ce que tu lui as dit ?
– Je lui ai expliqué très calmement ce qu'il risquait à continuer son manège… Il tient plus à son œil qu'à toi, apparemment.
– Tu l'as menacé ?
– C'était de la prévention, Kanon. J'aime que les choses soient claires.

Le Gémeau passa un bras autour de la taille du Juge et embrassa tendrement son épaule.

– Je ne savais pas que tu étais jaloux et possessif…
– Je t'aime, Kanon. Je ne veux pas risquer de te perdre… et encore moins de me disputer avec toi, à cause de malentendus. Notre vie est suffisamment compliquée comme ça.
– Notre vie peut-être… mais pas notre relation. Je t'aime Rhadamanthe. Tu es le seul pour moi.
– Je l'espère, mon amour…, murmura le Juge, sans que l'on puisse déterminer avec précision s'il s'agissait d'un véritable espoir ou d'une menace implicite.

Le Gémeau se figea instantanément. L'Anglais s'arrêta à son tour et regarda son compagnon.

– Kanon ?

Le Grec lui dédia un immense sourire et se jeta sur lui, le faisant basculer à terre.

– C'est la première fois que tu m'appelles comme ça…

Et il l'embrassa avec volupté. Poséidon, alerté comme tout le monde par le bruit de la chute, toussota légèrement en se portant à leur hauteur.

– Les enfants ? On ne vous dérange pas ? Vous êtes très mignons, hein, pas de doute là-dessus… mais là, on a du travail, donc les papouilles, on les garde pour plus tard…. Hop, hop, hop… Tout le monde debout.

********************

Saga arriva en courant dans la première maison. Il savait que Shion était descendu avec Mû et, connaissant les liens qui unissaient les trois Atlantes, il y avait une chance pour qu'il y soit encore. En effet, le Pope prenait son petit déjeuner avec Kiki lorsque le Gémeau fit irruption dans la pièce, sans prendre le temps de frapper.

– Shion ! Par les Dieux, tu es là ! fit-il, profondément soulagé.
– Bonjour Saga… que se passe-t-il ?

Le Grec semblait réellement affolé et ce n'était guère dans ces habitudes, pas plus que de se balader dans l'enceinte du Sanctuaire en maillot de bain.

– C'est Poséidon, répondit le Chevalier en reprenant son souffle. Il vient de débarquer avec Isaac. On était avec Rhadamanthe, Kanon et Perséphone à la plage…

– Poséidon ? Mais qu'est ce qu'il vient faire ici ?
– D'après ce qu'il dit, il est venu aider Perséphone à convaincre Athéna… Je suis vraiment inquiet, Shion. Avec Kanon…

Le Pope s'était levé et vint poser une main réconfortante sur l'épaule de son ami.

– Je comprends… Kiki ?
– Oui, Maître Shion ? fit le gamin en finissant rapidement une tartine.
– Essaye d'intercepter Poséidon et Perséphone. Nous avons besoin de temps pour les préparatifs. Une demi-heure, quelque chose comme ça.
– J'y vais tout de suite ! Comptez sur moi.

Et le gamin fila vers la sortie, sans prendre le temps de finir son bol de chocolat chaud.

– Bon petit…, fit Shion dans un sourire. Saga ?

Le manque de réaction du Gémeau inquiéta le Pope et Shion se retourna pour découvrir le Grec comme subjugué. Mû sortait de la salle de bain, vêtu d'un simple pantalon de coton.

– Saga ? reprit le Pope, amusé.
– Oui ? Pardonnez-moi, s'excusa rapidement le Gémeau, je suis un peu fatigué et toute cette histoire…
– Oui, oui… je comprends, le rassura son aîné.
– Quelle histoire ? demanda Mû, que la proximité de son Maître et du Chevalier mettait mal à l'aise.

Shion s'écarta un peu de Saga et fit une petite moue à l'adresse de son ancien élève.

– Poséidon vient de débarquer au Sanctuaire.
– Poséidon ? Mais… mais qu'est-ce qu'il vient faire ici ?

Shion eut un petit rire.

– Mes mots, exactement… Apparemment, il serait venu pour aider Perséphone… Donc, où en étions-nous ? Ah oui ! Saga ! Contacte les autres Chevaliers. Que tout le monde se tiennent prêt pour dans vingt minutes.
– A vos ordres, Shion.

Le Gémeau s'inclina rapidement devant le Pope et le Bélier avant de quitter le temple.

– Et vous, Maître… qu'allez-vous faire ?, demanda Mû.
– Je monte voir Athéna.
– Et pour Dohko ?

Le Pope soupira.

– Mû… je crois que ce n'est pas vraiment le jour…

Le Bélier croisa les bras sur sa poitrine.

– Vous avez dit que vous iriez le voir aujourd'hui. Poséidon ou pas, je vous garantis que vous irez.
– Tu utiliserais la force pour m'y résoudre ? fit Shion en haussant un sourcil.
– Si vous m'y obligez. Vous n'êtes pas raisonnables, Maître. Il faut bien que quelqu'un le soit pour vous.

Shion prit le Bélier dans ses bras, et le serra tendrement contre lui.

– Mû… si tu savais comme je t'aime mon tout petit… et comme je suis fier de toi…
– Moi aussi, je vous aime. Mais n'espérez pas vous en tirez avec quelques mots gentils. Vous irez voir Dohko… même si je reconnais pour l'instant que Poséidon est notre priorité.

********************

Alertés par Kiki du fait qu'il leur était diplomatiquement conseillé de prendre le temps d'admirer le paysage, Perséphone et Poséidon s'étaient installés sur un muret de pierre, à l'ombre de pins et d'oliviers. Rhadamanthe s'était posté derrière sa Déesse, et gardait un œil sur Isaac, qui s'efforçait d'oublier totalement Kanon, le si beau Kanon, qui jouait avec l'apprenti du Bélier.

– Alors Nonette…, commença Poséidon, on en est où ?
– Pos' ! Nonette ? Et puis quoi, encore ?
– Quoi ? protesta le Dieu. C'est bien comme ça que t'appelait ta mère, non ?
– Oui… quand j'étais jeune. Ça fait des millénaires qu'elle ne le fait plus.

Poséidon soupira de manière outrageusement exagérée et afficha un air désolé.

– Mets-toi un peu à ma place… Perséphone, c'est beaucoup, beaucoup trop long…
– Majesté est plus court, intervint Rhadamanthe, toujours serviable. Et parfaitement adapté.
– C'est un comique, ton copain, Nonie. Nonie, c'est joli, non ? Je peux t'appeler Nonie ?

Poséidon la regardait avec de grands yeux humides et papillonnants.

– Oui, si tu veux…, fit la Reine en souriant. Une chance que je t'adore, Pos' parce que tu es vraiment intenable. La situation est-elle à ce point catastrophique chez toi, pour qu'elle suffise à expliquer ton attitude ?

Poséidon devint un peu plus grave et sérieux.

– Sorrente veut me présenter sa démission. J'ai comme un problème avec ce poste de Général en chef. Tu ne veux pas reprendre ta place, Kanon ? fit le Dieu en se retournant vers le Gémeau. Aieuh…

Perséphone venait de le frapper sur le crâne.

– Pos' ! Nous étions d'accord pour que tu le laisses tranquille !
– Mais nous le sommes toujours, Nonie. Tu peux la remercier, Kanon. C'est grâce à elle que tu ne risques rien de moi. Et tu peux lui dire aussi merci pour ton armure…
– Hein ?

Le Gémeau ouvrit de grands yeux. La seconde armure des Gémeaux était un cadeau des Dieux, pour remercier Athéna et ses Chevaliers d'avoir protéger la terre. Et pour parer à tout problème futur concernant ce temple si particulier. Perséphone n'avait rien à voir là-dedans… C'était quoi cette histoire encore ?

– Tu dis n'importe quoi, Pos'…, fit la Déesse en levant les yeux au ciel.
– Sincèrement, lui répondit le Dieu dans un sourire, tu croyais vraiment que ‘Stos allait tenir sa langue ?

La Reine des Enfers fit une petite grimace.

– Qui est au courant ? demanda-t-elle, craignant le pire.
– Tout l'Olympe. C'est Hermès qui lui a tiré les vers du nez…
– Et Athéna ?
– Elle n'est pas sur l'Olympe en ce moment que je sache…, lui répondit le Dieu.
– Et bien, tu as intérêt à tenir ta langue. Cette armure est un cadeau de la famille. Un point c'est tout. Suis-je assez claire ?
– Je ne te comprends pas Nonie… Si elle savait que c'est toi qui a convaincu ‘Stos…
– Elle n'a pas à le savoir, Pos'. Athéna ne me doit rien. Je ne veux pas qu'elle accepte de ressusciter Hadès sous prétexte qu'elle se sent redevable. Pour ses Chevaliers, puisque j'ai récupéré mes Spectres, nous sommes quittes. Et c'est très bien comme ça. Si elle m'aide, je veux que ce soit son choix. Je ne veux pas qu'elle se sente manipulée.
– Tu es d'un compliqué…, soupira son oncle.
– Je ne te demande pas d'être de mon avis. Mais si tu veux m'aider, ce sera selon mes règles. Sinon, je préfère encore que tu retournes dans ton sanctuaire sous-marin.
– C'est bon, c'est bon. Tu as gagné. Je ne dirai rien… De toute façon, si j'y retourne sans qu'Athéna ait donné son accord, Sorrente me tuera.

Rhadamanthe eut un petit sourire narquois.

– Valentine a bien travaillé, remarqua-t-il.
– Je ne savais pas que la langue de vipère était une des composantes de la Wyverne, Seigneur Juge. Mais tu peux être fier de ton subordonné, en effet. Il a complètement conquis ma Sirène, qui est devenue par là-même totalement invivable.
– Sorrente est un Général en chef admirable, Seigneur Poséidon, fit remarquer le Kraken. S'il n'était pas là pour vous rappeler vos obligations, vous vous laisseriez complètement aller et vous passeriez des heures à vous lamenter, en rendant Thétis complètement folle.
– Mais je m'ennuie ! pleura le Dieu.
– Je crois qu'on avait saisi l'idée générale, Pos'… Et pourquoi est-ce que tu t'ennuies tellement ?

Poséidon soupira longuement.

– Je me sens seul… Nonie ? Tu ne voudrais pas venir t'installer chez moi, si mon frère finit par te répudier ?
– Rhadamanthe, non ! hurla la Déesse, en voyant une ombre se ruer sur son oncle.

Le Juge s'était jeté sur le Dieu, et lui serrait la gorge. Ses yeux étaient bouillants de haine. Isaac n'eût même pas l'idée de protéger Poséidon, tant Rhadamanthe semblait hors de tout contrôle. Kanon, lui, se jeta sur son compagnon, pour le faire lâcher prise. Il y parvint, avec l'aide du Dieu qui s'écarta prudemment, tandis que le Chevalier maintenait la Wyverne à terre.

– Lâche-moi, Kanon ! rugit le Juge, qui continuait à se débattre et qui regardait toujours Poséidon avec la même rage. Ne te mêle pas de ça !

Perséphone s'était portée auprès de son oncle pour s'assurer qu'il allait bien. Poséidon la rassura. Rhadamanthe l'avait eu par surprise, mais il n'avait rien. Elle reporta alors son attention sur son Juge.

– Lâche-le, Kanon, cracha-t-elle. Rhadamanthe, debout !

Le Gémeau s'exécuta. Aux ordres de sa Reine, le Juge se releva et resta droit comme la Justice, plantant sur elle ses yeux bouillants de colère. Elle le lui rendait bien.

– Je ne le laisserai pas dire ce genre de choses ! Je ne le laisserai pas…

Il ne finit jamais sa phrase. Perséphone venait de lui donner une gifle monumentale.

– Assez ! Cela suffit, Rhadamanthe ! Tu crois que tu peux te permettre d'agresser un Dieu sous prétexte que ce qu'il a dit ne te convient pas ?!

Le Juge regardait sa Reine, et finit par baisser les yeux. La gifle et les mots de Perséphone semblaient le faire souffrir… mais il ne regrettait rien.

– Je ne veux pas qu'on vous blesse, Majesté… je ne le supporte pas… je ne peux pas le supporter… Dieu, ou simple mortel, quiconque vous manque de respect mérite la mort.

Elle s'approcha doucement de lui, prit son visage entre ses mains et lui releva la tête.

– Il aurait pu te tuer…, fit-elle d'une voix brisée.
– Mourir pour vous serait le plus grand des honneurs, répondit le Juge, parfaitement sérieux.
– Ne dis pas ça… Je ferais quoi, moi, sans toi à mes côtés ?

Perséphone pleurait, maintenant. Le Juge ne répondit rien et se contenta de la serrer contre lui. Au bout d'un moment, sa Reine toujours dans ses bras, il planta ses yeux dans ceux de Poséidon. Il était hors de question qu'il s'excuse. Ce fut le Dieu qui prit la parole.

– Je suis désolé. Je suis venu pour t'aider, Nonie. Pas pour te faire pleurer… Je sais à quel point tu aimes mon frère et à quel point il est fou de toi. Je veux tout faire pour que vous soyez à nouveau ensemble. Tu sais que je vous adore… Et je te remercie, Rhadamanthe, de m'avoir ramené à la raison.

Ce fut à cet instant, en voyant son Dieu demander pardon à l'homme qui venait de l'agresser, qu'Isaac fit une croix définitive sur Kanon.

********************

La cérémonie en l'honneur de l'arrivée de Poséidon fut singulièrement différente de celle offerte à Perséphone. L'ambiance était plus ensommeillée et nettement meilleure, parmi la Chevalerie, rejointe par Kiki et Kanon. Hyoga et Camus saluèrent de loin le Kraken. Ce furent Shion et Athéna qui arrivèrent bons derniers, discutant gravement. Perséphone et Rhadamanthe se placèrent en retrait, à la droite du Dieu et de son Général. Athéna vint se planter devant Poséidon.

– Poséidon… Je ne m'attendais pas à ce que tu viennes me rendre une petite visite surprise…
– Les prérogatives de la famille, Athéna… Tu ne vas pas en vouloir à ton oncle préféré de débarquer à l'improviste, minauda le Dieu.

Considérant qu'Hadès était le seul autre oncle d'Athéna, l'affirmation de Poséidon, quoiqu'osée, semblait en partie justifiée.

– Qu'est ce que tu me veux ? demanda la Déesse qui, décidément, ne voulait pas perdre de temps.
– T'aider à prendre la bonne décision.
– Qui est ?
– Ressusciter mon frère, évidemment.

Athéna se tourna vers Perséphone.

– C'est encore une de tes splendides techniques de manipulation, je suppose ? fit-elle à l'adresse de sa cousine.
– Perséphone n'y est pour rien, intervint Poséidon. Je suis là de mon propre chef. Je suis simplement venu discuter, Athéna. Laisse-moi t'exposer mon point de vue sur toute cette affaire, je ne te demande rien de plus.
– Et tu comptes en avoir pour longtemps ?
– Le temps qu'il te faudra pour te décider. Si tu n'y vois pas d'inconvénient, j'aimerais rester jusqu'à ce que tu annonces ta décision.
– Pourquoi cela me dérangerait-il ? Mon Sanctuaire semble être la dernière destination à la mode pour les Dieux en vacances… Par contre, je ne sais pas du tout où on va te mettre…

Mû fit un pas en avant vers sa Déesse.

– Si je puis me permettre, on y a un peu réfléchi avec Saga et Shaka… et nous pensions que la Maison des Gémeaux pourrait tout à fait convenir.

Kanon faillit s'étrangler. Il prit mentalement note du fait qu'il devait tuer son frère.

– Explique-toi, Mû…
– C'est assez simple, en fait. Milo va s'installer chez Camus, Kanon glisse jusqu'au huitième temple et nous laissons celui des Gémeaux à Poséidon et à son Général. Il ne reste plus qu'à trouver où loger Saga, ce qui ne devrait pas poser trop de problèmes. Shaka s'est justement proposé de l'accueillir s'il ne trouvait pas d'endroit lui convenant mieux.

La note, dans l'esprit du cadet des Gémeaux, fut barrée et remplacée par une autre qui suggérait une entreprise de lobbying en vue de la béatification du Bélier.

– C'est effectivement d'une simplicité éblouissante…, fit la Déesse dubitative. Je vous laisse vous en occuper.

Aphrodite fit un pas en avant et s'agenouilla devant Athéna.

– Déesse Athéna, je tiens à protester officiellement.
– Oui, Chevalier ? fit-elle en se demandant bien ce qui posait problème au Poisson.
– Ces mouvements entre les temples vont réunir deux couples alors que d'autres de vos protecteurs sont privés de leur moitié… et je trouve cela profondément injuste. Je suis certain que vous partagez mon opinion.

Et il devait faire ce genre de déclarations ridicules en public… durant une cérémonie à peu près officielle… Après sa nuit blanche, il était dit que rien ne serait épargné à la Déesse.

– Je ne crois pas que ce soit le meilleur moment pour aborder…

Devant l'air renfrogné d'Aphrodite, et considérant le fait que les autres Chevaliers semblaient tous trouver la question des plus pertinentes, Athéna choisit de revoir sa position.

– Très bien, très bien… Que chacun dorme où il veut… De toute façon, ce n'est pas comme si ce Sanctuaire avait encore une réputation à tenir…

Les yeux débordants de dévotion d'Aphrodite lui réchauffèrent tout de même le cœur.

– Pos' ? Tu m'accompagnes jusqu'à mon Palais, que nous discutions, puisque tu es là pour ça… Isaac n'a qu'à rester avec mes Chevaliers et commencer à s'installer. Perséphone, je te souhaite une bonne fin de matinée.

********************

Une fois les deux Dieux partis ensemble vers le Palais, Kanon s'approcha d'un groupe constitué de Rhadamanthe, Milo et Camus. Le Scorpion donnait ses dernières instructions au Juge concernant son appartement, même si cela paraissait totalement superflu. Un peu plus loin, Perséphone s'entretenait avec Ayoros et Seika.

– Nous avons un problème, fit le Gémeau en arrivant à leur hauteur.
– Ca change…, fit remarquer l'Anglais.
– Et j'aurais presque tendance à penser que la phrase correcte est « nous avons un problème de plus  », nota perfidement Milo. Les autres ne sont toujours pas réglés, que je sache.
– En effet, et je sens qu'ils sont en bonne voie de ne jamais l'être..., soupira Kanon.
– Que se passe-t-il ? demanda Camus.
– Isaac.

Aussitôt, Rhadamanthe sortit les griffes.

– Il a recommencé ?
– J'aurais presque préféré…, fit le Gémeau à mi-voix.

Le Juge faillit s'étrangler.

– Pardon ?
– Rhaa… mais non, ce n'est pas ce que je voulais dire… soupira Kanon.
– C'est pourtant ce que tu as dit, gronda la Wyverne.

Milo et Camus les regardèrent tour à tour.

– On peut savoir de quoi il est question ? s'enquit le Verseau, qui sentait revenir ses instincts de protection envers son ancien élève.
– Isaac a un faible pour moi… Rhadamanthe lui a expliqué qu'il n'y avait pas moyen et tout était rentré dans l'ordre… Jusqu'à ce que ce débile de Kraken – mes excuses, hein, Camus, je sais qu'il a été ton disciple, mais il a été sous mes ordres – réalise que, mon frère et moi, on se ressemble beaucoup.
– N'importe quoi… vous êtes totalement dissemblables, décréta le Juge, seule personne au monde qui pouvait affirmer ce genre de choses en étant parfaitement sincère.
– Pas pour lui, apparemment… Bref, il est en train de faire du gringue à Saga.
– Et alors ? fit le Juge. Tant qu'il ne s'occupe pas de toi, il peut bien draguer qui il veut.
– Je te rappelle quand même qu'une partie de notre plan diabolique c'est de mettre mon frère avec Mû.
– Ah non, pas du tout, objecta le Juge. Ou alors on ne doit pas avoir le même. Le mien, c'est simplement que la sérénité revienne ici. Je me contrefous de qui va partager le lit de ton frère, Kanon.
– Il n'a pas tord, sur ce coup, fit timidement Milo.
– Oserais-je te faire remarquer que nous n'avons pas la moindre idée de ce que peut ressentir Mû ? releva le Verseau.
– Camus ! Isaac a quatorze ans ! Saga en a vingt-huit ! Et mon frère est amoureux de Mû ! fit Kanon, outré de constater que ses amis ne semblaient pas comprendre le problème.
– Et bien, fit Milo, tu n'as qu'à te débrouiller pour que Mû assiste à une de ces tentatives de séduction. Avec un peu de chance, on saura ce qu'il éprouve pour ton frère et avec beaucoup de chance, ça pourrait les rapprocher.
– Milo, tu es génial, je t'aime ! fit Kanon en prenant le visage du Scorpion à deux mains et en joignant ses lèvres aux siennes dans un baiser sonore.
– Hé ! firent de concert Rhadamanthe et Camus.
– Moi j'ai rien fait, mon Camus ! contra Milo immédiatement, en se lovant contre le Verseau, lançant des regards inquiets en direction de l'Anglais.

Kanon regarda Rhadamanthe. Le Juge serrait les dents. Dans ses yeux, il y avait de la colère… et de la peur aussi. Beaucoup de peur. Le Gémeau l'attira à lui et posa son front contre le sien.

– Arrête, mon amour… Je suis désolé. Tu ne vas tout de même pas être jaloux de Milo, si ?
– Je ne veux pas te perdre, Kanon…, murmura la Wyverne, d'une voix trahissant son angoisse.
– Tu ne me perdras pas. Jamais. Je t'ai trouvé, je ne te lâcherai pas. Je t'aime Rhadamanthe… je n'aime que toi. Chaque jour de ma vie, il n'y aura plus que toi pour moi. Chaque jour. Toute ma vie. Toi et moi.

Le Gémeau avait entrecoupé sa tirade de baisers. Le Juge l'enlaça et le serra aussi fort qu'il put.

– Je t'aime, Kanon…, fit le Juge avec la même petite voix, presque plaintive.
– Moi aussi, je t'aime, mon amour… je te demande pardon, j'ai réagi comme un imbécile. Je ne voulais pas te blesser… jamais.
– Embrasse-moi, s'il-te-plait.

Il semblait à Kanon qu'ils étaient de retour dans les appartements de la Wyverne, aux Enfers, dans le Château. Rhadamanthe lui paraissait à nouveau si fragile… Il l'embrassa. Passionnément.

********************

Dans le temple des Gémeaux, Saga faisait faire la visite de ses appartements à un Isaac, un peu trop collant au goût du Grec. Mais que pouvait-il faire contre ce gamin, qui avait tout de même un statut officiel ? Lui coller une paire de claques pour calmer ses hormones une bonne fois pour toutes ne semblait pas une solution judicieuse. Saga se contentait donc de rester très distant, le visage imperturbable, esquivant sans ambigüité toutes les tentatives d'approche du Kraken. Mais Isaac semblait déterminé. A force de persévérance, il avait fini par coincer le Chevalier dans un coin du salon.

– Tu sais…, susurra-t-il, ne te crois pas obligé de délaisser ta maison. Poséidon ira dans la chambre de ton frère, mais nous pouvons tout à fait partager la tienne…

Saga ouvrit des yeux horrifiés. Mais il fallait qu'il se calme, ce gosse ! Un miracle… à moins d'un miracle, le Gémeau n'allait pas tarder à lui en coller une.

– Sans façon… je vous assure que ça ne me dérange pas d'aller dormir chez Shaka…
– Tu es si beau, Saga… presqu'autant que ton frère…, fit le Kraken en approchant sa main du visage du Gémeau. Si tu voulais…

Par bonheur, il ne put terminer son geste, ni sa phrase. Un mur invisible venait de s'élever entre eux deux. Un Crystal Wall. Le miracle avait eu lieu. Saga réalisa aussi avec effroi que cela voulait dire que Mû ou Shion avait assisté à au moins une partie de la scène. Effectivement, le Chevalier du Bélier se tenait à l'entrée du salon, aux côtés de Kanon.

– Saga dormira chez moi, fit Mû.

Isaac se retourna et toisa le Tibétain.

– Je croyais qu'il allait dormir chez la Vierge…
– Si on ne lui trouvait pas une place lui convenant mieux. Saga ? demanda l'Atlante sans cesser de fixer le Kraken. Dormir chez moi te convient-il ?
– Euh… oui, oui… tout à fait, balbutia l'aîné des Gémeaux coincé entre le mur de son temple et celui invoqué par le Bélier.

Isaac poussa un soupir.
– C'est bon, j'ai compris le message… Pas touche aux Gémeaux. Et bien, je vous laisse. Je vais tâcher de trouver Hyoga…

Une fois le Général sorti du temple des Gémeaux, Mû libéra Saga.

– Merci…, fit celui-ci, véritablement soulagé. Je ne savais plus comment m'en débarrasser sans en venir aux mains. Mais je ne veux pas vous déranger toi et Kiki… je peux très bien…

Mû fixa l'aîné des Gémeaux avec un regard déterminé.

– J'ai une chose à régler avec Shion. Je te retrouve dans mon temple, dans dix minutes.

Et il quitta à son tour la deuxième maison. Kanon arborait un grand sourire. Saga, lui, n'avait pas réussi à s'empêcher de rougir.

********************

En entrant dans le temple de la Balance, Shion prit une grande inspiration. Mû avait raison, il fallait qu'il mette les choses au point avec Dohko, même s'il ne savait pas trop ce qu'il souhaitait voir ressortir d'une telle confrontation. Le Pope avait protesté, essayant de repousser l'inévitable tandis que son disciple lui ordonnait de se rendre au septième temple… Le Bélier s'était montré intraitable. Athéna et Poséidon discutaient ; le Pope avait un peu de temps devant lui, autant en profiter. Il l'avait pratiquement traîné jusque là, avant de repartir chez lui.

– Dohko ? Est-ce que je peux te parler… ? Seul à seul ?

La Balance regarda longuement Shion.

– Shiryu, Shunreï, allez donc faire un tour.

Le Pope leur tendit une clé.

– Celle de mon appartement, au Palais. Tant que je suis ici, je ne suis pas là-bas…
– Et tu comptes rester longtemps loin de tes précieux dossiers ?, demanda Dohko d'une voix peu aimable.
– Je n'en sais rien… C'est Mû qui m'a convaincu de venir…
– Allez les gosses, du vent. J'ai pas envie d'avoir à me retenir quand je me mettrai à hurler des insanités.

L'évocation du disciple ne semblait pas avoir enchanté le Chinois. A moins que ce ne soit le fait de savoir que Shion n'était pas venu de lui-même. Les deux jeunes gens quittèrent le temple précipitamment, ravis cependant de pouvoir enfin être seuls, loin de leur maître.

– Alors, Grand Pope, de quoi Mû veut-il donc que tu me parles ?, fit la Balance en croisant les bras sur son torse.
– De nous.
– Il n'y a plus de nous, Shion.
– Bien sûr que si… Saga… ça a été une erreur… ma faute, je le reconnais mais…
– Mais quoi ?
– Je ne sais pas…

Après un court silence, Dohko prit la parole.

– Shion… tu sais ce qui a été le plus dur, quand je vous ai vus tous les deux ?

Le Pope secoua la tête et baissa les yeux. Il avait fait souffrir Dohko… l'idée lui vrillait le cœur.

– Ce n'est pas de voir que tu l'embrassais, ce n'est pas le fait de te voir dans les bras d'un autre… enfin si, mais… Ce qui m'a fait le plus mal, c'est de réaliser qu'au moment où tu as éprouvé le besoin d'être avec quelqu'un, tu n'es pas venu vers moi.
– Dohko…
– Quand tu t'es senti seul, tu es allé en voir un autre, parce que tu savais que je ne pourrais pas t'apporter ce que tu cherchais. Je ne pourrai jamais te l'apporter, Shion. Parce qu'on ne se comprend pas. Tu veux des choses que je ne suis pas capable de te donner. Je n'arrive même pas à savoir ce que tu veux, ou ce dont tu as besoin. Il en va de même pour toi. J'ai des désirs que tu refuses de comprendre. Il n'y a qu'une seule conclusion logique à ces faits. Je ne suis pas un mec pour toi. Je te souhaite une bonne après-midi… tu connais le chemin…

Et la Balance se retira dans sa chambre, en fermant la porte, laissant Shion, choqué, dans le salon.

– Dohko !

Le Pope se mit à tambouriner à la porte, en hurlant. Il aurait pu la défoncer, évidemment, mais non… Il fallait que la Balance lui ouvre, le laisse revenir dans sa vie… il le fallait… il ne pouvait pas supporter l'idée de le perdre totalement…

– Dohko ! Dohko ! Ne dis pas ça ! Dohko ! Laisse-moi t'expliquer ! Dohko ! Ouvre cette porte, je t'en supplie ! Dohko ! S'il-te-plait…

Shion se laissa glisser sur le sol.

– Dohko… je t'aime… Ca fait deux cent cinquante ans que je t'aime… ça fait deux cent cinquante ans que… je veux être avec toi… et maintenant… maintenant, j'ai tout gâché… j'ai tout gâché parce que j'ai peur…
– Peur ? demanda la Balance de l'autre côté de la porte. De quoi as-tu peur, Shion ?
– Que tu me quittes…

La porte s'ouvrit sur un Dohko incrédule.

– Je ne sais pas gérer ma vie, s'expliqua le Pope. Le service d'Athéna a toujours été ma seule priorité. Durant toutes ces années, où tu étais seul à Rozan… Je n'ai jamais osé prendre le temps de venir te voir. Quand je devais gérer le Sanctuaire, et m'occuper de l'entraînement de Mû… j'étais obligé de partir régulièrement à Jamir, en laissant le Sanctuaire à Saga ou à Ayoros, pour pouvoir être un maître décent… Et tout se passait bien… Je veux dire, il n'y avait pas à craindre de guerres dans le futur proche, le Sanctuaire fonctionnait très bien tout seul… Aujourd'hui, il y a tout à reconstruire, il y a Athéna, il y a Perséphone… Je te connais Dohko. Tu ne supporteras pas longtemps de vivre aux côtés d'un homme tel que moi. Tu me quitteras…

Dohko était venu s'asseoir à côté de Shion, qui gardait la tête baissée.

– Et c'est pour ça que tu sors avec Saga ? demanda la Balance.
– Sortais… Je lui ai dit que tout était fini, que ça avait été une erreur.
– Sortais si tu veux…
– Tu vas me quitter Dohko, je le sais… Si je te quitte avant, c'est sensé faire moins mal, non ?

Dohko poussa un long soupir, et prit la tête de Shion pour la coller contre son torse. Ils restèrent là, un long moment, l'un contre l'autre.

– Tu es vraiment un crétin, finit par dire la Balance, en caressant tendrement les cheveux du Pope. Ce que tu essayes de me dire c'est que tu m'aimes depuis le premier jour, et que tu n'as jamais su le gérer, c'est ça ?
– Oui… Tu avais onze ans, quand on s'est rencontré…
– Tu en avais vingt-trois…
– Tu t'en souviens ?
– Evidemment… Deux cent cinquante ans…, soupira Dohko, en roulant une mèche de cheveux verts entre ses doigts. Deux siècles et demi… C'est fou, comme le temps passe…

Shion osa enfin relever ses yeux et regarder le visage de la Balance.

– Dohko ?
– Oui 
– Est-ce que tu m'aimes ?
– Quand je dis que tu es un crétin… Ça fait deux cent cinquante que tu es amoureux de moi, hein… ?

Shion acquiesça d'un petit mouvement de tête.

– Et bien moi…, reprit Dohko, moi, ça fait deux cent cinquante ans que je sais que tu es l'homme de ma vie.

********************

Dans les appartements du Bélier, Saga discutait avec Kiki lorsque Mû entra.

– Kiki ? fit le Chevalier du Bélier, va étudier dans ta chambre, je te prie.
– Mais Maître…, protesta l'apprenti.
– Kiki… s'il te plait.

Le petit Atlante obéit à contrecœur et laissa donc ses aînés seuls.

Le Bélier se dirigea vers le petit coin cuisine – la pièce habituellement réservé à cette activité ayant été transformée pour devenir la dite chambre du dit Kiki –, mit de l'eau à chauffer et sortit deux tasses, qu'il vint poser sur la table. Il n'avait toujours pas adressé le moindre regard au Gémeau, qui se sentait terriblement mal à l'aise.

– Jasmin ? Earl Grey ? Lapsang ?, demanda Mû, de retour devant ses fourneaux.
– Euh… pardon ?
– Pour le thé…
– Ah… Jasmin, ce sera très bien.

Le Bélier choisit une boite à thé et versa trois cuillères de feuilles dans la théière. Il y ajouta un peu d'eau froide avant de la remplir d'eau frémissante, et revint s'installer avec sa création à la table où Saga s'était émerveillé du spectacle. Alors que le thé reposait, le Gémeau commença à jouer avec sa tasse.

– Mû…
– Oui ?
– Pourquoi… est-ce que tu m'as… invité ? J'aurais très bien pu aller dormir chez Shaka… Ne va pas croire que je ne te suis pas reconnaissant d'être intervenu. Je ne te remercierai jamais assez pour ça. Ou même que je ne suis pas content d'être ici… je suis très content, au contraire, mais…
– Tu es amoureux de moi, Saga.

La voix du Bélier était simplement factuelle. Le visage du Gémeau hésitait entre le rouge cramoisi et le blanc livide. Cette improbabilité physique était du plus bel effet sur lui.

– Tu es amoureux de moi. Je l'ai lu dans ton cosmos, hier soir, continua Mû, implacable.

Saga ferma les yeux. Oui, il avait mis toute son âme dans la protection du Bélier… Avec le recul, il avait espéré que ses sentiments avaient été noyés dans la masse. Il n'en était rien.

– Tu ne cherches pas à nier ?
– A quoi bon ? souffla le Gémeau. Et puis, je ne veux pas mentir. Je ne veux plus mentir à personne. Et certainement pas à toi. Mais je ne comprends toujours pas…

Ou plutôt il refusait de comprendre. Il n'y avait que deux possibilités. Soit Mû l'avait invité pour lui avouer qu'il éprouvait des sentiments à son égard, soit le Bélier avait prévu de lui expliquer que rien ne serait possible entre eux. Considérant l'attitude distante de son collègue, la seconde solution semblait, malheureusement, la plus logique. Mais la logique atlante semblait quelque peu différente.

– Tu es amoureux de moi, et je t'invite à passer la nuit chez moi. Il me semble qu'il est assez clair que je désire tenter ma chance avec toi.
– Tenter ta chance ?

Ces mots avaient blessé le Gémeau. Lui ne voulait pas tenter sa chance. Il voulait aimer Mû. Il l'aimait déjà du reste. Il ne supporterait pas l'idée de ne pas entamer une relation sérieuse…

– C'est tout ce que tu veux ? Tenter ta chance ?! Je ne suis pas un jouet, Mû. Et mes sentiments pour toi…

Le Bélier s'était levé pour venir s'asseoir sur les genoux du Gémeau, qui n'avait pas eu la force de protester. Il replaça une des mèches bleues derrière l'oreille de son propriétaire.

– Je ne suis ni Milo, ni ton frère, Saga. Pour les déclarations enflammées, il va falloir que tu patientes. Mais nous avons le temps, pour ça. Nous avons toute la vie.

Et Mû l'embrassa tendrement. Un baiser plein de promesses.

********************

L'arrivée d'un Shaka complètement essoufflé dans le temple du Scorpion, perturba grandement ce qu'il était convenu d'appeler le club des cinq – à savoir Milo, Camus, Kanon, Rhadamanthe et Perséphone, qui, il est vrai, passaient le plus clair de leur temps ensemble.

– Au secours… je vous en supplie, il faut que vous nous aidiez…

La Vierge leva ses yeux bleus – qu'il ouvrait de plus en plus souvent, pour le plus grand plaisir de ses pairs – vers eux, l'air véritablement désespéré.

– C'est Isaac…
– Je vous assure que je vais le tuer, ce gosse…, cracha le Juge.
– Du calme, Rhada. Quel est le problème, Shaka ? fit Perséphone en tendant la main vers la Vierge et en l'invitant à s'installer dans le canapé.

Mais l'Indien refusa.

– J'ai pas le temps de rester. Il faut que vous veniez. Isaac s'est mis en tête que, vu que Hyoga est avec Shun, il ferait un très joli couple avec Ikki… Phoenix a été très clair dans ses refus, mais le Kraken insistait et Ikki s'énervait de plus en plus… J'avais croisé Mû qui m'avait dit pour Isaac et Saga… J'ai expliqué un peu la situation… mais ça n'a fait qu'empirer les choses. Ikki s'est vexé, je crois. Et Isaac aussi. Quand je suis parti, Shura, Aphrodite et Angelo essayaient de les séparer… Je suis désolé… Mais, faites quelque chose, je vous en prie.

Shaka semblait effectivement effondré. Il s'en voulait terriblement d'avoir encore échoué à résoudre des problèmes relationnels entre ses camarades…

– Ne t'inquiète pas… nous allons nous en occuper, fit Perséphone. Camus ! Kanon ! Vous allez vous rendre… où sont ces Chevaliers, Shaka ?
– Dans le temple des Poissons…
– Voilà, donc vous allez chez les Poissons, et je compte sur vous pour calmer tout ce petit monde. S'il le faut vous m'en congelez un, et envoyez l'autre dans une dimension parallèle.
– Et vous, Majesté ? Qu'allez vous faire ? demanda Rhadamanthe.
– Je monte chercher Pos'. Ce général commence vraiment à me fatiguer.

********************

Dans un des salons personnels d'Athéna, la Déesse discutait calmement avec son oncle. Ils avaient toujours été rivaux, ce n'était un secret pour personne, mais de cette rivalité millénaire étaient nés une sorte d'affection étrange et un profond respect. Athéna écoutait donc Poséidon exposer ses idées avec intérêt et le plus grand sérieux. Mais ils furent bientôt interrompus par une Perséphone qui pénétra sans prévenir dans la pièce. La Reine des Enfers semblait hors d'elle.

– Pos' ! Tu vas immédiatement te rendre au temple des Poissons et tu vas dire à ton Général de calmer ses hormones !
– Mais… euh Nonie, je suis occupé là… et puis de quoi tu parles ?
– De quoi je parle ? Je parle de ton imbécile de calmar qui essaye de se taper tout le Sanctuaire ! Et qui commence à me canuler ! Alors tu vas t'en occuper, parce que sinon, c'est moi qui m'en charge et je peux t'assure qu'il va avoir du mal à s'en remettre ! Il est hors de question qu'il vienne m'empêcher de résoudre les problèmes sentimentaux de ces Chevaliers !
– Bon… j'ai compris… Tu m'excuses ? fit-il à l'adresse d'Athéna.
– Vas-y. Je ne tiens pas vraiment à ce que mon Sanctuaire devienne le théâtre d'un drame sentimental, ou d'une tragédie romantique.
– Merci Athéna, fit Perséphone en s'inclinant. Allez, Pos' ! Du vent ! Dépêche-toi !

Elle avait quasiment mis le Dieu à la porte. Athéna vint se placer juste à côté d'elle.

– Pourquoi les histoires de cœur de mes Chevaliers t'intéressent-elles tant ?
– Tu ne t'en occupes pas, il faut bien que quelqu'un le fasse. Ce n'est pas une critique, ajouta rapidement Perséphone d'une voix douce. Tu n'as pas beaucoup de temps à leur consacrer et c'est totalement ma faute. Alors je fais mon possible…

Les deux Déesses restèrent un moment à se regarder mutuellement.

– Alors comme ça, il t'appelle Nonie ? fit Athéna dans un sourire.
– Tu connais Pos'…
– Oh oui. Il a essayé de m'appeler Nana.

Perséphone laissa échapper un petit rire.

– Bon…, fit Athéna, puisque tu es là autant en profiter. Je crois qu'il faut que nous parlions toutes les deux… Hein, Nonie ?

********************

Sur les marches du temple des Poissons, Poséidon était assis, son Kraken à ses côtés.

– Sérieusement, Isaac… c'est quoi ce comportement ?

Le Général baissa les yeux.

– Je suis désolé, Seigneur Poséidon. Je ne sais pas trop pourquoi j'agis comme ça… je crois que je me sens seul, moi aussi.
– Et tu crois que c'est une excuse pour draguer tout le monde ?
– Vous avez bien dragué Perséphone, vous…

Poséidon encaissa l'attaque sans broncher.

– Certes… je ne suis pas un bon exemple. Mais moi, je n'étais pas sérieux et je me suis arrêté à temps.
– Rhadamanthe vous a fait vous arrêter. Et pas du tout à temps.
– C'est vrai… J'ai été vraiment lamentable sur ce coup, à draguer la première qui se présentait.
– Ce n'était pas vraiment la première… Vous n'avez jamais dragué Thétis.
– Thétis ? Y a pas moyen que je drague Thétis, voyons…
– Thétis est une fille géniale !, protesta un peu trop énergiquement le Kraken.

Poséidon sourit en regardant son Général.

– Si elle est aussi géniale que tu le dis, pourquoi ne tentes-tu pas ta chance, Isaac ?

Le dit Isaac blêmit instantanément.

– C'est une fille…
– Et tu n'aimes que les garçons ? tenta le Dieu.
– Non… c'est pas ça. Ça aurait pu, mais non… C'est juste que… Je crois que j'ai peur.– Parce que c'est une fille ?

Celle-là, Poséidon devait reconnaître qu'on ne la lui avait jamais faite.

– Les garçons, continua le Kraken, je connais, je les comprends. Normal, j'en suis un. Mais Thétis… je ne sais pas ce que je dois faire pour attirer son attention, ou lui faire plaisir. J'ai toujours l'impression que je suis ridicule en face d'elle… et puis, elle est plus vieille que moi
– Kanon est tellement plus jeune…, nota le Dieu avec amusement.
– Ce n'est pas drôle…
– Non, pardon.

Poséidon posa une main sur l'épaule du jeune homme.

– Tu sais, Isaac… je crois que tu devrais juste essayer d'être naturel. N'essayes pas de l'impressionner. Thétis est une fille géniale, tu l'as dit. Elle saura voir que tu es sincère et que tu es quelqu'un de bien. Même si tu fais un peu n'importe quoi.
– Je vous promets de me tenir tranquille…
– Tu as intérêt. Je ne voudrais pas que Nonie lâche son Juge sur toi.

Le Kraken frémit à l'évocation de Rhadamanthe.

********************

Quelques heures plus tard, Athéna battait le rappel de ses Chevaliers par cosmos interposé. Tout le monde se retrouva donc en armure dans le Palais, prêt à écouter la décision de leur Déesse, sans trop savoir à quoi ils devaient s'attendre. Athéna se présenta devant eux, son sceptre à la main, mais sans plus de décorum. Perséphone attendait, Rhadamanthe à ses côtés, légèrement sur la droite de la salle, tandis que Poséidon lui se tenait sur la gauche, en compagnie d'Isaac. La Chevalerie au grand complet formait un arc de cercle derrière eux, Shunreï et Seika s'étant glissées parmi leurs amis.

– Perséphone, Poséidon, Seigneurs Juge et Général, mes chers Chevaliers… je vous ai réunis ici pour vous faire part de ma décision concernant la demande de ma cousine. Ressusciter Hadès… ce n'est certes pas un choix anodin. Je me suis entretenue avec vous, mes Chevaliers, et nous avons partagé nos craintes face à une telle éventualité. Puis Poséidon m'a expliqué à son tour sa position, celle d'un Dieu, moins partial que je ne l'étais. Et finalement, j'ai eu une longue discussion avec ma cousine. Je crois, sincèrement, avoir pris le temps de la réflexion et être capable d'assumer pleinement la décision qui s'est imposée à moi, comme une évidence.

Elle marqua une pause, ferma les yeux un instant pour finalement présenter un visage déterminé à l'assemblée.

– J'aiderai Perséphone. Je ressusciterai Hadès.

Des murmures parcoururent l'assistance. Poséidon dédia un merveilleux sourire à Perséphone qui avait poussé un petit cri. Elle gardait maintenant une main devant sa bouche, pleurant à chaudes larmes, ne tenant debout que par la force de Rhadamanthe qui la serrait contre lui. Le Juge était profondément soulagé et au comble du bonheur. Sa Déesse allait enfin retrouver son Dieu. Il n'arrivait pas à y croire…

– Je ne sais pas ce qu'il adviendra. J'ai encore des doutes quant à l'attitude d'Hadès après son réveil. Mais c'est un risque que je prends. C'est un risque que je prends car nous n'avons pas d'autres choix. Comment pourrions-nous, en effet, pleurer ceux qui tomberont lors des prochaines guerres, si nous n'avons pas tout tenté pour les éviter ? Comment pourrais-je supporter de voir ces armures salies de votre sang, ou de celui de vos successeurs, en ayant refusé de saisir la chance de paix que nous offre Perséphone ? C'est une occasion unique qui se présente à nous. Ce serait pure folie de ne pas la saisir. Et je suis certaine que tous ici vous réjouirez avec moi, en espérant enfin la fin des combats.

La fin du discours d'Athéna fut saluée par un tonnerre d'applaudissements. Ce qu'ils étaient fiers, les Chevaliers, de leur Déesse en cet instant ! La Déesse s'approcha de son Oncle et de sa Cousine et leur tendit une main à chacun. Perséphone s'effondra dans les bras d'Athéna, la serrant contre elle et la remerciant pour tout.

La porte de la salle de réception s'ouvrit.

– Laissez-moi passer !
– Valentine ?

Le corps de la Harpie était couvert de blessures, et il semblait épuisé. Il s'écroula pratiquement aux pieds de Rhadamanthe et Perséphone.

– C'est Minos. Il a pris le contrôle des Enfers.

 

Fin de la troisième partie

A suivre...

Chapitre 12

Retour liste fanfictions