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LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES... |
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Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur. Betalecteur : Frasyl J'espère que vous aimerez... |
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Chapitre 22 Partie 3 Année 10219 de la Licorne, mois de mai, Royaume des Ténèbres…
La colonne contourna une dernière colline quand enfin, le Château de Myrmidon apparut. Eaque se retourna sur sa selle vers Endéis qui lui sourit. Elle était chez elle et sa joie se lisait sur son visage. Ils devaient traverser une immense plaine semée de blé, d'orge et de maïs, mais également de vergers soigneusement entretenus. Les arbres étaient encore en fleurs pour les plus tardifs et piquetaient le paysage de taches blanches et rose pâle. Une rivière calme coulait au milieu et au loin, sur une petite colline se dressait le Château entouré de ses remparts. Le Duc fit forcer l'allure, espérant ainsi arriver vers la mi-journée. - Vu d'ici, tout semble calme, dit-il à la Baronne en se portant à ses côtés. - J'ai aussi cette impression, répondit-elle toujours souriante. Est-il possible d'envoyer un messager pour que mes serviteurs commencent les préparatifs pour vous accueillir ? - Pourquoi ne pas envoyer un de vos serviteurs avec l'un de mes hommes ? - Bonne idée. Ils le reconnaîtront au Château. Le Duc donna quelques ordres et les deux hommes quittèrent la cohorte au galop. Curieusement, le ciel avait l'air moins couvert. Peut-être la proximité du Royaume du Sanctuaire influençait-elle le climat ? Ce n'était pas impossible parce que les récoltes paraissaient plus abondantes que dans le sud. Cette région n'avait pas plus de terres agricoles, mais elles semblaient produire plus généreusement. Malgré tout, ce n'était toujours pas suffisant pour le peuple des Ténèbres. À leur arrivée, le château ressemblait à une fourmilière dans laquelle on aurait mis un grand coup de pied. Les serviteurs couraient de tous les côtés. Dans les écuries, les palefreniers étaient en train de remplir les mangeoires pour les chevaux et d'une grande dépendance sortaient des odeurs de nourriture qui firent saliver les soldats. Là aussi Eaque donna des ordres à ses deux Capitaines et suivit la jeune femme à l'intérieur. Elle se hâta vers un grand salon où un homme âgé, assis sur un fauteuil à côté de la cheminée, les attendait. - Père ! - Ma chérie ! J'ai cru que tu ne reviendrais jamais, fit-il en lui souriant. - Permettez-moi de vous présenter Eaque, Duc de Garuda. Il est venu avec une centaine d'hommes pour nous aider contre ces pillards. - Soyez le bienvenu à Myrmidon, Seigneur Eaque. - Seigneur Sciron (1), c'est un honneur de faire votre connaissance. Je vous remercie de votre hospitalité. - C'est la moindre des choses étant donné les raisons de votre venue. - Nous ferons de notre mieux pour perturber le moins possible les habitudes de votre domaine. - Ne vous inquiétez donc pas de cela. Endéis, fais-nous porter à boire et à manger. - Oui, père. - Asseyez-vous et donnez-moi des nouvelles de Giudecca et du Roi, fit le Baron avec un sourire avenant. - Tout va bien… Sa Majesté s'efforce de gouverner avec sagesse et veille aux besoins de son peuple. C'est pour cela que je suis là avec mes soldats. - Je m'attendais à des policiers plutôt qu'à l'armée. - Le Ministre de l'Intérieur est un peu à court d'effectifs aussi m'a-t-il demandé de l'aider, expliqua bien volontiers le Duc. Ce n'était pas totalement vrai, mais pas tout à fait faux non plus. Et Eaque ne voulait pas révéler l'absence d'Hadès. Qui sait ce que les partisans de Pontos auraient pu faire d'une telle information ? - C'est une bonne chose. Je ne sais pas ce que ma fille vous a dit, mais votre présence va rassurer les habitants de la région. - Elle m'a parlé de groupes de déserteurs, probablement des armées de nos voisins, qui pillent et font régner la terreur. - Oui… Ils sont organisés et si ce sont vraiment des déserteurs, on comprend qu'ils ne veuillent pas rentrer chez eux sous peine d'être arrêtés et mis à mort. - Et ici, ce ne sera guère mieux. Les hommes que je vais laisser auprès de vous auront l'ordre de les traquer et de les exécuter. Il aurait mieux valu pour eux qu'ils restent dans leur armée. Quitte à mourir, ils l'auraient fait avec honneur. - Le cœur et l'esprit des hommes sont complexes. Qui peut savoir vraiment les raisons qui les ont poussés à prendre une telle décision sachant ce qu'ils encouraient ? Et cette guerre est devenue une mascarade. Quand on ne sait plus pourquoi on se bat, on finit par douter du bien-fondé de notre présence sur le champ de bataille. - Je comprends, mais ce n'est pas une raison pour s'en prendre aux biens d'autrui. S'ils étaient venus vous demander l'hospitalité et un peu de nourriture, je sais que vous leur en auriez donné. Et même s'ils avaient demandé l'asile politique, le Roi aurait étudié leur cas. - C'est ce que je disais… Le cœur et l'esprit des hommes sont complexes. Je suis certain qu'ils n'ont même pas envisagé ce que vous venez de suggérer. - Et voilà de quoi nous restaurer, fit la voix claire et joyeuse d'Endéis qui posa un plateau sur la table accompagnée d'un serviteur lourdement chargé. Elle allait porter son père avec l'aide du domestique pour l'installer sur une chaise auprès de la table, quand Eaque la devança. Il souleva le vieil homme dans ses bras, sans le moindre effort apparent et l'assit sur le siège. - Ah c'est beau la jeunesse ! s'exclama Sciron en assena une tape amicale dans le dos du Duc qui lui sourit franchement. Bien ! Mangeons ! Le repas se déroula dans une ambiance agréable. Endéis et Eaque firent le récit de leur voyage et le Baron réprimanda sa fille d'avoir traversé les Gorges du Styx à l'aller avec aussi peu conscience du danger auquel elle s'était exposée. Il était certain qu'elle avait contourné le Massif des Lamentations. Mais qu'elle soit là en bonne santé calma le père aimant qu'il était. En tout début de soirée, deux serviteurs vinrent prendre le Baron pour lui faire sa toilette et le préparer pour la nuit. Il ordonna qu'on donne sa chambre du premier étage au Duc. Depuis son accident, il s'était installé au rez-de-chaussée pour des raisons pratiques. Eaque protesta bien sûr, mais en vain. Il se retrouva enfin dans un baquet d'eau chaude, se relaxant et se débarrassant de toute la poussière et la crasse de son voyage. Il allait sortir quand Endéis entra. - Veuillez m'excuser, je croyais que vous étiez déjà sorti de l'eau, fit-elle en rougissant violemment. - Que me vaut le plaisir de votre présence ? - Je venais prendre vos vêtements pour les faire nettoyer et vous en apporter des propres. - N'est-ce pas là le travail d'une servante ? - Elles sont fort occupées par les soldats, répliqua la jeune femme en prenant les habits malodorants. - Pourriez-vous me passer ce drap, afin que je m'essuie ? demanda le Duc, amusé par le trouble d'Endéis. Elle s'exécuta et s'éloigna bien vite du baquet tandis qu'Eaque en sortait, nullement gêné par la nudité qu'il affichait. Elle détourna la tête et s'affaira à arranger les fourrures du lit. Sentant une présence, elle se retourna et sursauta de voir son invité si près d'elle. - Avez-vous encore mal aux reins ? lui demanda-t-il d'une voix basse et rauque. - Euh… Eh bien… un peu, mais maintenant que je n'ai plus à monter à cheval, ça va aller. - Ne croyez pas ça. La douleur va perdurer encore deux ou trois jours. Il vaudrait mieux que vous usiez encore de l'emplâtre.
D'un geste délicat, il entoura sa taille et l'attira contre lui. Par réflexe, elle posa les mains sur son torse pour maintenir une certaine distance, mais la main d'Eaque aux creux de ses reins trouva immédiatement la zone courbatue et Endéis laissa échapper un gémissement de douleur. - Vous voyez… Demandez qu'on m'apporte ce qu'il faut, je vais m'occuper de vous. - Je… Euh… oui. Les vêtements propres sont sur cette chaise, fit-elle en se dégageant des bras forts pour aller chercher une servante. Eaque sourit. Il enfila le pantalon et les chaussons et s'approcha de la cheminée pour finir de sécher ses longs cheveux. Il sentait de nouveau le désir l'envahir. Et ça le rendait fou parce qu'il avait cette coupable conviction de trahir Minos. La simple évocation de son souvenir embrasa ses reins. Il éprouvait de la frustration de ne pouvoir le sentir contre lui, de ne pas passer ses mains sur sa peau, respirer son odeur, se repaître de la saveur de ses lèvres. Et Endéis venait chambouler tout cela par sa simple présence. Il la désirait si fort qu'il en éprouvait de la colère contre lui-même. Comment en était-il arrivé à ressentir de l'attirance pour cette femme alors qu'il aimait le Duc de Griffon ? Il ne comprenait pas, mais les faits étaient là. Elle revint à cet instant, coupant cours à ses réflexions. - Comment va votre père ? lui demanda-t-il alors qu'il préparait l'argile au-dessus du brasero. - Bien. Il est très heureux de votre présence. - Et vous ? Êtes-vous heureuse ? Elle s'était dévêtue et allongée sur le lit. Eaque s'approcha et plaça la préparation sur ses reins en appuyant. - La présence des soldats va certainement nous aider à retrouver le calme dans cette région. Oui, je suis heureuse. - Je ne parlais pas de ça… Ce faisant, il tira légèrement sur ses hanches pour qu'elle se redresse et qu'il termine de lui bander la taille. Il la sentit trembler et soupirer quand il glissa ses bras autour d'elle. - Je parlais de votre vie, ici, reprit-il. Elle ne bougea pas. Sa respiration était un peu rapide et contre son dos elle avait une conscience aiguë de la présence d'Eaque, de sa peau nue contre la sienne. Quelque chose se tordit dans son ventre. Elle avait peur et même temps, elle ne voulait pas que ce moment se termine. Un délicieux frisson la parcourut quand le Duc posa ses lèvres sur son épaule et caressa lentement ses bras. - Ma vie… est bien remplie… hésita-t-elle tandis que les lèvres du Duc se promenaient tendrement sur ses épaules et sa nuque. Je veille… hmff… au bien-être mon père et des gens qui travaillent sur… les terres de Myrmidon… - Que faites-vous pour vous amuser ? Pour oublier votre quotidien ? - Je ne comprends pas… - Invitez-vous vos voisins pour des banquets, discutez-vous de tout et de rien concernant vos domaines ? Vos ménestrels jouent-ils pour vous faire danser ? Des hommes vous font-ils la cour ? - Euh… non, rien de tout cela… - Alors vous n'êtes pas totalement heureuse, Endéis. Je comprends pourquoi vous réagissez si brutalement quand je tente de vous courtiser. Elle se retourna et planta ses yeux dans ceux du Duc. - Vous me courtisez ? Pourquoi ? - Vous osez poser la question ? rétorqua Eaque en souriant franchement. Venez. Il se leva et alors qu'elle commençait à se rhabiller, il arrêta ses gestes. Puis il l'entraîna devant le miroir et se plaça derrière elle. - Regardez-vous… Regardez votre visage… vos yeux ont la couleur d'un ciel d'orage absolument magnifique et je sais qu'ils peuvent lancer des éclairs meurtriers… vos lèvres sont un appel au baiser… Vos cheveux sont comme une cascade flamboyante où n'importe quel homme rêverait de se noyer… votre peau dégage un parfum subtil propre à embraser les sens. Vous êtes belle, Endéis. Il conclut sa tirade en l'embrassant dans le cou. Dans le miroir, la jeune femme voyait le Duc dévorer sa peau de baisers fiévreux. Elle était confuse et la chaleur qu'elle sentait monter dans son corps lui faisait perdre la tête, mais pas encore totalement. - Quand un homme courtise une femme, c'est dans un but bien précis, dit-elle en renversant la tête en arrière, savourant cette sensation grisante. - C'est vrai. C'est pour montrer qu'elle lui plaît, qu'il la désire. - Il la désire juste pour la mettre dans son lit… hmm… - Quel mal y a-t-il à ça ? Le plaisir de la chair est une chose qui peut être très belle… - Mais en dehors du mariage, ce n'est pas bien… - Alors, épousez-moi… Eaque la retourna vivement dans ses bras et l'embrassa. Ce n'était pas un baiser comme celui qu'il lui avait donné lors de leur voyage. Il était brûlant, impérieux, possessif. Mais ce n'était pas elle qu'il embrassait. Dans son esprit, l'image de Minos dansait. Elle eut un gémissement lorsqu'en entrouvrant les lèvres, elle sentit la langue du Duc s'enrouler autour de la sienne. Et là, elle se sut perdue. Elle laissa tomber sa chemise pour enlacer le cou de cet homme.
- Mais… nous nous connaissons à peine… tenta-t-elle de protester, alors qu'elle se sentait sombrer irrémédiablement dans un monde de volupté qui lui était inconnu. - Nous aurons tout le temps pour ça, répondit-il en l'enlevant dans ses bras pour la porter sur le lit où il s'allongea près d'elle. Elle tentait encore de cacher la nudité de sa poitrine, mais Eaque lui écarta les bras sans douceur pour découvrir des seins parfaits sur lesquels il fondit, comme un affamé. Lorsqu'elle laissa échapper ses premiers gémissements de plaisir et qu'une main dans ses cheveux appuya sur sa tête, il sut qu'il avait gagné. Gagné le droit de la posséder, de lui faire payer son tourment de l'avoir détourné de Minos. Il lui ferait mal et elle aimerait ça. Mais pour l'instant, il devait l'apprivoiser, la mettre en confiance. Il dévora sa poitrine la faisant bruyamment soupirer de plaisir. Il la débarrassa de sa robe qui était restée sur sa taille, dénoua le tissu qui retenait le cataplasme d'argile et se coucha sur elle. Endéis ne put ignorer ce qu'elle ressentait contre son ventre. C'était dur, long et ce contact la mettait à la torture. - Tu sens comme je te désire ? murmura Eaque plaquant ses hanches contre les siennes. Elle était incapable de répondre. Elle n'était qu'incandescence de la tête aux pieds. Il se releva pour se déshabiller à son tour et prit une de ses mains pour la poser sur son sexe dressé. - Caresse-moi… - Mais je…, commença-t-elle horriblement gênée. - Chut… fais ce que je te dis… Elle n'arrivait plus à résister à cette voix rauque chargée de sensualité, à ses yeux sombres où brûlait un véritable incendie. Sans même s'en rendre compte, elle poursuivit seule le mouvement que le Duc avait initié. Elle le vit renverser la tête en arrière et soupirer de plaisir. Après quelques instants, il l'arrêta et se plaça entre ses cuisses. - Je vais te faire mal… pardonne-moi… Il se mit à genoux, présenta sa fière virilité devant cet antre qu'il l'attirait et le révulsait à la fois. L'image de Minos s'imposa encore à lui et une bouffée de colère le submergea. Il pénétra le corps d'Endéis sans délicatesse. Elle cria et se débattit. Eaque s'affala sur elle et la bâillonna de sa bouche pendant qu'il entamait ses mouvements de hanches. Elle tentait de le repousser, mais il était trop fort et trop lourd. C'est comme si elle était transpercée par une lame chauffée à blanc. Cette invasion, ce viol de ce qu'elle avait de plus intime lui broya le cœur, fit monter des larmes brûlantes à ses yeux et une nausée à ses lèvres. Elle se sentait humiliée. Puis la douleur s'estompa. Endéis devait bien l'admettre, elle avait moins mal et même commençait-elle à éprouver quelque chose qui s'apparentait à du bien-être. Les étranges sensations que le Duc faisait naître en suçotant ses tétons durs et sensibles se répercutaient dans son ventre. Elle eut un gémissement qui attira l'attention de son amant qui continuait à la posséder brutalement. C'est alors qu'il prit conscience des vagues de volupté qui couraient aussi en lui. Il ralentit la cadence de ses coups de reins pour commencer à apprécier ce corps à corps. La jeune femme se mit à haleter à mesure qu'elle s'approchait de l'extase ultime. Eaque, au bord de la rupture, accéléra. Elle cria, puis un long râle sortit de sa gorge alors qu'il se répandait en elle dans une plainte qui lui arracha le cœur. Minos… Il roula sur le flanc et elle vint se blottir dans ses bras. Il s'entendait à ce qu'elle le couvre d'injures, mais ce ne fut pas le cas. Était-elle domptée ? Était-elle prête à lui obéir en tout ? Il se leva sans un mot et fit une rapide toilette avant de revenir s'allonger. Elle fit de même, cachée par le paravent. Elle éprouvait encore une grande gêne. - Avez-vous éprouvé du plaisir à cela ? lui demanda-t-elle acerbe, le rouge aux joues. - Oui, bien sûr… Et toi aussi. Je t'avais dit que la chair pouvait être la source d'un grand bonheur. - C'est vrai… mais au début…, bredouilla-t-elle en se recouchant près de lui. - C'est du passé… Désormais, tu ne ressentiras que du plaisir… En veux-tu encore ? Pour toute réponse, elle se serra contre lui. Elle ne vit pas le sourire victorieux qui étira les lèvres d'Eaque. Elle était à sa merci. - Caresse-moi encore, murmura-t-il en la guidant d'abord puis en la laissant faire toute seule. Endéis s'appliqua, soucieuse de satisfaire son futur époux. Car c'est bien ce qu'il lui avait dit, non ? Et elle savait déjà qu'elle accepterait. De toute façon, il avait une telle emprise sur elle, qu'elle n'aurait pu protester, même si elle l'avait voulu. Ça ne faisait que quelques jours qu'ils s'étaient rencontrés, mais elle avait la curieuse impression de le connaître depuis toujours. Elle entendit sa respiration s'accélérer et il eut un soupir. Il tourna la tête pour l'embrasser puis la saisit à bras le corps pour la culbuter sur lui. D'instinct, elle plaça ses cuisses de chaque côté de ses hanches, sentant contre son intimité la chair chaude et turgescente. Son corps réagit et elle eut à nouveau l'envie irrépressible de l'avoir en elle. Eaque la guida et elle s'empala avec une petite grimace de douleur sur la virilité qui avait repris toute sa vigueur. Eaque gémit, mais resta immobile. - Si tu veux du plaisir, tu vas devoir bouger à ma place, lui intima-t-il en souriant, alors qu'il se remettait à caresser sa poitrine. Elle soupira et se mit en mouvement. Timidement d'abord, maladroitement, la tête baissée, les yeux fermés pour ne pas croiser le regard d'Eaque. Il l'attira à lui, happa un téton entre ses lèvres, le torturant de la langue tandis que l'autre subissait le supplice de ses doigts. Endéis perdit pied encore, se vautrant dans la luxure en criant lorsque la jouissance la faucha à nouveau. Mais le Duc ne comptait pas en rester là. Il l'allongea sur le ventre et posséda encore son corps. Dans cette position, il ne voyait pas son visage enfoui dans les fourrures et pouvait imaginer qu'il faisait l'amour à Minos. L'orgasme qui le foudroya fut révélateur. Jamais Endéis ne saurait lui donner autant que son amant. Jamais. - Oui… j'accepte, entendit-il à son oreille alors qu'il allait s'endormir, épuisé. - Quoi donc ? marmonna-t-il d'une voix grave. - J'accepte de t'épouser. Il sourit en resserrant son étreinte. Ça n'avait pas était si difficile que ça, finalement. Et plutôt plaisant. Le lendemain matin, il fit officiellement sa demande au Baron qui, bien que surpris par la soudaineté et la rapidité de cette union, ne put que se réjouir de voir sa fille mariée à un important personnage du Royaume. Lui qui désespérait de lui trouver un mari parce qu'elle lui rétorquait toujours qu'elle avait le temps et qu'elle voulait s'occuper de lui, voilà que le hasard, le destin, la providence ou peut-être les trois comblaient l'un de ses vœux les plus chers. Le chef du village voisin fut convoqué pour officialiser le mariage. Certes, ce n'était pas la grande fête dont rêvait Endéis, comme toutes les femmes, mais elle avait la chance d'épouser un homme dont elle était en train de tomber amoureuse et qui n'en voulait pas à son héritage. - Seigneur Eaque, à ma mort tout ceci reviendra à ma fille et donc à vous. Vous serez le prochain Baron de Myrmidon. - Cela est encore bien loin, Seigneur Sciron. J'espère que vous serez encore des nôtres de nombreuses années, surtout pour connaître vos petits-enfants. - Alors, dépêchez-vous de me les faire ! s'écria le vieil homme en éclatant de rire. - Je vous promets de mettre tout mon cœur à l'ouvrage ! rétorqua le Duc de la même façon. Par contre, je vais devoir vous priver de votre fille. Nous repartons demain pour Giudecca. Je ne peux rester éloigné de ma charge trop longtemps. - Je le conçois. Veillez sur elle, mon fils. Je peux bien vous appeler ainsi, maintenant, sourit Sciron. Protégez-là, elle est mon seul enfant. - Rassurez-vous. Il n'y a pas d'endroit plus sûr dans tout le Royaume que le Palais d'Ébène. Elle fera la connaissance des épouses de mes confrères et amis qui l'aideront à s'adapter à son nouveau foyer. Je ferai tout pour la rendre heureuse. - Je n'en doute pas… Le Duc alla voir ses Capitaines et ses hommes. Il leur donna ses derniers ordres et reçut en retour leurs félicitations pour son mariage. Après avoir passé une bonne partie de la journée à faire ses malles et une partie de la nuit à gémir sous les assauts charnels de celui qui était désormais son époux, au matin, Endéis quittait Myrmidon, le cœur lourd. Elle avait l'impression d'abandonner son père et les siens, mais le sourire chaleureux d'Eaque la consola. - Quelque chose semble vous préoccuper, ma Dame, observa le Duc remarquant le silence de son épouse depuis un bon moment. - Je me demandais pourquoi vous n'avez pas pris le temps de rencontrer nos voisins alors qu'ils sont eux aussi les victimes de ces pillards. - Je n'ai que faire de partisans de Pontos. Mes hommes vont les protéger en patrouillant, alors qu'ils se contentent de ça. S'ils veulent me parler, s'ils veulent des réponses à leurs questions, s'ils ont… des revendications, ils n'ont qu'à faire le déplacement jusqu'à Giudecca comme vous l'avez si courageusement fait. Endéis baissa la tête et sourit. Elle était fière. Son mari avait de l'estime pour elle, de l'admiration pour son acte. Elle se sentait plus importante que ses couards qui l'avaient laissée seule lorsqu'elle avait décidé de son voyage. Une femme avait eu plus de cran que des hommes pour oser braver les dangers des Gorges du Styx et plaider leur cause directement auprès des Ministres du Roi. Et pour couronner le tout, elle s'était trouvé un mari. Et quel mari ! Ooooo00000ooooO La Leucé jeta l'ancre dans la rade de Giudecca dans la nuit. De gros canots furent mis à l'eau pour débarquer les passagers et les chevaux en priorité. À peine eurent-ils posé le pied sur le quai qu'Hadès et sa suite sautèrent sur leurs montures et galopèrent à bride abattue vers le Palais d'Ébène. Une patrouille de police les arrêta, mais le lieutenant reconnaissant Achéron et son cavalier les laissa passer, s'excusant auprès du Souverain. Loin de s'en offusquer, Hadès félicita l'escadron pour sa vigilance. Ils laissèrent les chevaux à l'écurie et se hâtèrent jusqu'au Palais. Le Roi leur signifia qu'il tiendrait un Conseil Royal le lendemain en début d'après-midi et ils se séparèrent, pressés de prendre un repos bien mérité. Le voyage de retour fut assez tranquille, mais la dernière demi-journée vit une mer plutôt agitée, ce qui n'arrangea pas du tout Myu qui ne voyait plus arriver la fin de son calvaire. Malgré l'attention de Rune, le Ministre du Commerce termina son voyage allongé sur le pont, ne se levant qu'en s'accrochant au bastingage pour vomir. Hadès s'arrêta dans la chambre de Markino pour lui dire de prévenir les autres du Conseil Royal et poursuivit sa course jusque dans les appartements de Queen. Il entra discrètement dans la chambre et s'approcha du lit. Le Marquis dormait profondément. Le Roi eut un sourire tendre. Il mourrait d'envie de le réveiller pour lui dire qu'il était de retour, pour lui faire l'amour. Mais l'odeur qu'il dégageait après une semaine en mer sans avoir pu prendre un bain digne de ce nom, aurait fait fuir une moufette (2). Il décida de prendre son mal en patience et regagna son appartement. Il interpella une servante de nuit et lui demanda qu'on lui prépare un bain. C'est propre, détendu et épuisé qu'il se coucha pour sombrer dans un profond sommeil. Thanatos ne résista pas au violent désir de voir son frère. Mais il s'arrêta devant la porte de son appartement se faisant peu ou prou les mêmes réflexions que le Roi. Aussi demanda-t-il la même chose à un serviteur. Demain, il prouverait à Hypnos à quel point il lui avait manqué… Rune raccompagna Myu jusque chez lui. Le pauvre homme n'était plus que l'ombre de lui-même. Bien qu'il ait retrouvé la terre ferme, ses nausées ne le laissaient pas en paix. Il n'avait que très peu mangé. Son estomac ne gardait rien et il était très affaibli. Le Ministre de la Justice l'aida à se dévêtir et le mit au lit. - Ne pars pas, murmura l'agonisant en attrapant la manche de son ami. - Tu dois te reposer, répondit en s'asseyant sur le bord du lit. Et moi aussi, ajouta-t-il en souriant. - Tu peux dormir là, s'il te plaît… - Myu, que t'arrive-t-il ? - Je ne veux pas rester seul… je me sens encore si mal… Je t'en prie… Rune soupira doucement. Il opina et se leva pour ôter sa cape, ses armes, ses bottes et tout ce qui le gênerait pour dormir. Il garda sa chemise et son pantalon et rejoignit son ami sous les fourrures. Il s'allongea d'un côté du lit et ferma les yeux. Mais c'était sans compter sur un Myu fragilisé et un peu boudeur qui vint se coller contre lui. Machinalement, le Comte de Balrog écarta le bras et entoura les épaules de son ami qui posa sa tête sur sa poitrine pour s'endormir presque instantanément. Rune soupira de lassitude cette fois-ci. Pourquoi donc s'infligeait-il un tel supplice ? Tout au long de leur voyage et de leur séjour au Royaume des Plaines, il avait pris soin de Myu. Il ne l'avait pratiquement pas quitté. Il en avait été heureux. Il avait senti leurs liens se resserrer, ils étaient plus proches, plus complices. Mais ça ne lui suffisait pas. Rune voulait davantage que cela, mais il était trop honorable pour tenter d'aller plus loin. Il en avait parfaitement conscience et savait que son attentisme ne ferait pas avancer les choses. Et là, il poussait jusqu'à accepter de partager le même lit. Il en avait souvent rêvé, mais les choses ne se passaient pas tout à fait de la même façon. Dans ses rêves, il ne dormait pas. Dans ses rêves, il s'appropriait le corps étendu contre le sien pour l'honorer, le chérir, l'aimer jusqu'à épuisement. Il songea soudainement que son épouse avait dû accoucher. Un sourire s'afficha sur son visage. Il était curieux de savoir s'il était le père d'un garçon ou d'une fille, mais la fatigue eut raison de ses dernières forces. Il finit par s'endormir à son tour. Et ses rêves revinrent le mettre à la torture. Ooooo00000ooooO La nouvelle du retour du Roi se propagea dans le Palais à la vitesse d'un cheval au galop. Queen, qui venait de terminer ses ablutions, sortit dans le couloir pour voir qu'une certaine agitation avait gagné les lieux. Lorsqu'il comprit pourquoi, il courut jusqu'à l'appartement d'Hadès situé non loin du sien. Il entra silencieusement. Il faisait sombre, les tentures étaient tirées devant les fenêtres. Il traversa le salon et pénétra dans la chambre. Sur le lit, il le vit. Endormi, paisible, beau malgré les cernes qui se dessinaient sous les paupières closes. Il s'approcha et s'assit sur le bord du matelas. Il avait la gorge serrée, des larmes, qu'il ne voulait pas laisser couler, piquaient ses yeux. Il reprit sa respiration en hoquetant. Lentement, il avança ses doigts et toucha ceux de son Souverain pour finir de se convaincre qu'il était bien éveillé et qu'il ne rêvait pas. Il passa ses mains sur son visage, sourit et se leva. Hadès dormait d'un sommeil profond, sinon il se serait réveillé. Le Roi avait une sorte de sixième sens pour sentir sa présence. Il quitta l'appartement et se rendit au dispensaire, le cœur gonflé de joie. Mais elle retomba bien vite lorsqu'il se mit à songer à tout ce qu'il devait lui annoncer… À la sortie du Conseil Royal, Hadès gagna son bureau. Il était déçu que tous les membres n'aient pas été présents. Le Baron de Minotaure en sa qualité de secrétaire à la Justice était en déplacement pour un jugement, Myu était encore bien affaibli, le Baron de Sphinx était à Léthé et Rhadamanthe était arrivé en retard. Les absents se tiendraient informés des résultats du voyage au Royaume des Plaines par l'intermédiaire des autres ou bien en lisant le procès-verbal du Conseil. Quant à Queen, il lui avait fait parvenir un message l'informant d'une urgence au dispensaire. Le Roi regarda par la fenêtre et constata que le paysage avait changé pendant ses deux semaines d'absence. Le printemps s'était bien installé, mais le ciel était toujours désespérément couvert dans la journée. Il remuait les bûches de la cheminée quand on frappa à sa porte. - Entrez ! Le Duc de Wyvern pénétra dans la pièce, suivit de deux autres personnes qui s'agenouillèrent respectueusement. - Enfin, je vais pouvoir tout te dire, fit le Roi en attrapant Rhadamanthe par les épaules. Celui-ci fronça les sourcils et s'assit dans l'un des fauteuils. - Des gens à toi ? - Tu connais Kagaho que tu as toi-même fait Chevalier du Bénou. - C'est exact, je m'en souviens. - Et voici Violate de Béhémoth. Ce sont eux qui vont aller à Amazia. - Justement, j'ai une information à ce sujet. Je sais où sont mes fils. - Tu plaisantes ? sursauta le Duc en levant vers son Roi un regard intense. - Tu crois que je pourrais ? Écoute… Il relata en détail son entrevue avec la Reine Déméter et pourquoi elle lui avait dévoilé où se trouvait les deux enfants. - Et… elle n'a rien demandé en retour ? interrogea Rhadamanthe, plus que sceptique. - Non. Si je récupère mes fils, elle considérera qu'elle s'est vengée d'Antiope. - Raison de plus pour que vous n'échouiez pas, vous deux. Kagaho et Violate se regardèrent, un peu désarçonnés. Voilà qui allait accentuer la tension qu'ils ressentaient déjà. Après tout, il fallait traverser le Royaume des Océans, pénétrer chez les Amazones sans se faire remarquer, enlever deux enfants qui ignorent tout de leur père et qui ne se laisseront certainement pas faire si facilement et revenir. Par contre, le fait qu'Hadès leur révèle le lieu où vivaient les deux garçons leur permettrait de réduire leur périmètre de recherches. - Sire, dit Violate, comment pourrons-nous être sûrs qu'il s'agit bien de vos fils ? Vous ne les avez jamais vus et vous ne pouvez donc pas nous en faire une description. - Il n'y a qu'un seul moyen de les identifier avec certitude. Ceci. Hadès retira la lourde bague qu'il avait au doigt. Le sceau de la Maison d'Inferno. Il le tendit à la jeune femme qui le prit avec révérence. - La pierre sertit sur le côté est sous l'effet d'un puissant sortilège issu de la Magie Ancienne. Actuellement, elle est transparente. Dès que je touche la bague… (ce qu'il fit sous les yeux de ses trois visiteurs) elle devient noire. - Pour quelle raison ? demanda Kagaho. - La pierre réagit au contact de l'héritier légitime des Ténèbres. La même est incrustée sur le trône. Tu ne t'en souviens peut-être pas Rhada, mais lorsque nous avons investi le Palais, Pontos était assis sur ce trône justement et la pierre était transparente. Lorsque je l'ai jeté à bas et que je me suis assis, elle est devenue noire. - J'avoue que je n'ai pas fait attention sur le moment, mais nous ne pouvons nier le phénomène que tu viens de nous montrer. - J'aurais aimé vivre ce moment à vos côtés, murmura Kagaho, une lueur d'adoration dans le regard. Hadès lui sourit et se rassit derrière son bureau. - Il vous suffira de mettre le sceau en contact directement avec la peau des enfants pour qu'il vous révèle si ce sont bien eux. Et avec un peu de chance, ils auront quelques traits de ressemblance avec moi. - La difficulté va être de les convaincre de nous suivre, fit remarquer Violate. - Assommez-les et enlevez-les s'il le faut ! Mais ramenez-moi mes fils ! Je saurai trouver les mots pour leur faire comprendre qui ils sont et que je ne veux que leur bonheur. - Violate, Kagaho, vous savez ce que vous avez à faire, déclara le Duc, signifiant par là qu'ils pouvaient se retirer. - Sais-tu où sont Minos et Valentine ? demanda le Roi après le départ des deux espions. - Pas du tout. - Pourquoi n'accompagnes-tu pas ces deux-là ? reprit le Roi en parlant des deux espions. Tu sais que je ne pardonnerai pas l'échec. - Ils n'échoueront pas. Ils sont les plus indiqués pour te ramener tes fils. Tu as confiance en moi, non ? - Bien sûr et tu le sais. Mais tu ne réponds pas à ma question. - Pandore m'a rapporté qu'elle avait remarqué une étrange activité dans un quartier de la Cité. Il se pourrait que des partisans de Pontos soient encore actifs. J'ai donc préféré rester ici pour surveiller ça de près. - Je vois… Essaie de trouver au moins Minos. Il doit réduire les patrouilles. On voit plus de policiers que d'habitants dans Giudecca. Ooooo00000ooooO En début de soirée, le Roi convoqua Queen qu'il savait être rentré. Il se demandait d'ailleurs pourquoi celui-ci mettait autant de temps à venir le voir. Il bondit de son fauteuil en entendant frapper. - Enfin, tu es là ! s'écria le Souverain en enlaçant son amant. Le Magicien le serra dans ses bras, respirant son odeur qui lui avait tant manqué. Ils s'embrassèrent à perdre haleine et malgré le désir qui les brûlait, ils réussirent à se séparer. - Il y a eu un accident sur un chantier et plusieurs hommes ont été assez gravement blessés. J'ai passé la journée à tenter de sauver ceux qui pouvaient l'être, mais il y a eu trois victimes. - Je ne te reproche rien, mon amour. J'étais juste impatient de te voir, c'est tout. - Moi aussi et plus d'une fois j'ai failli tout laisser en plan pour te rejoindre, sourit le Marquis en caressant tendrement la joue royale. Minos et Valentine vont nous rejoindre dans un moment. Ils ont quelque chose d'important à te révéler. Par contre, j'ai une regrettable nouvelle à t'apprendre. - Je t'écoute… Queen relata la fausse-couche de Thétis sans trop entrer dans les détails, mais il profita de l'occasion pour lui demander ce qu'il comptait faire des jeunes prisonnières quand il aurait atteint son but. - C'est effectivement fort dramatique, dit Hadès en leur servant du vin. Je suis sincèrement désolée pour elle. Comme tu le dis, rien ne prouve qu'elle aurait gardé cet enfant même si elle était restée chez elle, et je ne peux m'empêcher de penser que nous y sommes en partie pour quelque chose. Mais ce sont des choses qui arrivent. Quant à ce que je vais faire d'elles… Je t'avoue que je n'en ai aucune idée pour l'instant. J'y réfléchirai le moment venu. - Tu as conscience que tu n'obtiendras plus rien de ces femmes, vu ce qu'il s'est passé. - Nous verrons. Il suffit de trouver le bon argument. Mais pour l'instant, je me fiche d'elles. Viens là… Il attira Queen sur ses genoux et l'embrassa. Le Magicien se laissa bien volontiers faire. Leurs désirs étaient aussi intenses l'un que l'autre. Et alors qu'Hadès commença à glisser sournoisement ses mains sous la chemise de son amant, on frappa à la porte. La grimace qui s'afficha sur le visage du Roi fit éclater de rire son amant. - Je t'avais dit qu'ils allaient arriver, lui rappela-t-il taquin. - Ils auraient pu attendre un peu plus longtemps… Entrez ! Minos et Valentine s'assirent sur les deux sièges libres et se regardèrent, un peu gênés, de voir Queen et Hadès dans une position aussi intime. - Eh bien quoi ? s'écria le Roi, amusé par leurs expressions. Ne faites pas comme si vous ne nous aviez jamais vus ainsi. - Non, Sire, se défendit Minos. C'est juste que nous nous en voulons de vous déranger. - La priorité restera toujours l'intérêt des Ténèbres, et dans ce cas, vous ne me dérangerez jamais, rétorqua Hadès. Je vous écoute. Chacun leur tour, les deux hommes racontèrent leur aventure avec les créatures fantastiques. Ils répondirent le plus précisément possible à ses questions et finirent par se tourner vers le Magicien. - Si je comprends bien, fit le Roi, si elles apparaissent sans être invoquées par leur Seigneur, c'est que les choses vont très mal. - Exactement, confirma le Marquis. - Que peut-on faire ? demanda encore le Roi. - Rien. Attendre que les évènements se produisent. Ils nécessiteront sans l'ombre d'un doute que Minos et Valentine fassent appel à elles. Mais pour qu'elles soient là, c'est que… ce qui approche est vraiment terrifiant. - Peux-tu essayer d'en savoir plus ? demanda Hadès. Je sais que tu détestes les transes, mais… - Là, c'est une urgence. Je n'ai pas le choix, mais je ne garantis pas d'obtenir plus d'informations. - As-tu besoin d'aide ? s'enquit Minos qui se sentait un peu responsable de la situation qui obligeait le Magicien à se soumettre à une transe. - Juste celle d'Hadès. Si tu es d'accord, nous avons encore le temps de faire ça cette nuit. - Évidemment que je suis d'accord. Plus vite ce sera fait plus, plus vite tu seras remis. - Je crois inutile de nous attarder davantage, proposa le Comte de la Harpie. Queen, veux-tu que Minos et moi restions à proximité ? - Non, c'est inutile. Merci mon ami. - Voyons-nous tous les quatre demain matin et nous déciderons s'il y a lieu d'informer les autres, déclara Hadès qui s'était calmé. - Bien sûr qu'il faudra les informer, rétorqua Queen. Ils sont concernés eux aussi. Nous sommes tous concernés. Il s'agit de notre avenir… Ooooo00000ooooO
Minos et Valentine avaient mal dormi. Tout au plus avaient-ils sommeillé. Mais aux premières lueurs de l'aube, ils étaient dans l'appartement du Magicien. Ils trouvèrent Hadès endormi encore habillé, avec dans les bras, Queen qui semblait nu. Le Duc de Griffon s'approcha et posa sa main sur l'épaule du Roi. Il l'appela doucement et le secoua un peu. Le Souverain bougea légèrement, battit difficilement des paupières. Il tourna vers les deux hommes un visage méconnaissable, ravagé par la fatigue. Il revint vers son amant et constata avec un soulagement évident que celui-ci dormait à poings fermés. Il se dégagea délicatement et se leva. Dans le salon, une servante venait d'apporter un repas que Minos avait demandé. Attablés, les trois hommes grignotèrent du bout des lèvres, en silence. -Tu peux nous dire ce qu'il a découvert ? demanda Valentine en reposant sa coupe de vin doux. - Non… Les deux hommes s'entreregardèrent, un peu déroutés. - Il n'a eu aucune… aucune révélation ? hésita Minos, incertain du choix de ses mots. - Je ne sais pas ce qu'il a vu ou entendu, soupira Hadès. Il s'est préparé une sorte de potion qu'il a avalée, puis il a prononcé une incantation dans une langue que je ne connais pas. Il est entré en transe et à un moment, il a perdu connaissance. Je l'ai couché et je me suis allongé près de lui. - Il a l'air de bien dormir… constata le Duc de Griffon, essayant de rester sur un terrain neutre. - Maintenant oui, mais peu avant que vous n'arriviez, il était encore très agité. - Il s'est passé quelque chose pendant la transe ? tenta à nouveau le Comte de la Harpie. - Je ne sais pas… Il s'est allongé nu sur le sol, puis il a commencé à trembler. Il m'avait fait promettre de ne pas intervenir quoiqu'il se passe. Je peux vous assurer que rien ne m'a jamais paru plus difficile, mais je n'ai pas bougé. Sa peau s'est couverte de… de dessins noirs, des motifs enroulés arrondis et puis au bout d'un moment ça s'est arrêté. Il a ouvert les yeux, s'est assis et il s'est aussitôt évanoui. - Tu devrais aller te reposer, on va le veiller, lui intima Valentine. - Je vais dormir ici, avec lui. Dites à Markino de ne pas nous déranger et d'annuler mes rendez-vous. - Tu devais voir quelqu'un ? s'intéressa Minos. Je peux peut-être le rencontrer à ta place si tu m'expliques de quoi il s'agit. - C'est le Chef des chantiers navals de Léthé. Dis-lui que je suis indisponible et offre-lui l'hospitalité du Palais. Et assure-le que je le verrai demain. - Tu peux compter sur moi. - Merci Minos. Et réduis les patrouilles dans la Cité. Les deux hommes laissèrent un Roi qui n'était que l'ombre de lui-même. Entre la fatigue due au manque de sommeil et la frayeur que le Magicien lui avait faite, Hadès était éteint. Pourtant, il n'allait pas encore pouvoir se reposer. Markino entra dans la pièce et lui tendit un petit rouleau de cuir qu'il ouvrit et lut. Il ferma les yeux, se laissant lourdement tomber contre le dossier de son siège. Il donna le message à Minos qui le fit lire à Valentine. - Le Prince Julian va épouser la Princesse Saori ? murmura ce dernier en regardant ses deux interlocuteurs. - Ça ne doit pas arriver, déclara Hadès. Ce mariage ne doit pas avoir lieu sinon cela remettra en question l'annexion des terres frontalières. Et si les deux armées s'unissent, ce sera beaucoup plus difficile de réaliser nos plans. - Que vas-tu faire ? demanda Minos, sans être certain d'obtenir une réponse. - Empêcher ce mariage. Ooooo00000ooooO Quand Queen s'éveilla, il avait un horrible mal de tête. Mais quand les raisons de cette douleur lui revinrent à l'esprit, il écarquilla les yeux. Il découvrit Hadès endormi à ses côtés et se leva en silence, sans le déranger. Il eut un vertige, mais il l'ignora et se dirigea vers son bureau où il s'assit. Il prit un parchemin et commença à écrire. Le Roi remua et sentit un vide. Il ouvrit les yeux et bondit en se découvrant seul. - Queen ? - Je suis là. Hadès le rejoignit et se mit derrière lui, les mains sur ses épaules. - Qu'est-ce que tu fais ? - J'écris avant d'oublier. - Je peux lire ? - Si tu veux… Le Souverain se pencha et parcourut des yeux les lignes déjà écrites. Il déchiffrait à mesure que le Magicien formait les mots. Et ce qu'il découvrait ne lui plaisait pas du tout. - Queen…, commença le Roi d'une voix douce. Tu as vraiment vu tout ça ? Le Marquis hocha la tête et ses yeux s'emplirent de larmes. Aussitôt Hadès s'accroupit près de lui et l'entoura de ses bras. Il le serra contre lui et le laissa pleurer. Lui-même avait du mal à retenir ses larmes. Voir Queen dans cet état lui broyait le cœur. Mais il ne voulait pas rajouter à sa détresse et ravala sa peine. Le Magicien finit par se calmer et releva la tête. - Je suis désolé, souffla-t-il entre deux sanglots. - Pourquoi ? Ce n'est pas ta faute. - J'aurais aimé… J'aurais aimé t'annoncer des choses plus agréables… Mais c'est bien ce que j'ai vu… - Ne t'inquiète pas… Nous ferons face comme nous l'avons toujours fait… Et puis rien n'est jamais définitif, non ? Mes décisions influencent toujours les étoiles. - Oui. Mais je sais ce que tu vas décider. Tu vas empêcher ce mariage. - Comment sais-tu… - C'est écrit là-haut ! s'écria le Marquis. Tout est écrit ! - Et à ton avis, que dois-je faire ? - Je ne sais pas… Je ne sais plus… Queen se laissa aller contre le Roi, épuisé. Hadès le porta jusqu'au lit. Il l'allongea, le couvrit et le vit s'endormir comme une souche. Il se coucha près de lui et l'entoura de ses bras, tendrement. Il attendrait son réveil pour parler du reste. Ooooo00000ooooO Endéis regardait autour d'elle les serviteurs qui allaient et venaient pour apporter ses malles et les servantes qui rangeaient ses effets dans les armoires et les commodes. Elle était dans sa chambre. Sa chambre. Pas leur chambre. Celle d'Eaque était de l'autre côté de l'appartement, séparée de la sienne par le salon. Elle était déçue, pensant qu'ils dormiraient dans le même lit. La pièce était élégamment meublée. Les tentures des fenêtres et les tissus des fauteuils avaient une nuance de rouge dominant avec de l'orangé ce qui rendait une atmosphère chaleureuse. Sur son lit à baldaquin, elle reconnut des fourrures de lynx et de loups. Les draps étaient en lin, d'un blanc immaculé. Son mari lui avait dit qu'elle pourrait décorer le lieu à sa convenance, c'était son domaine. À peine avaient-ils franchi les portes du Palais d'Ébène que le Duc l'avait confiée à un serviteur. Il s'en était allé s'informer des dernières nouvelles auprès de ses confrères et saluer le Roi qu'il savait de retour. Elle mettait tout juste les pieds dans sa nouvelle demeure que déjà elle se retrouvait seule. Elle poussa un long soupir de résignation. Heureusement qu'elle avait fait la connaissance de quelques Dames vivant là lors de sa première venue. Peut-être qu'elle trouverait de quoi tuer le temps en attendant que, le soir, son époux la rejoigne. Elle ôta finalement son manteau et s'assit dans un des fauteuils devant la cheminée. Les serviteurs en avaient terminé, elle était seule dans cette immense pièce. Le temps passa et des coups frappés à la porte la sortirent de ses pensées. Une servante qui lui apportait son repas et qui la prévint que son époux rentrerait certainement tard. Il lui faisait dire qu'elle ne l'attende pas. La tristesse envahit son cœur et la solitude pesa plus lourd sur ses épaules. Elle mangea sans appétit, se vêtit pour la nuit et se coucha dans le grand lit froid. Après lui avoir donné un baiser sur le front, Eaque confia son épouse à un serviteur. Il grimpa au premier étage aussi vite qu'il le put, courut presque dans les couloirs. Et c'est au détour de l'un d'eux qu'il faillit bousculer… Pasiphaé. - Vicomtesse ? s'exclama-t-il. - Seigneur Eaque ! Vous voici de retour ! lui sourit-elle chaleureusement. - N'est-ce pas trop indiscret de vous demander les raisons de votre présence au Palais ? - Eh bien… Je… Je me rendais chez le Seigneur Minos. Venez donc avec moi. Je crois qu'il a quelque chose à vous dire. - Vous piquez ma curiosité, ma chère, sourit aimablement le Duc. J'allais également le voir pour m'informer des dernières nouvelles. - Allons-y ensemble, alors. Le Duc de Griffon fut quelque peu surpris de voir entrer chez lui son amant et sa future épouse. Situation cocasse, s'il en est. Il se leva et prit son ami dans ses bras pour lui souhaiter un bon retour et tous trois s'assirent autour de la table basse. - Le Roi est revenu, déclara Minos en buvant une gorgée de vin doux. - C'est ce que j'ai cru comprendre, répondit Eaque en le fixant d'un regard intense. Que s'est-il passé en mon absence ? - Pas mal de choses dont je t'entretiendrai plus tard. - Il y a tout de même une chose dont vous pouvez lui parler, mon ami. Mon ami. Eaque tiqua à ces mots. Seules une épouse ou une fiancée emploieraient ces termes. Son cœur se mit à battre plus vite. Il redoutait la suite. - Effectivement… commença le Duc de Griffon en détournant les yeux. La Vicomtesse… Pasiphaé est enceinte. Nous allons nous marier. Foudroyé était très éloigné de ce qu'Eaque éprouva à cette nouvelle. Machinalement son regard se porta sur la jeune femme et glissa jusqu'à son ventre et le constat fut brutal. Il était légèrement enflé. Il revint à Minos dont il devinait l'inquiétude quant à sa réaction. Eaque sourit. Il se leva et posa ses lèvres sur le front de la Vicomtesse avant de s'agenouiller près d'elle. - Ma Dame, vous faites de mon ami le plus heureux des hommes. Soyez-en remerciée. Mais attention ! s'exclama-t-il. Je tiens à être le parrain ! Buvons ! Le Duc de Griffon se leva à son tour et Eaque lui donna une franche accolade, puis remplit trois coupes de vin qu'ils vidèrent tous en souriant. - Félicitations mon… am… mi, bredouilla volontairement le Duc de Garuda. Je vous souhaite tout le bonheur du monde. J'ai… moi aussi une nouvelle intéressante. Je me suis marié ! Minos et Pasiphaé se regardèrent, interloqués. Décidément, cette journée était riche en surprises. - Et qui est l'heureuse élue ? parvint à articuler le Ministre de l'Intérieur d'une voix qu'il espérait la plus naturelle possible. - Endéis, la fille du Baron de Myrmidon. Nous avons célébré notre union quand j'étais chez elle. - N'est-ce pas un peu rapide ? s'enquit la Vicomtesse, fort justement. - Le coup de foudre, ma chère. Personne n'y résiste ! Mais elle est ici, chez moi. Allez donc lui rendre visite, si vous le désirez. Je suis certain qu'elle sera ravie de vous revoir. - Très certainement. J'en serai très heureuse également. - Oui, allez-y donc, renchérit Minos. Eaque et moi avons à parler de choses qui risquent fort de vous ennuyer. Les deux hommes la regardèrent sortir. Eaque alla vers la porte et la verrouilla. Il se retourna alors vers son amant qui ne le quittait pas des yeux. Ils restèrent un long moment, à s'observer, à distance, ne sachant que faire ou quoi dire.
- C'est… surprenant comme les choses peuvent radicalement évoluer en quelques jours, finit par murmurer Minos en se tournant vers la fenêtre à travers laquelle il pouvait voir briller les dernières lueurs d'un soleil couchant toujours voilé. - Je dirais même que c'est… effrayant, ajouta son amant en se rapprochant très lentement. - J'ai l'impression que le temps s'enfuit à une vitesse folle… - Minos… - À mon tour de te féliciter pour tes noces, le coupa celui-ci en baissant la tête et se détournant de la fenêtre. - Minos, pour moi, rien n'a changé… - Vraiment ? Tu as eu le coup de foudre, non ? - J'ai dit ça pour Pasiphaé… - Tu dois quand même éprouver des sentiments pour Endéis. - De la colère, de la répulsion et de l'attirance à la fois, et par moment de la haine. - Eaque ! - C'est vrai que… qu'elle m'attire. Son corps m'attire… sa beauté… Et je lui en veux pour ça ! s'écria le Duc de Garuda en écartant les mains pour donner plus de poids à ses paroles. - Mais… Eaque ! Elle n'y est pour rien. C'est injuste envers elle, tenta de tempérer son amant, complètement désarçonné par ce qu'il entendait. - Elle m'a détourné de toi, geignit Eaque en s'affaissant sur un siège, une main couvrant ses yeux. Avant de partir, je t'ai dit que je t'aimais. Et c'est la vérité. Je t'aime et elle est venue se mettre en travers de mon amour pour toi avec sa beauté ensorcelante. - Eaque… Tu perds la tête, fit Minos en s'accroupissant devant lui. - C'est elle qui me fait perdre la tête ! Elle m'a jeté un sort ! - Ce que tu dis n'a aucun sens. - Je l'ai épousée pour accomplir mon devoir envers les Ténèbres et Hadès, poursuivit le Duc de Garuda comme s'il n'avait pas attendu. Elle portera mon héritier. Mais c'est tout. Je sens son odeur partout sur moi… Ça m'écœure… - Eaque… murmura le Duc de Griffon, ne sachant plus quoi faire devant la détresse de l'homme qu'il aimait. Tu sais, je suis aussi coupable que toi. - Comment cela ? Tu n'as rien à te reprocher, toi. - Bien sûr que si. J'éprouve de l'affection pour Pasiphaé et tu le sais. Alors, tu vois ? - Tu me l'avais dit avant que l'on ne s'avoue nos sentiments. Moi, ça s'est passé après. Je t'ai trahi, Minos. Je ne mérite pas cet amour que tu me portes. - Alors, que fait-on ? Nous mettons un terme à notre relation ? Fais-le, parce que moi je n'en aurai jamais la force. Je t'aime trop pour te perdre bêtement à cause d'une… d'une faiblesse passagère. Mes sentiments vont au-delà du désir charnel. Ce sont aussi ton cœur et ton âme que j'aime et ils sont plus importants à mes yeux que ton corps. - Minos… Eaque se jeta dans les bras de l'homme qu'il aimait et pleura doucement, plus convaincu que jamais qu'il n'était pas digne de lui. Minos lui caressait doucement les cheveux, s'évertuant à le calmer. Le Duc de Garuda finit par relever la tête pour plonger ses yeux dans les deux pépites de son amant. D'un même mouvement, ils s'embrassèrent tendrement. Enlacés sur le lit, les deux hommes somnolaient. Leur étreinte avait été longue et passionnée comme s'ils voulaient se prouver une fois encore que l'autre était et sera l'unique possesseur de leur cœur. - Je vais tout faire pour qu'Endéis conçoive rapidement un enfant, murmura Eaque tout en caressant le torse ciselé de Minos. - Cela arrivera en son temps. - Plus vite ce sera fait et plus vite je n'aurai plus à la toucher. Et c'est tout ce qui importe. - Tu devrais retourner chez toi. Nous devons être prudents. Du moins jusqu'à ce que je sois marié et toi assuré d'être père. Une fois cela fait, nous n'aurons plus à nous soucier de ce qu'elles pensent. - Tu as raison. J'espère que Pasiphaé n'a rien entendu en rentrant… - Sa chambre est de l'autre côté et elle a le sommeil plutôt lourd depuis qu'elle est enceinte. Eaque se dégagea des bras de Minos et commença à se rhabiller. Il se rassit sur lit et prit une mèche de cheveux blancs entre ses doigts. - Jamais tu ne devras douter de mon amour, murmura-t-il en fixant son amant du regard. - Ni toi du mien, rétorqua le Duc de Griffon. Je te l'interdis. - Finalement, je ne sais toujours pas ce qui s'est passé en mon absence, sourit-il. - Le Roi est revenu, mais ça, je crois que tu l'as compris et nous avons reçu un message qui nous informe du prochain mariage de la Princesse Saori et du Prince Julian. - Tiens donc ? Ils ont enfin compris que c'est le seul moyen pour eux de mettre un terme à cette parodie de guerre. - Seulement, nous ne pouvons laisser une telle chose se produire. Ça mettrait en péril les plans d'expansion d'Hadès avec les colonies frontalières si les deux armées s'allient. Malgré l'effectif élevé de l'armée des Spectres, un conflit contre le Sanctuaire et les Océans réunis s'inscrirait inévitablement dans la longueur. Et une guerre qui dure trop longtemps n'a que des perdants. Nos voisins en sont la preuve. Tu le sais aussi bien que moi. - C'est juste… Et comment le Roi compte-t-il réagir face à ça ? - Il veut empêcher le mariage, mais les Dieux seuls savent comment il va s'y prendre. Après un dernier et tendre baiser, Eaque quitta l'appartement et regagna le sien. Endéis dormait profondément et il en fut soulagé. Il se déshabilla et se glissa dans les draps de son lit. Il réfléchit un instant à sa relation avec Minos et dut s'avouer que lui aussi était incapable de renoncer à cet amour. Il avait été si soudain et était si fort qu'il devait bien admettre qu'il lui était désormais impossible de vivre sans. Le Duc de Griffon lui était devenu aussi vital que l'air qu'il respirait. Et ce fut sur cette dernière évidence qu'il sombra dans un profond sommeil… Deux jours plus tard, Hadès convoqua un Conseil Royal. Il leur fit le récit de son voyage au Royaume des plaines, ce qui ravit tout le monde, puis enchaîna sur les phénomènes magiques. Queen répondit à toutes leurs questions puis ce fut au tour de Valentine et Minos d'être interrogés. Mais ce qui les inquiétait le plus était les découvertes du Magicien lors de sa transe. Ils allaient au-devant d'un conflit, mais celui-ci serait suivi d'un second encore plus meurtrier. Malheureusement, le Marquis d'Alraune ne put leur donner de plus amples détails. Et pour terminer cette réunion, chacun félicita le Comte de Balrog, père d'un petit garçon depuis quelques jours. Celui-ci avait reçu un message de son épouse la veille et partirait pour son domaine après le Conseil. Eaque reçut aussi les vœux de ses compagnons pour son mariage ainsi que Minos pour ses futures noces que le Roi avait bien l'intention de célébrer par une fête. Le Duc de Griffon n'avait pas réussi à le faire changer d'avis, mais au moins l'avait-il convaincu de la faire en comité restreint. Ils allaient tous sortir de la salle et quand Pharys ouvrit la porte, une boule de poils noirs s'engouffra dans la pièce et alla se coucher aux pieds d'Hadès. - Cerbère (2) ! Viens ici ! fit la voix d'un jeune garçon qui se figea devant les Ministres. - Alone ? s'étonna Queen. Que fais-tu là ? Et à qui est ce chien ? - Pardon, mon Seigneur. Il a tiré tellement fort que sa laisse m'a échappé des mains. - Qui es-tu jeune homme ? demanda le Roi qui s'était baissé pour caresser l'animal. - Je te présente Alone Pittore, mon apprenti, répondit le Magicien en passant un bras protecteur sur les épaules du garçon. Alone, voici Sa Majesté Hadès. - Et lui ? poursuivit-il en désignant le chien. - C'est mon loup, Cerbère. Je voulais le sortir, mais il a tiré sur sa laisse et il est monté jusqu'ici. - Un loup ? sursauta Minos en regardant ses amis. - Mais comment l'as-tu trouvé ? s'enquit le Roi dont la curiosité était piquée au vif. - Un chasseur a blessé la mère qui s'est traînée jusqu'à sa tanière. Quand il est arrivé, elle était morte et ce petit tremblait à côté d'elle. C'est ce qu'il m'a raconté. Il l'a pris et l'a ramené. Je m'occupe de lui depuis. Il est très gentil. - Je n'en doute pas, continua Hadès, attendri, en caressant le pelage noir comme la nuit. Mais pourquoi est-il venu se coucher à mes pieds ? - Je l'ignore, votre Majesté. Mais il est venu directement là. - Quel âge a-t-il ? demanda Valentine qui s'était accroupi pour mieux voir l'animal. - Il doit avoir environ un an, il est très jeune, répondit Alone qui se sentait un peu moins impressionné par la présence de ces hommes et celle du Roi en particulier. - Il est magnifique, fit Hadès en plongeant inlassablement ses mains dans la fourrure épaisse. Nous allons en faire la mascotte du Palais d'Ébène, déclara-t-il en se relevant, immédiatement suivi par le loup qui ne le quittait pas des yeux. Qu'en dis-tu Alone ? Cerbère sera libre d'aller où il veut dans le château. - Mais, Sire, protesta l'apprenti Magicien, il risque de mordre quelqu'un, ou de faire saletés dans les couloirs, expliqua-t-il timidement. - Je suis certain que non ! N'est-ce pas Cerbère ? Hadès s'accroupit à la hauteur de l'animal, prit sa tête entre ses mains et plongea son regard dans celui du loup. Pendant un instant, le temps sembla suspendu. Chaque personne présente eut la sensation fugace que quelque chose se passait entre l'homme et l'animal. Puis cela disparut. Le Roi se releva et la bête s'assit à ses pieds. - Allez ! File avec ton jeune maître ! Et le loup obéit. Il suivit Alone qui reprit la laisse. Avant de sortir de la pièce, Cerbère se retourna et regarda le Roi avant de disparaître dans le couloir. Les quatre hommes restèrent un moment à observer la porte ouverte. Ils avaient la curieuse impression d'avoir été les témoins de quelque chose d'étrange. D'irréel. Queen lui disait tout le temps que rien n'arrive par hasard, que le hasard n'existe pas, que tout est écrit quelque part dans les étoiles. Qu'est-ce que ce loup pouvait bien avoir à faire avec les étoiles ? Il chassa ces idées de sa tête et congédia ses hommes. Il gagna ses appartements et demanda qu'on lui prépare un bain. Après ça, il voulut voir le Duc de Wyvern, mais il apprit que celui-ci était parti dès la fin du Conseil. Peut-être était-il allé rencontrer ses hommes pour la mission que lui-même lui avait confiée. Il s'assit à son bureau pour travailler avant de rejoindre Queen pour le souper. Rhadamanthe avait reçu la veille, un message de la Marquise d'Œchalie, l'invitant à séjourner au château, tenant ainsi la promesse qu'elle lui avait faite. Il n'en avait guère le temps, mais décida de se rendre sur place en personne plutôt que de lui renvoyer sa réponse par l'intermédiaire d'un héraut. Il pourrait passer la nuit là-bas et rentrer le lendemain matin. Les jours rallongeaient et il arriva à Œchalie alors qu'il faisait encore un peu jour. Un palefrenier prit Great en charge et le Duc fut conduit dans le salon de réception. La pièce était sobrement meublée, mais au premier coup d'œil, il put constater que le mobilier était d'une facture remarquable. Du chêne, du frêne, patinés par le temps, du fer forgé huilé pour le protéger de la rouille, des tissus d'ameublement en soie et en lin aux couleurs chaudes. - J'ai vendu beaucoup de mes biens, mais j'ai conservé ceux de la meilleure qualité, fit la voix de la Marquise derrière lui. - Bonsoir, Dame Alcmène, dit-il en se retournant. Il se dirigea vers elle d'un pas élégant. Elle lui sourit et lui tendit une main qu'il baisa en s'inclinant respectueusement. - Vous n'avez aucun bagage ? poursuivit-elle en l'invitant à la suivre. - Je n'ai qu'un sac. Je ne peux rester que jusqu'à demain, mais j'ai voulu vous le dire en personne. - C'est délicat de votre part. Mes gens sont en train de vous préparer une chambre. Vous pourrez vous rafraîchir et prendre un bain avant le dîner si vous le désirez. - J'avoue que j'apprécierais. Elle le guida dans les couloirs du premier étage. Dans la pièce, trois servantes s'activaient à faire le lit, remplir le baquet d'eau chaude, attiser le feu dans la cheminée et tirer les tentures devant les larges fenêtres maintenant qu'il faisait nuit. Rhadamanthe posa son sac sur le lit. - Je fais au plus vite, lui dit-il en esquissant un sourire. - Prenez votre temps, Seigneur Rhadamanthe, rien ne presse. Mes appartements sont justes à côté. Vous n'avez qu'à m'y rejoindre lorsque vous serez prêt. Pendant qu'il se détendait et se décrassait dans l'eau chaude, Rhadamanthe ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi il avait fait le déplacement. Qu'est-ce qui avait motivé son choix ? Les affaires qu'il avait en cours ne nécessitaient pas sa présence. Il était dans l'attente de résultats et la mission de Violate et Kagaho ne serait au point que dans quelques jours. Peut-être avait-il éprouvé le besoin de s'éloigner de Giudecca ? Du Palais d'Ébène ? C'était possible. Il se mit à sourire en versant un seau d'eau chaude sur sa tête. Pourquoi donc se posait-il toutes ses questions ? Ne pouvait-il, pendant un temps, ne plus être Ministre des Renseignements ? Arriverait-il à simplement être le Duc de Wyvern, invité de la Marquise d'Œchalie ? Parviendrait-il à ne pas remarquer le moindre détail qui pourrait l'informer sur ce qu'on ne lui dirait pas ? Ou bien était-ce tout bêtement parce qu'il avait été très heureux de recevoir cette invitation ? L'idée de revoir Alcmène l'avait fait sourire. Un grand sourire. Un vrai sourire. Il appréciait énormément la compagnie de cette femme et la voir en dehors de ses activités habituelles était une perspective qui lui plaisait beaucoup. Il en termina avec son bain et se prépara pour le dîner. Le repas fut simple, mais délicieux. Rhadamanthe put prendre ainsi la pleine mesure des efforts que faisait le peuple des Ténèbres à tous les niveaux. Du simple paysan à la noblesse. Ce n'était pas la famine, mais pas non plus l'opulence. Il n'y avait pas de gaspillage. Ou très peu. Il constata également que la Marquise n'avait que peu de domestiques. Les trois chambrières semblaient faire office de cuisinières et devaient aussi entretenir l'intérieur du château et le palefrenier qui avait pris son cheval en charge était aussi intendant et s'occupait du haras, des terres du domaine et de l'approvisionnement. La Marquise gérait son monde, mais n'hésitait pas non plus à s'investir s'il le fallait. C'est elle-même qui fit le service pendant leur repas. Une fois celui-ci terminé, ils s'installèrent dans les fauteuils devant la cheminée, un verre de vin doux à la main. - Je pensais que vous aviez plus de serviteurs, déclara le Duc, menant la conversation sur un terrain neutre, mais qui allait lui fournir des informations sur son hôtesse. Encore de la recherche d'informations. - Je vous ai dit que les finances du domaine ne sont pas au plus haut, loin de là. C'est d'ailleurs ce qui m'a poussé à faire affaire avec ce… Déclan. - J'espère qu'il ne vous ennuie plus. - Eh bien… depuis votre intervention, j'ai reçu des commandes. On dirait que cette affaire s'est ébruitée et ne me dessert pas. Le fait que le Duc de Wyvern se soit occupé personnellement de mes intérêts a provoqué un regain d'attention de la part de quelques fermiers. Des chevaux que je pensais devoir mener bientôt à l'abattoir parce que trop vieux pour l'armée ont trouvé preneur pour labourer les champs. - Vous m'en voyez ravi, répondit Rhadamanthe en souriant. Il n'est pas toujours mauvais d'utiliser ses relations lorsqu'on a la chance d'en avoir. - Certes, mais je préférerais que d'éventuels acheteurs se tournent vers moi pour la qualité de mes chevaux plutôt que parce qu'ils pensent pouvoir tirer un quelconque avantage de mes liens avec vous. - Je vous comprends, mais que voulez-vous, les hommes sont ainsi. Tout ce qui peut servir leurs intérêts est bon à prendre. Après tout, ils n'ont rien à perdre… - Oui, c'est juste… Comment se porte la Comtesse de la Harpie ? - À merveille. Valentine me disait, il y a quelques jours, qu'elle languissait de mettre au monde leur enfant. La pauvre se fatigue de plus en plus vite et se lever d'un fauteuil requiert l'aide d'une servante ou de son époux lorsqu'il est avec elle. Mais elle garde le sourire. - C'est une bonne chose. Et les deux autres Dames qui étaient au Palais en même temps que moi ? - La Vicomtesse de Thalamée va se marier avec le Duc de Griffon la semaine prochaine. Au fait, voudriez-vous m'accompagner à leurs noces ? - Ce sera avec grand plaisir. Je serais très heureuse de la revoir, surtout à cette occasion. - Quant à la fille du Baron de Myrmidon, le Duc de Garuda l'a épousé. - Voyez-vous ça ! J'espère que cette précipitation ne sera pas nuisible à leur union. - Pourquoi cela ? - Eh bien, il me semble qu'ils ne se connaissent que depuis peu, non ? Pour qu'un mariage fonctionne, il faut savoir un peu qui est la personne qui va partager votre vie pour que cette union soit une réussite. - Et vous en savez quelque chose… - Tout à fait… Si mes parents adoptifs avaient connu les penchants de mon mari, même s'il ne s'agissait que de doutes à son égard, ils n'auraient pas accepté ce mariage. C'est pour cela que j'espère que le Duc de Garuda et son épouse seront très heureux. - Nous l'espérons tous. - Et notre Roi ? Va-t-il se décider à se marier aussi et à offrir aux Ténèbres un héritier ? Rhadamanthe sourit derrière son verre. Le mariage ne sera envisageable que dans un cadre politique. Quant à l'héritier, il existe déjà même si pour l'instant tout le monde l'ignore. - Sa Majesté n'a pour seule préoccupation l'avenir du Royaume, qu'il soit établi sur des bases solides. Lorsqu'il sera certain que les choses se déroulent comme il le veut, il songera alors à convoler. - Et c'est ce qui fait de lui un Souverain exceptionnel. Longue vie au Roi ! fit la Marquise en levant son verre et le vidant d'un trait, imité par son invité.
Ils discutèrent encore un long moment, de tout et de rien, jusqu'à ce que la Marquise, soucieuse du bien-être du Duc, décide qu'il était temps d'aller se coucher. Rhadamanthe la raccompagna jusqu'à ses appartements et s'apprêtait à prendre congé lorsque celle-ci l'arrêta. - Vous êtes Ministre des Renseignements, un homme à qui rien n'est censé échapper, lui dit-elle en se rapprochant légèrement de lui. - Eh bien… je suppose, oui… bredouilla le Duc, un peu décontenancé par ces mots. - Et là, vous êtes en train de vous demander où je veux en venir et vous échafaudez toutes sortes d'hypothèses, poursuivit-elle en posant une main sur son torse, sans le lâcher des yeux. - Je ne suis pas si naïf, ma Dame, sourit-t-il à son tour. - Ah… Et pourtant lorsque l'évidence est sous vos yeux, vous ne la remarquez même pas. - Disons que j'observe avant de tirer des conclusions, répondit Rhadamanthe qui commençait à se prendre au jeu. - Et qu'elles sont vos conclusions ? - Eh bien, si je me fie à ce que j'ai observé, vous avez tenté toute la soirée d'attirer mon attention, alors que c'était parfaitement inutile. Vous étiez mon seul centre d'intérêt et ça, vous ne vous en êtes pas aperçu. Vous avez créé une ambiance intime devant la cheminée et maintenant vous avez encore une idée derrière la tête, mais j'avoue que je n'ai pas encore découvert laquelle, termina-t-il sur un ton faussement innocent avec un petit rictus malicieux. - Peut-être avez-vous besoin d'un indice ? - Et lequel ? Et sans plus attendre, un sourire redoutablement séducteur sur les lèvres, Alcmène se hissa sur la pointe des pieds et embrassa le Duc. Il répondit avec douceur et délicatesse à ce baiser. L'évidence jaillit dans son esprit. La seule et unique raison qui l'avait fait venir ici au lieu d'envoyer un messager, était qu'il voulait revoir la Marquise. C'était tout. Il enlaça sa taille et remonta son autre main derrière la nuque pour la serrer contre lui. Le baiser devint plus passionné et il sentit son hôtesse passer une main derrière elle. La porte de son appartement s'ouvrit. Elle se recula pour le regarder. Jamais elle n'avait vu des yeux d'une telle couleur. On aurait dit deux pépites d'or. Elle l'attira à l'intérieur et referma le panneau de bois. Elle se glissa à nouveau entre ses bras et c'est alors que débuta une nuit comme Alcmène n'en avait jamais connu. Ni Rhadamanthe… Le lendemain matin, le Duc reprit la route de Giudecca. La Marquise d'Œchalie le rejoindrait bientôt pour assister aux noces de Minos et il était impatient…
À suivre… Le prochain chapitre vous emmènera au Royaume du Sanctuaire…
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(1) Sciron : dans la mythologie grecque, il est le père d'Endéis. Source Wikipédia. (3) |