RESURRECTION

 

 

 

 

Disclaimer : tout l'univers de Saint Seiya que tu reconnaîtras aisément
appartient à Masami Kurumada. L'auteur ne retire aucun bénéfice si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.

Genre
: romance/amitié/intrigue.

Rating
: interdit au moins de 18 ans.

Note
: nombreux couples principalement Yaoi.

Auteur : Gajin

J'espère que tu aimeras. Bonne lecture...

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Chapitre 2

Le Champagne d'Athéna

 

 

– Je peux savoir à quoi vous jouez, tous les deux ?

La voix de Milo résonnait dans tout son temple, tremblante de colère. Face à lui, Kanon des Gémeaux se sentait… très mal. Rhadamanthe, de son côté, s'était servi un whisky qu'il savourait, tranquillement installé dans le canapé.

– Vous croyez que je n'ai pas remarqué votre manège ?! L'un qui papillonne et l'autre qui m'empêche d'approcher ? Vous me prenez pour un débile, ou quoi ?
– Milo… Calme-toi. On voulait juste…
– Juste quoi, Kanon ? Juste quoi ?
– Savoir comment s'est déroulée votre résurrection. Savoir comment s'est passée la tienne… Et vu que tu évites le sujet, il a bien fallu que je mène ma propre enquête, répondit calmement le Juge.
– Je ne vois pas en quoi cela vous concerne ! fit Milo, toujours en proie à une fureur indescriptible.
– Tu vas mal, Milo, expliqua Kanon. On voulait juste comprendre, pour pouvoir t'aider… Tu es le premier à m'avoir fait sentir que j'étais vraiment un Chevalier d'Athéna… Tu es mon ami…
– Et il t'a fallu tout ce temps pour te poser des questions ? Tu parles d'un ami…, cracha Milo.
– Je ne savais pas... Enfin, je savais que tu n'allais pas bien, mais je n'arrivais pas à trouver… Et puis Rhadamanthe a eu une idée… alors j'ai accepté de l'aider…

Imperturbable, le Juge se contenta de confirmer d'un bref mouvement de tête, et se resservit un verre.

– Cela te gêne tellement que je l'ai découvert ? demanda le Juge.

Il aurait demandé à Milo s'il voulait de l'aide pour ranger les courses qu'ils avaient fait le matin même, que sa voix n'aurait pas été différente. Pris au dépourvu, le Scorpion ne parvint même pas à garder sa colère intacte.

– C'est pas que ça me gêne, fit-il en s'effondrant dans le fauteuil. C'est du passé tout ça. Je fais avec, c'est tout. Ça ne regarde plus personne. Enfin… T'as qu'à lui raconter, il en meurt d'envie. Moi, je vais prendre une douche.

Et le Scorpion laissa là ces deux compagnons. Kanon attendit jusqu'à ce qu'il entende l'eau couler, et se tourna vers Rhadamanthe.

– Alors ?
– Alors voilà ce que j'ai pu retracer des événements grâce à mes… papillonnages.

A priori, le terme avait vexé le Juge.

– Tu t'es jeté sur ton frère. Aiolia s'est jeté sur le sien, et a filé vers Marine dès qu'elle est arrivée. Aphrodite et Angelo ont fêté leur retour à la vie en faisant pareil. Deux secondes plus tard, ils sautaient sur Shura et ont fini par le convaincre d'aller saluer le Sagittaire. Après qu'il ait bafouillé quelques excuses, Ayoros et lui sont tombés dans les bras l'un de l'autre. Le Bélier a été renversé par son disciple et, une fois remis de ses émotions, est allé faire de même avec son maître. Shion lui avait apparemment déjà retrouvé Dohko, qui avait Shiryu et Shunreï collés aux basques, pour reprendre ses termes. Seiya était avec sa sœur, Shina et Athéna. Hyoga s'est jeté sur Camus, pour ne plus le lâcher. Ikki et Shun sont allés trouver Shaka, qui se tenait à côté d'Aldébaran. Et c'est à peu près tout.

Rhadamanthe avait dépeint le tableau lentement, pour permettre à Kanon de bien visualiser la scène. L'ex-Marina le regardait, semblant ne pas vouloir comprendre.

– Tu veux dire que…
– Que personne n'est allé voir Milo. En effet.
– Pathétique, hein ? fit le Scorpion depuis la porte.

Il avait enfilé une loque qui avait dû porter le nom de jeans dans une autre vie, et séchait ses cheveux avec une serviette. Il la balança contre le dossier d'une chaise, se servit un verre d'Ouzo et s'installa dans le canapé, sous le regard perdu de Kanon.

– Personne pour se réjouir du fait que je sois en vie… enfin pas suffisamment pour venir me donner une tape sur l'épaule, quoi.
– Je suis certain qu'ils sont tous très heureux que tu sois revenu, Milo…, murmura le Gémeau.
– Oh, je n'en doute pas un seul instant. Ils sont tous très contents. Mais le premier qui a remarqué que j'étais là moi aussi, c'est toi. Le dernier arrivé dans la bande… Disons que j'aurais apprécié un peu plus… d'attention… de la part des autres… C'est qu'on se connaissait un peu, tu vois…

Apparemment, il en avait gros sur le cœur. Et ce n'était pas sa tentative de jouer le cynisme qui allait pouvoir donner le change. Milo soupira et bascula sa tête en arrière, ses yeux dans le vague.

– En même temps… ce serait injuste de ma part de leur en vouloir. Je veux dire… Comment reprocher à Aiolia de s'être d'abord tourné vers son frère, et la femme qu'il aime ? Comment vous reprocher, à Saga et toi, d'avoir voulu, avant tout, vous assurer que l'autre était bien là ? Tout le monde avait une excellente raison… Mû n'avait pas vu son maître depuis des années… et Kiki est son disciple. Shion et Dohko… leur séparation a duré tellement longtemps… Et puis, je suis Milo… Bonne ambiance. Bonne humeur. Le pote de tout le monde. S'il y en a un qui doit savoir qu'il fait partie de la famille, c'est bien moi… Ils m'aiment… tous. J'ai pas le droit de leur en vouloir … Mais c'est juste que…

– Ça fait mal.

Rhadamanthe avait terminé la phrase avec son flegme habituel. Le regard que lui adressa le Scorpion était un peu trop brillant, au goût du Juge.

– Ouais… mais le pire, continua Milo, la gorge nouée, c'est que même si j'ai pas le droit… Dès que j'aperçois Aiolia, j'ai envie de lui coller mon poing dans la figure… Quand ils ont annoncé leurs fiançailles avec Marine, qu'il a dit qu'Ayoros serait son témoin… J'aurais dû être content, mais tout ce que je voulais, c'était lui hurler dessus… J'étais là, moi aussi ! Il aurait pu me choisir… Après tout, j'étais son meilleur ami, avant… Mais j'ai rien dit. J'ai rien fait. Parce que je veux pas. Tout ce dont je suis capable, c'est me tenir loin de lui, loin de tout le monde… Pour pas faire de bêtises. Pour pas en arriver à les détester, tous. J'arrive à peu près à gérer avec toi, avec Dohko et Shion… avec Ayoros… Vous n'étiez pas là, alors forcément… Je veux dire, je peux pas trop en vouloir à un mec qui a passé son temps devant une cascade et à qui je n'ai quasiment jamais parlé autrement que par cosmos interposé… mais les autres… On a passé des années ensemble, on était une famille… Mais en fait, ils ne m'aiment pas. Enfin, ils ont tous quelqu'un, plein de quelqu'un même pour la plupart, qu'ils aiment plus que moi. Je compte pour personne au final. Pas vraiment en tout cas… ça fait mal de réaliser qu'on est tout seul… On a beau te le répéter que tu ne peux compter que sur toi-même… Je voulais pas y croire. Sérieusement en plus. Mais c'était juste un rêve, ça. Un rêve de gosse. Un rêve débile.

Milo pleurait à présent, sans faire d'effort pour retenir ses larmes.

– Milo… je suis désolé… Je ne savais pas…
– C'est rien, Kanon, je t'assure… C'est pas grave, ça va passer.

L'ex-Marina s'était installé devant Milo, posant son front contre celui du Scorpion. Rhadamanthe, jugeant que sa présence était devenue superflue, s'éclipsa dans la chambre.

– Dis pas que c'est pas grave. C'est grave. On est tous trop bêtes. On te fait souffrir… On tient à toi, Milo… Je tiens à toi…

Kanon prit Milo dans ses bras, le serrant aussi fort qu'il le pouvait.

– On va trouver un moyen pour arranger tout ça… Je suis sûr que c'est qu'un malentendu. On est plutôt experts, dans le coin, pour ça, hein. Alors t'en fais pas. T'en fais plus. Tout va bien se passer, à partir de maintenant… Je te le promets. Je suis content qu'on ait pu en parler… et je m'excuse de ne pas avoir compris avant.

Milo se dégagea un peu, essuya ses joues et prit une profonde inspiration.

– Tu devrais redescendre, rejoindre ton frère…
– Saga peut se passer de moi une soirée, et je ne veux pas te laisser.
– Rhadamanthe est là et… Saga faisait une drôle de tête chez Shaka. Peut-être parce que tu étais collé à mes basques, peut-être à cause de notre invité… j'en sais rien. Mais il a un problème. Tu ferais mieux d'aller le voir. Je ne te vire pas, même si ça y ressemble. Je sais que tu es mon ami. Mais c'est parce que je suis le tien que je te dis ça. Moi, ça va aller, ne t'inquiète pas.

– Tu es sûr ?
– Certain. File.

Kanon embrassa Milo sur le front, avant de prendre la porte.

********************

Dans la chambre, Rhadamanthe fumait à la fenêtre. Quand le Scorpion fit son entrée dans la pièce, il se retourna.

– Ca ne te dérange pas, au moins ?
– Non, c'est bon. C'est pas comme si la pièce n'était pas pleine de courants d'air…
– Tu te sens mieux ?
– Ouais… Kanon est rentré, ajouta le Scorpion après un moment.

Nouveau silence. Milo vint s'adosser à la fenêtre juste à côté du Juge.

– Pourquoi t'es là, exactement ?
– Comment ça ?
– Tu débarques pour filer une lettre à Athéna, mais au lieu de lui laisser envoyer une réponse, tu restes quelques jours. Tu poses des questions, tu m'aides,…
– Et ça me rend suspect ?
– Tu te souviens de ce que j'ai dit tout à l'heure ? Me prends pas pour un débile.

Rhadamanthe tira lentement sur sa cigarette. Que pouvait-il révéler au Scorpion des intentions de Perséphone? Que pouvait-il dévoiler des véritables buts qui motivaient sa présence au Sanctuaire ? Il décida de ne pas mentir au Scorpion. Quitte à omettre certains détails.

– Sa Majesté est très attachée à la paix. C'est pour ça qu'elle souhaite voir des échanges entre les sanctuaires. Elle pense que si on arrive à se parler… On ne deviendra peut-être pas les meilleurs amis du monde, mais on aura une chance de cohabiter pacifiquement. Un de mes hommes est chez Poséidon, en ce moment même, avec une mission équivalente à la mienne.

– Qui est ?
– Prendre des contacts… s'assurer que tout se passe bien.
– Et c'est pour ça que tu m'aides ?
– Oui. Et parce que tu me fais un peu penser à Sa Majesté… Elle, non plus, ne va pas très bien, en ce moment.
– Perséphone a un coup de blues ?
– C'est un peu plus grave, en ce qui la concerne. Ça m'arrangerait si ça pouvait rester entre nous, dit-il en regardant le Scorpion.
– Je serai une tombe…

Ils restèrent un moment, silencieux, à regarder les étoiles. La nuit était fraîche et agréable.

– Il y a une autre raison à ma présence ici, finit par avouer le Juge. Kanon.
– Kanon ? Tu veux dire…Kanon ?

Rhadamanthe alluma une nouvelle cigarette.

– Avant même qu'on se rencontre, j'avais envie de le connaître. L'homme qui a manipulé un Dieu. Qui en a trahi deux… On peut dire qu'il m'intriguait… Jamais je ne trahirai Leurs Majestés… alors trahir deux Dieux. Je me posais des questions, forcément. Et quand il a fallu qu'on s'affronte…

Le juge marqua une pause, perdu dans ses souvenirs.

– Personne ne m'a jamais autant impressionné, en dehors de Leurs Majestés, évidemment.. Il se battait avec une telle détermination… une telle force… Au début, j'ai cru qu'il cherchait à se racheter une conduite. Le traître voulait prouver qu'il était devenu quelqu'un de bien. Le Chevalier des Gémeaux voulait faire oublier l'Ancien Dragon des Mers… mais j'avais tout faux. Je l'ai compris plus tard. Quand vous étiez sur le point de détruire le Mur des Lamentations et qu'il a dû se séparer de son armure… Tu l'aurais vu… Il n'y avait plus de Dragon, il n'y avait plus de Gémeaux. Il n'y avait plus que lui. Sa puissance. Sa volonté. Je sais les surnoms qu'on donne à Shaka ou à son frère… l'homme le plus proche de Dieu, le Demi-Dieu, ce genre de choses. Mais je peux t'assurer, pour avoir côtoyé un peu Saga, qu'il aurait eu l'air ridicule à côté de Kanon. Pas un être humain qui aurait pu lui arriver à la cheville, de toute façon.

Rhadamanthe écrasa sa cigarette contre l'encadrement en pierre de la fenêtre.

– Je crois que c'est à ce moment précis que je suis tombé amoureux.
– Tu es amoureux de Kanon ?
– Il me semble, oui… Quand Sa Majesté l'a découvert, elle m'a proposé cette mission. Une mission qui lui tient à cœur, et qui me permettrait de le revoir. Pour faire le point sur ce que je ressens. Et, éventuellement, me donner une chance de… tenter quelque chose.
– Tu veux un coup de main ? Je peux essayer de me renseigner discrètement sur… tu sais, ses sentiments à lui.
– C'est gentil, Milo, mais je ne crois pas…
– Tutututu. Tu m'aides, je t'aide. Je t'ai rien demandé, alors tu vas accepter que je m'occupe de t'arranger ton coup.
– Kanon n'est pas un coup, Milo.

Le ton de Rhadamanthe n'admettait aucune réplique. Un peu comme lorsque quelqu'un faisait des remarques légèrement désobligeantes envers Perséphone…

– Tu es vraiment sérieux, alors ? interrogea le Scorpion, avec douceur.
– Vraiment. Je ne sais pas si on pourrait être capable de construire quelque chose, mais je sais que ce n'est pas une fantasy de ma part. On a nos différences bien sûr… je suis un Spectre, c'est un Chevalier d'Athéna… Mais…
– Tu passerais volontiers outre ce genre de petits détails, tu serais même prêt à faire quelques concessions concernant certaines de tes habitudes, juste pour avoir le droit de te réveiller régulièrement à ses côtés.

Rhadamanthe sourit.

– Quelque chose comme ça, oui… Tu sais ? tu ressembles vraiment à ma Reine.
– Venant de toi, mon ami, c'est un magnifique compliment.

********************

Kanon s'en voulait terriblement. Et tout en descendant les marches qui le menaient à son temple, il ne cessait de se morfondre. Comment avait-il pu laisser son ami –parce que Milo était son ami, et le premier qui oserait mettre cette affirmation en doute était bon pour se prendre une Galaxian Explosion en pleine tête- comment avait-il pu laisser son ami, donc, s'enfoncer aussi loin dans la déprime ? Un mois que cela durait. Il était vraiment en-dessous de tout… Un nul. Un zéro. Un moins que rien. Un…

– Kanon ? ça va ?

Le Gémeau releva la tête.

– Dohko ? Qu'est ce que tu fais là ? Tu montes au Palais ?
– Ouais, répondit la Balance d'un air lugubre. Trois heures que Shion a quitté la soirée de Shaka… Soit disant que Monsieur était fatigué, qu'il devait aller se coucher… Résultat des courses ? Il y a de la lumière dans son bureau ! Je t'assure… je vais finir par le tuer. Mais toi ? Ça va ? Tu as l'air bizarre…
– Oh moi, ça va… Je ne veux pas te mettre en retard, si tu as à faire…
– Dis pas de bêtises. Shion et moi, on ne prend pas encore rendez-vous pour se hurler dessus. Dis-moi ce qui se passe…
– Bah, en fait… il s'agit de Milo…

Kanon voyait Dohko se décomposer à mesure qu'il lui racontait ce que Rhadamanthe avait découvert et ce que le Scorpion avait fini par leur confier. Quelque part, ça le rassurait. Il y avait des gens au Sanctuaire qui aimaient Milo comme lui l'aimait. Il en avait toujours été persuadé, mais avoir une confirmation, à ce moment là, c'était excellent pour le moral.

– On a vraiment été une grosse bande de nazes, sur ce coup. Il faut absolument réparer les dégâts, Dohko… Milo est à la limite de la dépression… Si Rhadamanthe n'avait pas été là…

Kanon n'osa pas terminer sa phrase.

– Effectivement… Je pense qu'on peut remercier le Juge. Et Perséphone, par la même occasion, pour nous l'avoir envoyé. Bon, voilà ce qu'on va faire. Toi, tu rentres chez toi, et tu te reposes. C'est un ordre, même si je n'ai aucune autorité sur toi : tu as vraiment une mine affreuse. De mon côté, je vais en parler avec Shion, voir si on arrive à trouver une idée. Demain matin, rendez-vous aux arènes. Tout le monde a prévu d'y être, sauf Milo, évidemment, qui profite de son excuse infernale. On mettra les autres au courant à ce moment là, et on décidera de ce qu'il convient de faire.
– Tu es certain qu'il faille le dire à tout le monde ?
– Milo souffre, et nous sommes tous responsables. Il faut que tout le monde participe à la solution, sinon c'est voué à l'échec.
– Je te fais confiance, Dohko… Bonne nuit… Mes amitiés à Shion !, fit le Gémeau en reprenant sa descente.

Arrivé devant la porte de son temple, Kanon hésita une fraction de seconde. Il venait de se soulager d'une partie de ses soucis concernant le Scorpion… Avait-il réellement envie de rajouter à ses problèmes, en franchissant cette porte, si Milo avait vu juste ? Bien sur que oui, puisqu'il s'agissait de son frère. Mais, franchement, Saga avait intérêt à avoir une bonne raison pour faire la tête s'il ne voulait pas passer un sale quart d'heure.

Apparemment, Milo avait mis dans le mille. L'aîné des jumeaux attendait son cadet, assis sur une chaise peu confortable, bras croisés, bien en évidence au milieu du salon. Le message était limpide : Saint Saga était de mauvais poil.

– Où est-ce que tu étais ?
– Chez Milo.
– Pour quoi faire ?
– On avait des choses à se dire…
– Prends-moi pour un abruti. Vous avez passé la soirée collés l'un à l'autre, mais vous aviez encore des choses à vous dire… et évidemment, ça ne pouvait pas se faire à la fête. Ni attendre demain.
– Euh… tu me fais quoi là ? Une crise de jalousie ?
– Et pourquoi pas ? se mit à crier Saga en se levant. Pourquoi je ne pourrais pas ? Pourquoi n'aurais-je pas le droit à un peu d'attention de ta part ?

Les paroles de Dohko revinrent aux oreilles de Kanon. Visiblement, si la Balance et Shion ne prenaient pas rendez-vous pour leurs disputes, son frère était à deux doigts de sortir le calendrier… L'ancien Marina prit les mains de l'ancien Pope dans les siennes et fit installer son frère dans le canapé, s'installant, accroupi, juste devant lui.

– Saga… Je t'aime et tu le sais. Tu m'aimes et je le sais. Nous nous aimons et nous le savons… Alors, comme il est tard et que j'ai eu une fin de soirée assez éprouvante, si tu m'expliquais directement ce qui ne va pas ? Hein ? On dit qu'on fait comme ça ?
– On a qu'à dire ça, fit Saga dans un petit sourire.
– Parfait ! Raconte-moi tout, mon frère à moi que j'aime…

Il ne fallait surtout pas hésiter à en rajouter une couche dans l'affectif dès que Saga avait un peu de vague à l'âme.

Le problème de l'ancien Pope était somme toute très simple, même s'il fallut près d'une heure à Kanon pour mettre le doigt dessus, à force de questions pas toujours pertinentes et de réponses pas souvent explicites : Saga s'ennuyait. Maintenant qu'il s'était assuré que tout le monde lui avait pardonné, que plus personne ne leur en voulait, à son frère ou à lui, que, vraiment, ni Aiolia, ni Ayoros, ni aucun chevalier ne leur gardait la moindre petite rancune, Saga n'avait plus rien pour occuper ses journées. Saga se sentait inutile. Et Saga détestait ça. Depuis qu'il était enfant, il avait toujours eu un emploi du temps chargé. Ça ne s'était guère amélioré lorsqu'il était devenu Chevalier d'Or. Ça avait empiré quand il avait commencé à sérieusement envisager un moyen de prendre le pouvoir au Sanctuaire. Pour devenir tout simplement catastrophique dès lors qu'il avait endossé le rôle de Pope. Alors, certes, il avait eu beaucoup de mal à gérer certaines choses, mais il n'en restait pas moins vrai que Saga n'avait jamais appris à ne rien faire. Et, visiblement, ce n'était pas à vingt-huiit ans passés qu'il désirait s'y mettre.

– Tu sais ce que tu devrais faire ? finit par lui dire son frère, en baillant à moitié. Aller voir Shion pour lui proposer ton aide.
– Kanon ! Tu n'es pas sérieux ?
– Et pourquoi pas ? Tout le monde sait qu'il a du mal… Avec le nombre de personnes qui sont venues se rajouter et Athéna à surveiller, ce n'est pas moi qui vais le blâmer, hein. Gérer un dieu, c'est un travail à plein temps, je l'ai toujours dit. Mais passons… Toujours est-il que tu l'as dirigé, ce Sanctuaire, je me trompe ? Et que tu t'en es pas trop mal sorti, non ?
– Ah ça oui… mon passage en tant que Pope a été une totale réussite !… Tu en as beaucoup d'autres, des comme ça ? Non, mais parce que si c'est le cas, on pourrait les noter et on n'aurait plus qu'à monter un spectacle comique. Ca marcherait du tonnerre, si toutes tes blagues sont du même acabit.
– Saga… je te l'ai dit, non, que j'avais eu une soirée éprouvante ? Alors si tu pouvais me faire grâce de tes sarcasmes, là…
– Ca ne va vraiment pas, toi… Tu veux qu'on en discute ?
– Si tu me promets d'aller parler à Shion.
– Je pense sincèrement que c'est une mauvaise idée…
– Ecoute, ils sont à deux doigts de la rupture, avec Dohko. Physique, mentale, et sentimentale. Alors si tu ne le fais pas pour toi, si tu ne le fais pas pour moi, fais le pour eux.

La notion de sacrifice. Faire appel à l'altruisme de Saint Saga. Kanon se donna mentalement un 20/20 en manipulation gémellaire. En même temps, il savait pertinemment qu'il ne pourrait en tirer aucun mérite : son frère était, pour certaines choses, d'une simplicité effarante.

********************

Quand Milo se réveilla, il réalisa qu'il venait probablement de passer sa meilleure nuit depuis longtemps. Il avait bien eu un peu de mal à s'endormir, mais, au moins, il s'était reposé et c'est fou ce que ça faisait du bien. Il jeta un coup d'œil au reste de la pièce. Le lit de Rhadamanthe était vide. Et parfaitement fait. Le Juge avait un côté maniaque… Enfin pas vraiment maniaque. Il rangeait tout ce qui passait à portée de sa main ou presque… mais jamais de manière intrusive. Milo n'avait pas souvenir qu'il lui ait fait le moindre reproche sur la tenue de son appartement. Non… il se contentait de mettre de l'ordre, en gardant son calme olympien.

Une fois un rapide passage dans la salle de bain effectué, le Scorpion se dirigea vers le salon. Pour trouver le Juge occupé à lire, tout en buvant un thé, au milieu d'une pièce parfaitement ordonnée. Mais qui restait chaleureuse, ne put s'empêcher de remarquer Milo. Cela venait peut-être de l'odeur du thé… Rhadamanthe releva les yeux de son livre, et, remarquant la présence de Milo, le referma aussitôt. Sans prendre le temps de marquer la page. Sans trop savoir pourquoi, le Scorpion était persuadé que le Juge n'aurait aucune difficulté à retrouver l'endroit où il en était. A la ligne près.

– Il te suffit de lancer la machine à café. J'ai préféré ne pas le faire couler, en me disant que tu avais besoin de récupérer… et visiblement j'ai eu raison.

Rhadamanthe lui indiqua la pendule. Presque midi… C'est le moment que choisit Kanon pour faire son entrée, et s'affaler sur le canapé.

– Café…, râla-t-il, sans prendre la peine de saluer les occupants du temple.

Le Gémeau semblait totalement épuisé, mais d'excellente humeur. Et bien décidé à distraire le propriétaire des lieux, quitte à sortir le grand jeu.

– J'allais justement en faire, fit Milo dans un sourire.
– Saga va me tuer, finit par lâcher Kanon en savourant sa première gorgée. Non seulement il m'a tenu la jambe jusqu'à plus de 4 heures du matin… Tu avais raison, au fait Milo, mon frère avait un sérieux souci. Merci de m'avoir dit de retourner chez moi.

Milo lui fit comprendre qu'il n'y avait pas de quoi.

– Donc… non seulement je n'ai pas pu coucher tôt, mais en prime, il m'a levé à l'aube pour qu'on arrive aux arènes avant tout le monde. Moi, je me serai largement contenté d'y débarquer à 11 heures. Mais mon frère était bien trop anxieux pour me laisser dormir.

– Qu'est ce qu'il a mis dans cet état ? demanda le Juge.
– C'est ma faute. J'avais tellement sommeil que j'ai eu une idée, dit Kanon, dépité. C'est pas drôle, Milo ! La situation était vraiment critique. Bref mon frère s'ennuie et ça a finalement fini par jouer sur son humeur. Je lui ai suggéré d'aller proposer ses services à Shion. Il a soumis l'idée à Dohko, ce matin. Qui a trouvé ça tout bonnement génial… et je le dis en toute modestie. Il a soumis l'idée aux autres, qui ont tous applaudi des deux mains. Il faut encore l'accord de Shion et d'Athéna, mais j'ai le sentiment que leur plus gros problème sera de trouver la couleur de la médaille qu'ils m'accorderont pour avoir pensé à ça. Je veux dormir… Mais non ! il ne faut pas ! Je nous ai organisé un truc pour cet après-midi !

– Oulah… j'ai peur, du coup.
– Milo… tu ne me fais pas confiance ?
– Pas le moins du monde, confirma le Scorpion. Surtout quand tu affiches ce genre de sourire satisfait.
– J'aurais tendance à être de son avis, ajouta le Juge en reposant sa tasse de thé.
– Vous me blessez… Mais ce n'est pas grave. Pour vous faire pardonner, vous n'avez plus le choix, vous allez devoir m'accompagner. On va faire du shopping.

Les débats avaient été quelques peu passionnés entre un Gémeau qui tenait visiblement beaucoup à aller dépenser l'argent de poche que Saga lui avait donné, et un Scorpion qui n'avait ni envie de sortir, ni de changer de vêtements. Traîné de force jusqu'en dehors de son temple, Milo avait fini par accepter de faire un tour à Rodario. C'est là que Rhadamanthe était intervenu, décrétant catégoriquement qu'il était hors de question qu'il mette un pied dans le genre de boutiques qu'on pouvait trouver dans ce village. Il était même prêt à sortir la carte de crédit des Enfers, que Sa Majesté Perséphone lui avait confiée, pour peu que les deux Chevaliers acceptent d'aller dans un endroit un peu plus… snob, avait fini par suggérer Kanon devant la difficulté du Juge à trouver un adjectif adéquat.

Un moment plus tard, ils se retrouvaient dans une maison de haute couture, à Venise, ville où le Gémeau avait accepté de les déposer avec son Golden Triangle. Rhadamanthe s'était installé dans un large fauteuil et parcourait un journal, tout en buvant un thé, comme à son habitude. Il avait laissé ses deux compagnons aux bons soins des hôtesses de l'endroit. Milo, plutôt réticent au départ, avait fini par se laisser entraîner dans les délires de Kanon et paraissait s'amuser comme un fou. Se retrouver loin du Sanctuaire semblait avoir le meilleur des effets sur lui.

– Rhada ! Lâche cette tasse et viens t'amuser avec nous !

Le blond tiqua. Il n'y avait que Perséphone qui l'appelait de cette façon, et l'entendre dans la bouche du Scorpion le gênait véritablement.

– Allez ! Lâche-toi, un peu ! continua Milo.
– Je suis parfaitement « lâché » comme tu dis, je t'assure… Je suis calme, détendu. Je passe un excellent moment avec deux personnes que j'apprécie. Et si je ne saute pas partout contrairement à vous, ce n'est certainement pas parce que je me force à jouer le rôle du type coincé. Je ne suis pas coincé, Milo. Ce n'est pas parce que je préfère des tenues et des attitudes plus classiques que…
– Prouve-le. Je t'ai choisi des fringues. Va les mettre et montre nous que tu es aussi à l'aise dedans que dans tes costumes, proposa Milo avec un air de défi.
– Tu es conscient que ce genre d'expérience ne prouvera rien et que ton idée est donc parfaitement ridicule ?
– Rhada… s'il te plait ! Pour me faire plaisir !

Perséphone, à nouveau. Le Juge se leva en soupirant.

– Je vais le faire… mais tu sais pertinemment que ce n'est pas pour toi, fit-il en entrant dans la cabine.
– Oh, ça je sais que c'est pour Elle… mais je m'en moque, tant que tu le fais ! ricana le Scorpion, très content de lui.

Lorsque Kanon l'interrogea du regard, il eut un petit geste de la main pour signifier que ce n'était rien d'important et que le Gémeau ferait mieux de laisser tomber. Quelques minutes plus tard, Rhadamanthe ressortait de la cabine et s'appuyait nonchalamment contre le montant de la porte. Les deux Chevaliers ne le remarquèrent pas tout de suite.

– Alors, satisfait ?

Kanon en eut le souffle coupé. Le Juge était habillé avec un pantalon de cuir extrêmement serré et un haut moulant quasiment transparent, qui laissait deviner sans peine sa musculature d'athlète et mettait en valeur sa silhouette élancée. Il était tout simplement… à tomber.

– Tu es magnifique, jugea Milo, sincère.

Rhadamanthe haussa les épaules et retourna dans la cabine. Mais avant qu'il en ait franchi le seuil, il sentit une main, sur son avant-bras, qui le retenait. Kanon.

– C'est vrai… Tu devrais les garder… ça te va vraiment bien.

Doucement, le Juge se dégagea.

– Je n'en doute pas un instant. Et peut-être même que je pourrais te plaire, comme ça… Mais « ça », ce n'est pas moi.

Et il disparut derrière la porte. Kanon n'était pas certain de savoir pourquoi il avait réagi de cette façon, ni d'avoir bien compris ce qui venait de se passer. Il se retourna vers Milo, cherchant un appui, à défaut d'une explication. Le Scorpion souriait.

– Il est vraiment… enfin, je veux dire… il est…, balbutia le Gémeau.
– Oh, je sais : il dort en caleçon.

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C'étaient bien trois gravures de mode qui se tenaient devant le temple du Scorpion, les bras chargés de paquets, alors que le soleil embrasait le ciel. Pour faire plaisir à Milo, dont ils surveillaient l'humeur comme le lait sur le feu, Rhadamanthe et Kanon avaient accepté de « frimer un peu » en revêtant certaines des tenues qu'ils avaient achetées le jour même. Mais Rhadamanthe s'était montré inflexible : il n'acceptait qu'à la condition qu'ils soient tous les trois en costume. C'était lui qui payait, il avait bien le droit de faire un caprice. Le mot « caprice » dans la bouche du Juge avait aussitôt provoqué successivement la stupeur et l'hilarité chez ses deux compagnons, mais il avait eu gain de cause. Milo paradait donc dans un somptueux costume noir, cintré, qu'il portait avec une chemise de soie sauvage rouge. Kanon, de son côté, avait jeté son dévolu sur une coupe plus classique, un tissu bleu-marine et un très léger pull au col en V assorti à ses yeux. Rhadamanthe, quant à lui, avait fini par se laisser convaincre de laisser ses éternels trois-pièces de côté et flottait dans un costume gris clair, large et fluide auquel il avait adjoint une chemise blanche. Pas de cravate, le Scorpion avait été intraitable : ils étaient en vacances. Ils étaient absolument splendides.

La première chose que vit le Scorpion en pénétrant chez lui fut le regard d'Aiolia. Un regard rongé par la culpabilité et le remord. Avant même que Milo ait pu esquisser un geste, le Lion se jetait sur lui, en pleurs. Sans trop comprendre, Milo jeta un coup d'œil au reste de la pièce. Le salon était rempli de Chevaliers. Ors, Argents et Bronzes, au grand complet. Même Shion, Shunreï, Seika et Athéna étaient présents. Quelques meubles avaient été poussés pour faire un peu de place. Un buffet avait été installé dans un coin.

– Kanon nous a tout expliqué, fit Dohko en s'approchant.

Incapable de prononcer le moindre mot, Milo ferma les yeux et se contenta de serrer légèrement le Lion, qui ne cessait de lui demander pardon. Puis se fut au tour de chacune des personnes présentes de venir témoigner de leur attachement à un Milo toujours sonné. Une légère accolade. Une simple main qui se pose sur une épaule. Deux fronts qui se touchent. Des lèvres qui viennent trouver une joue en un baiser sonore. Des bras qui vous enserrent si fort qu'ils semblent essayer de vous empêcher de vous envoler. Une main qui passe dans vos cheveux. Un cosmos qui vous effleure… Quelques mots aussi. Amour et Amitié. Excuses. Seul Camus n'avait pas franchi le pas du contact physique. Les deux Ors s'étaient contentés d'échanger un long regard, sans prononcer le moindre mot.

Il fallut un long moment à Milo pour se remettre de ses émotions et reprendre pied avec la réalité. La tête lui tournait. Profitant de ce qu'il n'était plus l'unique centre d'attention, il fila vers Rhadamanthe. Le Juge se tenait un peu à l'écart. Il était délicat pour lui de se mêler à cette cérémonie… Contrairement à tous les autres présents, il ne se sentait coupable de rien. La culpabilité ne faisait déjà pas partie de la palette de ses sentiments habituels mais, cette fois-ci, il n'avait même pas à assumer une quelconque erreur envers le Scorpion. Aussi, se contentait-il d'observer, tranquillement.

– Ca te dit, une cigarette ?

Le Juge haussa un sourcil.

– Tu fumes, toi, maintenant ?
– Non.

Une fois dehors, Milo s'assura qu'ils étaient seuls.

– Tu étais au courant ?

Rhadamanthe fit non de la tête, tout en allumant sa cigarette.

– C'est une idée de Kanon, alors ? Je comprends mieux pourquoi il tenait tant à nous voir sortir du Sanctuaire. Enfin, je n'ai pas tout perdu, ajouta le Scorpion en regardant sa tenue.

– Tu as perdu quelque chose ?

Milo soupira. Rhadamanthe avait un don pour relever la moindre tournure de phrase significative.

– Je n'en sais rien, avoua le Scorpion dans un murmure.

Un hurlement en provenance du salon. Le Juge et le Chevalier se précipitèrent à l'intérieur. Et découvrirent avec stupeur, un Shaka trempé devant une Shina qui venait visiblement de lui jeter le contenu de son verre à la figure. Ikki s'était porté sa hauteur et tentait de l'apaiser, à sa manière. C'est-à-dire qu'il lui tenait fermement les bras et lui criait de se calmer.

– Lâche-moi, toi ! rugit-elle.

Elle resta un moment à fusiller la Vierge du regard. Puis elle se retourna vers Aldébaran.

– Et toi… toi ! Tu aurais pu trouver un moyen pour… ! Je me suis ridiculisée par ta faute ! C'est de ta faute, tout ça !

Et elle tourna les talons, furieuse. Elle sortit sans un regard pour Milo, bientôt suivie par toutes les filles présentes, qui avaient visiblement décidé de ne pas laisser leur amie seule alors qu'elle paraissait traverser une mauvaise passe. Rhadamanthe fit un signe à Kanon qui se rapprocha aussitôt.

– Que se passe-t-il ? demanda tout bas le Juge.
– Aucune idée… je vais à la pêche. Je reviens.

Aphrodite se tenait appuyé contre le mur, son verre de champagne à la main, appréciant véritablement les efforts consentis par Shion et Athéna pour la soirée. Soirée tapis rouge pour le Scorpion. Qui le méritait, il n'y avait pas le moindre doute. Aphrodite s'en voulait. Comme tout le monde. Milo était un mec bien et il n'avait pas su voir l'étendue de sa détresse… Le récit de Kanon, le matin même, l'avait ému aux larmes. Il avait manqué broyer la main du Cancer, qui, le pauvre, n'avait rien demandé.

– Tu peux m'expliquer ce qu'il vient de se passer ?

Aphrodite sourit à la question de Kanon, amusé.

– Oh, rien de bien extraordinaire… Shina a simplement additionné 2 et 2 et est arrivée à la conclusion logique qu'Aldébaran et Shaka sont ensemble, fit le Poisson en sirotant son champagne. Elle l'a assez mal pris, si j'en crois le spectacle auquel nous venons d'assister.

– Et c'est le cas ? demanda le Gémeau.
– Absolument pas. Pas selon mes informations, en tout cas. Ne t'inquiète pas, continua Aphrodite après une pause. Je m'en occupe.
– Bien… je te fais confiance.

Si beaucoup de Chevaliers méprisaient ouvertement les penchants « people » d'Aphrodite et Kanon, peu d'entre eux pouvaient se vanter d'en connaître les véritables motivations. En se tenant ainsi au courant de tout ce qui arrivait dans le sanctuaire, les deux compères n'avaient pas pour seul but de se divertir –même si, il fallait bien l'avouer, cela comptait aussi. Sans que les autres en aient vraiment conscience, ils veillaient sur leurs frères. S'il n'avait pas été au courant que la relation de Dohko et Shion souffrait de quelques difficultés, Kanon n'aurait certainement pas eu l'idée de proposer à son frère d'aller filer un coup de main au Pope. De même, c'était eux qui avaient désamorcé la bombe qui menaçait d'éclater entre la Vierge et Kiki, quelques temps auparavant. Ils agissaient toujours en finesse, prodiguant quelques conseils, laissant échapper une phrase… Ils protégeaient leurs pairs, du mieux qu'ils pouvaient. La révélation du cas Milo en avait été d'autant plus douloureuse. Malgré tous leurs efforts, toute leur énergie, ils avaient dû attendre l'arrivée d'un étranger pour voir les choses évoluer. Aphrodite vivait cela comme un échec personnel. Et il était bien décidé à ne pas laisser ce genre de choses se renouveler. Kanon pouvait avoir l'esprit tranquille : le Taureau, l'Ophiucus et la Vierge, protagoniste malheureux de cette histoire, étaient entre de bonnes mains.

– Tiens, c'est l'heure d'aller se coucher chez les pingouins, lança Aphrodite.

En effet, Camus, statue de marbre inflexible, se tenait devant Hyoga qui s'excusait précipitamment auprès des autres Bronzes avec qui il discutait juste avant. Considérant visiblement qu'il avait laissé suffisamment de temps à son disciple pour les marques de politesse – soit une trentaine de secondes – , le Verseau tourna les talons en direction de la porte. En passant devant Milo et Rhadamanthe, Camus leur souhaita une bonne fin de soirée sur un ton glacial. Le Cygne, lui, leur fit un petit signe de la main, lança un regard d'excuse et courut à la suite de son maître.

– Les mioches n'ont vraiment pas de chance, fit Angelo en se collant à son Poisson adoré. Essayer de construire une relation en étant couvés par Ikki et Camus… je leur souhaite bien du courage.
– Mouais… enfin il faut reconnaître qu'ils n'y mettent pas vraiment du leur.

C'était la voix de Shura. Le Capricorne, flairant le retour des potins, s'était rapproché à son tour, un sourire légèrement ironique accroché aux lèvres.

– Sérieusement… même quand on se débrouille pour qu'ils se retrouvent tranquilles, tous les deux… ils se contentent de boire des diabolos menthe.
– Oui, mais c'est Hyoga qui s'occupe des glaçons. Pour tous les deux, objecta le Cancer.

Kanon regarda tour à tour les deux Chevaliers, qui étaient visiblement très fiers d'eux-mêmes.

– Et c'est nous qui avons la réputation d'être mauvaises langues, s'indigna-t-il. Aphro, mon ami, il y a là une très grande injustice : ces deux-là sont pire que nous.

********************

La soirée avait fini par trouver son terme. Tous les Chevaliers avaient quitté le temple du Scorpion, non sans avoir une dernière fois montré à Milo qu'ils tenaient tous à lui. Maintenant le propriétaire des lieux se tenait debout dans son salon et regardait l'étendue des dégâts. Rhadamanthe, lui, avait déjà commencé à ranger, comme à son habitude. Le Scorpion se mit à faire de même, espérant mettre ainsi un peu d'ordre dans son esprit embrouillé.

Il devait reconnaître qu'il avait été touché par l'attention de ses pairs. Sentir le Lion en pleurs et l'entendre s'excuser pour toute la souffrance… cela faisait tellement longtemps qu'il attendait quelque chose comme ça, sans vraiment se l'avouer. Qu'ils ouvrent les yeux sur son calvaire. Il avait essayé l'agressivité, il avait essayé l'isolement… Aucun d'entre eux n'avait su décrypter les signaux. Et ils avaient essayé de se rattraper durant cette soirée. Milo ne pouvait s'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Une petite voix qui lui disait qu'il avait fallu attendre l'arrivée de Rhadamanthe, un étranger, un ancien adversaire, pour que ses amis agissent. Qui lui faisait remarquer que, si cette soirée partait d'un élan sincère, mélangeant culpabilité et compassion, elle n'en était pas moins fabriquée. Presque factice. Ne pouvait-elle pas se taire, cette petite voix ? Ne pouvait-elle pas le laisser savourer… ? D'un geste de frustration, il a attrapa une veste qui gisait sur le dossier d'une chaise, oubliée là par un convive.

Remarquant que la pièce était devenue particulièrement silencieuse, Rhadamanthe jeta un coup d'œil vers Milo. Le Scorpion lui tournait le dos, la tête baissée, un vêtement à ses pieds. Devinant un problème, le Juge s'approcha et, chose rare, initia un contact, en posant une main sur l'épaule du Chevalier d'Athéna. Lorsque le Scorpion releva les yeux vers lui, Rhadamanthe sentit son cœur se serrer. La douleur, la détresse, le désespoir qui se lisaient dans son regard… Milo était à l'agonie. Le Juge le prit dans ses bras, l'enlaçant doucement, presque avec tendresse.

 

A suivre...

Chapitre 3

 

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