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LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES... |
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Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur. Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma. J'espère que vous aimerez... |
Carte de ce monde |
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Chapitre 02
Année 10218 du Loup Garou, mois de décembre, Giudecca, Royaume des Ténèbres…
Le Duc de Wyvern était un homme dur et froid au premier abord. Sa haute stature, son physique puissant entretenu par le maniement des armes, renforçaient l'image charismatique qu'il dégageait. De ce point de vue, il n'avait rien à envier à son Roi. Assis derrière son large bureau, Hadès terminait de lire un rapport. Ceci fait, il reporta son attention sur l'homme devant lui. Il avait remarqué que celui-ci portait en permanence une brigandine. Il s'agissait d'une armure faite de petites plaques de cuir rivetées les une aux autres, par-dessus un gambison, sorte de grosse veste rembourrée de laine et de crins de chevaux, assez épaisse, dont l'intérêt était d'amortir les coups lors d'un combat et ainsi, éviter la fracture autant que possible. Celle que portait le Duc était de facture remarquable. Et si le vêtement était élégant, il n'en remplissait pas moins son rôle de protection. Il avait également un pantalon de cuir épais et des bottes à semelles cloutées. Il était vêtu comme s'il était toujours prêt à se battre. En entrant, il avait négligemment jeté son manteau de laine bordé d'une fourrure d'hiver de martre, sur la chaise à coté de celle où il s'était assis. - Tu as fait un remarquable travail avec ces bandes de voleurs qui couraient dans le pays, commença Hadès en jouant avec un morceau de cire tombé du sceau rompu du parchemin qu'il venait de lire. Alors que les deux hommes discutaient, un rayon de soleil se glissa jusqu'à eux à travers la fenêtre, à la faveur d'une trouée dans l'épaisse brume grise qui le voilait en quasi permanence. Le Duc cligna des yeux et le Roi se retourna pour regarder le phénomène aussi beau qu'il était rare. - J'ai une autre mission à te confier, poursuivit-il. J'aimerais que tu te renseignes sur les terres qui jouxtent nos frontières. Leur potentiel agricole, défensif, enfin tout ce que tu peux trouver sur elles. Hadès sourit. La perspicacité de Rhadamanthe le ravissait toujours. Avec lui, les mots étaient presqu'inutiles. Il comprenait ce qu'on ne lui disait pas à travers ce qu'on lui disait. Il était inutile de s'encombrer de belles phrases toutes faites avec lui. De plus, ça avait le don de lui porter sur les nerfs. Le Duc de Wyvern n'était pas du genre à tourner autour du pot. - Nos voisins ne sont plus en état de les exploiter. Ce serait dommage qu'elles ne servent pas à nourrir un pays qui a cruellement besoin de développer son agriculture. Pour l'instant, rien n'est encore fait, je veux juste savoir si ces terres sont suffisamment fertiles pour qu'on s'y intéresse. Rhadamanthe posa sur son Roi un regard goguenard. Il connaissait bien Hadès et avait parfaitement compris où il voulait en venir. Ça sentait le plan d'invasion à plein nez et nul doute que les jumeaux n'y étaient pas étrangers. Peut-être même que l'idée venait d'eux. - Thanatos et Hypnos ont imaginé un moyen pour que nos voisins se tiennent tranquilles pendant que nous nous installerons chez eux ? tenta-t-il, presque certain de tomber juste. Le sourire qu'eut Hadès lui confirma que ses suppositions étaient les bonnes. - J'ai bien fait de te confier le Ministère des Renseignements. Tu arrives aux bonnes conclusions avec un minimum d'informations. Je ne sais pas comment tu fais ! Comment réfléchis-tu ? Le Duc sourit et s'inclina brièvement devant son Roi qui riait doucement, avant de quitter la pièce. Une mission l'attendait… Rhadamanthe gagna son appartement. Il ouvrit une armoire et y prit quelques grands parchemins qu'il déroula sur son bureau. Il s'agissait de cartes du monde connu. Au centre étaient dessinés le Royaume des Ténèbres. Au nord, il y avait celui du Sanctuaire et plus haut, le petit Royaume d'Asgard. A l'est, le Royaume des Océans et plus loin encore, celui des Amazones et d'Eleusis gouverné par le Roi Dionysos. Au sud et à l'ouest, la mer avec au-delà, les Royaumes des Reines Artémis, Déméter et Aphrodite qui semblaient, pour l'instant, plutôt bien disposées à l'égard d'Hadès. Le Duc laissa errer son regard d'or sur la carte, le menton posé sur le dos de ses mains aux doigts entrecroisés. Il connaissait parfaitement la situation de leurs deux voisins. Ils étaient en guerre depuis des années mais les combats n'étaient plus que des rixes ou de petites embuscades, la plus part du temps, aux frontières. Parfois l'un ou l'autre faisait une incursion à l'intérieur des terres de l'ennemi pour piller et saccager. Il y avait bien longtemps qu'aucune armée digne de ce nom ne s'était affrontée sur l'étendue d'une vaste plaine. Où étaient donc les milliers d'hommes et de chevaux qui se ruaient à l'assaut dans la lumière froide et crue d'un soleil levant ? Ces deux pays étaient sur le point de disparaître. Bientôt, le Roi Poséidon affronterait lui-même le Roi Mitsumasa faute de soldats. Si un jour cette guerre se terminait, on ne se souviendrait que du colossal gâchis qui en résulterait. Au moins celle qu'Hadès avait menée quatre ans plutôt contre l'usurpateur avait été utile pour lui permettre, par la suite, de reconstruire un pays en ruine. Et maintenant, la paix régnait. Certes, la vie était dure, les efforts peu récompensés, mais la tranquillité était une joie que le peuple savourait à sa juste valeur. Rhadamanthe se souvint d'un jour, il y avait un an environ, où il traversait un village. C'était jour de marché et la rue principale était envahie par les vendeurs de fruits et légumes, de tissus, de volailles et de moutons. Marchant à côté de son cheval, il s'arrêta devant un étal où il restait quelques fruits. Il attendait de payer les pommes qu'il avait choisies lorsque devant lui, il entendit la conversation de deux hommes. - C'est quand même pas facile d'avoir des fruits ici, disait l'un. Rhadamanthe souriait doucement. S'il y avait eu un exode massif des populations jusqu'à l'arrivée d'Hadès, maintenant les gens réfléchissaient avant de partir. Personne n'ignorait ce qui se passait chez leurs voisins et ils étaient de plus en plus nombreux à préférer rester sur cette terre ingrate, mais calme et paisible. D'ailleurs, certaines sentinelles postées aux frontières avaient mentionné l'arrivée, ou peut-être le retour, de familles entières venant du nord et de l'est. Il laissa une ceinture neuve en cuir pour payer ses pommes au marchand, qui se confondit en remerciements, et reprit sa route, heureux de servir un homme qui inspirait tant de respect et de loyauté. Et fier aussi d'avoir contribué à pacifier le Royaume pour inciter les gens à rester. Il décida de former quatre équipes de trois hommes. Il ferait lui-même partie de l'une d'elle. Il choisit d'aller à l'est. Il n'avait pas vraiment eu l'occasion, au cours de ses différentes missions, de se rendre par là-bas. Il dressa mentalement une liste des hommes auxquels il pouvait se fier aveuglément pour accomplir cette tâche. Laïmi, Niobe et Cube seraient parfaits pour diriger chacun une équipe. Restait à trouver ceux qui les accompagneraient. Un sourire étira ses lèvres. Voilà une mission que s'engageait bien et rapidement. Il descendit aux cuisines où il se fit servir une copieuse écuelle de ragout de mouton avec une tranche de pain. Un sourire de remerciement et la jeune servante rougit jusqu'aux oreilles. C'est qu'il avait belle allure le Duc. Et chaque jeune femme vivant au château et en âge de se marier, savait qu'il était célibataire. Duchesse, voilà qui en faisait rêver plus d'une. En quittant les lieux, il ne se gêna pas pour asséner une claque retentissante sur la croupe de la jeune femme qui sursauta et s'offusqua pour la forme. Le sourire éblouissant qu'elle récolta fit battre son cœur comme jamais encore cela ne lui était arrivé. Rhadamanthe se rendit à la caserne, tout en songeant qu'il ne passerait pas la prochaine nuit tout seul. Il trouva rapidement les hommes qu'il cherchait et ils partirent tous les quatre à cheval. Une lande vaste et déserte où l'on pouvait voir arriver quelqu'un de loin, où il n'y avait nul endroit pour se dissimuler était encore le meilleur endroit pour discuter sans risquer d'être entendu. - Je vous laisse le choix des hommes qui vous accompagneront. Le mot d'ordre est la discrétion la plus absolue. Si les choses tournent mal, ne vous laissez pas capturer vivants. Est-ce que c'est clair ? Le mot avait claqué comme un coup de fouet. Et le regard que leur lança le Duc était plus éloquent que tout les discours. Inutile d'insister, ils n'en sauraient pas plus. Ils devaient juste se contenter d'obéir aux ordres. - Tout ce que vous avez besoin de savoir, reprit le Duc, c'est que, comme à son habitude, Sa Majesté Hadès agit pour le bien de son peuple et que notre devoir est de l'aider de notre mieux. Rentrons et préparons-nous. Nous partirons demain ! Ooooo00000ooooO
Au bout de quatre jours de chevauchée en ayant contourné le Massif des Lamentations par le sud, le Duc de Wyvern et les cinq hommes qui l'accompagnaient, arrivèrent à la frontière est, celle avec le Royaume des Océans. Il avait été de fort bonne humeur tout le long du trajet. La nuit qu'il avait passé avec la jolie servante, la veille de leur départ, il n'était pas prêt de l'oublier. La jeune femme, pas farouche pour un sou, s'était montrée fougueuse, inventive et garce juste ce qu'il fallait pour plaire à son noble amant. Il sentait encore la force et la douceur de ses cuisses autour de ses hanches, la chaleur de ses seins, et elle n'avait même pas protesté lorsqu'il lui avait imposé une union contre nature. Par les Dieux, quelle fille ! Après avoir à nouveau fait les mêmes recommandations, les deux groupes se séparèrent. Celui de Cube partit vers le nord et le Duc fit route à l'opposé. Au moment opportun, ils franchiraient la frontière. Après avoir chevauché pendant un très long moment, Rhadamanthe et ses hommes arrivèrent en haut d'une colline. Derrière s'étendait un spectacle comme ils n'en avaient pas vu depuis bien longtemps. Sous leurs yeux écarquillés, il y avait des rizières à pertes de vue. A l'abandon certes, mais c'était bien ce qu'ils voyaient. Les tertres qui séparaient les différents bassins ondoyaient comme des vagues, habillant la colline de courbes comparables au corps d'une femme. Il y avait quelque chose de sensuel dans ce paysage. La végétation luxuriante avait repris ses droits et les différentes nuances de vert étaient un régal pour des yeux un tant soit peu sensibles à la beauté de la nature. Le Duc sentit sa gorge se serrer. Combien de tonnes de riz pourraient être récoltées ici ? S'en serait fini des famines à la fin de l'hiver. Il regarda ses hommes et leur sourit. Ils étaient tout comme lui, surpris et fascinés. - Jamais je n'aurais cru qu'une telle chose existe à seulement quatre jours de cheval de chez nous… murmura l'un d'eux comme s'il craignait que cette vision ne s'évanouisse s'il parlait trop fort. Le Duc fut surpris d'entendre de telles paroles dans la bouche d'hommes qu'il pensait plus rustres que philosophes. Voilà qui promettait un voyage intéressant et des discussions non moins passionnantes. Ils reprirent la route, toujours vers le sud. En levant les yeux, ils eurent l'agréable surprise de voir le ciel. - J'avais oublié à quel point le bleu du ciel est si lumineux… murmura le dénommé Korvac, un sourire dans la voix. En effet, et bien que l'on soit en hiver, l'astre du jour était en train de se faire un régal à rougir la peau pâle de leur visage. Peu habitués à cela, ils ne tardèrent pas à constater douloureusement la traitrise de ce soleil qu'ils trouvaient soudain moins beau. Rhadamanthe ordonna le bivouac à l'abri, en contre bas de la route. Personne ne se douterait de leur présence s'ils ne faisaient pas de bruit. Ils profitèrent de la fin de journée pour se reposer avant de repartir à la nuit tombée. Avant leur départ, ils mangèrent quelques tranches de porc séché, puisqu'il était hors de question de prendre le risque d'allumer un feu ou même de chasser, et remontèrent à cheval. C'était une nuit sans lune, aussi était-il difficile d'observer le paysage qui les entourait. Ce n'est que lorsque l'horizon se mit à pâlir que le Duc décida qu'il était temps de dormir un peu. Pas longtemps, jusqu'en milieu de matinée peut-être. Ils allaient ensuite passer le reste de la journée à explorer les lieux, chacun prenant une direction différente à partir de leur campement. Ooooo00000ooooO Un rayon de soleil vint taquiner les paupières de Rhadamanthe. Il tenta bien de chasser l'importun, mais c'était un combat perdu d'avance. Il sortit de sous la peau d'ours dans laquelle il s'était enroulé et réveilla ses hommes. Comme la veille, le porc séché fit office de repas et l'eau de la rivière qui coulait non loin, rafraîchit leur bouche et leur visage. Remontant prudemment vers la route, ils se séparèrent. Korvac tomba sur ce qui avait dû être des champs de blé ou d'orge. Ce qu'il en restait tendait à le prouver, même si les herbes folles avaient depuis longtemps envahi les parcelles de terres dont les délimitations étaient encore visibles. Il sortit un petit sac de cuir de sa poche et le remplit avec quelques poignées de terre. Bien que desséchée par le manque de pluie, il devina qu'elle était fertile même sans être un expert. Son estomac lui rappela que la mi-journée devait être passée depuis longtemps. Il fit demi-tour pour regagner leur cachette. Téméyès, l'autre homme qui accompagnait le Duc, trouva des vignobles qui s'étendaient à perte de vue. Quant à Rhadamanthe, heureusement pour lui qu'il était seul. Il était tombé sur des fraisiers sauvages et il était en train de se gaver à presque s'étouffer. Sa réputation d'homme cynique et glacial en aurait pris un coup si ses hommes l'avaient vu ainsi, dans une attitude aussi infantile. Ses doigts et sa bouche étaient écarlates. Les petits fruits étaient sucrés, juteux et parfumés à souhait. Il n'en avait plus mangé depuis qu'il avait suivit Hadès, quatre ans plus tôt…
Le Prince qu'il était encore, avait poussé jusqu'en Eleusis(1) et c'est dans une auberge frontalière qu'il avait rencontré Minos, Myu et Rune. Les trois hommes lui avait expliqué que la plus part des nobles fidèles au Roi Cronos avaient trouvé refuge sur les terres du Roi Dionysos. Il avait croisé Rhadamanthe alors qu'ils chassaient le même sanglier. Aucun des deux hommes n'était disposé à abandonner la bête. - Ah ça ! s'exclama Hadès. Seras-tu assez honnête pour reconnaître que cet animal est à moi ? Hadès vrilla son regard glacial à l'or liquide des yeux de Rhadamanthe. Se pourrait-il… - C'est effectivement un fleuve qui coulait… dans le Royaume des Ténèbres… Hadès sourit. Cet homme, seul, face à une troupe d'une huitaine de chevaliers armés jusqu'aux dents, ne semblait pas avoir peur. Il semblait même déterminé à leur tenir tête. L'éclat farouche de son regard doré disait qu'il serait un adversaire redoutable si les choses devaient dégénérer. - Connais-tu le sceau de la Maison d'Inferno ? Le Prince tendit sa main devant lui et le Duc de Wyvern put voir la bague avec la pierre noire et la double fourche qui en ornait l'index. Il en fut profondément ébranlé, mais n'en montra rien. Il se recula et à la surprise de tous, il posa un genou à terre et inclina la tête. - Je suis Rhadamanthe, Duc de Wyvern. Si tu rentres chez nous pour reprendre ton trône, je te suivrai. Hadès attrapa l'avant bras de Rhadamanthe et le serra. Le sourire et le regard qu'ils échangèrent furent les premiers instants d'une franche et profonde amitié. Le Prince lui présenta ses compagnons de route et, après avoir vidé le sanglier, ils le ramenèrent dans une auberge où le patron se fit une joie de le rôtir pour eux. Après quelques verres d'un vin gras et capiteux, les deux hommes avaient finalement sympathisé et Hadès avait lamentablement roulé sous la table. A son réveil, il constata que le Duc était toujours là, et qu'ils se trouvaient dans l'écurie. - Ce vin est traitre ! Depuis ce jour là, cette amitié n'avait fait que se renforcer. Oui, Rhadamanthe se considérait comme l'ami du Roi et surtout, comme son confident. Il était celui à qui il confiait ses doutes et ses angoisses. Ses joies aussi. Il fut le premier à qui Hadès révéla sa liaison avec Queen. Et le Duc était toujours là, à n'importe qu'elle heure du jour ou de la nuit pour offrir une oreille attentive, une épaule solide et confortable, une présence silencieuse et protectrice. C'est d'ailleurs ainsi qu'Hadès se rendit compte de la capacité de Wyvern à écouter, regarder, mémoriser, à analyser, se faire oublier comme s'il appartenait au décor et surtout, à ne pas parler. Le Ministère du Renseignement était fait pour lui. Et il ne s'était pas trompé. Rhadamanthe se mit à l'ouvrage avec acharnement pour des résultats au-delà de tout éloge. Après s'être goinfré de fraises sauvages, le Duc prit quand même soin d'en rapporter à Korvac et Téméyès. Alors qu'il allait repartir vers leur campement, loin au sud, il aperçut la mer. Demain il l'atteindrait sans aucun doute. Il fut le dernier à atteindre leur cachette et les deux hommes lui firent part de ce qu'ils avaient vu en mangeant les petits fruits. Dans leurs yeux brillait une reconnaissance sans borne pour cet homme dur mais non dénué de cœur. Au crépuscule, ils reprirent leur route. Ooooo00000ooooO En fin de nuit, les trois hommes arrivèrent en haut d'une colline qui donnait sur la mer. Devant eux, une plaine immense s'étendait à perte de vue. Ils dormirent un peu, et à leur réveil, ils se mirent en route. Rhadamanthe descendit vers la côte. Il voulait longer le littoral et surtout s'enivrer les yeux de cette mer si bleue, si belle. Il chevaucha en haut d'une falaise aux bords abrupts et dont le sommet s'inclinait doucement vers la grève Il déboucha sur une baie apparemment habitée. Rapidement, il s'enfonça dans les fourrés et y laissa son cheval pour poursuivre à pied. Prenant beaucoup de précautions, il trouva enfin un poste d'observation adapté. Il avait une vue imprenable sur les activités humaines des lieux sans être repérable. Il identifia immédiatement deux bateaux de pèche, au large, dont la ligne de flottaison était bien basse. Signe que leurs cales étaient probablement remplies. A terre, installés au soleil, des hommes semblaient réparer des filets, d'autres étaient occupés à vider les poissons avec des femmes et même des enfants. Il compta sept maisons et ce qui devait faire office de capitainerie et d'auberge. En tout une dizaine d'hommes plutôt âgés, en comptant ceux qui se trouvaient à bord des bateaux, autant de femmes et peut-être une vingtaine d'enfants, dont certains, trop jeunes pour aider les adultes, s'amusaient sur la petite plage de galet. Un galop de chevaux lui fit tourner la tête. Deux hommes arrivaient, vêtus comme des soldats, en armure et cotte de maille. Aucun fanion ni étendard ne désignait leur rang que Rhadamanthe estima malgré tout élevé. A peine les villageois les virent-ils qu'ils se hâtèrent à leur rencontre pour les accueillir. - Bienvenue Altesse ! Monseigneur ! entendit clairement le Duc tant il était près. Elle se colla davantage à son grand-père et rougit sous le compliment. Elle devait avoir treize ou quatorze ans, l'âge des premiers émois, et le charme de Julian ne la laissait pas indifférente. Le Duc n'en croyait pas ses yeux. Un rictus animal déforma ses traits lui donnant un air dangereux. Altesse. Le Prince héritier en personne venait visiter de simples pécheurs et s'enquérir de leur bien-être. Voilà qui n'était pas commun. Ce qui intriguait le Duc de Wyvern, c'était pourquoi ? - Kanon ! Penses-tu pouvoir détacher deux ou trois hommes pour aider ces gens ? Après tout, ils ramènent de quoi nourrir le peuple ! Nous devons les aider ! L'interpellé se tourna et se dirigea vers son Prince. Il passa à quelques mètres du Duc qui se figea. Il ne pouvait détacher ses yeux de ce chevalier. Il lui sembla aussi grand que lui, bien bâti. Il avait dans le regard quelque chose de sauvage et d'inquiétant. Un homme qui n'a peur de rien parce qu'il n'a rien à perdre. Sauf sa vie peut-être, mais elle appartient à son Roi et non plus à lui-même. Ainsi donc, il y avait encore des hommes dont il fallait se méfier dans ce Royaume à l'agonie. - Je vais voir ce que je peux faire, Julian… Une voix grave, mélodieuse et puissante à la fois. Une voix habituée à donner des ordres, à hurler l'assaut sur le champ de bataille. Une voix douce et profonde capable de vous ensorceler et vous faire perdre votre vigilance. Rhadamanthe sentit son cœur s'accélérer. L'idée d'affronter un tel homme en combat singulier l'excitait et le vaincre, encore plus. Oui, battre un guerrier de sa trempe devait être jouissif à l'extrême. - Regardez ! cria le Prince en montrant un bateau du doigt. Le filet qu'ils remontent est plein à craquer ! En effet, les pécheurs étaient train de tirer sur le pont, un immense filet en forme de poche. A l'intérieur, des centaines, des centaines de poissons, crevettes, poulpes qui finiraient dans les assiettes des habitants des villages alentours. - Hélas, votre Altesse nous allons devoir rejeter cette prise à la mer ! regretta Marjan. Nous ne pourrons pas nous en occuper. Si nous la gardons, elle va pourrir sur place. Va Théo ! Aussitôt, le petit garçon qui se trouvait à leur côté courut de toute la vitesse de ses petites jambes jusqu' au bout du ponton de bois et agita un petit drapeau rouge indiquant par là qu'à terre, ils ne pouvaient pas en traiter plus. Quelques instants plus tard, les poissons étaient rendus à la mer. Le Prince et le chevalier regardèrent cette scène, impuissants. Toute cette nourriture qui était gâchée alors qu'il y avait tant d'hommes, de femmes et d'enfants qui avaient faim. Mais faute de pouvoir la préparer et l'acheminer dans les différentes villes et villages situés à moins d'un jour en chariot, il était impensable de la garder. - C'est injuste… murmura l'homme à la magnifique chevelure bleue. Ce que les deux hommes se dirent par la suite, Rhadamanthe aurait bien aimé l'entendre. Il avait surtout retenu que ce petit village serait bientôt plus fort de six hommes prélevés sur les effectifs de l'armée. Donc des soldats sachant se battre. Il attendit que le soleil soit presque couché pour regagner son campement où il retrouva ses hommes. Chacun fit le récit de ce qu'il avait découvert et le Duc décida qu'il était temps de rentrer chez eux. Des rizières, des terres fertiles au premier abord, des vignobles, des ports de pêche, sans parler du gibier qu'ils avaient vu dans les forêts où ils s'étaient cachés tout au long de leur mission, plus les innombrables lacs et rivières qu'ils avaient contournés ou traversés, nul doute que le Royaume des Océans était une terre riche et nourricière pour peu qu'il y ait assez de monde pour l'exploiter. Cinq jours plus tard, le Duc franchissait la herse du premier rempart de Giudecca, les sabots de son cheval claquant furieusement sur les pavés de la route. Il ne prit le temps que de se rafraîchir et de passer des vêtements propres avant de s'écrouler sur les fourrures de son lit. Ooooo00000ooooO Le lendemain matin, Markino lui apprit que le Roi était sorti. Aussi décida-t-il de voir si le Duc de Griffon était disponible pour commencer à mettre en place la distribution de nourriture en vue de la fête de la fin de l'année. Il arriva devant l'appartement du Ministre de l'Intérieur à la porte duquel il cogna. Une voix lui dit d'entrer. Il trouva celui dont dépendait la tranquillité du Royaume assis derrière un bureau parsemé de parchemins. - Tu as l'air complètement perdu sous tous ces rapports ! compatit l'homme blond en s'approchant de la fenêtre qui donnait sur le Mont Elysion. Minos se leva et appela son serviteur à qui il donna quelques ordres. Rhadamanthe ne put s'empêcher d'admirer la prestance de son ami. Il avait une élégance naturelle que mettait en valeur des vêtements parfaitement taillés. Il songea qu'il devrait lui demander de lui prêter son couturier. - Comment envisages-tu l'organisation des choses ? demanda le Duc de Wyvern alors les deux hommes se restauraient. Rhadamanthe sourit à cette évocation. Minos faisait allusion au voyage qu'ils avaient tous fait depuis Eleusis jusqu'aux Ténèbres. Le Royaume de Poséidon se situait entre les deux et l'armée d'Hadès avait été obligée de passer sur les terres des Océans pour rentrer chez elle. Bien que chevauchant la nuit la plupart du temps, les hommes avaient quand même pu se rendre compte qu'il s'agissait là d'une contrée riche et belle. - C'est encore plus magnifique en plein jour… - Je vois… Je dois le voir pour lui faire mon rapport et je pense qu'il en parlera au prochain Conseil. Quand les convois doivent-ils partir ? Le Duc de Wyvern quitta son ami et retourna voir Markino qui ne savait toujours pas où était le Roi. Inquiet, Rhadamanthe décida d'aller le chercher. Il se rendit aux écuries où il fit sceller son cheval, un magnifique pur sang Arabe à la robe d'un noir luisant et nuancé de reflets roux. L'animal sentant son cavalier émit un doux hennissement. Le Duc caressa sa monture et la mena hors de l'écurie avant de l'enfourcher et se dirigea vers la porte du premier rempart de Giudecca. Il traversa le pont qui enjambait les douves et prit la direction de la plaine de la Caïna. Si personne n'avait la moindre idée d'où se trouvait le Roi, lui, savait. Quand Hadès se débrouillait pour disparaître de la sorte, c'est qu'il avait envie d'échapper pour quelques temps à sa couronne. Et dans ces moments là, il gagnait la plaine sur le dos d'Achéron et faisait courir le Frison jusqu'à épuisement ou presque. Il n'y avait que là que le Souverain redevenait un homme comme les autres, anonyme. Arrivé en haut d'une colline qui dominait la Caïna, le Duc sourit. Il ne s'était pas trompé. Au loin, il vit le cavalier et sa monture lancé au triple galop, ne faisant qu'un. Il éperonna Greatest et rattrapa son Roi sans trop de difficulté. Son pur sang arabe était peut-être un peu moins puissant que le Frison, mais il était plus léger et donc plus rapide. Hadès lui sourit et partit vers la colline qu'avait dévalée le Duc. Celui-ci arriva le premier et fit tourner sa monture pour voir un Achéron fatigué, peiner à parcourir les derniers mètres. - Tu ne l'as pas ménagé ! lui reprocha Rhadamanthe. Il est en sueur et pourrait tomber malade. Côte à côte, les deux hommes et leurs montures prirent le chemin du Château d'Ebène. Ils se retrouvèrent dans le bureau du Roi après avoir fait un brin de toilette. Les Comtes de Dream et de Death les rejoignirent à la demande du Souverain. - Les hommes envoyés au nord ne sont pas encore revenus, commença Rhadamanthe. Je pense qu'ils ne devraient plus tarder. Et le Duc fit le récit de ce qu'il avait découvert avec Korvac et Téméyès. Il parla également du petit village de pêcheurs mais sans mentionner la visite du Prince Julian. Ce détail n'avait aucune importance dans l'immédiat. Il répondit patiemment et aussi précisément que possible aux multiples questions de ses trois interlocuteurs. Il ne manquait plus que les deux autres équipes parties vers le nord. La nuit tombait vite à cette époque de l'année. Fatigué par sa course avec Achéron, le Roi, qui cachait difficilement ses bâillements, décida de mettre un terme à leur entrevue. Ooooo00000ooooO
Lorsqu'il referma la porte de ses appartements, le Duc de Wyvern s'immobilisa un instant. Aussi discret que ce fut, il perçut la présence d'une personne. Son instinct ne le trompait jamais. Il découvrit l'intrus allongé sous les fourrures de son lit. - Je t'ai fait préparer un bain… Le reste de ses vêtements suivit et c'est entièrement nu, sous le regard appréciateur de son visiteur qu'il entra dans le baquet d'eau chaude. Immédiatement, le bien-être l'envahi. Ils étaient tous des hommes robustes, mais parfois, ils se laissaient volontiers aller aux bienfaits d'un bain ou d'un massage avec des huiles, savamment mélangées par le Marquis d'Alraune. Il ne tarda pas à sentir sur ses épaules deux mains puissantes à la peau calleuse, pétrir ses muscles noués pour en chasser toute lassitude. Un baiser sur sa nuque le fit frissonner et sourire. - Pourquoi es-tu là ? demanda le maître des lieux d'une voix où commençait à percer la somnolence. Rhadamanthe s'enroula dans l'étoffe douce et sécha sa peau avec l'aide de son visiteur. Il ceignit ses reins avec un autre linge et s'avança vers le lit occupé par un homme séduisant et visiblement déjà excité à la simple idée des instants de volupté qui allaient suivre. Il détaillait le Duc de son regard ocre, ses cheveux gris clairs retombant sur ses épaules musculeuses et lardées de petites cicatrices, récoltées à l'entraînement ou au combat. Une lueur de désir habitait ses yeux qui ne quittaient pas le Duc. Celui-ci commença également à ressentir une certaine impatience dans son ventre. Il s'assit sur le lit. - Valentine, tu es sûr de ce que tu veux ? Sur ces mots, le Comte de la Harpie ouvrit le drap de bain qui cachait l'objet de sa convoitise. Avec beaucoup de douceur, il fit courir ses doigts sur le sexe à moitié dressé. Un infime gémissement l'encouragea à poursuivre. Après quelques savantes caresses, il se pencha vers la hampe de chair orgueilleuse qui attendait toujours plus de flatterie et de la pointe de la langue, il explora l'extrémité avec une lenteur calculée. Le grondement de satisfaction qui parvint à ses oreilles lui tira un sourire. Il se déplaça sur les fourrures et le Duc s'allongea plus confortablement. Aussitôt, Valentine reprit son activité. - Fatigué, hein ? fit-il en jetant un regard brulant à son amant qui lui sourit. Le Comte remonta jusqu'à la bouche entrouverte qui laissait échapper un souffle saccadé et terriblement sensuel. Leurs peaux en contact se nourrissaient de nouvelles sensations de contentement. Leurs langues glissèrent l'une contre l'autre avec lenteur et suavité. Leurs corps, encore sous contrôle, ondulaient, créant un magnifique ballet érotique, rythmé par leurs soupirs lascifs. La tendresse de leur étreinte démentait l'absence de sentiments. Entre eux, il y avait du respect, de l'amitié, de l'attirance, mais d'amour, point. C'est certainement ce qui leur permettait de pouvoir s'octroyer ces moments de plaisir, l'esprit libre. Les deux hommes roulèrent sur le lit et Valentine se retrouva sous le Duc. Celui-ci, tel un loup affamé, dévora le corps offert des lèvres et des mains, lui arrachant des plaintes indécentes. Ecartant les jambes pour mieux l'accueillir contre lui, Valentine prit la main de son amant et se mit à en lécher consciencieusement chaque doigt, son regard perdu dans l'or assombri des yeux de Rhadamanthe. Après l'avoir soigneusement préparé à le recevoir jusqu'à le mener au bord de l'orgasme, le Duc prit possession de son amant avec force et douceur. Le Comte gémit plus fort et longuement en sentant son corps s'ouvrir devant l'invasion charnelle, imposante et brulante. Un sursaut incontrôlable cambra son corps aux muscles durs et tendus. Rhadamanthe entama des mouvements doux et amples. Il se mordit les lèvres sous les vagues de plaisir fabuleux qui le parcoururent intensément. Le Duc honora son amant avec précaution et délicatesse. Avec passion aussi. Il les mena tous les deux vers le plaisir ultime qui les foudroya de sa puissance sublime. Ils reprirent leur souffle tout doucement, encore engourdis par les ondes de volupté qui s'amenuisaient lentement. Se soulevant sur un coude pour le soulager de son poids, le Duc passa une main tendre sur le visage de Valentine où des mèches de cheveux s'étaient collées avec la sueur. - Je ne t'ai jamais vu aussi fougueux, murmura-t-il sur ses lèvres. Les deux hommes se regardèrent et sourirent. - Va pour un agréable passe-temps. Et il y a une raison particulière à ta décision ? Le regard lubrique qui répondit à cette question fit éclater de rire le Duc de Wyvern qui se rua sur la bouche du Comte de la Harpie. Bientôt, les gémissements de plaisir et les soupirs emplirent à nouveau la chambre de leurs mélodies indécentes… Ooooo00000ooooO Quelques jours plus tard, en début d'après-midi, les douze grands du Royaume étaient réunis dans la salle du Conseil Royal sur ordre de leur Souverain. Les hypothèses allaient bon train entre les hommes qui étaient curieux et à la fois inquiets, il faut bien le dire, de cette assemblée extraordinaire. Les conversations se turent à l'entrée d'Hadès, tout de cuir vêtu, les épaules couvertes d'une lourde cape en velours noir doublé de fourrure de lapin. Après s'être incliné devant lui, chacun pris sa place sur un geste de sa part. - Markino, note le début de la réunion, fit le Roi à son Chambellan qui officiait en tant que secrétaire, comme à chaque fois. Ce que fit le Magicien en restant tout aussi peu explicite qu'avec le Roi. Les questions fusèrent bien évidemment, mais le Marquis n'y répondit pas d'avantage, faute de nouveaux éléments. - Je dois également vous faire part d'autre chose, reprit Hadès. Vous connaissez tous mon histoire. Vous savez par qui j'ai été quasiment élevé et instruit. Je vais maintenant vous révéler ce que vous ignorez et que vous êtes en droit de savoir. Si je me suis attaché votre loyauté, c'est en étant franc et honnête avec vous. Ce n'est pas maintenant que je vais commencer à vous mentir. Quelques rires coururent autour de la table, mais moururent très vite devant la mine sérieuse du Roi. - Pourtant, cela m'a amené à réfléchir à autre chose. Certains d'entre vous ont déjà des épouses et même des héritiers. Je ne saurais trop enjoindre ceux pour qui ce n'est pas encore le cas de faire de même. Quelque soit l'issue du conflit qui nous menace, nous ne reviendrons peut-être pas tous vivants. Vos titres et vos terres doivent revenir à vos descendants qui continueront à assurer la prospérité de vos domaines. Et je suis moi-même concerné. D'autres rires fusèrent à la remarque de Myu. Il était bien connu que le Comte de Butterfly menaçait de tourner de l'œil à la simple vue d'une cheville féminine ou d'une poitrine trop exposée. Son goût pour les corps fermes et musclés des garçons d'écuries fleurant bon le fumier n'était un secret pour personne. - Tu lui mettras un sac sur la tête ! le chambra le Baron de Sphinx provoquant l'hilarité générale. Hadès regarda le jeune homme d'un œil perçant qui le mit mal à l'aise mais il soutint ce regard inquisiteur sans ciller. - Tu as raison Eaque. Ne me demandez ni pourquoi, ni comment, mais je sais que ce n'est pas ce que je dois faire. Il faut que j'attende le terme de ce conflit pour arrêter ma décision. Tous baissèrent la tête. Hadès avait raison. Jusqu'à présent ils s'étaient fiés à lui. Ils l'avaient suivi sans discuter. Alors pourquoi commencer maintenant ? Il venait de leur dire que son instinct lui disait d'attendre, alors ils devaient le croire, ils devaient le soutenir. A eux de faire en sorte que rien de fâcheux ne lui arrive jusqu'à ce qu'un héritier lui naisse. Et peu importe qui serait la mère. Ce n'était qu'un détail. Un étrange éclat passa dans le regard du Roi. Chose que le Duc de Wyvern remarqua aisément. - Et j'en profite pour féliciter Valentine, Comte de la Harpie qui va bientôt convoler avec la fille du négociant en fourrures, Rock Golem que j'ai, pour l'occasion, adoubé Chevalier de l'Ordre de la Toloméa. C'est un titre honorifique, mais c'est grâce à cet homme que nous avons chaud dans nos lits et des vêtements si élégants. La réunion prit fin sous les félicitations de tous les hommes présents et chacun regagna l'appartement qu'il occupait au Palais. L'idée de festoyer à un banquet de noces leur avait redonné le sourire à tous, même si les paroles du Roi étaient encore dans tous les esprits. Hadès voulait ses hommes près de lui et il leur avait ordonné de faire gérer leurs domaines par un intendant. Ainsi, il les avait sous la main si besoin était comme ce fut le cas pour ce Conseil Royal extraordinaire. Ooooo00000ooooO Le Duc de Garuda jeta son manteau sur un fauteuil. Il se débarrassa au même endroit de la ceinture qui tenait sa dague et son épée. Dans le cabinet de toilette, il versa un peu d'eau dans le bassin en bronze avec une aiguière et s'en aspergea le visage. Un soupir de lassitude lui échappa pendant qu'il s'essuyait avec une serviette de lin prévue à cet effet. Il revint dans le salon et se servit une coupe de vin doux. Les paroles du Roi tournaient dans sa tête. Prendre femme et avoir des héritiers. Voilà bien une perspective qui ne l'enchantait guère. Il se prit à regretter le temps où tout était encore à faire. Ou il fallait sécuriser les routes, remettre les domaines en état pour qu'ils produisent des denrées alimentaires, superviser les travaux de voirie ou d'assèchement des marécages. C'était une époque ou les choses étaient simples. Un grattement à sa porte le tira de ses pensées. - Entrez ! Le bruit métallique du loquet lui parvint ainsi que le léger frottement du bois de la lourde porte sur le sol. Les mêmes bruits en sens inverse, la porte était refermée. Eaque ne bougea pas et continua à boire son vin. - Sers-toi un verre, Minos ! Eaque planta ses yeux dans ceux de Minos. Ils restèrent quelques instants à s'observer et le Duc de Garuda finit par détourner son regard. - Je pensais aux paroles du Roi et… Un long frisson parcourut l'échine d'Eaque. Son sursaut n'échappa pas à Minos qui sourit derrière son verre. Il éprouvait un peu la même chose. Il se leva et passa derrière le fauteuil d'Eaque sur les épaules duquel il posa ses mains. - Tu es noué, murmura-t-il en massant les muscles à travers la chemise. Le Duc soupira de bien être et se laissa aller. Sa tête bascula en arrière et il ferma les yeux. Il sursauta en sentant les lèvres de Minos sur les siennes. - Qu'est-ce que tu fais ? C'était plus un reproche qu'une question. Il regardait son ami, surpris et un peu effrayé, il faut bien le dire. - Je prends ce qui m'est offert… Détends-toi… Minos appuya d'avantage ses lèvres sur la bouche d'Eaque. Celui-ci se débattit pour échapper à son agresseur, mais vif comme l'éclair, le Duc de Griffon le culbuta sur le sol et emprisonna ses poignets pour l'immobiliser. - Arr… arrête Minos ! Minos avait plaqué sa main sur l'entrejambe d'Eaque. L'érection présente trahissait son propriétaire. Le Duc entama une caresse langoureuse et ferme sur le sexe et commença à détacher le pantalon. Il ne fallut pas longtemps pour que de petits soupirs de plaisir s'échappent de la bouche du Duc de Garuda lorsqu'une main vagabonde s'enroula autour de lui. Un petit cri adorable franchit ses lèvres immédiatement léchées par une langue gourmande. - J'ai besoin de mes deux mains, fit Minos au bout d'un moment. Il se servit de la ceinture d'Eaque pour lui attacher les poignets au dessus de la tête et il la fixa à l'un des énormes chenets en fonte de la cheminée. Le jeune Duc avait beau se débattre, il lui était impossible de s'échapper. Son tourmenteur se redressa et l'observa, puis lui ôta ses bottes et son pantalon. - Tu es si séduisant… ça va être un vrai régal de te prendre… Minos venait d'engloutir le sexe dressé jusqu'à la garde. La surprise et l'onde de plaisir qui le parcoururent, firent gémir Eaque. Après un long moment de ce traitement, il dut bien s'avouer qu'il aimait ça. Etre ainsi à la merci d'un homme qui n'avait d'autre ambition que de donner et de prendre du plaisir, l'excitait comme jamais il ne l'avait été. Il se cambra et écarta d'avantage les jambes lorsqu'il sentit une intrusion dans son corps. Loin d'être désagréable, elle complétait ce que Minos faisait avec sa bouche. - Je savais que tu aimerais, fit celui-ci en se glissant sur le corps chaud jusqu'à la bouche qu'il embrassa avec avidité. Il se redressa et enleva son pourpoint et sa chemise. Eaque déglutit à la vue de ce corps magnifique, aux muscles durs et saillants, forgés par le maniement des armes. Il gémit en sentant le sexe de son bourreau frotter contre le sien et contre ses testicules. Cette caresse le rendait fou. - Tu es si obscène dans cette position, susurra le Duc de Griffon avec un rictus de concupiscence, tout en caressant encore le sexe raide. Complètement débraillé, les jambes en l'air et écartées… Je sais que tu n'attends qu'une chose… Et disant cela, il investit à nouveau l'intimité d'Eaque pour le détendre et l'exciter encore. - Minos…, haleta le Duc. Le Duc de Griffon ne se fit pas prier. Avec beaucoup de douceur et d'attention, il pénétra le corps d'Eaque qui cria de douleur et de plaisir sous l'intrusion. S'immobilisant un instant, Minos en profita pour cajoler son amant de la bouche et des mains. Il ne cessait de lui répéter que sa peau avait un goût de romarin et sa bouche la douceur d'un pétale de rose sauvage, souvenirs de sa jeunesse en Eleusis. - Détache-moi… Puis il donna un premier coup de rein qui fit gémir le Garuda. Il recommença pour le seul plaisir d'entendre ses miaulements impudiques. - S'il te plait… Je veux te serrer dans mes bras… Le murmure au creux de son oreille lui fouetta les reins. Il s'empressa d'accéder à la demande d'Eaque. Aussitôt celui-ci l'enlaça et chercha sa bouche. Le baiser qu'ils échangèrent leur donna le vertige. - C'est bon…, Minoooos… A ces mots, la jouissance du Duc de Garuda explosa entre leurs ventres sans qu'aucune main ne vienne l'y aider. Encore tout essoufflé, il se mit à quatre pattes et tendit sa croupe à Minos qui se mordit les lèvres. - Regardez-moi ça…, murmura-t-il d'un ton narquois tout autant que rêveur. Une vraie chienne en chaleur… Minos flatta les fesses rondes et musclées avant de s'enfoncer entre elles d'un puissant mouvement de hanches. Son amant feula et se cambra. La passion qui dévorait leurs corps était si intense que la délicatesse n'était plus de mise. Emporté par la violence de leur désir, ils le laissèrent s'exprimer par des mouvements brutaux et des mots crus. Le plaisir qui les foudroya à peu de temps d'intervalle les laissa à bout de souffle, épuisés, vidés. Eaque se retourna sous le corps lourd de son amant et l'enlaça. Sur sa poitrine, les yeux grands ouverts, Minos écoutait les puissants battements de cœur s'apaiser lentement, bercé par leur rythme envoutant. - Je n'aurais pas cru que tu te laisses aller si vite, fit-il avec détachement. Les deux hommes se sourirent et s'embrassèrent voracement. Le désir enflait à nouveau dans leur corps - Comment va-t-on faire pour avoir des héritiers ? questionna encore Eaque en resserrant son étreinte. Les deux hommes s'étaient relevés et allongés sur les fourrures qui recouvraient le lit. - Quand je pense qu'il y a un peu plus de quatre ans, nous n'étions que de petits Seigneurs de province. Aujourd'hui, nous sommes les hommes les plus puissants après notre Roi. Combien de fois avaient-ils déjà discuté d'Hadès entre eux et avec leurs autres compagnons ? Et à chaque fois, ils le faisaient en employant les mêmes termes. Loyauté, puissance et honneur. Mais aujourd'hui, un nouveau mot s'intégrait à leur discussion : descendance. - Tu as une idée de qui tu vas épouser ? s'enquit Minos, en souriant, conscient que le sujet n'était pas du goût du Garuda. Ooooo00000ooooO Le lendemain matin, les Comtes de Dream, de Death et le Duc de Wyvern se retrouvèrent dans le bureau du Roi. Après le retour des hommes partis explorer les terres du Sanctuaire, il fallait faire le point sur cette affaire. - Il y a donc des oliviers et des vergers, résuma Hadès en triturant la bague à son doigt. Un silence s'installa tandis que le Roi réfléchissait. Il n'avait même plus conscience de la présence de ses hommes. Il se remémora les terres qu'il avait traversées chez les Amazones en rentrant chez lui. Des oliveraies, des vergers, des vignobles, des champs de céréales, des potagers à perte de vue, méticuleusement soignés et exploiter avec discernement. D'ailleurs, il ne se souvenait pas d'avoir entendu Antiope parler de famine et les Amazones étaient bien plus nombreuses. Il en fallait des récoltes chaque année pour nourrir un peuple si grand. - Mettez Eaque dans la confidence. En tant que Ministre des armées, c'est lui qui protègera les colons que nous enverrons s'installer là-bas pour cultiver ces terres. Mettez au point tous les détails. On en reparlera à ce moment là. Hadès sourit. Il regarda les trois hommes en face de lui et sourit. Un sourire presqu'enfantin. Il paraissait heureux de voir que cette année du Loup Garou allait se terminer de façon bien agréable. Il espérait que la prochaine commence également ainsi. L'année de la Licorne était considérée comme très positive et étant donné les ambitions du Roi pour les Ténèbres, il formait des vœux pour qu'elle soit à la hauteur de sa réputation. A nouveau, Rhadamanthe vit briller une étrange lueur dans le regard de son Roi lorsque celui-ci détourna les yeux. Une lueur qu'il avait déjà vue lors du dernier Conseil Royal. Il décida de lui en parler si Hadès ne le faisait pas. Une fois, il pouvait admettre s'être trompé, mais là, il était sûr de lui. Ça ne pouvait pas être une coïncidence…
A suivre… J'espère que vous avez aimé.
(1) Ville de Lacédémone où un culte oraculaire était rendu à Pasiphaé, sœur de la magicienne Circée. Epouse du Roi Minos de Crète, elle est également associée à Séléné, déesse de la pleine lune et second membre de la triade Artémis (nouvelle lune) et Hécate (lune descendante) |
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Tenue de Rhadamanthe, de couleur noire et avec une lourde cape sur les épaules. On ne voit pas d'épée à la ceinture, mais on peut facilement l'imaginer. |
Fraisiers sauvages. ^^ |
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Vignobles abandonnés des Océans |
Champs en friche des Océans |
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Rizières du Royaume des Océans |
Torrents des Océans |
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Littoral sud des Océans |
Rivières des Océans. Faites comme s'il n'y avait pas de touristes. ^^ |
De dos et de face sur la seconde photo, le jeune homme en long manteau noir et gambison (veste blanche rembourrée) a le genre de vêtements "décontractés" que portent les 12 nobles et Hadès lui-même (ainsi que les gardes avec le manteau en moins) sauf Rhadamanthe qui, en plus, porte une brigandine. Voir première photo. Là, ce sont deux photos prisent lors du Festival Médiéval Lou Mirabéou auquel j'ai eu l'immense plaisir d'assister les 16 et 17 mai 2009 et dont le reportage est sur mon site tout public, Les Balades de Caroline. Dans une des vidéos de démonstration de combat à l'épée, c'est aussi ce jeune homme. |