LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES...

 
   

Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur.

Genre
:
Univers Alternatif à tendance celtico-médiévale et Heroic Fantasy. Aventure/Romance. Certains couples sont très inhabituels. Yaoi, het et lemon bien sûr.

Rating : interdit au moins de 18 ans.

Auteur : Scorpio-no-Caro

Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma.

J'espère que vous aimerez...

 


Carte de ce monde

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Chapitre 18

Année 10219 de la Licorne, mois d'avril, Royaume du Sanctuaire...

Les bras d'une mère qui a perdu son enfant réclameront toujours désespérément sa présence. Depuis que Dylwen avait succombé à la naissance de son fils, Nya s'était occupée du bébé. Elle l'avait nommé Cynan(1) car il était venu au monde en se battant pour survivre comme un véritable guerrier. Nya n'était pas loin de se dire que les Dieux existaient encore et qu'ils avaient exaucé son souhait. Elle avait perdu sa petite Roan, mais elle retrouvait un petit garçon. Un enfant qui avait besoin d'une mère, une femme qui pleurait encore sa fille, fallait-il y voir un signe ? Dilwen était-elle une envoyée divine qui avait conçu et porté un enfant dans l'unique but de lui en faire cadeau pour qu'elle retrouve l'envie et la joie de vivre ? Pour la remercier d'avoir surmonté plus ou moins cette épreuve et su se mettre au service des autres comme elle le faisait depuis plusieurs semaines aux côtés de Shion ?

Celui-ci avait été très affecté du décès de la jeune femme alors qu'il la croyait sortie d'affaire. Mais trois jours après sa césarienne, Dilwen fut prise d'une terrible fièvre qui l'emporta en un rien de temps. Le Magicien soupçonna une infection du sang et culpabilisa de n'avoir peut-être pas été assez attentif à l'hygiène. Même en opérant dans l'urgence, c'était un point qu'il ne fallait surtout pas négliger. Et il le savait. Il lui fallut du temps et toute la persuasion de Dohko et de Nya pour admettre qu'il n'était pas un Dieu mais simplement un homme et donc, faillible.

The Journey North - New Age Harmony
Bonnes nouvelles et crise de doute

- On dirait que c'est toi qui l'as mis au monde, fit une voix grave derrière la jeune femme.

- Oh ! Bonjour Brendan ! sourit-elle en rougissant légèrement. J'ai effectivement aidé à sa naissance.

Elle tourna le bébé dans ses bras de manière à ce que le garde pût mieux le voir.

- Il a l'air en pleine forme.

- Il l'est. Sa nourrice dit que c'est un glouton. Tu es là pour voir le Seigneur Shion ?

- Oui, il voulait voir comment ma gencive a cicatrisé.

- Il doit être au dispensaire. Les premiers malades ont été transportés là-bas.

- Je pourrais peut-être les aider, j'ai fini ma garde.

- C'est sûr que tous les bras supplémentaires sont les bienvenus.

- Tu me montres le chemin ?

Nya baissa la tête pour cacher son trouble. Le garde était le premier patient qu'elle avait soigné avec l'aide et les conseils de Shion. Et depuis, à chaque fois qu'il le pouvait, il venait s'enquérir d'elle, connaissant le drame qui l'avait frappé. Il l'avait vu, au fil des jours, se remettre à avancer, soutenue par le Médecin et les aides-soignantes qui gardaient toujours un œil sur elle. La jeune femme avait reporté son trop plein d'amour sur les mamans et leurs enfants en les aidants à s'occuper d'eux. C'était une façon comme une autre de faire son deuil, de supporter le vide, la douleur de l'absence.

Le couple sortit de la salle de garde sous le soleil qui brillait. Le vent était encore frais mais, malgré cela, les gens étaient dans les rues, vaquant à leurs occupations en souriant. L'hiver tirait à sa fin et Egide l'avait traversé tant bien que mal. On voyait, sur le pas des portes des maisons, des amoncellements d'objets qui avaient été accumulés au cours des mois froids et qui maintenant n'avait plus d'utilité. Le grand nettoyage de printemps commençait.

Après avoir franchi les remparts d'Egide, Brendan et Nya, Cynan dans les bras bien enveloppé dans une chaude couverture, se dirigèrent vers le nouveau dispensaire. Sur le chemin, ils croisèrent des hommes avec des brancards qui retournaient à la salle de garde pour transporter les blessés et les malades. D'autres aidaient les plus faibles à se rendre dans ces anciennes granges que Shion avait fait réhabiliter. La bâtisse construite en bois et en pierre comportait plusieurs salles aménagées pour accueillir les patients en fonction de leur affection. Certains souffraient de refroidissement, d'autres de congestion pulmonaire, de diarrhée ou encore de fièvre. Une salle était réservée aux blessés du front et la troisième avait été spécialement équipée de tout ce qu'il fallait pour que les jeunes mamans ou sur le point de l'être, puissent se reposer et s'occuper de leurs enfants en bas âge.

Les dépendances avaient vu l'acheminement de l'eau via un réseau de tuyaux en terre cuite. L'eau chaude puisée directement à sa source et sans cesse renouvelée, remplissait de grands bassins creusés dans le sol et dallés. Mais avant d'y entrer, les gens devaient s'être lavés à pour ne pas y apporter trop de vermine. Il y en avait un pour les femmes et les enfants et un second pour les hommes. La simple possibilité d'avoir une hygiène corporelle plus rigoureuse contribuait à limiter la propagation des maladies et le Médecin Royal en voyait déjà les effets bénéfiques. Les affections de la peau, pour ne parler que d'elles, avaient nettement diminué. Lui-même avait pu s'installer dans une pièce assez vaste et lumineuse. Tous ses traitements étaient à portée de main et il avait même une table pour son matériel de préparation des potions, onguents et autres mixtures. Ainsi qu'un lit largement plus confortable que la paillasse qu'il avait dans la salle de garde. Tout paraissait neuf et cela semblait avoir dessiné des expressions de bien-être sur les visages des nombreux patients. Le moral général avait entamé une remontée.

Nya repéra Shion occupé à donner des directives quant à l'installation des malades qui arrivaient. Qui dans la salle des affections contagieuses, qui dans celle des blessés de guerre. On aurait dit un elfe qui voletait de partout. Brendan sourit de voir cet homme si savant et habile échevelé comme un gamin. Il se dirigea vers le cabinet que le Médecin s'était installé et attendit que celui-ci le voit. Il ne voulait pas le couper dans son élan organisateur. Mais c'était mal le connaître. Bien qu'il n'en laissât rien paraître, Shion savait exactement qui entrait et qui sortait du dispensaire.

- Brendan ! Tu es venu pour ta gencive ? s'enquit-il en s'avançant vers les deux jeunes gens.

- Ça et voir si je peux aider à l'installation des malades, répondit le garde.

- Toute aide est la bienvenue. Entrons ici. Nya, veux-tu nous préparer des infusions, s'il te plait ? Pose Cynan sur le lit.

Tandis qu'elle s'affairait à faire bouillir de l'eau sur le brasero, Shion avait placé Brendan devant la fenêtre et était en train d'examiner sa bouche.

- C'est parfait, sourit-il en assénant une claque sur l'épaule du jeune homme. Il ne semble pas y avoir d'autres dents touchées. Mais si tu ressens la moindre gêne, viens immédiatement me voir.

- Très bien, Seigneur Shion. Merci Nya, termina-t-il à l'adresse de la jeune femme qui leur tendait deux bols fumants et odorants.

- Et ce petit bonhomme, comment va-t-il ?

- Il est en pleine forme. J'aimerais bientôt pouvoir le faire nommer officiellement pour qu'on le reconnaisse comme étant mon fils.

- Il est ton fils, n'en doute pas, déclara Shion, très sérieux. Tu ne l'as peut-être pas porté, tu ne le nourris peut-être pas de ton corps, mais tout le monde sait qu'il est ton fils et personne n'y trouvera rien à redire. Et si quelqu'un dit le contraire, je lui coupe la langue !

- Merci Seigneur, rit volontiers Nya.

- Mais pour cette cérémonie, il faut que le père ou du moins le parrain soit présent, non ? observa Brendan.

- C'est juste, murmura la jeune femme en baissant la tête.

- Je serai son parrain si tu le souhaites, proposa Shion en souriant derrière son bol. Comme ça tu n'auras pas à chercher bien loin.

- Vraiment ? s'écria Nya en regardant avec adoration cet homme qui avait tant fait pour elle et qui continuait à être là.

- Et moi je pourrais être son père… et ton mari… si tu le veux bien…

Nya ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Elle regarda Brendan, les yeux écarquillés qui commençaient à se remplir de larmes, puis elle prit une brusque inspiration. Les paroles du garde lui avait coupé le souffle. Celui-ci souriait doucement et dans ses yeux, Shion put lire tout l'amour qu'il portait à la jeune femme. Son regard alla de l'un à l'autre à plusieurs reprises puis, aussi discret qu'une petite souris, il sortit de la pièce. Ils avaient certainement besoin de se dire beaucoup de choses qui ne souffriraient pas d'être entendues par une oreille étrangère. Il relégua le couple dans un coin de son esprit pour poursuivre l'installation de ses patients.

Hope Fails - London Philharmonic Orchestra
Accident et hésitation

- Laissez passer ! Laissez passer ! Shion !

Il se précipita vers Mû qui tenait Ikki dans ses bras, un tampon de tissu plein de sang sur le visage.

- Amène-le près de la fenêtre ! Allez chercher ma trousse, là-bas ! fit-il à une aide-soignante toute proche. Qu'est-ce qui s'est passé !

- Il s'entraînait avec un soldat et l'épée a glissé sur son bouclier, expliqua Mû.

- Shion… gémit le jeune homme.

- Je vais faire tout ce que je peux pour t'éviter de souffrir mais tu garderas une belle balafre.

La plaie partait du front, au dessus de l'œil droit pour traverser l'arête du nez et finir sous l'œil gauche. Le visage d'Ikki était recouvert de sang, la douleur le faisait haleter.

- Bois ça, ordonna le Médecin.

Ikki obéit. Rapidement, il sentit que la douleur disparaissait et qu'il s'endormait. Shion ouvrit sa sacoche et en sortit tout le nécessaire pour recoudre la plaie. Il nettoya le visage du Chevalier avec d'abord de l'eau bouillie puis l'entaille avec une préparation antiseptique. Pendant un moment, il se revit opérer Dilwen et la question de savoir où il avait commis une erreur revint le hanter. Il suspendit son geste.

- Shion ? murmura Mû qui ne le quittait pas des yeux.

- Ça va…

Il s'était soigneusement lavé les mains, ses instruments étaient désinfectés, il avait fait tout ce qu'il fallait pour parer à toute infection. Alors pourquoi cette hésitation ? Il ne pouvait se le permettre. Ikki avait besoin de soins. Il fallait le faire, il devait le faire. Il prit un tampon en lin, le trempa dans la préparation et commença à nettoyer la coupure. Elle n'était pas profonde, mais assez large et les blessures à la tête et au visage saignaient toujours beaucoup. C'était plus impressionnant que réellement grave. Avec un fil de soie, il commença à recoudre d'abord les chairs à l'intérieur puis il rapprocha les deux lèvres de la plaie et termina de la refermer. Mû s'était assis à la tête du lit et avait tenu les cheveux d'Ikki pour dégager son front. Il avait déjà vu le Médecin opérer mais jamais d'aussi près. Il était admiratif du savoir de son aîné et de sa dextérité.

- Il va dormir longtemps ? se hasarda-t-il à demander.

- Jusqu'à la mi-journée. Soulève sa tête.

Shion fit un pansement autour du crâne pour tenir un tampon imbibé d'antiseptique sur la cicatrice. Malheureusement, il recouvrait complètement l'œil gauche et Ikki devrait attendre plusieurs jours avant de pouvoir reprendre l'entraînement. Avec un œil en moins, sa notion des distances serait complètement faussée. Le danger d'être à nouveau blessé était bien trop grand. Connaissant la fougue du jeune Chevalier, Shion sourit à l'idée qu'il allait falloir le surveiller pour l'empêcher d'en faire trop, trop tôt.

- Tu étais avec eux ?

- J'avais fini les réparations urgentes et je voulais de me changer les idées, expliqua le jeune homme en repoussant une mèche de ses longs cheveux lilas derrière son oreille. J'étais avec Shiryu quand on a entendu crier. Le pauvre soldat ne savait plus comment faire. Il était à genoux pour s'excuser.

- Ce n'est pas sa faute. Ce sont des choses qui arrivent.

- Oui, mais ça fout un coup quand même.

- Tu peux rester avec lui ? Je ne voudrais pas qu'il se réveille seul.

- Bien sûr. Retourne auprès de tes autres patients. Ils ont aussi besoin de toi.

- De toutes manières, je ne peux rien faire de plus pour l'instant. Je vais envoyer chercher sa femme.

Le Médecin jeta un regard insistant au jeune homme endormi, un peu comme s'il lui disait en pensées de tenir le coup et de se battre pour guérir rapidement. Il venait de se marier et Shion ne voulait pas faire une veuve de plus. Il tourna vivement les talons et repartit dans la grande salle. Nya et Brendan l'attendait.

Arhakous - An Triskell Herve et Pol Queffeleant
Emotion

- Comment va le Seigneur Ikki ? s'enquit la jeune femme, sincèrement inquiète.

- Il a une belle entaille en travers du visage, mais il devrait s'en sortir.

- Nous vous avons vu vous précipiter et nous avons préféré attendre que vous ayez fini pour vous apprendre la nouvelle. Nous voulions que vous soyez le premier à être informé.

- Et qu'elle est donc cette nouvelle ? sourit le Médecin en rangeant sa sacoche.

- Nya a accepté de m'épouser.

- Et nous pourrons alors présenter Cynan à la cérémonie pour qu'il soit nommé et reconnu comme mon… notre fils.

- C'est une merveilleuse nouvelle ! Nous en avons bien besoin. Je vous souhaite tout le bonheur du monde ! s'exclama-t-il en serrant vigoureusement la main de Brendan et en prenant la jeune femme dans ses bras.

- Nous serions heureux que vous soyez le parrain de Cynan, si vous êtes toujours d'accord, bien sûr. Après tout ce que vous avez fait pour nous, et pour lui, fit-elle en regardant le bébé endormi dans ses bras, c'est bien la moindre des choses qu'il porte aussi le nom de celui qui lui a permis de vivre.

- Comment ? sursauta le Médecin. Vous voulez le nommer… Cynan Shion ?

- Oui. Il est normal qu'il porte le prénom de son parrain, non ? insista Brendan. Nous vous devons tellement…

Shion fut pris de court par cette révélation. Il ne s'attendait pas du tout à ça. Il était bien plus ému qu'il ne voulait se l'avouer. Le couple lui devait tellement et n'avait pas grand-chose à lui offrir pour le remercier. Alors donner à l'enfant en second prénom celui du Médecin était ce qu'ils avaient trouvé de mieux. Lorsque ça lui était arrivé de sauver une mère et son enfant, il était remercié par des dons comme de la nourriture, bien qu'elle fût rare et précieuse certaines années, des objets décoratifs, une chemise cousue pour lui… Le Magicien caressa tendrement la tête de son futur filleul et sourit.

- L'honneur sera pour moi. C'est avec grand plaisir que j'accepte d'être son parrain. Tenez-moi au courant de la date de la cérémonie.

Il s'enfuit presque pour ne pas leur montrer les larmes qui menaçaient de s'échapper de ses yeux. Il était profondément touché par cette demande mais il n'arrivait pas à s'en réjouir. Sa proposition à Nya était plus une raison pratique et parce qu'il aimait beaucoup le bébé et la jeune femme. Au fond de la salle, il distingua l'immense silhouette d'Aliandro, le bucheron. Il se dirigea vers lui pour découvrir avec stupeur le jeune Kieran qui apprenait à marcher avec son pied en bois. Le sourire de bonheur qui ornait le visage de l'enfant en fut trop pour Shion. Il bifurqua entre deux lits et sortit par la porte la plus proche. L'air vif lui fouetta le visage. Il prit une grande inspiration et se mit à marcher de long en large, les mains sur les hanches. Mais pourquoi se mettait-il dans un état pareil ? Il se réprimanda mentalement. Il n'avait aucune raison de pleurer. Au contraire, il devrait être heureux. Nya et Brendan allait se marier, il avait accepté d'être le parrain de Cynan, Kieran allait pouvoir marcher et de nombreuses autres personnes allaient recouvrer la santé grâce à lui et aux aides-soignants. Oui, mais Dilwen était morte. Etait-ce une perte de trop ? Avait-il atteint le point de non-retour ? Cette guerre avait-elle finalement usée son mental jusqu'à n'en laisser que des miettes ? Il se sentait à bout. Toute sa volonté, toute sa combativité semblaient l'avoir abandonné.

Mû l'avait discrètement suivi et l'observa un instant sans se montrer. Il connaissait bien Shion et il savait parfaitement ce qui le mettait dans cet état. Il confia Ikki à une aide et fila chercher Dohko. Seul le Maître d'Armes avait suffisamment d'ascendant sur le Médecin Royal pour lui remettre les idées en place.

 

Ooooo00000ooooO

Wisdom - Ron Allen and One Sky
Milo s'ennuie.

Tous les soldats et les Chevaliers avaient été témoins de l'accident d'Ikki. Et bien sûr, leur ardeur à l'entraînement s'en trouva quelque peu émoussée. Milo était assis sur un ballot de paille et observait les attitudes de chacun.

- Albior ! appela-t-il tout en se dirigeant vers le Colonel en claudiquant. Remets-les vite en selle. Ne leur laisse pas le temps de réfléchir.

- C'est ce que j'allais faire. Allez ! Allez ! Reprenez-vous ! cria-t-il. Si vous ne voulez pas être aussi blessé, devenez plus fort ! Toi aussi, fit-il à l'attention du soldat qui avait blessé Ikki.

- Colonel, je…

- Dépêche-toi ! hurla le Chevalier de Céphée.

L'homme bondit et chercha un partenaire avec qui s'entraîner mais ne trouva personne.

- Viens-là ! l'interpella un jeune homme aux longs cheveux vert et au yeux de la même couleur. On va y aller doucement, ne crains rien. En garde !

Le soldat leva son épée.

- Allez ! Attaque-moi !

Mais l'homme ne bougeait pas. Il semblait paralysé par la crainte de commettre à nouveau une bévue. Et l'attitude quelque peu trop assurée de son adversaire ne l'aidait pas à se décider à bouger.

- Non ? Tu ne veux pas ? Ecoute, je n'aime pas voir un homme abandonner le combat sous prétexte qu'il a blessé un compagnon. Ce sont des choses qui arrivent. Nous sommes des soldats. Des Chevaliers ! Nous manions des épées, des dagues, des poignards, des lances. Des armes qui tuent ! Si tu n'es pas capable de prendre sur toi et d'accepter qu'un accident puisse arriver, alors ce n'est pas un métier pour toi, termina-t-il d'une voix plus douce et le regard un peu triste.

Vexé par les paroles du jeune Lieutenant, le soldat se rua sur lui avec férocité. Sa lame s'abattit violemment sur celle de son vis-à-vis qui ne pouvait que parer les coups et reculer. Il attaqua à gauche et à droite mais fut rapidement mis en difficulté par le Chevalier d'Andromède. Il porta des coups d'estoc(2) et de taille(3). L'homme parait par réflexe mais ne parvenait pas à réfléchir pour contre-attaquer.

- C'est de lui dont tu me parlais ? demanda Milo à son ami.

- Oui. Il n'est pas Chevalier depuis bien longtemps mais, comme je te l'ai dit, il est redoutable.

- Je vois ça… Qu'essaie-t-il de faire avec ce garde ?

- Le faire réagir. Shun ne fera jamais rien pour le blesser. Il veut juste le secouer un peu pour qu'il reprenne ses esprits.

- Il a de bons mouvements. Et il est rapide.

- Il peut encore progresser.

A cet instant, le soldat tomba à terre et le Lieutenant Andromède se détourna comme s'il l'estimait indigne de lui. L'homme se releva tant bien que mal et para in extremis une nouvelle attaque surprise qui lui aurait ouvert le ventre. Un éclat meurtrier passa dans ses yeux et il se jeta contre le jeune homme et le repoussa brutalement.

- Ah ! Enfin ! Tu en avais assez de te faire bousculer ?

- A quoi jouez-vous, Lieutenant ? s'écria le soldat, à bout de souffle.

- Lieutenant Andromède ! fit la voix puissante d'Albior. Je crois que cet homme a compris.

- Oui Colonel.

Il tourna les talons et rejoignit ses compagnons alors que le soldat le regardait s'éloigner, toujours la même lueur meurtrière dans les yeux. Il venait de se faire humilier par un nouveau venu et qui plus est, plus jeune que lui. Il ne lui vint même pas à l'esprit qu'il était le seul responsable de cette situation. S'il avait réagi autrement face à la blessure d'Ikki, les choses n'en seraient pas arrivées là. Il était furieux mais contre la mauvaise personne.

- Ton petit Lieutenant vient de se faire un ennemi, déclara Milo tout en se curant un ongle avec la pointe de sa dague.

- Je ne m'inquiète pas pour lui. Alors qu'en penses-tu ?

- Il est intéressant. Rapide, puissant et… très mignon, termina le jeune homme avec un sourire en coin pour son ami.

- Tu ne penses vraiment qu'à ça ! le rabroua Albior en le bousculant gentiment.

- Quoi ! Ne me dis pas que ça ne t'a pas traversé l'esprit, je ne te croirais pas !

- Si mais je sais contrôler mes envies.

- Alors que moi non ? C'est ça ?

- Disons que tu les écoutes bien souvent.

- Et tu veux peut-être te plaindre ? Qui est venu me voir pendant que je ne pouvais pas sortir de ma chambre ? Et qui s'ingéniait à me faire oublier le temps qui passe trop lentement ? Et qui me bassinait interminablement avec sa nouvelle petite recrue ? Albior, ta mauvaise foi me consterne.

- Bon d'accord, tu as raison sur ce coup-là. Mais ne me range pas dans le même sac que toi !

- Qu'est-ce qu'il a mon sac ? Est-il moins honorable qu'un autre parce que j'écoute mes pulsions et mes désirs ? Au moins je ne suis pas hypocrite et avec moi on sait immédiatement à quoi s'attendre.

- Parce que moi je suis hypocrite ? s'insurgea Albior sous l'insulte à peine voilée.

- Non mais tu es plus… lent à faire connaître tes intentions. Tu meurs d'envie de te le faire mais il l'ignore. Alors qu'avec moi, il a de suite deviné.

- Hein ? Qu'est-ce que tu as fait ?

- Eh bien s'il n'a pas compris ce que je voulais rien qu'à ma façon de le regarder, alors c'est que c'est le plus idiot de tous les idiots du village.

- Milo ! Tu es vraiment…

- Quoi ? Direct ? Franc du collier ?

- Insupportable ! cria le Colonel.

Il s'éloigna de son ami d'un pas rageur en direction du poste de garde.

- Ça veut dire que ce soir tu viendras pas m'tenir compagnie ? lança le Traqueur en riant à gorge déployée.

Il prit le bâton qui lui servait de canne et se mit à boitiller vers la rue commerçante. Il était presque temps de déjeuner quand il arriva à la boutique d'Angelo. Le Maître Tanneur ne l'entendit pas entrer et il resta un long moment à observer son ami en train de gratter une peau de cerf. Les gestes étaient répétitifs et d'une surprenante précision. Il prit le temps de regarder autour de lui. La boutique était remplie de peaux, de cuirs et de fourrures qui allaient servir à de nombreux usages. Les cuirs d'ours seraient pour le Maître Armurier, Mû. Il fabriquait et réparait les armures et utilisait le cuir épais des ours pour renforcer les points stratégiques tels que les plastrons, les cuissots ou les gorgerins. De cette manière, il n'alourdissait pas trop la protection de métal déjà bien assez pesante.

Les fourrures de loups, de lynx, de martres, de gloutons ou encore de renards ou de zibelines orneraient les vêtements confectionnés par les tailleurs. Les plus recherchés étaient sans aucun doute ceux du Maître Tisserand Arachnée. Malgré son jeune âge, il n'avait que trente-deux ans, son talent pour créer les tenues de toutes les classes de la population n'avait pas d'égal dans tout le Royaume. Il faisait des vêtements pour les simples paysans jusqu'au Roi en personne qui faisait appel à lui pour se vêtir. Et la robe de mariée de Saori, c'est lui qui la confectionnerait le moment venu. Quant aux cuirs, il les transformait en vêtements de travail solides et résistants comme les tenues de sous-armures des soldats. Mais sans le savoir-faire d'Angelo, si cette matière première n'était pas correctement préparée, il est évident que ce talent n'aurait pas eu cette renommée.

- Milo ? J't'avais pas entendu.

- Pas grave. Je regardais tout ton bric-à-brac. Comment fais-tu pour retrouver quelque chose dans toute cette pagaille.

- Je m'y retrouve, c'est l'essentiel. Tu as soif ?

- De la bière, si tu as.

- Y doit m'en rester.

Le Maître Tanneur s'éclipsa quelques instants et revint avec une cruche fraiche et deux bols qu'il remplit. Il en tendit un à son visiteur tout en jetant un coup d'œil à la canne de celui-ci.

- Tu en as encore besoin ?

- Pas vraiment mais je m'attire les gentillesses de toutes les femmes et les hommes sont beaucoup plus enclins à m'aider.

- Profiteur, sourit Angelo.

- Je plaisante. Disons que temps en temps, je m'appuie encore dessus. La cicatrice est toujours boursoufflée et sensible. Cette saloperie de loup avait dû mordre le cul d'un putois avant de me planter ses crocs dans le mollet. Shion a enrayé l'infection qui avait commencée à se développer.

- Coup d'chance. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

- Rien de spécial. J'essaie de me rendre utile tant que je ne serai pas autorisé à repartir en forêt. Alors si tu as besoin d'un coup de main pour… ranger ce foutoir, par exemple.

- En fait, non. Mais je crois que Shaka a eu beaucoup de travail ces temps-ci. Va le voir, il aura peut-être quelque chose pour toi.

- Je me demande quand le Roi fera l'annonce du mariage de Saori, dit Milo en vidant son bol.

- Il ne devrait plus tarder. Les premiers soldats vont bientôt rentrer du front et les gens vont se poser des questions.

- Tu sais que j'ai encore du mal à y croire ?

- Moi aussi. Et je ne suis pas loin de rejoindre le dépit de Saga quand il dit que nous sommes encore une génération qui n'aura servie à rien.

- Hmm… peut-être, mais réjouissons-nous que la famille Royale soit en sécurité. Et puis, les noces à venir seront une occasion de grandes réjouissances. Des tournois et des joutes seront organisés. Nous remporterons tous les prix sans effort !

Les deux hommes rirent de bon cœur puis se séparèrent en se donnant rendez-vous dans leur caverne car même si Milo ne s'entraînait pas autant que d'habitude, il était quand même présent et restait un redoutable adversaire. Il ressortit dans la rue toujours pleine de monde et prit le chemin de l'étude de Shaka. Il était presqu'arrivé quand trois jeunes filles qui courraient le bousculèrent. Il tomba assis sur un tas de rondins de bois et retint l'une d'elle sur ses genoux, lui évitant de faire une très mauvaise chute.

- Eh bien ! Faites attention damoiselles !

- Pardon monsieur ! s'excusèrent-elles dans un parfait ensemble.

- Soyez plus prudentes. Votre amie a bien failli se faire très mal.

- Merci de m'avoir retenue.

Milo regarda la jeune fille et en fut tout retourné. Avait-il déjà vu minois plus adorable ? Avec ces longs cheveux noirs à peine ondulés et ses grands yeux d'un vert si clair qu'ils en étaient presque transparents, elle ressemblait à un petit lutin des Légendes Anciennes. Il lui sourit et elle rougit jusqu'à la racine des cheveux.

- N'êtes-vous pas le Maître de Traque ? demanda soudainement l'une d'elle, blonde comme les blés, avec de petits yeux lavande coquins.

- Si, c'est moi. Nous nous connaissons ?

- Non, mais j'étais là quand on vous a ramené blessé.

- Que n'ai-je ouvert les yeux à ce moment ? La vue d'un si charmant visage m'aurait redonné des forces bien plus vite, déclara-t-il plus charmeur que jamais.

Et une autre de se mettre à rougir. Il tenait toujours contre lui celle qui lui était tombée dessus et s'il resserra légèrement son étreinte sur sa taille, elle ne sembla pas vouloir s'en dégager.

- Voulez-vous que l'on vous accompagne là où vous vous rendez ? intervint la troisième, un peu vexée d'être laissée pour compte.

- Eh bien… pourquoi pas ? Avec une escorte telle que la vôtre, je ne risque absolument rien si ce n'est de faire des jaloux.

- Voudriez-vous bien ôter votre main de ma hanche ? fit la première qui réalisa que la coupable avait glissé un peu plus bas.

- Que craignez-vous ? Dans mon état, vous n'auriez aucun mal à m'échapper s'il me prenait l'envie d'être moins respectueux envers vous. Et puis nous sommes en pleine rue.

- Effectivement nous ne craignons rien d'un boiteux ! s'esclaffa la petite blonde.

- Crois-tu ? rétorqua le jeune homme, amusé. Je suis le Maître de Traque, ne l'oublie pas, murmura-t-il, ses yeux brillants soudainement d'une étrange et irrésistible lueur. Maintenant que j'ai senti votre odeur, je suis capable de vous retrouver… n'importe où.

La petite brune tenta de se défaire du bras du chasseur en vain et les deux autres reculèrent prudemment. Il éclata de rire.

- Si vous pouviez voir vos têtes ! Allons, je suis aussi doux et gentil qu'un chaton. Nous y allons ?

Un peu rassurées, les trois jeunes filles l'encadrèrent alors qu'il s'appuyait sans vergogne sur son petit lutin. Ils arrivèrent enfin devant l'étude de l'Ecrivain Public.

- Vous voilà arrivé, fit la jolie blonde avec un large geste du bras.

- Vous avez ma reconnaissance éternelle, gentes demoiselles. N'ai-je pas droit à une récompense pour t'avoir évité de tomber ? susurra-t-il en se retournant vers la brune.

Et avant qu'elle n'ait pu esquisser un geste de recul, il l'attira contre lui et l'embrassa. De surprise, elle mit ses bras contre le torse de Milo pour le repousser, mais le baiser lui fit tourner la tête. Ses jambes devinrent molles, son cœur s'emballa. Elle répondit maladroitement à ces lèvres sur les siennes qui lui donnaient brusquement chaud.

- Ton premier baiser ? chuchota le jeune homme à son oreille qu'il mordilla au passage.

Un soupir lui répondit, lui tirant un sourire d'amusement. Il s'écarta et la regarda. Dans ses yeux brillait la flamme du premier émoi charnel, si attirante, si chaude. Une flamme à laquelle Milo aurait adoré se bruler s'il avait eu plus de temps et si le lieu s'y était mieux prêté.

- Tu ne l'oublieras jamais, ajouta-t-il avant de la lâcher.

Il pivota et entra dans l'étude. Dehors, les trois jeunes filles s'éloignèrent en riant, excitées comme des puces. La petite brune se retourna à plusieurs reprises, dans le fol espoir qu'il ressortirait peut-être, qu'il l'appellerait, qu'il… Qu'il quoi ?

- Tu ne peux pas t'empêcher de courtiser tout ce que bouge, hein ?

- Bonjour Shaka. Je m'occupe comme je peux. Je m'ennuie.

- Et était-il besoin de bouleverser cette pauvre fille ?

- Avoue qu'elle est adorable.

- J'avoue mais je croyais que tu préférais des partenaires plus expérimentés.

- Oui mais tout le monde a été débutant un jour ou l'autre non ? Et il faut bien rencontrer quelqu'un qui te fera acquérir cette expérience.

- Et tu te proposais d'être ce… quelqu'un pour cette fille ?

- Pourquoi pas ?

- Que me vaut le plaisir de ta visite ? sourit le maître des lieux en s'asseyant derrière un bureau qui disparaissait sous les parchemins, les rouleaux et les manuscrits.

- Je n'ai pas encore l'autorisation de retourner en forêt alors j'essaie de me rendre utile. Je t'en prie Shaka ! Dis-moi que je peux t'aider ! Je vais devenir fou à rien faire !

L'homme blond regarda un instant son compagnon puis sourit plus largement devant la mine désespérée de ce dernier.

- Tu as de la chance. J'ai effectivement besoin d'aide. J'ai pris du retard dans le classement quand j'ai remplacé Gabriel auprès des enfants de l'école et je n'arrive pas à le rattraper.

- Merci Shaka !

L'Ecrivain Public lui expliqua brièvement ce qu'il fallait faire et Milo et se mit au travail courageusement. Les étagères croulaient sous la quantité de documents qu'elles supportaient. Pourtant, tout était minutieusement organisé. Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Milo vit passer entre ses mains toutes sortes d'écrits. Des actes de naissance, de mariage, de ventes de terrains, d'animaux, des reconnaissances de dettes… Régulièrement, des hérauts entraient pour prendre ou déposer des lettres qui seraient acheminé à leur destinataire par Shiva. Le jeune homme avait toujours montré des facilités pour les lettres et la littérature. Aussi Shaka l'avait-il pris comme coursier en attendant d'en faire son apprenti. Parfois, un homme ou une femme entrait pour demander la rédaction d'une lettre ou bien l'établissement d'un document officiel, et l'Ecrivain se rendait immédiatement disponible.

- C'est toujours aussi mouvementé ? demanda Milo.

- Là c'est plutôt calme. Mais avec les beaux jours qui reviennent, les gens vont vouloir s'enquérir de la santé de leur famille qui vit à l'autre bout du Royaume ou à Asgard.

- Pourquoi ne prends-tu pas quelqu'un pour t'aider ?

- J'ai Shiva mais lui aussi est débordé par ses livraisons. Et avec la fin de la guerre ça va être pire.

- Dis, ce truc date de six mois. Tu dois pas l'archiver ?

- Si, répondit Shaka après avoir lu la feuille. Mets-le dans cette corbeille.

- Je commence à avoir faim. Pas toi ?

- Il y a une taverne à côté…

Ooooo00000ooooO

Assises aux côtés de leur Princesse, Seika et Shunrei l'aidait à broder son trousseau de mariage. Depuis un long moment, Saori avait cessé de manier l'aiguille et regardait par la fenêtre. Seika donna un léger coup de pied à Shunrei qui leva les yeux de son ouvrage. Elles tournèrent toutes deux leurs regards vers la jeune fille. Cela faisait maintenant plusieurs semaines que le Roi avait informé sa fille de sa décision et elle n'avait plus souri. Pas une seule fois. Le mariage récent de Seika et Ikki l'avait même faite pleurer quand elle s'était retrouvée dans sa chambre. Elle s'était effondrée dans les bras de Shunrei alors que Seika consommait sa nuit de noces. Ce mariage lui rappelait trop le sien, même si elle en ignorait encore la date. Les deux dames de compagnie craignaient véritablement pour le moral de leur Princesse. Elles savaient aussi qu'elle n'avait plus revue Seiya. Peut-être tentait-elle de se détacher complètement de lui pour souffrir le moins possible quand le moment de partir viendrait ? Shion avait même suggéré d'écarter tout objet pointu ou tranchant de Saori et de ne lui laisser les utiliser qu'en présence de quelqu'un. Qui sait à quelles extrémités son désespoir pourrait la pousser ?

- Seika ? fit la voix désincarnée de Saori. Demande à June de trouver Seiya et de lui dire que j'aimerais le voir ce soir à l'endroit habituel.

- Mais… Princesse ! Le Seigneur Shion le saura immédiatement !

- Aucune importance. Il n'y a que comme ça que je peux parler à Seiya en tête à tête.

- Très bien, s'inclina la jeune femme.

La détermination de Saori la convainquit de ne pas tenter de discuter ou bien la Princesse serait tout à fait capable d'aller trouver le Chevalier chez lui. Et alors là, c'en était fini de sa réputation à elle et de sa vie à lui. Saori retourna à sa contemplation de la fenêtre. Shunrei qui l'observait, avait le cœur lourd pour elle.

- Crois-tu que si mon trousseau n'est pas prêt à temps, cela retardera mon mariage ? demanda la Princesse d'une voix qui semblait sortir d'un rêve.

- Je… je ne sais pas, Altesse. Mais votre père serait capable de nous adjoindre des brodeuses pour nous aider. Alors autant le faire nous-mêmes, non ?

- Oui… finit par répondre la jeune femme d'un ton absent. Oui… tu as sans doute raison… Et si nous finissions avant la date prévue, peut-être que je pourrais me marier plus tôt et mettre un terme à cette attente qui me brise un peu plus chaque jour.

- Altesse, je ne crois pas que, quoi que nous fassions, la date de votre mariage changera. Votre père l'a certainement déjà arrêtée avec le Roi Poséidon. Il ne sert à rien de spéculer là-dessus. Vous vous faites du mal pour rien.

Seika revint à ce moment. Elle regarda Shunrei qui secoua la tête d'un air désolé.

- June est allée prévenir le Chevalier Seiya. Elle viendra nous donner sa réponse le plus discrètement possible.

- Merci.

- Dame Seika ? fit un serviteur qui était entré soudainement, sans frapper. Votre époux a été emmené au dispensaire. Il est blessé.

Ooooo00000ooooO

Requiem for the nameless Dead - Adrian von Ziegler
Déchirement et colère

Le soir même, dans la remise de l'écurie, Saori attendait. Seiya était en retard. Soudain, elle entendit du bruit. Son cœur fit un bond dans sa poitrine.

- Saori ?

- Je suis là, répondit-elle en reconnaissant sa voix.

- Pardon pour mon retard. Albior n'en finissait plus de nous sermonner.

- A quel propos ?

- Ikki a été blessé cet après-midi par un soldat. C'est un accident mais les hommes ont été choqués. Alors le Colonel a cru bon de remettre les choses au point pour remotiver tout le monde.

- Je vois…

- Tu m'as tellement manqué, murmura le jeune homme en tendant les bras pour la serrer contre lui. Mais elle se déroba.

- Je suis désolée de ne pas t'avoir contacté mais tu sais que je suis surveillée. Shion est au courant pour nos rendez-vous.

- Shion ? s'exclama Seiya, une note de panique dans la voix.

- Ne t'inquiète pas. Tu n'as rien à craindre de lui. Du moins tant que nous ne faisons rien de répréhensible, précisa-t-elle.

- Alors pourquoi ce rendez-vous ?

- J'avais besoin de savoir comment tu allais et il n'y a que comme ça que nous pouvons être seuls, sans avoir besoin de faire attention à chaque parole que nous prononçons.

- Mais tu fuis mes bras.

- Seiya, soupira-t-elle. C'est déjà bien assez difficile de te voir ainsi. Si je me retrouve dans tes bras, je ne voudrais plus jamais en partir. Alors ? Comment vas-tu ?

- Pose-toi la question et réponds-y. Tu sauras alors ce que j'éprouve.

- Tu as donc songé à mettre fin à tes jours. Parce que moi j'en suis là.

- Saori ! Comment peux-tu dire une chose pareille ! Tu es folle ?

- Bien sûr que je suis folle. Folle d'amour pour toi. Alors mourir me semble encore la meilleure issue puisque je ne pourrai jamais être ta femme.

- Non… non…, murmura Seiya en la prenant dans ses bras sans qu'elle n'esquive cette fois-ci. Tu ne dois pas renoncer à la vie pour moi. Jamais je ne le supporterai. Comment pourrai-je vivre en sachant que… Je ne peux même pas le dire. Saori, si tu m'aimes tu dois vivre !

- Si je t'aime ? Tu doutes de mes sentiments ? s'offusqua-t-elle, blessée.

- Non, je n'en doute pas. Mais tu dois rester en vie. Tant que nous sommes vivants, l'espoir de nous revoir sera toujours là. Il ne faut pas perdre cet espoir.

- Seiya, quel espoir puis-je avoir en sachant que je vais appartenir à un autre ? Que je vais porter les enfants d'un autre ? Ma vie sera un enfer.

- Ton mari pourrait mourir jeune. Tu deviendrais alors Reine des Océans et tu épouserais qui bon te semble en seconde noce.

A la faible lueur qui entrait par les planches disjointes de la remise, la Princesse tenta de voir le visage de son compagnon. Elle découvrit un sourire taquin et un regard tendre. Elle ne peut s'empêcher de sourire à son tour.

- Tu ne peux pas être sérieux un instant ?

- Je suis sérieux. Ce que je viens de dire peut arriver. Mais si tu meurs, ça n'arrivera jamais. Garde l'espoir, Saori. Je t'en prie. Au nom de notre amour…

- Tu ne te battras pas pour moi ? Au nom de notre amour ?

Seiya sursauta. Il ne s'attendait pas à cette question. Il croyait avoir réussi à la calmer mais, elle poursuivait dans sa ligne de pensée.

- Dis-moi ce que tu veux que je fasse.

- Je ne sais pas… Demande ma main à mon père.

- Il me la refusera sans même me donner de raison.

- Tue Julian pour moi.

- Je ne crois pas pouvoir l'approcher d'assez près et cela remettrait en cause la paix entre nos deux Royaumes. Il faut penser au peuple qui souffre.

- Alors fais de moi ta femme ! Maintenant ! Ici ! cria-t-elle.

- Saori ! Ça suffit ! s'emporta-t-il à son tour en la secouant par les bras. Je vais vraiment croire que tu deviens complètement folle ! Comment peux-tu tenir de tels propos ?

- Et toi ? Comment peux-tu dire que tu m'aimes alors que tu cherches toutes les excuses pour ne pas te battre pour nous !

- Je ne cherche aucune excuse ! J'essaie simplement de faire ce qui est juste. Et toi tu ne fais que te montrer égoïste ! L'intérêt du Royaume doit passer avant nos propres sentiments.

- Tu me sacrifies à un autre pour le bonheur de quelques paysans ? Et mon bonheur à moi ?

Seiya recula comme s'il venait de recevoir une gifle. Jamais il n'aurait cru entendre de tels mots dans la bouche de sa bien-aimée. Elle qui était prête à tout faire pour assurer la paix entre les deux peuples, qui avait été élevée dans un esprit de total dévouement envers les habitants du Sanctuaire... Mais que lui arrivait-il ?

- Sans ces quelques paysans, comme tu dis, fit-il d'une voix dure, ton Royaume n'est rien. Et une Reine sans sujet est encore moins que rien. Tu n'es plus la femme dont je suis tombé amoureux. Elle n'aurait jamais dit une telle chose. J'ignore qui tu es mais ne t'approche plus de moi.

- Si tu m'abandonnes, je me vengerai ! hurla-t-elle.

- Alors pour ça, il faudra que tu restes en vie.

Il sortit de la remise en marchant, la tête basse. Il ne fit que quelques mètres quand une poigne de fer le stoppa. Il bondit en arrière et sortit son épée.

- Rengaine ça ! Tu vas te faire mal.

La silhouette sortit de l'ombre et le Chevalier reconnut le Médecin Royal.

- Seigneur Shion ?

- N'aie pas peur.

- Pourquoi êtes-vous là ?

- Saori te l'a dit. Elle est surveillée. Je sais tout ce qu'elle fait et presque tout ce qu'elle dit. Je voulais juste te remercier.

- Pardon ?

- Tout ce que tu viens de lui dire lui a donné une raison de ne pas tenter de mettre fin à ses jours. Si elle envisage de se venger de toi, elle oubliera ses idées de suicide.

- Je n'ai pas fait ça dans ce sens…

- Je m'en doute. Tu n'as pas l'esprit assez manipulateur pour ça. Mais ça a marché et c'est l'essentiel. Alors je te remercie.

- Avez-vous conscience de ce que nous endurons ? demanda Seiya qui était moins impressionné, maintenant.

- Oui, je le sais. Mais nous devons avoir l'espoir que cette paix à laquelle nous aspirons tous pourra naître et grandir nourrie par le sacrifice de votre amour.

- Des mots tout ça ! On voit que vous aimez vous écouter parler ! Et pendant ce temps, nous mourons petit à petit. Sacrifier des gens en brandissant l'étendard d'un idéal noble et vertueux ça ne vous dérange pas du moment que ce n'est pas vous qui faites ce sacrifice !

Shion attrapa Seiya à la gorge et le plaqua brutalement contre le mur. La lune qui brillait éclairait le visage du Médecin d'une lumière froide et spectrale.

- Tu ignores tout de ce mot, murmura l'homme d'une voix dangereusement basse. Tu ne me connais pas, Seiya. Tu ne sais rien de moi. Alors ne me sors pas de belles phrases toutes faites, entendues dans une taverne miteuse en espérant m'impressionner. Tu ne sais pas ce qui est en jeu. Tu n'en as pas la moindre idée.

- Si vous m'expliquiez, je comprendrais sûrement, gargouilla Seiya pour tenter d'apaiser Shion.

- Tu présumes trop de ton intelligence. Laisse les jeux d'échecs aux grands et contente-toi de jouer aux dés. Mais je suis sincère dans mes remerciements. Maintenant, agis en fonction de ce que tu viens de lui dire et ne cherche pas à la revoir. Même si elle te donne un autre rendez-vous. Tu m'as compris ?

- Ou… oui…

Shion le lâcha et disparut dans l'ombre de la rue, comme il était apparu. Une silhouette s'approcha de lui.

- J'aimerais que tu gardes un œil sur lui, Aïoros, chuchota le Médecin. Je peux m'occuper de Saori mais j'ai plus de mal à déterminer ce que Seiya pense.

- Tu crois qu'il pourrait aller jusqu'à s'enfuir avec la Princesse ?

- Non mais il est lui aussi désespéré. Arrange-toi pour lui occuper l'esprit autant que possible jusqu'au mariage. Une fois devant le fait accompli, il ira beaucoup mieux. Tu es son instructeur et son supérieur, il t'obéira.

- Très bien, je me charge de lui. A demain…

- Bonne nuit…

Les deux hommes se séparèrent et rentrèrent chez eux. Shion referma la porte de son appartement avec un profond soupir de lassitude. Il avait eu une journée chargée en travail et en émotions. Trois fractures à réduire et à immobiliser, deux extractions dentaires, trois accouchements dont un plutôt long et difficile. Et Dohko qui n'avait rien trouvé de mieux que de venir lui faire la morale…

Même jour, dans la matinée…

C'est un Maître Forgeron essoufflé et couvert de sang qui entra dans l'atelier de Dohko. Le Maître d'Armes écouta attentivement le récit de Mû et le suivit après s'être lavé rapidement. Il enfila une chemise et un pourpoint et se rendit au dispensaire. Il prit le temps d'observer l'agencement des lieux et apprécia véritablement le travail accompli. Il chercha des yeux le Médecin Royal en vain. Il surprit l'éclat d'une chevelure vert clair dans l'encadrement d'une porte qui donnait sur une immense cour intérieure où d'énormes baquets suspendus au-dessus de fosses pleines de braises servaient à faire bouillir de l'eau pour laver et désinfecter de grands draps de lin et de coton.

David et Diane arkenstone-The Spirit of Excalibur
Remise en question

Il trouva Shion derrière un étendoir qui ne supportait pas moins d'une dizaine de draps en train de sécher. Il était assis par terre, les bras sur ces genoux relevés, la tête baissée.

- Alors c'est là que tu t'caches ?

- Je n'me cache pas. Je fais une pause.

- On m'a dit que tu avais des gestes hésitants, poursuivit Dohko en s'asseyant à son tour à côté de son amant.

- On ? Qui ça "on" ?

- Je sais que tu penses encore à Dilwen, reprit le Maître d'Armes sans répondre à la question. Qu'est-ce que t'arrive, Shion ?

Dohko pencha la tête et tenta de capter le regard du Médecin qui gardait obstinément les yeux au sol, entre ses pieds.

- C'est la première fois que je te vois si affecté par la perte d'un patient. La mort fait partie intégrante de ton métier. Tu l'as toujours su et tu l'as accepté. Et c'est ce qui fait de toi un médecin si exceptionnel parce que même si tu acceptes la mort, tu luttes toujours contre elle. Alors qu'est-ce qui est différent avec cette femme ? Elle n'est pas la première qui meurt en couches. Malheureusement, il y en aura d'autres. Shion, tu ne peux pas sauver tout le monde. Tu n'es qu'un homme.

- Je le sais bien, murmura le Médecin. Aujourd'hui, on me remercie pour le dispensaire, Brendan pour avoir soigné sa dent, Kieran parce qu'il marche, Nya parce qu'elle a un petit garçon dont elle va prendre soin même si ce n'est pas le sien.

- Tu devrais en être content.

- Moi je ne vois pas les choses de cette façon. Il manque une dent à Brendan, j'ai coupé son pied à Kieran, je n'ai pas su voir que Roan était malade, même la blessure de Milo s'est infectée. Et Dilwen est morte ! Et on me remercie pour ça !

Shion avait haussé le ton sur ses derniers mots. Il mit son visage dans ses mains et poussa un long soupir. Dohko fut bouleversé de voir que son ami était si affecté. Jamais il n'aurait pensé que Shion avait une vision si sombre de son métier. Depuis quand en était-il arrivé à ne voir que l'aspect noir ?

- A chaque fois que je dois opérer, j'ai peur d'oublier quelque chose qui va mettre en danger la vie du blessé. Je suis terrifié à l'idée qu'Ikki ne s'en sorte pas !

- Pour une simple coupure ? s'étonna Dohko.

- Ce n'est pas la blessure qui est grave. C'est le risque d'infection. Si je me lave mal les mains, si mes instruments ne sont pas correctement désinfectés, si les linges ne sont pas assez propres, tout ça peut coûter une vie. Si le sang est infecté, les chances que le patient s'en sorte sont infimes. Et je suis responsable. Tu comprends ça ?

- Shion, regarde-moi, fit Dohko en lui soulevant le menton pour capter son regard. Il y a des gens qui comptent sur toi. Alors tu ferais bien de penser à eux. La mort de Dilwen est dramatique, mais t'apitoyer sur toi-même ne la ramènera pas. Tu perdras encore des patients et tu le sais. Si tu ne changes pas d'état d'esprit, dis-moi à quoi te sert d'avoir créé ce dispensaire ?

A quoi bon effectivement d'avoir retapé ces vieilles granges sinon pour améliorer le confort des malades et la qualité des soins ? Si ce n'est pas pour se donner les moyens de travailler plus efficacement, un tel chantier était bien inutile et les hommes employés à cette tâche auraient été bien mieux utilisés à d'autres travaux.

- J'ai le sentiment d'avoir commis une erreur. Une erreur qui a causé la mort d'une femme et pour laquelle personne ne me sanctionnera parce que je suis un médecin. C'est la même chose que si je lui avais passée une épée au travers du corps.

- C'est une sanction que tu cherches ? Tu veux qu'on te juge comme un criminel et qu'on prononce une sentence ? Soit. Regarde autour de toi. Les gens t'ont jugé. Jugé apte à continuer de les soigner et ta punition ce sont les sourires qu'ils t'adressent. Avec Dilwen, la mort a été la plus forte. Mais combien d'autres personnes lui as-tu dérobé en les soignant et en les sauvant de sa faux ? Une mort pour des dizaines de vies. Ce ne serait pas le cas d'un médecin médiocre. Ça, c'est le résultat d'un médecin qui lutte sans relâche, qui garde toujours l'espoir de faire reculer l'inéluctable. Nous mourrons tous un jour mais toi tu arrives à repousser ce moment. C'est ça que tu fais, Shion. Et c'est tout ce que les gens te demandent. Retarder l'instant de leur trépas tout en sachant que tu ne pourras le faire indéfiniment. Uniquement ça. Ils savent que tu combats un ennemi invincible mais tu le fais sans jamais renoncer, sans jamais baisser les bras. Parfois tu gagnes et parfois tu perds.

- A quoi bon alors que je me batte si de toute façon, c'est un combat perdu d'avance, hein ? Explique-moi à quoi ça sert ?

- Parce que tu es ainsi. C'est en toi comme c'est en nous tous. C'est l'instinct de survie. La vie c'est l'espoir. L'espoir de vivre ne serait-ce qu'un jour de plus, de voir encore un lever de soleil, d'être ébloui une dernière fois par le sourire d'un enfant. Et c'est de cet homme dont je suis éperdument amoureux.

- Je n'ai plus la force…

- Tu n'es pas seul. Je suis là. Es-tu prêt à te remettre debout et à avancer ?

- Je ne demande que ça. Mais j'ai perdu de vue les raisons qui me poussent à me battre. C'est comme si Dilwen les avait emportées avec elle pour me punir de ne pas l'avoir sauvée.

- Son fils vit grâce à toi. Où qu'elle soit, elle t'est reconnaissante pour ça. N'importe quelle mère est prête à offrir sa vie pour son enfant. Et c'est ce qu'elle a fait. Elle t'a autorisé à lui ouvrir le ventre sachant ce qu'elle risquait pour que son enfant ait une chance de vivre. Et tu as réussi. Tu penses qu'elle t'en veut de sa mort ? Détrompe-toi. D'où elle est, elle voit son fils grandir auprès d'une autre femme qui va l'aimer de tout son cœur. Comment tu peux croire qu'elle t'en voudra pour ça ? Je pense au contraire que c'est ton attitude actuelle qui doit fortement la décevoir. Alors… en mémoire d'elle… Relève-toi !

Dohko avait crié ces deux mots. Shion sursauta. Il avait besoin de réfléchir à tout ce qu'ils venaient de se dire, mais il n'en avait pas le temps pour l'instant. Il se leva lourdement et fit face au Maître d'Armes.

- Je ne sais pas si je vais parvenir à surmonter tout ça, néanmoins, je te promets de faire de mon mieux, murmura-t-il devant le regard déterminé de Dohko. Si seulement je pouvais voir le destin de chacun dans les Etoiles plutôt qu'une partie de celui des hommes…

- C'est ça. Faire de ton mieux, c'est tout ce qu'on te demande. Et c'est déjà formidable de pouvoir comprendre les messages du ciel, même s'ils manquent de détails pour chaque individu. Tu ne t'en sortirais plus. Surtout n'oublie pas que je suis avec toi à chaque instant. Que je t'aime infiniment.

Dohko prit le visage de Shion en coupe dans sa main et l'embrassa avec tendresse. Le Médecin répondit voracement à ce baiser et plaqua son amant contre le mur. Il se colla à lui et se mit à le caresser fébrilement.

- Shion… hmm… arrête…

- Quoi ?

- Ce n'est ni le lieu, ni le moment.

- Je… j'en ai besoin… là… tout de suite…

- Non !

- Fais-moi oublier… que j'ai failli baisser les bras…

- J'ai dit non !

- Dohko !

- Ce dont tu as besoin, c'est de retourner auprès des malades. C'est le seul remède à tous tes maux. C'est le meilleur traitement que tu puisses t'administrer. Soigner, c'est ta vie.

- Ma vie, c'est toi.

- Bon, je fais aussi partie du traitement, si tu veux. Mais moi, je suis un remède beaucoup plus efficace quand il est pris un peu avant de dormir, termina-t-il dans un murmure malicieux.

Shion éclata de rire. Les deux hommes retournèrent chacun à leurs occupations après un dernier baiser plein de tendresse et de promesses. Le Médecin termina sa journée épuisé, mais l'esprit plus serein. Il se sentait revigoré. Sachant que Dohko l'attendait, ça ne le motiva que d'avantage et il ne fut pas déçu. Le Maître d'Armes se montra particulièrement fougueux et sauvage, à sa plus grande satisfaction. Mais dans la nuit, il fut averti d'un rendez-vous secret entre Saori et Seiya…

Ooooo00000ooooO

Le temps passait paisiblement. Le soleil se couchait plus tard, les jours rallongeaient nettement. L'air était moins froid et les pluies ressemblaient de plus en plus à de brefs orages qui surprenaient parfois par leur violence. Mais c'en était fini des longues journées grises et humides. Autour d'Egide, les habitants, des réfugiés pour la plupart, avaient construit des maisons. Avec le temps, ils avaient amélioré ce qui au départ n'étaient que de simples abris de fortune. Les champs s'étaient étendus pour nourrir une population toujours plus grande. Du haut de la colline de Star Hill, le sol semblait s'être couvert de tâches de différents verts. Les céréales avaient été semées et les premières pousses commençaient à sortir de terre. Les arbres nus et décharnés prenaient une auréole d'un vert tendre. Les amandiers avaient déjà perdu leurs fleurs et les fruits grossissaient de jour en jour. Tout le monde avait vu les premiers vols d'oies sauvages qui revenaient passer l'été dans le nord du Royaume. Les nuages d'étourneaux avaient obligé les paysans à planter des épouvantails dans les champs pour les effrayer. Et de loin en loin, les prairies se paraient d'un tapis de fleurs de toutes les couleurs dont raffolaient les vaches et les moutons. Dans les forêts, on entendait les chants d'oiseaux qui s'étaient tus avec l'hiver. La nature, belle et généreuse, explosait avec une violence bridée pendant de trop long mois. Le temps du renouveau était là.

Le Roi Mitsumasa avait reçu des rapports indiquant que les premiers soldats de retour du front ne tarderaient plus à arriver. L'information de la fin de la guerre allait se répandre à la vitesse d'un aigle en piqué. Il était temps d'annoncer officiellement la nouvelle à tout le monde. Il avait convoqué un Conseil Royal extraordinaire et avait demandé à Shaka d'être présent. Shion bien sûr, était là, ainsi que l'Ambassadeur d'Asgard, Albéric de Megrez. Le Médecin fut surpris par sa maigreur et son teint blafard. Il n'était pourtant pas malade, il l'aurait su. Trop de travail peut-être. Toujours est-il que c'en était inquiétant.

Les Ministres arrivèrent presque tous ensemble. Chacun s'assit à sa place après avoir salué le Roi. Shion et Shaka se doutaient bien de quoi il serait question.

- Messieurs, commença le Roi, je vais faire bref et brutal. La Princesse Saori va épouser le Prince Julian des Océans. Ce mariage met un terme définitif à la guerre. Leur union sera célébrée au début du mois de juin dans la capitale, Atlantis. Ensuite, ils viendront ici pour que le Prince découvre le pays sur lequel il sera appelé à régner un jour. De nombreuses dispositions afférentes à cet évènement ont déjà été prises là-bas et nous allons commencer à organiser la cérémonie ici. Le départ de ma fille est prévu pour les premiers jours de mai. Il faudra environ trois semaines pour rallier Atlantis dans des conditions normales de voyage. Seigneur Manigoldo, en tant que Ministre des Armées, je vous laisse carte blanche pour organiser l'escorte de la Princesse. Y a-t-il des questions ?

Un grand silence entoura la table de réunion. Tous observaient le Roi, incrédules, se regardaient entre eux, cherchant peut-être le signe qu'ils avaient mal compris les paroles du Souverain. Un léger rire se fit entendre. Tous les regards se tournèrent vers le Seigneur Rasgado, le Secrétaire à l'Agriculture. Un rire qui enfla pour éclater comme un coup de tonnerre hors de cette grande carcasse et en entraîner d'autres avec lui. Après le silence, la joie se répandit dans les cœurs et les esprits des hommes présents. Ils riaient, se regardaient, regardaient leur Roi qui leur souriait, soulagé de voir que cette nouvelle était si bien accueillie, bien qu'il n'en ait jamais douté. Il connaissait bien les hommes de son gouvernement et cet évènement les réjouissait sincèrement, il en était persuadé.

- Majesté, finit par réussir à dire le Seigneur Dégel, pourquoi ne nous avoir rien dit ? C'est une merveilleuse nouvelle et nous aurions pu en discuter tous ensemble.

- Si j'avais échoué dans ma démarche, j'aurais été le seul à porter le fardeau des conséquences. Je ne voulais pas vous accabler d'avantage avec un échec. J'aurais été le seul à blâmer.

- Pensez-vous sérieusement que nous aurions pu vous reprocher cet échec ? intervint Sisyphe, le Ministre de la Justice. Au contraire, nous aurions été à vos côtés pour transformer cette défaite en succès.

- C'est exact, Sire, renchérit le Seigneur El Cid. Nous nous serions battus en multipliant les démarches auprès de Poséidon pour qu'il consente à cette union.

- De toute façon, il est inutile de débattre plus longtemps puisque tout se déroule pour le mieux. Maintenant nous allons devoir organiser cet évènement.

- Majesté, intervint le Ministre de l'Intérieur, le premier à reprendre ses esprits, puis-je envoyer des éclaireurs sur la route qu'empruntera votre fille afin de nous assurer qu'il n'y a pas de lieux propices aux embuscades et éventuellement de sécuriser ses endroits ?

- Excellente idée, Seigneur Deutéros. Maître Shaka, veuillez rédiger l'annonce que feront tous les hérauts aux quatre coins du Royaume.

- Bien, Majesté.

- Seigneur Cardia, reprit le Souverain, créez des groupes de personnes dont la tâche sera de nettoyer les rues d'Egide.

- Oui Majesté. Avec le dispensaire qui est désormais opérationnel, nous avons plus de place que dans la salle de Garde et la cour principale. Tout sera remis en ordre.

- Je veux que les rues et les routes soient remises en état. Leur entretien a été négligé depuis de nombreuses années et certains endroits sont même dangereux.

- Mon secrétaire pourra se charger de cette mission, proposa le Ministre Dégel, voyant là une occasion d'avoir encore plus d'yeux et d'oreilles au plus près la population

- Seigneur Régulus, avec l'arrivée des premières récoltes, il serait peut-être judicieux d'établir des lieux plus vastes pour les marchés. Les échanges doivent augmenter sans tarder.

- Je vais m'y employer, Majesté, affirma le Ministre du Commerce.

- Seigneur Asmita, vous rassemblerez les rapports de tout le monde et me tiendrez informé.

Le Premier Ministre hocha la tête en signe d'assentiment. Shion regarda Shaka brièvement et caressa son médaillon. L'Ecrivain Public ferma un bref instant les paupières, lui indiquant par là qu'il avait compris. L'Ambassadeur n'avait pas prononcé un mot, et pour une raison inconnue, cela réveilla la méfiance des deux hommes.

- Ambassadeur de Megrez, vous étiez déjà prévenu de cette nouvelle. Veuillez réitérer l'invitation à votre Souveraine pour les noces qui auront lieu ici.

- C'est avec un immense plaisir que j'écrirai cette lettre, Majesté, répondit le jeune homme avec un sourire de circonstances.

Trahison

Voilà le renseignement qui lui manquait. Après avoir envoyé quelques courriers sans réelle importance aux ravisseurs de Freya, l'Ambassadeur d'Asgard en avait reçu un en retour, le pressant de livrer des informations ayant plus de valeur, faute de quoi, la jeune femme serait moins bien traitée. Il avait retardé le plus possible l'envoi de cette nouvelle, mais maintenant qu'elle allait devenir public, il ne pouvait plus se permettre d'atermoyer. Cela devrait satisfaire ce monstre d'Hadès. Il était impatient que la réunion prenne fin pour envoyer ce pli. Et sa fébrilité, son désintéressement soudain pour ce qui se disait autour de la grande table n'échappa pas à Shion. Brusquement, il ressentit le besoin impérieux de se rendre à Star Hill mais cela ne le surprit pas plus que ça. C'était un évènement d'importance qui allait être révélé et ses conséquences seraient nombreuses. Les Etoiles avaient certainement beaucoup de choses à dire.

 

Albéric referma la porte de son appartement. Le soupir qu'il poussa était à la limite de la plainte. Tout son corps tressaillait. Malgré sa hâte d'écrire ce courrier, il prit le temps de se préparer une infusion calmante. Il devait réfléchir sereinement et choisir chaque mot avec précision. Il tendit les mains devant lui, elles ne tremblaient presque plus. Il s'assit à son bureau, prit un bout de parchemin, trempa la plume d'oie dans le flacon d'encre noire et écrivit.

 

Fin de la guerre par le mariage des héritiers au début du mois de juin. Départ de la fiancée pour le sud début mai. Tenez votre promesse.

 

Il roula le bout de papier et le glissa dans un minuscule étui de cuir. Il écrivit un second courrier pour la Reine Hilda qu'il confia à un serviteur avec ordre de l'amener à l'office des hérauts, insistant bien sur la priorité du message, puis il gagna le pigeonnier. L'oiseau était là, attendant patiemment qu'on ait besoin de lui. L'Ambassadeur attacha solidement le petit rouleau de cuir à la patte griffue et prit l'animal sur sa main. Il sortit du pigeonnier et s'approcha du rebord de marbre. D'un mouvement net, il lança l'oiseau dans les airs. Immédiatement, celui-ci prit la direction du sud. Voilà. Il venait de commettre un acte puni de la peine de mort. Un crime de lèse-majesté. Par deux fois, il s'était rendu coupable de cela. En trahissant sa Reine, et maintenant le Roi Mitsumasa en mettant peut-être en danger la vie de la Princesse. Car si sa sœur était encore vivante, qui pouvait dire que, si Saori tombait entre les mains d'Hadès, se serait pour la garder aussi en otage ? Qui pouvait dire qu'il n'allait pas les tuer toutes les deux ? De toute façon, ça n'avait plus d'importance. Il avait été beaucoup trop loin. Qu'importe maintenant ce qui pourrait lui arriver. Il avait tout fait pour préserver Freya. Son seul espoir était qu'Hadès tienne sa promesse de bien la traiter et peut-être de la libérer quand il n'aurait plus besoin d'elle.

Il redescendit chez lui, s'assit devant la cheminée, un verre de vin carmin à la main et se perdit dans la contemplation des flammes dont il aurait aimé qu'elles brulent son cœur et son âme pour ne plus ressentir l'effroyable morsure de la culpabilité…

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De retour dans son étude, Shaka appela son apprenti et lui apprit la nouvelle. Le jeune homme éclata de rire, se demandant si son Maître ne plaisantait pas. Puis réflexion faite, ce n'était pas le genre de l'Ecrivain Public.

- Je vais te donner une preuve de grande confiance. Tu vas rédiger cette annonce.

- Maître ! s'écria le jeune homme.

- Quoi ? Dis-moi comment tu vas tourner le texte et je te dirai si c'est acceptable ou pas. N'oublie pas que tu te substitues à Sa Majesté. C'est lui qui s'adresse à ses sujets.

- Maître, c'est bien trop important. Je ne suis pas encore capable de…

- Fais-le. C'est urgent. Moi je ne ferai rien.

Shiva regarda l'Ecrivain un instant et comprit que celui-ci ne ferait effectivement rien. Son premier écrit officiel. Et pas pour n'importe qui. Pour le Roi. Il ferma les yeux un bref instant, prit place dans le fauteuil de Shaka, saisit une feuille parcheminée et la plaça devant lui. Puis il déclama le message à voix haute.

- Oyez ! Oyez ! Moi, Mitsumasa, Souverain du Royaume du Sanctuaire informe ses sujets du mariage de la Princesse Saori avec le Prince Julian, héritier du Royaume des Océans. Leur union sera célébrée au début de mois de juin en la Cité d'Atlantis mettant ainsi un terme définitif à la guerre qui oppose nos deux pays.

Ils reviendront à Egide pour une seconde cérémonie qui donnera lieu à des réjouissances et à l'organisation de tournois et de joutes. Nous avons l'immense honneur d'être les témoins de l'avènement d'une ère nouvelle, d'une ère de paix et de prospérité que chacun de nous aura pour mission de protéger. Peuple du Sanctuaire, je suis fier de vivre cet évènement à vos côtés. Oyez ! Oyez ! Oyez !

- C'est très bien. Tu vois ? Ce n'est pas si difficile. Maintenant rédige-le et envoie-le à la copie. Ensuite réunis autant de messagers que tu pourras pour qu'ils partent le plus vite possible. Prends ce sceau. Il te donnera la priorité sur tous les autres courriers internes, termina Shaka en lui donnant la lourde bague en or qu'il portait au majeur droit.

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Wind - Masakazu Yoshizawa
Parler aux Etoiles

La lueur d'un feu éclairait l'entrée de la petite grotte au sommet de la colline de Star Hill. Shion avait décidé de s'y rendre seul, espérant que ses visions ne le plongeraient pas dans l'inconscience, comme la dernière fois. Il laissa l'infusion revigorante qu'il avait préparée au chaud, dans un récipient en fer, tout près des flammes. Sa cape sur les épaules, il grimpa sur le toit de la grotte et s'assit sur la roche froide. Au dessus de sa tête, le ciel était bien dégagé. Quelques nuages sombres s'effilochaient mais ne gêneraient en rien son observation. Il commença le rituel de concentration et de projection de son esprit vers l'immensité noire et mystérieuse. Il reconnut le même schéma concernant le Roi Hadès. C'était si présent qu'il n'avait plus aucun doute désormais. Le Souverain des Ténèbres allait avoir un rôle déterminant à jouer. Mais lequel ? Et à nouveau, il vit cette configuration chargée de menace et de danger qui se rapprochait de celle du jeune Roi. Fallait-il y voir un lien ? Ces deux messages finiraient-ils par n'en faire plus qu'un ? Ou bien s'éviteraient-ils au dernier moment ? Il se remémora le courrier de la Reine Hilda dans lequel elle l'avertissait d'un grand danger mais il ne parvenait pas à le détecter. Il voyait une étoile qui brillait d'un éclat rouge, très loin mais il ne savait pas si c'était contre elle que la Souveraine d'Asgard l'avait mis en garde. Hilda était capable de projeter son esprit beaucoup plus loin que lui, aussi ne mettait-il pas en doute sa lecture. Il aurait juste aimé en avoir la confirmation de ses propres yeux.

La Reine avait parlé d'un drame qui allait frapper le Sanctuaire. Il repéra effectivement un inquiétant groupement d'étoile dans la constellation de la Vierge. Il eut peur. Se pourrait-il que cela concerne Saori ? La décision de son mariage avait-elle ouvert de nouveaux futurs ? Et baignant tout ça, il y avait toujours ce péril tapi dans les l'immensité sombre et insondable du ciel. Shion ressentit la violence et la sauvagerie. Une nouvelle guerre ?

Il ouvrit les yeux et fut assailli par une grande lassitude. Il regagna la grotte non sans quelques difficultés, but l'infusion et se blottit dans les fourrures qu'il avait emportées…

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Dans les jours qui suivirent le Conseil Royal extraordinaire, des dizaines de hérauts partirent aux quatre coins du Royaume pour apporter la bonne nouvelle qui se propagea jusqu'à la presqu'ile de Pallas, tout à l'ouest du pays. Dans toutes les villes, villages et hameaux, ce furent des élans de joie, des farandoles improvisées. Les gens dansaient dans les rues, la musique résonnait dans l'air. Puis passé ces moments d'euphorie bien compréhensible, chacun retourna à son travail avec dans le cœur, une nouvelle détermination. Rapidement, les préparatifs pour fêter le mariage commencèrent. Tout le monde ne se rendrait pas à Egide, mais nombreux étaient ceux qui feraient le déplacement. Les tournois et les joutes étaient ouverts à tous et chaque homme en âge de monter à cheval et de tenir une épée rêvait d'y participer. De plus, c'était là l'occasion de rencontrer de nombreuses personnes d'autres régions, de créer des liens commerciaux ou simplement d'amitié et pourquoi pas de faire la connaissance d'un homme ou d'une femme qui deviendrait un époux ou une épouse.

Egide n'échappait pas à cette félicité. Dans cette ambiance festive, les habitants avaient même été jusqu'à aider les hommes du Seigneur Albafica et du Seigneur Cardia à nettoyer les rues et les remettre en état. Le Seigneur Deutéros avait ordonné la création d'un bataillon d'une centaine des meilleurs hommes pour contrôler la sureté de la route qu'emprunterait la Princesse et la sécuriser si nécessaire.

Le Colonel Albior était à la tête de ce bataillon. Il avait sous ses ordres directs le Capitaine Marine, représentante de la Maison de l'Aigle, le Maître Archer Aïoros et le Maître d'Armes Dohko. Ils étaient accompagnés des Chevaliers Seiya, Ikki, Shun et Shiryu. La colonne s'ébranla aux premières lueurs de l'aube sur la grande route qui descendait vers le sud.

L'air était limpide. Très loin on distinguait la silhouette de la Cordillère du Zodiaque, gigantesque barrière naturelle de granit dont les sommets enneigés flirtaient avec les nuages. Où que l'on regarde, on pouvait voir la nature renaître après un hiver long et rigoureux. C'était une véritable explosion de vie. Et si l'ordre et la discipline était de rigueur, les soldats n'en chevauchaient pas moins avec plaisir. Le soir au bivouac, les rires et les plaisanteries allaient bon train. Seul Seiya ne prenait pas part à cette bonne humeur.

Black Sam - Adrian von Ziegler
Douloureuse confidence

- Tu veux en parler ? fit la voix d'Ikki derrière lui.

- Parler ? De quoi ?

- De ce qui te rend si taciturne. Et ne me dis pas le contraire, je te connais.

- Oh, c'est rien… C'est juste que j'aime pas m'éloigner de la Cité pour des raisons idiotes.

- Sécuriser la route de Saori, tu appelles ça des raisons idiotes ?

- Je suis certain que la route est sûre.

- Qu'en sais-tu ? Tu es devin ?

- Une impression, rétorqua vaguement le jeune homme en se levant du rocher sur lequel il était assis et fit quelques pas.

- Seiya, tu es mon ami et c'est au nom de cette amitié que je ne te mettrai pas mon poing dans la figure alors que tu me prends ouvertement pour un imbécile !

Le Chevalier de la Maison de Pégase regarda son compagnon puis détourna la tête. Ikki fut frappé de la détresse qu'il y avait dans ses yeux. Cela faisait plusieurs jours qu'il avait remarqué le changement de comportement de son ami. Il avait perdu sa jovialité, sa bonne humeur. Et ça, quand on connaissait Seiya depuis aussi longtemps que lui, c'était un signe très inquiétant.

- J'ai vu Saori l'autre nuit, commença le Lieutenant sur le ton de la confidence, elle m'a dit des choses…

- Quoi donc ?

- Par les Dieux ! s'effondra Seiya. Ikki ! Si tu l'avais entendue ! Je ne la reconnaissais plus ! Elle me disait qu'elle voulait se suicider ! Qu'elle ne comprenait pas pourquoi je ne me battais pas pour elle… Pourquoi je faisais passer le bonheur du peuple avant le sien…

- Elle t'a vraiment dit ça ? s'étonna Ikki. Elle a pourtant toujours été la première à venir aider à accueillir et soigner les réfugiés.

- Sur mon honneur, je te jure que c'est vrai. Après quand je lui ai répondu que je ne savais plus qui elle était pour tenir de tels propos et que je ne voulais plus la revoir, elle m'a hurlé qu'elle se vengerait.

- C'est peut-être mieux ainsi, marmonna le Chevalier de Phénix après quelques instants de silence. Je comprends parfaitement les sentiments que vous éprouv… que vous avez éprouvés l'un pour l'autre. Malheureusement, vos destins ne sont pas de cheminer ensemble. Il vaut peut-être mieux que les évènements vous séparent maintenant.

- Mais Ikki ! Comment ça pourrait être plus douloureux ? Je vis un enfer ! J'ai envie de tout casser ! De hurler ! Elle va en épouser un autre ! La femme que j'aime va se marier avec un autre que moi !

- Du calme. Ça ne sert à rien de t'emporter ainsi.

- C'est facile pour toi. Tu as épousé la femme de ton cœur. Comment pourrais-tu comprendre ?

- Parce que j'arrive à imaginer ce que j'aurais ressenti dans le cas contraire. Seiya, je n'ai pas les mots pour te réconforter, et crois-moi j'aimerais bien. J'aurais agi comme toi. Maintenant, je pense qu'elle n'était pas elle-même quand elle t'a dit tout ça. Elle devait être tellement bouleversée qu'elle ne savait plus ce qu'elle disait.

- C'est aussi ce que je pense mais alors j'ai peut-être été trop dur avec elle.

- Non. Tu dois l'oublier et elle aussi. Vous ne feriez que vous faire souffrir d'avantage alors que vous ne pouvez rien changer.

- Tu sais remonter le moral, toi !

- Je t'ai dis que je n'avais pas les mots pour ça. Mais tu peux compter sur moi. Je serai toujours là pour te secouer les puces. C'est quoi ce bruit ?

La main sur la garde de leur épée, les deux Chevalier écoutèrent la nuit un instant. Ils finirent par distinguer une sorte de bruissement régulier. Ils s'approchèrent en silence, tous les sens aux aguets. Ils se regardèrent interloqués quand un gémissement significatif leur parvint. Ils étouffèrent le fou rire qui monta en eux et s'éloignèrent au plus vite. A bonne distance, ils laissèrent éclater leur hilarité.

- Ben y a qui s'ennuient pas en campagne ! hoqueta Ikki en s'appuyant contre le tronc d'un arbre.

- Faut reconnaître qu'y a pas grand-chose à faire le soir à part se saouler, chanter des chansons paillardes ou baiser.

- Et ces deux-là ont choisi la troisième option !

- Bah ! S'ils ne sont pas de garde, on n'va pas leur en vouloir, sourit encore Seiya.

- Tu te sens mieux ? demanda le représentant de la Maison de Phénix, conscient que cet accès de bonne humeur ne durerait pas.

- Un peu… jusqu'à la prochaine fois… Merci Ikki…

- Pas d'quoi…

Ils se glissèrent dans leurs fourrures et même si Seiya eu du mal à trouver le sommeil, il finit par s'endormir. Par-dessus sa silhouette, Ikki avait croisé le regard de Shiryu. Il lui sourit pour le rassurer.

Aux abords du campement, juché sur un petit promontoire rocheux, Dohko venait de prendre sa garde. Sa silhouette armurée se détachait nettement dans la lumière de la lune. Il ne cessait de songer à ce que Shion lui avait raconté à son retour de Star Hill. Le danger menaçait toujours. Plus que jamais, même. Intérieurement, il enrageait de ne rien savoir. Il aurait encore préféré être un simple homme du peuple et subir les évènements au moment où ils se produisent. Savoir qu'il va advenir quelque chose de grave ne permettait pas forcément de l'éviter. C'était usant pour les nerfs. Il savait que son amant était de plus en plus inquiet et il aurait préféré rester à ses côtés, mais il était un soldat et devait lui aussi obéir aux ordres. Heureusement qu'ils se déplaçaient vite. Le bataillon aurait tôt fait d'arriver au village de Lindos, à la frontière avec le Royaume des Océans et de revenir. Quelques jours, tout au plus, mais qui allaient lui paraître interminables. Il bâilla et soupira. Bah, demain, il dormirait sur son cheval…

 

A suivre…

17 18 19 21

 

>> Chapitre 19>>

 

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(1) Cynan : prénom d'origine Celtique qui signifie "Guerrier"

(2) Estoc : coup porté avec la pointe de la lame. Bien souvent mortel car il atteint aisément les organes vitaux.

(3) Taille : geste qui consiste à frapper avec le tranchant de la lame. Moins mortel que le coup d'estoc.

 


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