LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES...

 
   

Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur.

Genre
:
Univers Alternatif à tendance celtico-médiévale et Heroic Fantasy. Aventure/Romance. Certains couples sont très inhabituels. Yaoi, het et lemon bien sûr.

Rating : interdit au moins de 18 ans.

Auteur : Scorpio-no-Caro

Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma.

J'espère que vous aimerez...

 


Carte de ce monde

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Chapitre 12

The Round Table - David et Diane Arkenstone
La course des Trois Rivières - Explications et préparation.

Année 10219 de la Licorne, mois de février, Royaume des Océans…

 

C'était une tradition qui remontait très loin, comme beaucoup. Elle commémorait la naissance de Séraphina(1), une Princesse qui était devenue une grande Reine quelques quatre cents ans plus tôt. Elle avait fait beaucoup de bonnes choses pour les Océans et adorait les courses de chevaux auxquelles elle participait souvent. Mais avec le temps et la guerre, la plupart des festivités qui contribuaient à maintenir le moral du peuple, avaient fini par être annulées, puis finalement oubliées. Sauf la course des Trois Rivières instaurée par Séraphina pour fêter son anniversaire. Bien sûr, les gens les plus éloignés ne pouvaient y assister, mais tous ceux qui habitaient jusqu'à deux jours de cheval d'Atlantis se faisaient un devoir d'être là.

Ce n'était pas tant la course en elle-même qui attirait les spectateurs, mais tout ce qui se déroulait autour. En dehors des murailles d'Atlantis s'étendait une vaste plaine. Depuis quelques jours, des chariots étaient arrivés. Des marchands qui s'installaient au plus près du centre des activités. Il y avait des troupes de troubadours avec des jongleurs, des montreurs d'animaux, des acrobates, des conteurs. L'espace réservé aux participants était aussi délimité par des poteaux reliés avec des cordes ou des chaines. Dix-neuf cavaliers étaient inscrits cette fois. Tous portaient le titre de Chevalier. Une fois l'an, ils étaient les héros du jour. Pour une compétition amicale, parce qu'ils étaient déjà des hommes auréolés de gloire dû à ce qu'ils avaient accompli sur le champ de bataille.

Pendant une journée, tous allaient un peu laisser la guerre de côté. Ils auraient une pensée pour leurs compagnons coincés sur le front qu'il leur tardait de rejoindre, mais en même temps, ils étaient bien contents d'avoir la chance d'être ici et non là-bas, dans le nord. Des tentes avaient été érigées qui permettraient aux combattants de se reposer entre chaque affrontement. Et au milieu de tout cela, un large chemin de terre était tracé et bordé de pierres blanches. Le trajet de la course.

Les auberges étaient pleines et certains avaient été jusqu'à monnayer leur séjour chez les habitants d'Atlantis et de ses environs. Sur la terrasse de la salle du trône, Kanon regardait cette multitude, se demandant comment il allait gérer sa course. Mais s'il pensait à cela, c'était surtout pour laisser un peu de côté les révélations de Darina et celles que sa… mère avait laissé échapper alors qu'elle n'était pas totalement elle-même. Il était un enfant adopté. Le Roi en personne le lui avait confirmé.

Mentalement, il voyait le trajet de la course. Les endroits où il fallait être très prudent, ceux où il pourrait solliciter Golden sans l'épuiser ou bien à quels moments, il devrait maintenir son allure.

- Tu peaufines ta stratégie ? fit Poséidon derrière lui.
- Sire, fit-il en inclinant légèrement le torse. Oui, je réfléchissais au meilleur moyen de ne pas trop fatiguer mon cheval.
- Si tu remportes encore une fois cette course, tu seras l'homme qui l'aura la plus gagnée.
- Je crois que cette année, j'aurai plus de mal.
- Pourquoi donc ? s'enquit le Roi en regardant le profil de statue de son Général en Chef.
- Golden vieillit et il y a des concurrents sérieux. A commencer par Julian.
- C'est vrai, admit le Souverain, mais je ne sais pas pourquoi, je sens que cette année encore, je te remettrai le trophée de la victoire.
- Votre confiance m'honore, Sire, et j'espère ne pas vous décevoir.
- Allons Kanon ! Tu es le meilleur cavalier qu'il m'ait été donné de voir. Tu sais tirer le meilleur d'un cheval et surtout, tu parviens par je ne sais quel sortilège à te faire facilement obéir de n'importe quelle monture !
- Quand un cheval sent qu'on l'aime, il se donne totalement. Il a confiance.
- J'ai rarement vu quelqu'un aimer les chevaux comme toi. Même mon Maître Palefrenier n'est pas aussi doué.
- J'ai toujours aimé les chevaux, d'aussi loin que je me souvienne. Avec mes parents, nous faisions de longues promenades.
- Un jour ton père m'a dit que celui qui t'avait appris à monter, avait vraiment été un bon professeur.
- Malheureusement, je ne m'en souviens pas. Tout ce que je sais c'est que lorsque, pour la première fois, le Duc m'a mis sur le dos d'un cheval, j'ai agi d'instinct. Je savais ce que je devais faire.

Les deux hommes reportèrent leur attention sur l'agitation qui régnait tout en bas, dans les basses cours de la forteresse. Le moment du départ approchait.

- Avec votre permission, Sire, je vais aller me préparer.
- Bien sûr. Et n'oublie pas que je serais très fier de te voir battre les cinq victoires du père de Sorrento.
- Je ferai de mon mieux, Majesté.

Poséidon regarda le jeune homme rentrer dans la salle du trône. Il savait parfaitement que son Général était très préoccupé par ce qu'il avait appris et qu'il allait faire des recherches pour retrouver sa famille, celle dans laquelle il était né.

- Quoique tu découvres, j'espère que tu ne seras pas déçu, murmura le Souverain en baissant la tête et rentrant à son tour.

Ooooo00000ooooO

- Ne risquez-vous pas d'avoir froid ? demanda Ethain en voyant son Maître seulement vêtu d'une chemise et d'un pourpoint en cuir noir très fin avec un pantalon assorti.
- Ne t'inquiète pas. Si je veux que Golden soit le plus rapide, je ne dois rien porter qui augmente mon poids. Cette tenue est parfaitement adaptée.
- Mettez au moins une cape !
- Elle gonflerait comme la voile d'un navire et ralentirait mon cheval. Allez ! Il est temps !

Kanon marchait à grands pas, suivit de son écuyer qui courait de temps à autres pour se maintenir à son niveau. C'est qu'il avait de longues jambes son Maître, et ses foulées étaient longues. Alors quand il marchait vite, Ethain courrait.

Ils traversèrent la ville. Les chevaux avaient été amenés sur l'aire de départ par les palefreniers. Kanon retrouva Golden dans la stalle qui lui était réservée. Au-dessus de la poutre de l'entrée, la bannière du duché de SeaDragon flottait doucement dans le vent. Le Générale la regarda mais il la voyait avec d'autres yeux. Il avait l'impression qu'elle n'était plus à lui, qu'il n'en était plus digne. Il finit par baisser la tête pour aller s'occuper de Golden qui s'agitait. Comprenait-il ce que son maître attendait de lui ? Kanon caressa le chanfrein et posa son front sur les naseaux de l'animal. Habitué à ce contact, celui-ci ne bougea pas. Tout comme lorsqu'il sentit les bras s'enrouler autour de son encolure. Le Général était très prolixe en caresses et murmures et Golden semblait apprécier.

En lieu et place de la selle habituelle en cuir épais et bien plus lourde, Ethain mit une épaisse couverture de laine sur le dos de l'animal qu'il fixa avec deux longues sangles. Autant dire que Kanon monterait à cru ou presque. Il inspecta les fers et fut satisfait du travail du forgeron.

- Vous êtes fin prêt, mon Seigneur, murmura-t-il tandis que le Duc ajustait la ceinture de son pourpoint.
- Alors il est temps d'y aller…

Ooooo00000ooooO

King of Laois - Dan ar Braz
Père et fils

Tout autour de l'aire de départ, une foule dense s'était massée. Tous voulaient voir les cavaliers et les paris allaient bon train. Les plus avertis misaient sur l'œil plus ou moins vif de l'animal, ou bien sur sa fougue tandis qu'on l'amenait sur la ligne de départ qui était aussi celle d'arrivée. D'autres, des femmes bien souvent, choisissaient la couleur de la robe du cheval ou bien de la chemise de son cavalier. Quand Kanon s'avança, tenant Golden par la longe, les cris redoublèrent. On l'encourageait, on l'applaudissait, on tournait de l'œil aussi quand il décochait un de ses sourires ravageurs à une jeune femme qui criait plus fort que les autres. Les gardes avaient bien du mal à tenir cette marée humaine derrière les barrières. Dans cette multitude, le Général repéra un petit garçon qui le regardait avec une lueur d'admiration sans borne dans les yeux. Derrière lui, les mains sur ses épaules, se tenaient sa mère. Kanon s'approcha et s'accroupit.

- Bonjour Kynan(2) !
- Bonjour père, fit le petit garçon d'une voix à peine audible.

Il était rare que le Duc s'adressât à son fils en public. Il préférait la discrétion de la maison où vivait sa mère. Il leva les yeux vers elle et croisa son regard pareil à un coucher de soleil, d'un orange vif et flamboyant. C'est ce qu'il l'avait attiré en tout premier lieu chez Liadan(3) Il avait pris son temps pour la séduire et il s'était avéré qu'elle avait un humour subtil et toute la retenue qui sied à une jeune femme s'occupant des enfants de son employeur. Lorsqu'elle s'était retrouvée enceinte, Kanon avait dû intervenir auprès du couple qui ne voulait pas qu'une fille mère s'occupe de leur progéniture. Lorsqu'ils avaient compris sous la protection de qui elle était, Liadan fut traitée comme une princesse, mais jamais elle n'en tira profit. Ce n'était pas dans sa nature. Elle fut heureuse que Kanon reconnaisse son fils mais jamais elle ne lui demanda quoique ce soit. Il était là, aussi souvent que le lui permettait sa charge et Kynan adorait son père qui le lui rendait bien.

- Je peux ? demanda-t-il à la jeune femme.

Un sourire très doux lui répondit. Le Duc prit la main de Kynan et le fit passer sous la barrière avant de l'entraîner vers Golden. Là, il le souleva et l'installa sur le dos du cheval. Il prit la longe et fit avancer l'animal. Par réflexe, le petit garçon s'accrocha à la crinière et un masque de frayeur figea son visage. Voyant cela Kanon sauta sur son cheval et maintint son fils contre lui. L'enfant attrapa la main de son père sans lâcher la crinière. Le Duc mit l'animal au pas et s'éloigna de la foule.

- Tu sens son dos qui bouge à chacun de ses pas ? demanda-t-il en se penchant vers son petit passager qui secoua la tête en signe d'assentiment.
- N'aies pas peur, je ne te lâche pas… Tu veux aller plus vite ? poursuivit Kanon après quelques instants pendant lesquels Kynan sembla se détendre et apprécier d'avantage.

Encore une fois, il approuva et tourna son petit visage souriant vers son père. Le Général talonna Golden qui se mit à trotter doucement faisant tressauter ses cavaliers. Kynan éclata de rire. Un rire qui se planta profondément dans le cœur de son père pour le gonfler de joie. Imperceptiblement, il augmenta l'allure et le petit garçon oublia vite tout ce qui n'était pas cette promenade. Pour la première fois, il expérimentait la sensation de liberté totale. Ils n'allaient pas très vite mais suffisamment pour que Kynan tombe amoureux des chevaux. Kanon regagna l'aire de départ de la course et après être descendu de Golden, il rendit le petit garçon à sa mère. Elle avait les yeux brillant de larmes contenues et caressa les longs cheveux gris de son fils. Il se tourna et entoura les jambes de Kanon de ses petits bras. Père et fils s'observèrent longuement en souriant, fondant l'un dans l'autre leurs regards verts, si semblables.

- Il t'adore, murmura-t-elle.
- Je l'aime aussi, lui assura-t-il avant de tourner les talons pour enfourcher Golden.

La course était sur le point de commencer. Liadan eut un pincement au cœur. Il aimait Kynan, mais pas elle. Elle avait pourtant tout fait pour que le Général tombe amoureux, mais c'était peine perdue. Secrètement, dans les tréfonds de son cœur, elle espérait qu'un jour, Kanon vienne la chercher. Il lui dirait qu'il l'aime et qu'il allait faire d'elle sa femme et la Duchesse de SeaDragon. Mais son esprit trop romantique la condamnait à soupirer après un homme qui jamais ne lui retournerait ses sentiments. Pourtant, elle gardait espoir.

- Viens maman ! Ils vont partir !

Kynan tira sa mère par la main pour se rapprocher de la ligne de départ. Elle sourit devant l'enthousiasme de son fils et le suivit.

Derrière une corde tendue entre deux pieux fichés dans le sol, les concurrents tentaient de calmer leurs montures. Au milieu d'eux, Kanon et Golden attendaient que la corde tombe au sol, immobiles, complices. Certains diraient plus tard qu'ils avaient vu les lèvres du Général remuer comme s'il parlait à son cheval.

Tous les cavaliers finirent par s'aligner devant la corde. Kanon se retrouva encadré de Julian sur sa droite et de Yadav à sa gauche. Il les regarda tour à tour puis son regard se fixa droit devant lui, dans le lointain, un sourire amusé sur les lèvres. Dans une tribune surélevée et encadrée par de nombreux gardes, le Roi Poséidon, assit sur un trône de cérémonie en compagnie des membres de son gouvernement, assistait lui aussi à la fête. De chaque côté de la ligne de départ, deux hérauts tenait la corde, prêts à la descendre sur un geste de leur Souverain.

Ils regardaient le Roi. Il inclina la tête. La corde tomba au sol. Les chevaux bondirent et s'élancèrent…

Finistère Celtique - Dan ar Braz
La courses des Trois Rivières 1/2

Sur les premières centaines de mètres, tous les participants restèrent assez groupés. Le terrain montait imperceptiblement sur une longue distance et ceux qui avaient lancés leurs chevaux à toute allure dès le départ se virent bientôt rattrapés. Julian et Yadav semblaient imiter la conduite de Kanon. Cela contraria le Général. Si ces deux-là réussissaient à conserver assez de forces à leurs montures, l'arrivée se ferait au grand galop sans aucun doute. Il lui fallait trouver un moyen pour les distancer. Golden était un destrier, un cheval entraîné pour le combat. Il avait une endurance bien plus grande que les deux autres qui n'avaient jamais vu un champ de bataille. Peut-être parviendrait-il à faire la différence à la traversée des rivières. En particulier de la dernière.

Le Général augmenta son allure tout doucement. Le premier cours d'eau se profila dans la plaine au loin. Devant lui, il y avait encore cinq cavaliers mais il gagnait du terrain sur eux. Arrivé sur la berge, Kanon, Julian et Yadav les avaient rattrapés. Golden se jeta à l'eau sous l'impulsion de son maître, sans la moindre hésitation alors que les autres hésitèrent un instant. L'eau en apparence calme était dangereuse. Un fort courant situé sous la surface entraînait l'eau avec une grande force. Les pattes des animaux étaient énormément sollicitées pour conserver leur équilibre. Deux concurrents se firent piéger et se retrouvèrent à patauger dans l'eau glacée. Yadav faillit bien tomber mais son cheval se rattrapa in extremis. Kanon avait déjà atteint l'autre rive et partait à vive allure derrière les trois autres cavaliers. Un regard en arrière lui confirma que son Prince était toujours dans la course et que les autres participants arrivaient à la rivière. Il sentait que Golden n'avait pas souffert de sa traversée et accéléra encore l'allure. S'ils voulaient le rejoindre, les deux jeunes gens devraient puiser dans les ressources de leurs chevaux.

Le Duc prit le temps de regarder autour de lui. Le mois de février tirait à sa fin et déjà les amandiers sauvages étaient couverts de fleurs blanches ou roses. Timidement, le printemps achevait l'hiver de façon irréversible. Jusqu'à l'année prochaine. Il avait rejoint le groupe de tête et chevauchait à leur allure. L'un d'eux commença à montrer des signes de fatigue et se fit distancer. Et dire qu'ils n'en étaient même pas à la moitié de la course. Encore un coup d'œil en arrière le rassura quant à la présence de Julian et Yadav. Quoiqu'il ait pu en dire, Kanon voulait remporter cette course encore une fois. Mais il se sentait aussi responsable de la sécurité de son Prince. S'il lui arrivait quelque chose, il ferait demi-tour pour l'aider, le secourir si nécessaire. Et il perdrait toutes ses chances de gagner. Alors il faisait des vœux pour que Julian tienne en selle jusqu'au bout.

Le second cours d'eau était peu profond mais très large et l'eau était boueuse. Ni le cheval ni le cavalier ne voyait le fond. Il fallait être prudent à l'extrême car le lit de la rivière pouvait être parsemé de trous creusés par les tourbillons du courant. En même temps que les deux hommes, Kanon s'engagea dans l'eau, au pas, prudent et concentré sur les réactions de Golden…

Intérieurement, Julian enrageait. Un tiers de la course et le Général les avait déjà distancés. Il ne pouvait en demander plus à Tinos de crainte de le voir s'écrouler avant l'arrivée. Il devait se rendre à l'évidence. Le cheval de Kanon était un animal hors du commun. Tout comme son cavalier. Yadav semblait le suivre sans trop de difficulté. Il décida d'accélérer l'allure et fut content de voir son ami le suivre. Lorsqu'ils arrivèrent sur la rive du second cours d'eau, ils constatèrent avec dépit que les trois meneurs étaient presque arrivés de l'autre côté. Ils virent même Kanon sortir en deuxième position. Ils se regardèrent. Un éclat farouche passa dans les yeux de Yadav qui s'engagea dans l'eau. Il avait écouté les conseils de Kanon et avait repéré le parcours quelques jours plus tôt. Il savait que cette rivière était particulièrement dangereuse. Aussi, même s'il se tenait devant le Prince, il restait à une distance raisonnable pour l'aider s'il en avait besoin.

Entre la deuxième et la troisième rivière, le parcours était particulièrement long et difficile. Des passages de faux plats alternaient avec des plaines arides parsemées de pierres et de roches qu'il fallait éviter. Cela contraignait le cavalier à une très grande concentration pour choisir le meilleur chemin et le cheval était soumis à des changements constants de direction. C'est là que Golden fit vraiment la différence. Monture et cavalier se retrouvèrent bientôt en tête de la course. Mais il restait encore la troisième rivière à traverser. En fait c'était plus un torrent qu'une rivière. L'eau roulait et rebondissait sur les rochers affleurant la surface, le cheval s'enfonçait dans l'eau jusqu'au ventre, le courant était puissant. Il fallait vraiment être un très bon cavalier et bien connaître son cheval pour se risquer à cette traversée.

Elan - Secret Garden
La courses des Trois Rivières 2/2

Tout en évitant les rochers de cette partie de la plaine, Kanon pensait au meilleur moyen de passer d'une rive à l'autre sans trop de fatigue pour Golden. Finalement, il opta pour le même endroit que l'an dernier. Il espérait surtout que le fond n'aurait pas était trop bouleversé par le courant. Julian et Yadav étaient toujours là. En sortant de ce champ de pierres, il laissa son cheval aller à sa propre allure et fut content de voir qu'il ne ralentissait pas. Il se pencha en avant, murmura quelques mots à l'oreille sensible et flatta généreusement l'encolure. En levant la tête, il vit de lourds nuages venant de l'est, s'amonceler dans le ciel. L'orage semblait avancer rapidement et l'arrivée se ferait certainement sous la pluie.

Arrivée sur les berges de la troisième rivière. Kanon repéra immédiatement le bosquet de peupliers qui poussaient non loin de l'endroit où il devait s'engager pour traverser. Golden renâcla mais finit par entrer dans l'eau bouillonnante et rapide. A quelques mètres du bord, l'eau lui arrivait déjà au ventre et le Duc avait les jambes mouillées jusqu'aux genoux. Le cheval trébucha, mais se rattrapa de justesse. Kanon le calmait et l'encourageait de la voix. Il sentait la puissance des flots sur ses mollets et se demanda si l'an dernier, le courant était aussi fort. Puis il se rappela qu'il avait beaucoup neigé cette année. La clémence du climat avait commencé à faire fondre la neige tombée sur les hauteurs et chaque ruisseau, rivière, torrent ou fleuve étaient gonflés par les eaux de fonte, bien plus que l'année précédente.

Brusquement Golden s'enfonça jusqu'au cou et Kanon se retrouva dans le courant. Il flottait sur le dos de son cheval qui tentait désespérément de gagner l'autre rive. L'un et l'autre étaient glacés mais il ne fallait pas qu'ils se laissent engourdir par le froid. C'était la noyade assurée. Le Duc voyait bien l'affolement dans les yeux de sa monture. Il se mit à nager sans lâcher les rênes, essayant d'entraîner son cheval vers la rive tout en se laissant porter par le courant. Après un long moment de lutte acharnée, il sentit à nouveau le sol sous ses pieds. Golden reprit appui et s'arcbouta pour sortir de l'eau. Kanon était épuisé. Son cœur battait à tout rompre, il avait du mal à reprendre son souffle. Il savait qu'il avait dérivé loin du trajet de la course. Il ôta la couverture pleine d'eau du dos de son cheval et l'enfourcha d'un bond pour rattraper son retard. Il longea la rive, songeant à son Prince et à Yadav. Il priait qu'il ne leur soit rien arrivé. Golden trottait d'un bon pas et la route délimitée se profila au loin. Le Duc regarda vers la rive et vit les jeunes gens à mi-parcours. Il resta encore un moment pour être certain qu'ils allaient y parvenir puis il repartit au galop. Golden commençait à montrer des signes de fatigue. Son souffle était plus court, son pas plus lourd.

Les premières gouttes de pluie s'abattirent sur les concurrents. Puis ce fut un véritable déluge. Pourtant Kanon ne ralentissait pas. Un regard en arrière lui fit prendre conscience que sa monture était vraiment fatiguée. Julian et Yadav n'étaient plus très loin. Il puisa alors dans les dernières forces de Golden qui répondit aux sollicitations de son cavalier. Au loin, la ligne d'arrivée apparut. Fut-ce l'odeur de son écurie ou celle du foin bien sec et parfumé qui motiva l'animal ? Celui-ci eut un regain d'énergie qui le fit distancer ses poursuivants.

Le Duc de SeaDragon et son cheval Golden franchirent la corde d'arrivée dans un tonnerre de sabots et sous les acclamations d'une foule en délire. Kanon fit demi-tour et Golden cabra fièrement. Le Général salua les gens avec un grand sourire. Liadan le trouva plus beau que jamais. Kynan lui échappa et se précipita vers son père qui le prit devant lui. Une nouvelle clameur monta de la foule. Julian et Yadav arrivaient au triple galop et ce dernier devança le Prince d'une encolure.

Comme le voulait la coutume, Kanon se présenta immédiatement devant son Roi pour recevoir le trophée de sa victoire. Sa sixième. Personne avant lui ne l'avait remportée autant de fois d'affilée. Il entrait dans la légende de la Course des Trois Rivières. Poséidon, un sourire éclatant sur le visage s'approcha et lui remit un trident en argent serti de nacre et de corail. Kynan était stupéfait de voir son Souverain d'aussi prêt et ouvrit grand la bouche quand celui-ci lui fit un clin d'œil. Yadav reçut un trident en cuivre et celui de Julian était en bronze. Les trois hommes firent un tour d'honneur. Kynan tenait bien haut le trophée de son père et n'en finissait plus de sourire. Le bonheur qu'il lisait sur le visage de son fils était encore la plus belle des récompenses.

Les gens se pressaient autour d'eux pour les féliciter, malgré la pluie, pour les toucher quand soudain un hurlement couvrit tous les cris.

- Seigneur Kanon !

Le Duc se retourna pour voir Darina arriver sur un cheval galopant à brides abattues. Tout le monde s'écarta. Kanon lui lança un regard interrogatif.

- Votre mère…

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que Kanon avait déjà déposé son fils au sol près de sa mère et qu'il talonnait Golden. Il passa en trombe dans un tonnerre de sabots et prit la direction du Lac Patras suivit de loin par Darina…

Kynan regarda son père partir, les larmes aux yeux et le cœur gros.

- Ne pleure pas, fit la voix douce de Liadan. Il va revenir.
- J'ai fait quelque chose de mal ? demanda craintivement le petit garçon.
- Non, ce n'est pas de ta faute.
- Alors pourquoi il est parti comme ça ? Et il a oublié ça, fit-il en montrant le trident à sa mère.
- Il reviendra le chercher. Je crois que sa mère doit avoir un souci.

Kanon ne songeait qu'à une chose : arriver le plus vite possible au manoir. Il avait bien senti dans la voix de la gouvernante que quelque chose n'allait pas. Une sourde angoisse lui tordait les entrailles. Même si elle n'était pas la femme qui l'avait mis au monde, Maïa était la seule mère dont il se souvenait. Il l'aimait plus que tout. La silhouette ramassée du petit manoir apparut au détour d'un virage. Kanon s'arrêta devant l'entrée et sauta à bas de Golden qu'il laissa là, seul. Un palefrenier qui avait entendu le galop se chargea de l'emmener à l'écurie et secoua la tête en voyant l'état d'épuisement de la pauvre bête.

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Drame

Le Duc monta quatre à quatre les marches de l'escalier qui menait au premier étage où était située la chambre de la Duchesse. Il entra et la trouva allongé dans son lit, les yeux clos, un bandage autour de la tête. Son cœur sembla s'arrêter de battre un instant.

- Mère… souffla-t-il, la voix brisée d'émotion et d'inquiétude.
- Darina m'a fait quérir immédiatement, lui expliqua l'homme qui se tenait de l'autre côté du lit. Il semble que la Duchesse ait voulu se lever seule et qu'elle ait perdu l'équilibre. Elle ne marche presque plus et ses jambes sont très affaiblies. Sa tête a heurté le coin de cette commode. Nous avons retrouvé des traces de sang frais sur le bois.

- Est-ce qu'elle va se réveiller ?
- Je l'ignore. L'entaille est profonde et je soupçonne une fracture du crâne.
- Darina !
- Oui ? répondit doucement la gouvernante qui se tenait à l'entrée de la chambre, essoufflée.
- Envoie un messager prévenir le Seigneur Antée. Monsieur, je ne mets pas en doute vos compétences médicales, dit-il en se tournant vers l'homme, mais deux avis valent mieux qu'un.
- C'est tout naturel et le Médecin du Roi est certainement plus compétent que moi qui ne suis qu'un simple guérisseur.

Après avoir dépêché un cavalier au Palais de Corail, Darina prépara des infusions calmantes sur le conseil du guérisseur et commença la préparation du repas du soir. Cela la détournerait un peu de l'inquiétude qu'elle éprouvait.

Kanon n'avait pas bougé. Il était toujours assis au chevet de sa mère, sa main tenant la sienne. En regardant cette femme allongée aux traits émaciés par l'âge et à l'esprit pour le moins troublé, il avait du mal à faire le rapprochement avec celle qui se promenait librement dans ses souvenirs.

Maïa était l'âme du Château de SeaDragon. Sa voix et son rire raisonnaient toujours dans les couloirs des lieux. Elle dirigeait ses gens avec douceur et fermeté. Elle était vive, enjouée toujours souriante et tendre envers son fils et son époux. Même si leur mariage avait été arrangé, ses parents avaient fini par éprouver un amour profond l'un envers l'autre. Cette femme-là était bien différente de celle qu'il avait sous les yeux. Et même s'il savait désormais qu'elle n'était pas celle qui l'avait mis au monde, elle était la seule dans les bras de qui il avait si souvent pleuré quand l'entraînement que lui faisait subir son père était trop rude pour le petit garçon qu'il était alors. Elle l'avait consolé, encouragé, soutenu. Et si aujourd'hui il était le Premier Général du Roi, s'était en partie grâce à elle. Alors imaginer un seul instant qu'elle ne fasse plus partie de sa vie, qu'elle… disparaisse, l'esprit de Kanon se refusait à concevoir une telle chose. Elle était sa mère et il l'aimait par-dessus tout.

Tard dans la soirée, un galop de chevaux le sortit de la torpeur qui l'avait peu à peu gagné. Il entendit des voix provenant du hall, mais elles lui parvenaient à travers le brouillard qui avait envahi sa conscience. Une main se posa sur son épaule et son regard croisa celui de son Roi lorsqu'il tourna la tête. De l'autre côté du lit, Antée examina la Duchesse puis le regarda.

- Kanon, je suis désolé. Le diagnostic du guérisseur est malheureusement exact.
- Que va-t-il se passer ? parvint-il à articuler au prix d'un effort surhumain pour desserrer les mâchoires.
- Elle ne reprendra pas connaissance. Elle en train de s'affaiblir rapidement. Sa respiration est à peine perceptible. Je ne crois pas qu'elle passera la nuit.

Un hoquet suivit d'un sanglot leur parvint de la porte. Darina s'avança et s'agenouilla auprès du Général.

- C'est ma faute, sanglota-t-elle. Je n'aurais pas dû la laisser seule. J'ai été prendre un châle de laine parce qu'il faisait un peu frais…
- Tu n'as rien à te reprocher, lui murmura le Duc en serrant la main qu'elle avait posée sur son genou.

La chambre se vida, le Roi demanda à tous de laisser Kanon seul. Darina les installa au salon et leur porta de quoi se restaurer. Un silence pesant régnait dans la pièce. Julian arriva discrètement. Son père lui expliqua la situation et son visage se ferma. Son ami allait avoir besoin de soutien plus que jamais et il le connaissait suffisamment pour savoir qu'il allait être d'une humeur exécrable pendant un temps indéterminé. Le temps qu'il lui faudra pour assimiler la chose.

Antée remonta dans la chambre de la Duchesse et trouva Kanon allongé près de sa mère, blottit contre elle comme quand il était enfant. Le Médecin s'approcha et eut un pincement au cœur.

- Kanon, murmura-t-il, viens. Lève-toi.
- Pourquoi Antée ? Pourquoi elle alors que le monde est plein d'hommes qui méritent mille fois la mort ?
- Je n'ai pas la réponse à cette question, mais tu ne dois pas rester là. Tu dois laisser tes serviteurs s'occuper d'elle. Viens, descends avec moi.
- Sans elle, comment vais-je survivre ?
- Ecoute-moi, fit Antée d'une voix plus ferme. Crois-tu que ta mère aimerait te voir ainsi ? A pleurer et te lamenter sur ton sort ? Est-ce ainsi qu'elle t'a élevé ? Non ! Et tu ne lui rends pas hommage en te conduisant de la sorte. Tu es le Duc de SeaDragon, le Premier Général du Roi. Conduis-toi comme tel !
- Je n'y arriverai pas. C'est en elle que je puisais ma force, mais maintenant…
- Maintenant, toute la force qu'il lui restait, elle te l'a donnée. A toi de voir si tu veux gâcher ce don ou bien t'en servir pour relever la tête et continuer à vivre selon les principes qu'elle t'a enseigné.

Le Médecin se tut, laissant ses paroles œuvrer dans l'esprit du Général. Il le savait fier et honorable. Il ne tarderait pas à comprendre qu'en agissant ainsi, il bafouait l'honneur des SeaDragon et ça, il ne le supporterait pas. Il fallait juste attendre un peu. Après un long moment, il finit par se lever. D'un revers de main, il essuya les larmes qui avaient coulées sur ses joues et déposa un dernier baiser sur le front de Maïa. Il redressa les épaules et son regard croisa celui d'Antée qui lui souriait doucement. Le Médecin tendit le bras pour l'inviter à sortir et à le suivre au rez-de-chaussée.

A leur entrée, tous se levèrent. Le Roi s'approcha de lui et posa ses mains sur ses épaules en cherchant son regard.

- C'est terminé, murmura Kanon, les yeux pleins de larmes, perdus dans ceux de son Roi qui brillaient de tristesse.

Darina éclata en sanglot, le visage enfoui dans ses mains. Julian déglutit difficilement. Jamais il n'avait vu son ami avec une telle expression d'hébétude et de détresse sur le visage. Sa gorge se serra douloureusement. Il avait une terrible envie de le prendre dans ses bras pour le consoler mais il avait conscience que son geste serrait parfaitement déplacé dans de telles circonstances.

- Si tu le souhaites, nous lui offrirons une sépulture dans le cimetière d'Atlantis, lui proposa Poséidon.
- Non…, je… merci Majesté… Je voudrais qu'elle soit inhumée dans le caveau de famille, aux côtés de mon père. Son tombeau est déjà prêt.
- Très bien. Tu as raison, c'est certainement ce qu'elle aurait voulu. Prends le temps qu'il te faut.
- Je t'accompagnerai, déclara solennellement Julian. Je représenterai le Roi aux funérailles.

Les deux hommes le regardèrent, surpris. C'était la première fois que Julian agissait comme l'héritier qu'il était. Kanon lui adressa un sourire qui ressemblait plutôt à une grimace et hocha la tête.

- Je te remercie, parvint-il à articuler.
- Bois ceci et va te coucher, tu en as besoin, dit Antée en lui tendant une coupe en argent.
- Je n'arriverai pas à dormir…
- Bois et tu dormiras. Tu es épuisé. Darina, sa chambre est-elle prête ?
- Toujours Seigneur Antée, répondit la jeune femme qui s'était un peu calmée.
- Je vais rester avec lui, se proposa le Prince, vous pouvez rentrer au Palais. Viens Kanon, tu ne tiens plus debout.
- Merci de vous être déplacé, Sire.
- Crois-tu que j'aurais pu rester au Palais, sachant ce que tu traversais ? Ce n'est rien, mon ami, vraiment ce n'est rien.
- Allez viens, fit tout doucement Julian en le prenant par le bras.
- Que lui as-tu donné ? s'enquit le Roi pendant que son fils guidait le Général jusqu'à sa chambre.
- C'est un calmant léger. Ça va l'aider à se détendre et à dormir. Et je crois que vous en avez aussi besoin.
- Tu as raison. Rentrons, demain nous verrons les choses d'un autre œil.

Harpe Celtique - Berceuse Irlandaise
Hébétude

Dans la chambre de Kanon, Julian l'aida à se déshabiller. Il portait encore la tenue qu'il avait revêtue pour la course. Le Duc s'assit au bord du lit et le Prince lui retira son pourpoint et sa chemise. Dans l'armoire, il en trouva une autre qu'il lui mit. Pour le pantalon, il n'osa rien faire bien qu'il soit encore humide de son bain forcé dans la rivière et de la pluie. Il lui ôta ses bottes, le poussa doucement sur le lit et le recouvrit de fourrures.

- Attends, entendit-il alors qu'il allait sortir.
- Il faut que tu dormes, Kanon. Antée t'as donné une potion.
- Je sais… Reste… s'il te plait…

Julian n'eut pas le cœur de lui refuser sa compagnie. Ce n'était pas souvent que le Général demandait quelque chose. C'était dire à quel point il était perdu. Il se débarrassa aussi de son pourpoint et s'installa aux côtés du Duc qui se blottit immédiatement contre lui, entourant sa taille de ses bras. Le Prince lui rendit volontiers son étreinte, parfaitement conscient que c'était ce dont il avait besoin. Une présence rassurante qui tiendrait au loin les peurs, les cauchemars, les démons qui ne tarderaient pas à s'inviter dans son sommeil douloureux. Julian entendit bientôt la respiration calme. Kanon s'était endormi presqu'instantanément.

Le Prince passa une main tendre dans les cheveux salis par la boue de la course. Il savait que les prochains jours allaient être particulièrement difficiles pour Kanon. Il se promit de faire de son mieux pour le soutenir et l'aider à traverser cette épreuve bien qu'il sache par expérience, qu'on ne se remet jamais de la disparition d'une mère aimante, tendre et dévouée, comme l'était la sienne. Il se calla au mieux contre les coussins et posa sa joue sur la tête du Duc. Il finit à son tour, par s'endormir.

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David et Diane Arkenstone - The spirit of Excalibur.
Réalité, la vie continue...

 

De l'eau… partout… Salée… le rugissement assourdissant de la tempête… le tonnerre… Le froid… terrible… Des cris… un mot… un nom… Saga… La peur… le noir… Des yeux… qui le regardent… un sourire… une voix de femme… la chaleur d'un lit… d'un feu de cheminée… la quiétude… encore un cri… Saga…

Kanon s'éveilla en sursaut, hébété, affolé. Il ne savait plus où il était. Il fut surpris de ne pas être dans l'eau, mais dans un lit bien au sec. Contre lui, il sentait une douce chaleur. Quelqu'un dormait avec lui. Sa mère ? Les souvenirs lui revinrent en mémoire avec la brutalité d'une charge taurine. Il étouffa un gémissement de douleur et enfouit son visage dans la poitrine de la personne à côté de lui qui s'éveilla.

- Kanon ? murmura le Prince.
- Julian ? s'étonna le Duc.

Il ne se souvenait pas de s'être endormi à ses côtés. Mais il ne chercha pas à comprendre. Il le ferait plus tard. Pour l'instant, il se sentait un peu rasséréné par sa présence et ne souhaitait pas interrompre cet instant trop tôt. La réalité lui tomberait dessus bien assez vite avec son cortège de tristesse et de souffrances.

- Tu as fait un cauchemar ? demanda le jeune homme en écartant délicatement quelques cheveux bleus coincés à la commissure des lèvres.
- Je… Ouais… un rêve étrange…
- Tu veux que je demande à ta gouvernante de nous monter quelque chose à manger ?
- Il est tard ?
- Le soleil se lève.
- Elle dort peut-être encore, on va descendre.
- D'abord rafraîchis-toi un peu.

Dans la cuisine, Julian raviva le feu pendant que Kanon farfouillait dans le garde-manger. Il trouva les restes du poulet rôti de la veille, une miche de pain entamée et du vin. Chaque bouchée qu'il avalait semblait ne pas vouloir atteindre son estomac. Il avait la bouche sèche et aucun appétit. Pourtant, sous l'insistance du Prince, il se força à manger. Il aurait besoin de toutes ses forces pour affronter les prochains jours, en particulier, celui des funérailles. Kanon avait beaucoup de choses à faire avant de pouvoir regagner le Palais de Corail.

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Dès que Poséidon fut habillé, il envoya à ses ministres un message pour les informer du décès de la Duchesse de SeaDragon et de l'absence de Kanon pour plusieurs jours. Ils se firent tous un devoir d'envoyer à leur tour une lettre de condoléances que le Duc reçut dans la journée. Les Comtes de Sirène et de Scylla se déplacèrent jusqu'au manoir. Kanon apprécia leur geste et leur présence.

Dans la journée, des servantes préparèrent la dépouille de Maïa. Darina avait choisi la plus jolie robe de la Duchesse et Kanon la vit une dernière fois avant que le cercueil ne soit scellé pour le voyage jusqu'au duché de SeaDragon.

Dans un chariot, devant l'entrée, s'amoncelait tous les effets qui lui avaient appartenus. Le Duc ne voulait rien laisser dans le manoir qu'il comptait vendre. Plus rien, désormais, ne le retenait là.

- Tu vas retourner dans ton village ? demanda-t-il à Darina alors qu'elle pliait du linge pour le ranger dans une malle.
- Oui, je n'étais ici que pour m'occuper de votre mère.
- Je prendrai de tes nouvelles. Si j'entends dire qu'on a besoin de quelqu'un au Palais, je te ferai signe.
- Je vous remercie.

Kanon n'était pas dupe. Par-delà la tristesse sincère qu'éprouvait la jeune femme, elle était en colère. Elle était congédiée. Purement et simplement. Elle qui avait apporté un certain réconfort au Duc, celui-ci ne semblait pas s'en soucier outre mesure. Mais après tout, qu'avait-elle espéré ? Que parce qu'ils avaient passé une nuit ensemble, elle serait la prochaine Duchesse de SeaDragon ? Allons, un peu de réalisme, que diable ! Qu'elle s'estime heureuse si le Duc reconnaissait son enfant, si jamais elle était enceinte. C'est tout ce qu'il pouvait lui offrir et il le lui avait bien fait comprendre. Mais on ne contrôle pas les élans du cœur et cela la mettait en colère. En colère contre elle-même. La pauvre fille était amoureuse, et cela, personne n'en avait que faire. Encore moins Kanon. Il allait enterrer sa mère et reprendrait sa vie au Palais de Corail. Elle serait la première surprise si d'ailleurs un jour, elle recevait un message de lui. Il aurait tôt fait de l'oublier avec toutes les belles personnes qu'il côtoyait journellement. Mais qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête quand elle avait commencé à espérer s'attacher un homme tel que lui ?

Non, il ne fallait surtout pas qu'elle se laisse abattre. Elle n'attendrait pas que le Duc lui dise qu'il y avait un emploi pour elle au Palais. Elle irait elle-même proposer ses services et qui sait ? Peut-être y aurait-il un noble sensible à ses charmes. Elle n'avait pas ou peu de scrupules quant aux méthodes à utiliser pour se faire une place au soleil. Même dans l'ombre de ce soleil, cela lui conviendrait. Après avoir goûté à la vie aisée auprès de la Duchesse malgré certains aspects ingrats, elle ne retournerait pas dans son village. Ou du moins, pas longtemps. Elle n'attendrait pas que la chance frappe à sa porte, elle irait la débusquer. Elle la provoquerait. Son pragmatisme naturel reprenait le dessus et elle était bien décidée à ne pas sombrer dans l'attente de quelque chose qui ne se produirait peut-être jamais.

Kanon avait bien compris ce qu'elle éprouvait, ou du moins une partie, et il ne pouvait rien pour elle. Malgré son dévouement à Maïa, il ne pouvait la remercier d'avantage. Il alla retrouver Julian dans le salon. Les deux hommes avaient prévu de partir pour SeaDragon le surlendemain, le temps pour eux de repasser au Palais pour prendre quelques bagages et former une escorte. Il leur faudrait au moins une semaine pour atteindre le duché et autant pour en revenir. Julian songea que le domaine devait être en bien piteux état depuis le temps qu'il n'était plus habité. Encore un coup dur pour le Duc, à n'en pas douter. Maudite guerre !

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Le lendemain de la course, Liadan se présenta au poste de garde du Palais et demanda à parler au Duc de SeaDragon. On l'informa qu'il était absent, mais qu'elle pouvait laisser un message à son écuyer. Celui-ci fut prévenu et vint la retrouver. Elle fut surprise par sa jeunesse mais n'en montra rien.

- Le Duc s'est rendu au Manoir du Lac Patras, ma Dame. Sa mère est décédée.
- Vous m'en voyez bien triste, écuyer. Pouvez-vous lui dire que c'est son fils qui a son trophée ? Qu'il ne l'a pas perdu. Et lui transmettre mes condoléances ?
- Je le lui dirai, comptez sur moi. Il sera touché par votre compassion.
- Dites-lui aussi que Kynan a eu peur d'avoir fait quelque chose de mal, lorsque le Duc l'a laissé quand cette femme est arrivée.
- Je n'y manquerai pas.
- Merci, écuyer.

Ethain rapporta la visite de la jeune femme à son maître quand celui-ci revint au Palais. Il fut contrarié d'avoir effrayé son fils. Après avoir pris rapidement un bain, il se rendit chez le couple qui employait Liadan. La femme se confondit en excuse pour ne pas être préparée à recevoir un hôte aussi prestigieux, mais Kanon ne lui prêta qu'une attention polie. Liadan les conduisit dans le jardin.

- Kynan a eu peur quand je suis parti ?
- Il a cru que c'était de sa faute. Qu'il avait fait quelque chose à ton cheval ou je ne sais quoi.
- Il a gardé le trident ?
- Il dort avec, sourit la jeune femme, timidement.
- Ecoute, je dois partir pour SeaDragon, mais à mon retour, il faudra que je te parle… très sérieusement.
- Tu m'inquiètes.
- Non, tu n'as aucune raison, rassure-toi.

Et il partit. Sans d'autres explications à ses paroles laconiques. Liadan ne savait quoi penser et regagna la pièce où elle s'occupait des trois enfants de son employeur.

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Fire and blood - Ramin Djawadi - Le Trone de Fer.
Vers la dernière demeure...

Le Château de SeaDragon était une bâtisse massive, mais élégante. Construite non loin d'une falaise battue par les vents et la mer, elle surplombait, comme une sentinelle bienveillante et rassurante, toute la lande qui s'étendait au sud et à l'ouest. De loin en loin, on pouvait distinguer les ruines de plusieurs petits bourgs désertés par leurs habitants à cause de la proximité du front.

Lorsque le groupe entra dans la première cour, c'est l'aspect lugubre qui les frappa tous. Kanon sentit son cœur se serrer. Enfant, il avait parcouru les couloirs et les différentes dépendances en courant et criant avec les autres garnements de son âge, enfants des serviteurs d'alors.

Il avait grandi partageant son temps entre eux, son père qui l'entraînait à devenir un chevalier et sa mère qui lui apprenait à lire, à écrire, à compter. Elle lui racontait l'histoire du Royaume des Océans, de ses Souverains, ses légendes. Ses parents étaient fiers de ce fils que le destin avait placé sur leur route. Puis un jour, la guerre frappa aux portes du duché et il fallut partir rejoindre le Palais de Corail. Kanon fut l'écuyer de son père avant d'être officiellement reconnu Chevalier par le Roi. Puis à la mort du Duc, il lui succéda et devint le Premier Général de l'Armée des Marinas et le Ministre des Armées du Royaume. Et jamais Poséidon n'eut à regretter ce choix. En l'espace de quelques instants, tous les souvenirs de ces jours heureux balayèrent la mémoire de Kanon, le faisant légèrement sourire. Il ordonna que le chariot qui transportait le cercueil de Maïa soit rentré dans l'écurie puis les hommes s'occupèrent d'organiser leur campement dans les dépendances. Il était inutile de s'installer pour longtemps, ils ne resteraient que deux jours.

Accompagnés de quatre hommes costauds, le Duc se rendit immédiatement au caveau. Il allait falloir le desceller avant de glisser le cercueil dans le tombeau de pierre qui avait été fabriqué et sculpté pour la Duchesse bien des années auparavant. La porte finit par s'ouvrir après quelques vigoureuses poussées d'épaules et Kanon entra. Il régnait une odeur d'humidité doucereuse et de poussière. La dernière fois qu'il était venu là, s'était pour les obsèques de son père. Julian alluma les torches accrochées aux murs. Six générations de SeaDragon reposaient là. Six Ducs et leurs épouses. Kanon songea que lui aussi devrait peut-être penser à faire construire le sien.

- Tu as le temps, fit la voix douce du Prince à ses côtés, qui devina le cheminement de ses pensées.
- Le temps passe si vite… C'est quand on perd quelqu'un qu'on s'aperçoit qu'on n'a pas passé assez de temps avec lui… Et que le moment d'aller le rejoindre se rapproche plus vite qu'on ne le croit…
- Je le sais… Crois-moi, je le sais…
- Entretenez les torches pour qu'elles réchauffent un peu ce lieu, ordonna-t-il aux hommes avant de repartir vers le Château.

Ce faisant, il s'arrêta au bord de la falaise que longeait le chemin qu'ils parcouraient avec Julian. Son regard se perdit au loin, sur l'horizon est. Le bruit assourdissant des vagues qui se fracassaient au pied se conjuguait au vent qui soufflait en violente rafales. Julian s'enroula dans sa cape, mais Kanon ne semblait pas sentir le froid mordant. Il voyait un petit bateau avec une voile blanche. Il entendait les voix d'un enfant et d'un homme, mais il ne parvenait pas à distinguer leurs visages ni à comprendre leurs mots. Il se sentait heureux, il était bien. Puis la vision s'évanouit, comme elle était venue. Il baissa la tête et reprit le chemin du Château en passant devant son Prince sans même le voir. Julian lui emboita le pas, très affecté de voir cet homme qui lui avait servi de modèle, si fragile, si diminué par la détresse et la douleur qu'il éprouvait.

Cette nuit-là encore, Kanon fit des cauchemars et Julian dut dormir avec lui pour qu'il se calme. Des soldats étaient couchés non loin et l'un d'eux vint rajuster les fourrures sur les deux hommes, récoltant un sourire de remerciements du Prince. Chaque nuit de leur voyage avait ressemblé à celle-ci et les soldats ne s'étonnaient plus de les voir dormir ensemble. Ils étaient touchés par le chagrin de leur Général et ils faisaient de leur mieux pour le soulager, le soutenir, l'aider tout simplement. Kanon était un homme pour qui ils avaient un respect et une admiration sans borne. Il était leur Général. C'était tout.

Le lendemain, le couvercle du tombeau de pierre fut dégagé. Dessus était sculptée une statue allongée qui représentait Maïa. Le cercueil de la Duchesse fut placé à l'intérieur, la dalle remise, et le Duc se recueillit une dernière fois avant que le caveau ne soit refermé. Il ne serait rouvert que pour lui. Et Kanon avait une conscience aigüe de ce fait. Le voyage de retour fut plus rapide. Le Général fut moins taciturne, mais Julian le surprenait parfois, perdu dans ses pensées, le regard vide, ailleurs. Il aurait bien voulu lui demander de lui parler, de soulager son esprit de tout ce qui l'encombrait et qui l'empêchait de sourire à nouveau, mais il était encore un peu tôt. Alors il restait non loin, l'observant ou plutôt, le surveillant, prêt à intervenir à n'importe quel moment si le Duc en éprouvait le besoin.

Au deuxième jour de leur voyage de retour, ils croisèrent une bande de pillards. Malheureusement pour eux, aucun n'échappa à l'épée rageuse et meurtrière du Duc. Sa violence surpris même les soldats qui l'avaient pourtant déjà vu combattre sur le champ de bataille. La lueur de folie qui brillait dans son regard inquiéta le Prince. Il fallait rentrer le plus vite possible, seul le Roi pourrait peut-être raisonner son Général. Pourtant après cet accrochage, il sembla plus serein. Peut-être avait-il évacué sa douleur et son chagrin ? Rien n'était moins sûr, mais ça semblait lui avoir fait du bien.

Après presque deux semaines d'absence, la troupe franchissait les remparts du Palais de Corail. Kanon remercia les hommes de l'avoir accompagné et gagna son appartement ou l'attendait Ethain.

Dès son retour, Julian avait fait part à son père de son inquiétude pour Kanon et devant la mine sérieuse de son fils, Poséidon décida de voir par lui-même de quoi il retournait. Le Roi convoqua son Général.

L'homme qui entra dans le bureau royal laissa son Souverain sans voix durant quelques instants. Mais où donc était son Général ? Les traits creusés par la fatigue et le chagrin, Kanon semblait amaigri.

- Assieds-toi, veux-tu ? lui intima le Roi avec un geste d'invite en direction du fauteuil devant lui.
- Sire ? Votre convocation m'inquiète…
- C'est plutôt toi qui m'inquiète. Kanon, tu n'as pas le droit de te laisser aller de la sorte. Je sais ce que c'est que de perdre un être cher, mais il faut savoir aller de l'avant. Intégrer cette perte et avancer.
- Je suis désolé, Majesté. Je vous assure que je fais tout ce que je peux pour… pour continuer, mais c'est très difficile.

Poséidon poussa un soupire. Il se tourna vers la large fenêtre et plongea dans ses propres souvenirs. Peut-être parviendrait-il à trouver les mots qui feraient réagir son Ministre.

- Lorsque j'ai perdu ma femme, j'ai cru que le monde s'écroulait autour de moi. Je l'aimais plus qu'il n'est possible de le dire. C'est un sentiment que l'on ne peut pas comprendre tant qu'on ne l'a pas éprouvé. Heureusement j'avais Julian. Il avait besoin de moi et même si je n'ai pas été aussi présent que je l'aurais souhaité, c'est lui qui m'a tiré vers le haut. Tu dois trouver quelque chose ou quelqu'un pour qui tu te battras. Tu es mon Général en Chef et mon Ministre des Armées. J'ai besoin de toi. Le Royaume a besoin de toi, mais j'ai aussi conscience que pour toi ce n'est peut-être pas une motivation suffisante. Et je n'ai pas envie de te brusquer en t'ordonnant de te reprendre. Je sais que ça ne se commande pas. Pourtant, il va falloir que tu sortes de ce marasme sentimental qui t'empêche de voir qu'il y a autour de toi, des gens qui t'aiment et qui souffrent de te voir ainsi. A commencer à par ton écuyer. Il compte sur toi pour devenir un Chevalier.

Kanon n'avait pas une seule fois regardé son Roi durant le temps que celui-ci parla. Il s'était tout doucement prostré sur son fauteuil. Les mots ne lui parvenaient qu'à travers un brouillard qui troublait sa perception. Quelque chose ou quelqu'un pour qui se battre… Des gens qui l'aiment…

Le Général plongea son regard dans celui de Poséidon qui eut le souffle coupé de lire tant de souffrance. Pourtant, il perçut également une petite flamme qui paraissait vouloir briller envers et contre tout. La toute petite flamme de l'espoir, de la résolution, de la détermination. Celle qui ne s'éteint jamais tant que celui chez qui elle brille, même faiblement, est vivant. Et le Duc était vivant. Contrairement à ce qu'il avait pu croire ces derniers jours, il était vivant. Il n'était pas mort avec Maïa. Il essuya les larmes qui avaient coulées sur ses joues sans qu'il ne s'en rende compte, renifla discrètement et baissa à nouveau la tête. Soudain il la releva et planta son regard dur dans les yeux bleus de son Roi.

- Je vous demande pardon, Sire, d'avoir failli de la sorte à tous mes devoirs. Ce n'est pas digne de mes responsabilités.
- Ne sois pas trop dur avec toi. Tout le monde a le droit d'être affecté par un deuil. Mais la vie continue et il faut poursuivre sa route en attendant son heure, mais sans aller au-devant d'elle pour autant.
- Vous avez raison. Je vais… Je vais me remettre au travail. Je vais m'informer de ce qui se passe sur le front, comment s'organise le retour de nos soldats.
- Donne-toi du temps quand même, mon ami. Un nouveau chemin s'ouvre devant toi. Ne crains pas de t'y engager. Maîtrise-le. Domine-le. Fais le choix d'avancer. J'ai connu des hommes qui n'ont pas fait ce choix. Ils ont préféré la fuite et la couardise devant la difficulté que ça pouvait représenter. Ils ont choisi le suicide.
- Sire, je suis profondément affligé, mais cette idée ne m'a jamais effleuré l'esprit.
- Se contenter de vivre, ou plutôt devrais-je dire de survivre après une telle épreuve, est aussi une sorte de suicide. Cela prend juste un peu plus de temps.
- Je dois m'occuper l'esprit pour ne pas penser qu'elle… qu'elle n'est plus là.
- Tu n'y arriveras pas. Quand tu seras seul, le soir dans ton lit, son souvenir viendra te hanter. N'essaie pas d'oublier. Intègre-le à ta vie de tous les jours et dis-toi que chaque chose que tu as faite, que tu fais ou que tu feras la rendra fière de toi.
- Vous avez raison, c'est ce que je dois faire, même si c'est douloureux.
- Sais-tu pourquoi tu t'es plus vite remis de la perte de ton père ?
- Je ne comprends pas…
- Parce que Maïa était là et que vous vous êtes soutenus mutuellement. Aujourd'hui, tu as l'impression d'être seul. Mais ce n'est pas le cas. Nous sommes là. Julian, moi et tous les autres Ministres. Vous êtes des amis. Plus ou moins en fonction de vos affinités, mais il n'y a pas de conflit entre vous. Et j'en suis heureux parce qu'il n'est pas facile de gouverner quand certains membres se haïssent. Je sais que tu t'entends bien avec Sorrento et Io. Avec Bian aussi. Alors n'hésite à venir nous parler quand tu en ressentiras le besoin. Exprime tes doutes et tes angoisses et tu verras qu'ils seront moins lourds à porter.
- Sire, je… je ne sais pas quoi dire. Votre sollicitude me touche plus que je ne saurais l'exprimer.
- De toute façon, tu n'as pas le choix. Ton fils a besoin de toi.
- Mon fils ? sursauta le Général qui était resté plus ou moins sans réaction depuis le début de leur conversation.
- Oui, ton fils, Kynan. Tu l'as reconnu. Il est donc le futur Duc de SeaDragon. Crois-tu qu'il fera un bon Duc si son père n'est pas là pour lui montrer la voie ? Si celui-ci se lamente trop sur lui-même pour manquer à son devoir d'éducation ? Tu dois penser à lui.
- Une chose est sûre, Majesté. J'avancerai… pour la gloire des Océans.
- Laisse la gloire des Océans là où elle est ! Pour l'instant occupe-toi de toi… et de lui.

De retour dans son appartement, Kanon réfléchit longuement aux paroles du Roi et parvint à la conclusion qu'il avait raison et que son attitude n'avait rien de noble. Ses parents, où qu'ils soient, s'ils le voyaient, ne devaient pas être très fiers de lui. Il fallait qu'il se reprenne. C'est avec une nouvelle détermination qu'il se coucha et sombra rapidement dans un profond sommeil peuplé de cauchemar où de l'eau salée, des cris et le tonnerre le cernaient de toutes parts…

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A son réveil, contrairement à ce qu'il croyait en ouvrant les yeux s'il en jugeait par la nuit agitée qu'il avait passé, Kanon avait l'esprit incroyablement clair. Il n'avait pas encore tout à fait récupéré physiquement, mais il avait l'impression de porter un regard neuf sur ses pensées. Elles lui paraissaient plus ordonnées, plus accessibles. Il demanda à Ethain de lui préparer un bain. L'eau chaude aurait peut-être raison de la lassitude musculaire qu'il éprouvait. Il revêtit un pantalon en coton bleu marine assortit à son gilet et une chemise blanche. Après avoir chaussé ses bottes, il enfila un manteau de laine bleu sans manche et demanda une audience au Roi qui le reçut presqu'immédiatement. Il venait de prendre sa décision…

Wallace cout's Murron - James Horner - Brave Heart.
Résolution

Lorsqu'il ressortit, il s'arrêta chez lui pour changer son manteau contre sa cape et gagna l'écurie où il harnacha Golden. Il quitta la forteresse et s'engagea dans les rues de la ville qui entouraient le Palais jusqu'à une maison cossue. Il attacha son cheval à un anneau fixé dans le mur et s'engagea sous l'arche jusqu'à la porte d'entrée où il frappa. Une servante lui ouvrit et l'introduisit dans le salon coquettement meublé. Il y avait des tapisseries représentant des scènes de chasse et de pèche sur les murs, de confortable fauteuils garnis d'épais coussins, des tapis au sol. Une grande cheminée crépitait d'une joyeuse flambée qui réchauffait la pièce.

- Seigneur Kanon ! s'écria la maîtresse des lieux. C'est toujours un plaisir de vous voir.
- Bonjour dame Isabelle. Liadan est-elle là ? Je ne l'ai pas prévenu de ma visite.

Kanon ne supportait pas ce couple de marchands chez qui la mère de Kynan travaillait. Il les trouvait hypocrites au dernier degré et si ce n'était pour assurer à Liadan et son fils un toit, il n'aurait jamais accepté qu'ils vivent ici. Mais la jeune femme avait insisté, arguant du fait que les trois enfants du couple la connaissaient et s'entendaient bien avec Kynan.

- Elle doit être dans la salle d'étude. Puis-je vous faire servir un rafraîchissement ?
- Pouvez-vous lui dire que je suis là ? rétorqua-t-il, ignorant sciemment l'offre de son hôtesse qui s'en fut chercher l'intéressée, vexée.

Quelques instants plus tard, les deux femmes entrèrent et dame Isabelle s'installa devant le cadre qui soutenait une tapisserie en cours. Liadan sourit à Kanon, amusée de l'attitude de sa patronne.

- Dame Isabelle, voudriez-vous nous laisser seuls, je vous prie ? demanda poliment le Duc, mais dans son ton, l'impatience et l'agacement étaient parfaitement perceptible.

La dite dame le regarda, puis son regard se posa sur Liadan et, d'un air pincé, elle quitta les lieux.

- Si tu n'étais pas qui tu es, je peux t'assurer que j'en aurais entendu de belles après ton départ, sourit la jeune femme.
- Je n'en doute pas. Je ne sais pas comment tu fais pour les supporter. Il fait beau, on pourrait aller dans le jardin, proposa le Duc, peu désireux de s'attarder sur cette mégère.
- En plus elle doit être derrière la porte à écouter ce que nous disons.

C'est en riant que le couple s'installa à l'extérieur, sur un banc de pierre, à l'ombre d'un amandier en fleur. Tout autour d'eux, une multitude de fleurs s'épanouissaient à l'abri dans ce jardin protégé par les murs de la maison.

- J'ai appris pour ta mère, je suis désolée. Si je peux faire quoi que ce soit…
- C'est gentil, ça va aller. J'ai quelque chose à te demander mais j'aimerais que tu prennes bien le temps de réfléchir avant de me donner ta réponse. Ça engage aussi Kynan, alors tu dois bien y penser.

La jeune femme observa l'homme devant elle et capta son regard. Dans le sien, elle fit passer toute sa surprise et sa curiosité. Une fois encore Kanon fut étonné de cette capacité qu'elle avait à communiquer sans même prononcer un mot. Elle parlait avec ses yeux.

- Il y a une chose que je regrette profondément de ne pas avoir fait, poursuivit-il. Et je le regretterai probablement toute ma vie.
- Laquelle ?
- Ne pas avoir présenté Kynan à sa grand-mère. Elle ignorait tout de son existence… et de la tienne.

La jeune femme se figea. Elle ne s'attendait pas du tout à une telle déclaration. L'idée que son fils soit présenté à la Duchesse ne lui avait jamais ne serait-ce qu'effleuré l'esprit. Elle l'avait élevé sans rien demander à son père, sachant accepter avec reconnaissance ce que celui-ci pouvait lui offrir. Et elle considérait qu'il avait déjà fait beaucoup en reconnaissant Kynan et en insistant, pour ne pas dire qu'il avait ordonné à son employeur de la garder à son service, lui assurant ainsi une source de revenus.

- Maintenant c'est trop tard… murmura-t-il comme pour lui-même. Kynan est le futur Duc de SeaDragon puisque je l'ai reconnu. Je veux participer d'avantage à sa vie. Je veux qu'il reçoive l'éducation qui sied à son rang. Et il n'y a qu'au Palais que ce sera possible. Et je veux bien sûr que tu restes auprès de lui. Il a besoin de sa mère et il aura bientôt besoin de son père. Je veux être présent pour lui comme mon père l'a été pour moi.
- Kanon ! s'écria la jeune femme. J'ai peur de ne pas comprendre ce que tu insinues.
- Tu comprends très bien, au contraire.
- Je ne sais pas quoi dire… C'est tellement inattendu…
- Je m'en doute. Réfléchis Liadan. Il apprendra tout ce qu'un jeune noble doit savoir pour tenir son rang. Je ne remets absolument pas en cause la qualité de ton éducation, mais il y a des choses que tu ne pourras pas lui enseigner tout simplement parce que tu les ignores. Moi je peux les lui apprendre.
- Tu as raison, répondit-elle après un long moment de réflexion. Je n'ai pas le droit de le priver d'une vie meilleure que celle qu'il a. Et de toute façon, je n'ai pas d'argument réel à t'opposer. Je pourrais te dire que je crains pour sa vie, mais je sais qu'il n'y a pas de complots malsains au sein du gouvernement. Tu me l'as souvent répété.
- Et je te le répète encore. Il n'y a pas d'endroit plus sûr que le Palais de Corail dans tout le Royaume. Et j'ai une autre proposition à te faire qui devrait achever de te convaincre.
- Quelle est-elle ?

Embusquée derrière la fenêtre, dame Isabelle vit Liadan se jeter au cou du Duc et celui-ci la serrer contre lui. Elle aurait donné beaucoup pour connaître le contenu de leur conversation. Mais cette petite traînée à la morale plus que douteuse ne perdait rien pour attendre. Elle allait lui faire cracher le morceau. Elle se rassit devant son ouvrage et poursuivit sa broderie. Ils finiraient bien par rentrer.

- Dépêche-toi d'aller te changer et habille Kynan, dit Kanon en rentrant sans même un regard pour l'autre femme. Je vais chercher une voiture.
- Liadan n'a pas terminé son service, Seigneur Kanon. Elle ne peut partir immédiatement.
- Pourtant, je l'emmène.
- Mais qui va terminer les leçons des enfants ?
- Pourquoi pas vous pour une fois ? Après tout vous êtes leur mère, alors assumez votre rôle ! Et rangez les affaires de Liadan dans des malles. Je les enverrai chercher demain.

Dame Isabelle resta sans voix. Et le ton employé par le Duc la dissuada de répliquer. Pourquoi donc son mari n'était-il jamais là quand elle avait besoin de lui ? Il aurait su remettre ce Duc à sa place. Et cette idée lui donna le courage de faire avec dignité ce que Kanon lui avait demandé. Pas question qu'elle ploie devant lui. Elle lui montrerait sa désapprobation jusqu'au bout ne songeant pas un seul instant que le Duc n'avait strictement rien à faire de ses états d'âmes. Elle se donnait bien plus d'importance qu'elle n'en avait à ses yeux, mais elle ne le voyait même pas et c'est pour cela qu'elle se ridiculisait à chacune des visites de cet homme.

Le Général revint peu de temps après et Liadan, revêtue de sa plus jolie robe et entraînant son fils derrière elle, quitta la maison pour monter dans le carrosse. Kanon chevaucha à côté jusqu'au Palais où il conduisit ses deux invités à ses appartements.

- Voici Ethain, mon écuyer, dit-il. Tu connais déjà Liadan, poursuivit-il à l'adresse du jeune homme. C'est la mère de Kynan, mon fils.
- Dame Liadan, jeune maître, soyez les bienvenus. Puis-je vous débarrasser ?

La mère et le fils confièrent leurs capes et manteaux au jeune homme et s'assirent dans le salon.

- Ethain ! A boire et à manger ! Ensuite, je vous emmène voir le Roi.
- Le Roi ? s'étonna le petit garçon qui regarda sa mère, un peu effrayé.
- Kynan, désormais, nous allons vivre ici. Avec ton père.
- C'est vrai ? sourit l'enfant avec un sourire éclatant, sa frayeur précédente déjà oubliée.
- Oui, confirma le Duc. Tu suivras l'enseignement du précepteur du Palais avec les autres enfants et je t'apprendrai à monter à cheval.
- Et toi maman ? Que vas-tu faire ?
- Oh… Eh bien… je serai… dame de compagnie, hasarda-t-elle avec un sourire complice pour le Duc.
- Tu ne crois pas si bien dire… rétorqua Kanon avec une lueur malicieuse dans le regard.

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The immigrant - Joannie Madden
Une faible lueur dans la nuit

A mesure que Liadan approchait du bureau du royal, elle sentait toute sa détermination s'évanouir. Elle allait être présentée au Roi. Et son fils aussi. Kanon se retourna et la fixa des yeux, sentant ses craintes.

- Que redoutes-tu ? lui murmura-t-il en s'approchant d'elle.
- Je… j'ai peur de… de ne pas être à la hauteur… de décevoir le Roi… de te faire honte…
- Comment veux-tu décevoir quelqu'un qui ne te connait pas ? Penses-tu que le Roi soit si superficiel ? Tout se passera bien. Et tu ne me feras jamais honte. Parce que tu m'as donné un fils magnifique et bien élevé.

Poséidon se tenait debout à côté de son bureau. Julian était légèrement en retrait de son père, une expression indéfinissable dans le regard. Informé par le Roi, il se faisait un devoir d'être là. Il voulait connaître ce fils caché de son meilleur ami et sa mère.

- Dame Liadan de Nysa(4), soyez la bienvenue au Palais de Corail, déclara le Roi tandis qu'elle effectuait une gracieuse révérence et que son fils s'inclinait dignement, comme le lui avait montré son père.
- Sire, Altesse, c'est un honneur pour mon fils et moi de vous être présentés.
- Kanon, la description que tu m'as faite est très loin de la vérité. Ma chère, vous êtes encore plus ravissante que mon Général ne me l'avait dit. Mais asseyez-vous.

Kynan resta debout près de sa mère et Julian se plaça derrière le Roi.

- Le Duc m'a informé de son désir de vous voir vivre au Palais avec votre fils afin que Kynan reçoive une éducation digne d'un futur Duc. J'ai donné des ordres pour que les pièces inoccupées de son appartement soient remises en état pour vous accueillir. Dame Liadan, vous êtes ici chez vous.
- Sire, je vous remercie, déclara la jeune femme. Les mots me manquent pour vous exprimer ma gratitude.
- Votre famille est originaire d'Eleusis, c'est bien ça ? s'enquit encore le Roi.
- Nous vivons ici depuis quatre générations, Majesté.
- Pourquoi vos ancêtres sont-ils venus s'établir chez nous ?
- Je l'ignore. Nous n'avons pas de Chroniques Familiales qui relatent notre histoire.
- Eh bien Kanon ? N'as-tu rien à dire ? intervint Julian, sèchement.
- Je ne voulais pas interrompre ton père. Je vous suis également reconnaissant Sire d'avoir accédé à ma demande. Mais il y a autre chose que je voudrais demander à Liadan en présence de témoins.

Il mit la main dans la poche de son pantalon et en sortie une petite bourse en velours noir. Il la fit tourner un instant dans ses doigts avant de la tendre à la jeune femme.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Ouvre-la.

Liadan défit le lacet et vida le contenu dans la paume de sa main. Une bague en tomba. Elle était assez lourde, en or délicatement ciselé et surmonté d'un cabochon en saphir.(5)

- C'est une bague qui se transmet de mère en fils. Ma mère me l'a offerte le jour de mes dix-sept ans en me disant bien de la donner à celle qui deviendrait la prochaine Duchesse de SeaDragon. Un jour, tu l'offriras à Kynan.
- Kanon ! s'écria Liadan qui venait de comprendre ce qu'impliquait ce cadeau.
- Devant mon Roi et mon Prince, j'ai l'honneur de te demande ta main. Liadan, veux-tu m'épouser ?

Il y eut un silence. Liadan ne quittait pas le Duc des yeux, cherchant peut-être à découvrir qu'elle avait imaginé ces paroles. Mais il n'y avait que la sincérité dans les deux prunelles vertes qui l'observaient, attendant sa réponse. Le Roi aussi fut surpris d'être pris à témoin de la sorte, mais il s'amusait de cette situation pour le moins inattendue. Quant à Julian, son visage n'exprimait rien.

- Tu veux m'épouser ? répéta-t-elle, toujours aussi surprise bien qu'il le lui ait déjà demandé dans le jardin de ses employeurs.
- Oui, je te l'ai déjà dit. Pour Kynan, je veux que nous formions une famille. Es-tu d'accord ?
- Bien sûre que je le suis, hoqueta-t-elle avant de fondre en larmes.
- Maman, pourquoi tu pleures ? fit la petite voix du garçonnet.
- Ce n'est rien, répondit Kanon en l'attirant dans ses bras et caressant ses cheveux. Ta maman est très émue.
- Et très heureuse, souffla-t-elle.
- Mais on pleure quand on a mal ou qu'on est triste, objecta doctement le petit garçon.
- Parfois aussi, lorsqu'on est très heureux mon chéri, lui expliqua Liadan en lui tendant les bras dans lesquels il alla se blottir.
- Permettez-moi d'être le premier à vous adresser tous mes vœux de bonheur, fit le Roi en donnant une virile accolade à son Général et en embrassant Liadan sur le front.
- Félicitation Kanon, fit la voix dangereusement basse de Julian derrière lui. Jolie façon de te dérober à la promesse que tu m'as faite.
- Qui t'as dit que je me dérobais ? répliqua le Duc en le clouant du regard.

Une étrange lueur traversa les yeux du Prince et un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Alors j'entends que tu la tiennes au plus tôt.
- Patience. L'attente aiguise le désir.
- Crois-tu qu'il ne soit pas assez affûté ?
- Je le constaterai par moi-même.
- Bien. Il va falloir organiser ce mariage ! s'exclama Poséidon. Je suis certain que Thétis se fera un plaisir de diriger tout ça.
- Qui est Thétis, Sire ? s'enquit la jeune femme qui commençait à prendre la mesure de tout ce qu'elle ignorait.
- La sœur du Comte de Sirène, mon Premier Ministre.
- Il ne faudrait pas la déranger, tenta-t-elle de dissuader le Souverain de mettre trop de monde à contribution.
- La déranger ? rit Kanon. Elle sera au contraire enchantée de s'occuper de ça.
- Et ne commencez pas à vouloir faire les choses en petit ! Ce n'est pas tous les jours qu'un de mes Généraux convole en justes noces !

Ooooo00000ooooO

Liadan se retrouva seule dans le salon de l'appartement de Kanon. Celui-ci avait emmené son fils aux écuries pour voir Golden. Elle laissa son regard errer sur les lieux. C'était meublé sommairement mais avec goût. Un bureau, une chaise, une table basse entourée de trois fauteuils et placés sur un épais tapis devant la cheminée. Une armoire, des torches murales. Au plafond, une roue en fer forgé surmontée de grosses bougies. Elle poussa la porte à double battants et parcourut la chambre des yeux. Aux pieds du grand lit à baldaquin recouvert de fourrures, il y avait un coffre. Deux autres fauteuils se faisaient face devant l'âtre, encore des torches. Sur le manteau de la cheminée, une tapisserie était accrochée, brodée aux armoiries du duché de SeaDragon. Sur une petite table, elle vit une carafe en cristal qui contenait un liquide grenat. Du vin. Deux coupes étaient posées à côté.

Un choc dans la pièce voisine la fit sursauter. Des serviteurs étaient en train de rendre habitable les deux autres chambres que, Kynan et elle occuperaient. Une pointe de tristesse lui chatouilla le cœur. Le Duc avait émis le désir de l'épouser, de faire d'elle la Duchesse de SeaDragon, mais de voir qu'on lui préparait une chambre à elle indiquait clairement qu'il n'avait pas l'intention de partager son lit. Elle connaissait les goûts de son futur époux pour les hommes, ce n'était pas un secret. Mais elle avait toujours l'espoir de le voir revenir vers elle. Après tout, il y avait eu un temps où il la désirait. Il était si prévenant, si gentil qu'une fois encore elle s'était laissée prendre au piège de ce regard hypnotique qui lui faisait croire, sans l'ombre d'un doute lorsqu'il se posait sur elle, qu'elle était la seule, l'unique dans son cœur.

Elle ne regrettait pas d'avoir accepté ce mariage, mais c'était avant tout pour son fils. Il lui apparaissait de plus en plus comme une évidence que cette union évitait à Kanon d'aller chercher trop loin une épouse. Il avait déjà un fils, il ne lui manquait qu'une femme. Alors, la mère de son enfant ou une autre, quelle importance. Son avenir ne s'annonçait pas aussi radieux qu'il le lui avait paru au départ. Mais il était trop tard pour changer d'avis. Et puis, si elle se montrait un peu égoïste, ne s'agissait-il pas là d'une occasion qu'elle aurait tort de ne pas saisir ? Orpheline jeune, elle avait travaillé dans une auberge avec son oncle et sa tante, la sœur de son père, en suivant les cours d'un précepteur avec sa cousine. Lorsque sa tante s'aperçut que son mari louchait un peu trop sur la jeune fille, elle lui trouva une place de garde d'enfants chez ce couple. Elle rencontra Kanon lors d'une visite à sa tante. Il était à l'auberge à boire avec ses hommes, quelques années plus tôt. Il fut très poli, très charmeur, irrésistible pour la petite oie blanche qu'elle était. Elle avait dix-neuf ans lorsqu'elle se retrouva enceinte. Le Duc ne fuit pas ses responsabilités même s'il ne l'épousa pas et usa de son statut pour que le couple chez qui elle travaillait la garde à son service.

Et alors qu'elle ne pensait pas vraiment à son avenir, ni à celui de son fils qu'elle savait déjà assuré, voilà que… que quoi ? Le hasard ? La providence ? La chance ? Le destin ? Voilà qu'en un après-midi, sa vie était complètement bouleversée. Elle allait être Duchesse et son fils était déjà assuré du titre de Chevalier. Un vertige la saisit et elle dut s'asseoir. Tout était allé si vite que ça l'effrayait. Peut-être devrait-elle faire part de ses craintes à Kanon. Il comprendrait et la rassurerait. Oui, elle se blottirait dans ses bras où elle se sentait toujours en sécurité…

 

A suivre…

Le prochain chapitre t'emmènera au Royaume du Sanctuaire...

 

17 18 19 21

 

>> Chapitre 13>>

 

La maison où habitent Liadan et Kynan.

(1) Séraphina : elle est la réincarnation de Poséidon dans The Lost Canvas.

(2) Kynan : signifie guerrier en Gallois.

(3) Liadan : signifie dame grise en irlandais.

(4) Le mont Nysa se trouve en Thrace. Dionysos y a été envoyé pour échapper à la colère d'Héra, puisque le dieu était le rejeton de son infidèle époux, Zeus. Liadan est originaire d'Eleusis.

(5) La chevalière des SeaDragon que Kanon offre à Liadan.


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