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LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES... |
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Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur. Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma. J'espère que vous aimerez... |
Carte de ce monde |
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Chapitre 09
Année 10219 de la Licorne, mois de février, Palais de Corail, Royaume des Océans… Le Général SeaDragon avait trop remis l'entrevue qu'il s'apprêtait à avoir avec le Marquis de Lyumnades. Il n'appréciait pas cet homme et se satisfaisait de ne le côtoyer qu'en cas d'absolue nécessité. Pourtant, le travail du Marquis était indispensable, voir même vital au Royaume. C'est ce qu'il se répétait en marchant dans le couloir, mais malgré tout, il ne pouvait se défaire d'une méfiance instinctive à l'égard de cet homme. Peut-être était-il temps de percer l'abcès ? Il ne supportait plus cette suspicion. Kanon frappa à la porte du bureau. Il n'entendit aucun bruit jusqu'à ce que celle-ci s'ouvre soudainement, le faisant légèrement sursauter. - Kanon ? Que puis-je pour toi ? demanda Kassa sans le laisser passer. Kanon pénétrait dans ce bureau pour la première fois. Toutes les entrevues qu'il avait pu avoir avec son pair s'étaient toujours déroulées chez lui ou dans un salon du Palais. Il n'imaginait pas un seul instant que cet homme puisse être sensible à l'art. Sur l'un des murs, au-dessus d'une commode, était accrochée une tapisserie représentant un château en haut d'une falaise battue par d'énormes vagues et au premier plan, sur une plage on voyait l'épave d'un navire de guerre. Il y avait plusieurs morceaux de coraux de différentes tailles et aux multiples couleurs sur des étagères. Les fenêtres étaient garnies de tentures bleues mer et au-dessus de son lit que le Général aperçut dans la chambre par la porte entrouverte, une autre tapisserie représentait les armoiries de la famille de Lyumnades aux côtés de celle de la famille Royale. Il régnait une grande sérénité en ce lieu qui, incompréhensiblement, rassura et apaisa Kanon. - Une coupe de vin ? proposa Kassa tout en se servant. Kanon prit le temps de s'asseoir confortablement avant de revenir à son interlocuteur. Par les Dieux ! Que cet homme lui faisait froid dans le dos. Il avait l'impression d'avoir devant lui un fantôme. Qui pouvait apparaître et disparaître à volonté. Jamais il n'avait vu quelqu'un d'aussi fuyant, d'aussi difficile à cerner et ça le mettait mal à l'aise. De plus, le physique de Kassa n'avait strictement rien de remarquable. Un homme banal somme toute, capable de passer inaperçu dans une foule. - Depuis que le Roi nous a annoncé le prochain mariage de Julian avec la Princesse Saori, les enjeux ont changé. Le Sanctuaire va passer du statut d'ennemi héréditaire à celui d'allié inconditionnel. Kassa ne répondit pas et eu un sourire énigmatique qui fit frissonner le Général. - Rien de ce qui se passe dans ce Palais ne m'échappe. Je suis au courant de tout. Kanon écarquilla les yeux de surprise. Il n'y avait pourtant personne dans les couloirs. A l'allée comme au retour. Alors comment Kassa pouvait-il être au courant ? - Comment sais-tu cela ? Kassa posa sur le Général un regard insondable. Impossible de savoir ce qu'il pensait. Une fois encore, Kanon eut l'impression qu'il allait se volatiliser sous ses yeux. - Dès mon plus jeune âge, mon père m'a formé à ce… métier. J'ai reçu une éducation stricte et des plus variées. Un jour, je devais avoir quatorze ou quinze ans, il m'a confié ma première mission. Je devais lui faire un rapport sur les activités de chaque Ministre durant une journée. Ce que j'ignorais, c'est qu'il allait faire la même chose de son côté pour voir si j'allais tout remarquer. Et j'ai accompli ma mission. J'ai passé ce test haut la main. Il en a parlé au Roi, mais je n'en ai pas su d'avantage. Il y a cinq ans, tu dois te souvenir de la bataille du Main Bread Winner, Poséidon avait enrôlé tous ses hommes. Mon père est parti se battre. Il s'est fait tuer. Quelques temps plus tard, le Roi m'a nommé Ministre des Renseignements à sa place, tout simplement. Kanon sortit après l'avoir remercié. Kassa appela son secrétaire et lui demanda de convoquer deux de ses espions. Quelques instants plus tard, une femme et un homme entraient dans le bureau de leur Général et s'assirent sur les sièges qu'il leur indiqua. Ooooo00000ooooO
La journée était froide mais ensoleillée. Bien à l'abri au pied de certains arbustes ou au creux de quelques pierres, les premiers crocus et perce-neiges avaient montré le bout de leurs coroles bleues et blanches(1). Les températures étaient relativement douces en bord de mer et il ne neigeait que rarement. Alors ces jolies fleurs ouvraient leurs boutons et formaient des taches de couleurs un peu partout sur les plaines et les prairies. Un cavalier empruntait le chemin étroit qui menait à la plage. Enveloppée dans un chaud manteau de laine, la jeune femme avait ôté sa capuche et ses longs cheveux blonds flottaient au vent. La jument baie, répondant au joli nom de Doris(2), avançait d'un pas sûr sur le chemin pierreux. Arrivée sur le sable de la plage qui bordait le bas des falaises, Thétis éperonna sa monture qui s'élança au triple galop. Penchée sur l'encolure, la jeune femme l'encourageait de la voix à aller toujours plus vite. Elle se laissa bercer par le martèlement des sabots étouffé par le sable gris et humide. Le vent frais lui cinglait le visage et faisait pleurer ses beaux yeux. Elle était heureuse. Au loin, elle vit se profiler la silhouette d'un cavalier. Elle ralentit l'allure et le rejoignit en souriant. Il la regarda avec une lueur d'émerveillement dans le seul œil qui lui restait, l'autre ayant été emporté par un soldat du Sanctuaire. Une vilaine balafre le défigurait, mais ça n'avait aucune importance. - Bonjour Seigneur Isaak, fit la jeune femme en s'approchant encore jusqu'à coller les flancs de leurs chevaux l'un contre l'autre. Pour toute réponse, il attrapa vivement sa nuque et colla ses lèvres au siennes. Elle répondit au baiser sauvage. - Viens… lui souffla-t-il. Il talonna son cheval et se dirigea vers la falaise. L'entrée d'une caverne se dessina où les deux jeunes gens pénétrèrent. Après avoir attaché leurs chevaux à un vieux tronc d'arbre certainement apporté là par une tempête, ils s'enfoncèrent dans les profondeurs de la roche. Le boyau qu'ils longeaient bifurqua sur la gauche et s'ouvrit sur une petite salle ou brulait un feu, seule source de lumière dans ce lieu. Au sol étaient étalées des fourrures de phoques sur lesquelles un panier était posé. - Tu as soif ? demanda Isaak en l'ouvrant pour en sortir deux coupes en argent et une bouteille de vin. Installés sur les fourrures, ils sirotèrent leur boisson en silence sans se lâcher des yeux. - Nous devrions lui parler, non ? dit le jeune Baron en enlevant sa cape. Disant cela, elle s'approcha et embrassa son prétendant avec douceur. - C'est bientôt ton anniversaire, non ? reprit-elle en se levant pour faire le tour du feu. Thétis s'agenouilla auprès du jeune homme, sur les fourrures et passa une main tendre sur sa joue. D'un geste empreint d'une grâce infinie, elle dénuda son épaule, puis l'autre. Isaak déglutit avec difficulté. Il avait soudain la bouche sèche. La robe de laine glissa jusqu'à la taille, dévoilant un buste parfait. Le Marquis sentit le désir lui tordre violemment le ventre. Son œil unique caressait amoureusement la moindre courbe. - Je veux être à toi, murmura-t-elle, je veux être ta femme… Sans trop savoir comment, il se retrouva emprisonné entre deux bras fins mais forts, allongé sur un corps qu'il désirait plus que tout. Il se redressa un instant pour ôter son pourpoint et sa chemise. Un gémissement de plaisir franchit les lèvres de Thétis lorsqu'elle sentit la peau brulante de son promis contre la sienne. Elle commençait à entrevoir les délices dont elle avait souvent entendus parler par ses servantes. Mais elle était loin d'imaginer que cela pouvait être aussi intense, aussi fort. Les mains et les lèvres d'Isaak parcouraient avec une lenteur respectueuse ce corps offert et dont il avait tant rêvé. Même si la jeune femme était consentante, il savait qu'elle ignorait tout de ce qui allait suivre. Oh, il se doutait bien qu'elle était parfaitement au courant de ce qui se passait entre un homme et une femme, mais le savoir et le vivre étaient deux choses bien différentes. Alors, malgré le désir qui lui raidissait les reins, il s'appliqua à lui faire découvrir les joies du corps, jusqu'à ce qu'il sente qu'elle était prête à aller plus loin, à l'accueillir. Elle cria sous l'intrusion douloureuse, mais très vite, le plaisir lui fit tout oublier. Elle serra Isaak contre elle, enroula instinctivement ses longues jambes autour de ses hanches et l'accompagna dans ses mouvements. Elle s'offrait complètement, avec l'abandon total que seul l'amour peut inspirer. Le cœur du jeune Baron cognait à tout rompre dans sa poitrine. Dans la chaleur de ce ventre, il crut se perdre mille fois. Il usa de toute son expérience dans ce domaine pour donner du plaisir à la femme qu'il aimait plus que tout. Les cris qu'elle poussait étaient une véritable torture pour lui. Douce, certes, mais ô combien usante pour sa résistance. Lui aussi finit par gémir dans le creux chaud de son cou. Il la sentit se tendre comme un arc lorsque le plaisir ultime la foudroya, alors il se laissa aller lui aussi à l'éprouver. Ils restèrent longtemps blottis dans les bras l'un de l'autre, à regarder les flammes danser sur les buches, au milieu du cercle de pierre du foyer, savourant le bien-être qui berçait leurs corps et leurs esprits. - Thétis ? Les deux jeunes gens se rhabillèrent car il fallut songer à rentrer. La nuit tombait vite en cette saison et les sentiers qui devaient les reconduire au Palais de Corail ne seraient bientôt plus visibles. Ils se séparèrent sur la plage non sans avoir échangé un baiser fiévreux et empreint d'impatience de se donner encore l'un à l'autre désormais. Ils ne virent pas la silhouette d'un cavalier qui les observait, au sommet de la falaise… Ooooo00000ooooO Le Roi Poséidon revenait de la crypte funéraire de la famille Royale(3). Il était resté longtemps à l'intérieur. Entièrement construite en corail blanc, il resta à regarder les six colonnes cannelées qui supportaient le fronton triangulaire sans vraiment les voir avant de faire demi-tour. Comme à chaque fois, son pas était lourd, ses épaules voutées. Son regard d'ordinaire vif et brillant était terne, éteint. Une fois par mois, il allait se recueillir dans le tombeau de son épouse. La Reine Amphitrite avait été pour lui, une femme hors du commun. Fille d'un riche commerçant, il était tombé éperdument amoureux d'elle. Mais il était destiné à épouser une Princesse et son père s'était radicalement opposé à cette union. Mais il mourut prématurément et une fois sur le trône, Poséidon put se marier avec Amphitrite. Elle avait dirigé le Palais de Corail d'une main de fer et les habitudes prises par les serviteurs étaient toujours respectées. Elle avait assisté aux Conseils Royaux et Poséidon lui demandait souvent son avis. Si au début cela avait surpris, voir même choqué ses ministres, il s'avéra que son point de vue, purement féminin, n'était pas dénué d'intérêt, ni même de bon sens. Ce furent les plus belles années de sa vie, malgré la guerre qui faisait toujours rage. Puis elle lui donna Julian. Et son bonheur fut complet. Son décès, suite à un accident de cheval, l'avait laissé meurtri. Le Prince n'avait que huit ans quand survint le drame . Une intensification des combats le tint éloigné de son fils et de son éducation qu'il laissa aux précepteurs et maîtres d'armes. Le jeune homme comprit bien vite qu'il pouvait plus ou moins en faire à sa guise, étant donné que tout le monde, ou presque, obéissait au Prince héritier. Aujourd'hui, cet espoir de paix entre les Océans et le Sanctuaire allait lui donner la possibilité de renouer avec son fils des liens qui n'auraient jamais dû être négligés. L'arrivée de Kanon, sa fermeté, sa sévérité parfois, avait plus d'une fois recadré Julian, lorsque celui-ci dépassait les bornes. Et maintenant, c'était à lui de reprendre en main son fils, son seul et unique enfant, celui que lui avait donné son épouse adorée. En lui, il retrouvait la beauté de sa mère, son emportement également, sa fougue, mais aussi sa douceur. La guerre avait privé Julian de son père depuis bien trop longtemps.
Cette résolution fut comme un baume sur son cœur broyé. Poséidon redressa les épaules et parcourut, d'un pas plus assuré, la fin du sentier qui le ramenait au Palais. En pénétrant dans son bureau, il demanda à son Chambellan d'aller chercher son fils. Ooooo00000ooooO Julian menait un train d'enfer, suivit de près par Yadav(4) le fils du Baron de Chrysaor. Les deux jeunes gens s'entendaient bien et l'on voyait rarement l'un sans l'autre. Partis pour faire une promenade à cheval, les voilà en train de se défier pour savoir lequel des deux arriverait le premier aux écuries. L'Akhal-Teke(5) du Prince était indéniablement plus rapide que l'Andalou de son ami, mais pas de beaucoup. Julian ne cessait de se retourner. Il entendait le galop du pur-sang derrière lui. Il se coucha sur l'encolure et éperonna les flancs de l'animal qui accéléra. Ils franchirent la herse des remparts dans un tonnerre de sabots et ne s'arrêtèrent que dans la cour de l'écurie où deux jeunes palefreniers prirent les chevaux en charge pour les mener à leur stalle. - Ah ! J'ai encore gagné ! s'écria Julian en narguant son ami. La voix grave derrière eux les fit sursauter. Ils se retournèrent pour tomber nez à nez avec le Général qui avait du mal à ne pas rire. - Je disais à Yadav que… Le Général et Yadav regardèrent le Prince s'éloigner. Le jeune homme se tourna vers l'ami de son père et l'observa. Cet homme l'impressionnait par son charisme. - Comment faites-vous pour gagner cette course depuis cinq ans maintenant ? lui demanda-t-il alors qu'ils entraient dans l'écurie. Le jeune homme regarda Kanon s'éloigner au galop vers les portes de la Cité , faisant fuir tous ceux qui se trouvaient sur le passage de son cheval. Puis il rejoignit le sien. Il avait envie de rester avec lui, de s'en occuper. Il était persuadé qu'en faisant preuve d'affection, l'animal le sentait et qu'il en était reconnaissant. Ooooo00000ooooO Depuis la mort de son père, Kanon avait installé sa mère dans une petite maison, de l'autre côté du lac Patras. Le duché de SeaDragon était situé sur la côte nord-est du Royaume, dans une région dévastée par la guerre. Aussi Kanon avait-il jugé plus prudent de loger sa mère plus près du Palais de Corail où il résidait en permanence. Son château et ses terres étaient complètement à l'abandon et une femme de son âge n'y aurait pas été en sécurité. De plus il était totalement inutile de risquer la vie de quelques personnes pour s'occuper d'elle et de son domaine. Il serait temps de le faire si, un jour, la paix régnait à nouveau. Et peut-être que cela arriverait plus tôt que chacun ne le croyait. Une servante s'occupait de la Duchesse de SeaDragon, parfaitement consciente de qui était son fils. Aussi prenait-elle bien soin de la vieille femme, ne sachant trop que, quelque part, elle était privilégiée. Ce n'était pas donné à tout le monde d'être au service d'un ministre, surtout du plus influant en ces périodes de troubles. Aussi ne fut-elle pas étonnée d'entendre un galop. Elle posa la marmite sur le feu et jeta un œil par la fenêtre juste à temps pour voir Kanon sauter de son cheval. Machinalement, elle rajusta sa mise et se rendit auprès de Maïa(8), qu'elle regarda avec une certaine tendresse. Elle avait fini par s'attacher à la vieille Duchesse qui lui racontait, parfois, dans ses rares moments de lucidité, comment était son mari, Glaucos(9), lui aussi Général du Roi ou comment, ils avaient recueilli leur fils. Comprenant là qu'elle détenait une information qui valait son pesant d'or, Darina(10) la garda précieusement pour elle. Peut-être aurait-elle l'occasion de la monnayer. Mais jusqu'à présent, la crainte de cet homme puissant, Ministre de son état et surtout Général de Sa majesté avait retenu la jeune femme de parler. Et puis, elle ambitionnait de se faire épouser alors, il valait mieux passer pour quelqu'un en qui on peut avoir confiance. Mais avec le temps, son attachement à Maïa lui donna mauvaise conscience. On ne pouvait en vouloir à qui que ce soit d'avoir sauvé un enfant d'une mort certaine. Et surtout, à chacune de ses visites, Darina tombait un peu plus sous le charme du Général. Et pour rien au monde, elle ne voulait lui nuire. Elle s'approcha de Maïa et prit ses mains dans les siennes. - Votre fils vient d'arriver, lui murmura-t-elle en souriant. Aussitôt le visage de Maïa reprit vie. Ses prunelles rose foncé s'illuminèrent de ce qu'on aurait pu appeler un éclat de joie. - Je vais l'accueillir, reprit-elle, délaissant la vieille femme. Elle s'empressa d'aller ouvrir la porte pour voir Kanon revenir de l'écurie où il avait laissé son cheval. Il leva la tête et lui sourit. Le cœur de la jeune femme battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle rougit légèrement. - Bonjour Darina ! Il la regarda grimper les escaliers deux par deux jusqu'à l'étage supérieur où se trouvait sa chambre. Un sourire étira ses lèvres. Il se dirigea vers le salon où il savait trouver sa mère. Il se débarrassa de sa cape et de ses armes sur l'un des fauteuils et alla vers elle. Il s'agenouilla devant elle et capta son regard. - Bonjour mère, murmura-t-il en prenant sa main fine et ridée dans la sienne. Elle baissa vers lui un regard vide. Elle le voyait, mais semblait ne pas le reconnaître. Puis une lueur apparut. - Glaucos ? Pour une raison obscure, Kanon sut que la Duchesse disait la vérité. Son premier souvenir était le visage de Maia. Il se rappelait des bains de mer. Il savait nager, tout comme monter à cheval. Mais avant ce premier souvenir, rien. A part ce cauchemar où il se noyait et appelait un nom… Son cœur se glaça dans sa poitrine en proie à une douleur infinie. - Vous n'êtes pas mon fils… Je n'ai jamais pu avoir d'enfant… Ooooo00000ooooO
Lorsque Darina rentra, il faisait presque nuit. Aussitôt, elle alla à la cuisine et suspendit la marmite de soupe au-dessus du feu de la cheminée. Elle fila déposer ses affaires dans sa chambre et redescendit au salon. Elle le trouva plongé dans le noir. Allumant rapidement quelques chandelles, elle fut surprise de trouver la Duchesse paisiblement endormie sur son fauteuil et le Duc assis devant la fenêtre, sa tête appuyée contre ses bras croisés sur ses genoux repliés. Lui aussi semblait dormir. Elle s'approcha et posa une main sur son épaule pour le réveiller. Il releva la tête et plongea son regard dans les yeux de la jeune femme. Ce qu'elle vit la laissa sans voix. Ce regard d'ordinaire si pétillant, si charmeur était débordant de tristesse et de douleur. Elle fronça les sourcils en une question silencieuse, mais avant qu'elle n'ait pu la formuler à voix haute, elle se retrouva prisonnière de deux bras puissants. Le Duc sanglotait comme un enfant, le visage enfoui dans sa jupe contre son ventre. - Seigneur Kanon…, murmura-t-elle après quelques instants, ne sachant trop quelle attitude adopter. Que se passe-t-il ? osa-t-elle enfin demander. Il obéit sagement et porta la Duchesse jusque dans sa chambre. Darina la prépara rapidement pour la nuit avant de revenir au salon où elle trouva le Général à nouveau assis devant la fenêtre. - Venez boire ceci, fit-elle en l'aidant à se lever pour le conduire jusqu'au fauteuil Kanon se laissa faire comme un enfant. Il était anéanti, plus rien n'avait de sens. Sa vie ne voulait rien dire. Ce n'était qu'une mascarade, un mensonge. Il but ce que Darina lui mit dans les mains sans se poser de question. Cela aurait pu être du poison qu'il serait tombé raide mort, sans avoir eu la moindre méfiance. - Que s'est-il passé ? Qu'est-ce qui vous a mis dans un tel état ? demanda-t-elle d'une voix douce et compatissante. Il la dévisageait avec un regard plein de souffrance et de colère. D'incompréhension et de révolte. La jeune femme fut émue de voir cet homme si fort aussi fragile qu'un nouveau-né. Parce que c'est exactement l'impression qu'elle avait. Alors, sans vraiment savoir ce qu'elle faisait, elle s'assit à ses cotés et le prit dans ses bras pour le bercer. Il se laissa aller à ce contact, entourant de ses bras la taille de la servante. - Elle m'en a parlé, il y a environ deux ans, commença-t-elle. A l'époque elle avait encore de longs moments de lucidité. Elle savait qui j'étais, qui vous étiez, que votre père était mort et les raisons pour lesquelles vous l'aviez installée dans ce petit manoir. Kanon se redressa légèrement, soudainement conscient de ce que leur position pouvait avoir d'ambigu. Il regarda Darina et eut l'impression de la voir pour la première fois. - Que pensez-vous de tout cela ? Darina l'attira à nouveau contre elle. Il se laissa aller dans la chaleur réconfortante de la jeune femme. Ça lui rappelait les tendres étreintes de sa mère lorsqu'il était encore très jeune et son père se moquait gentiment de lui. Sous son oreille, il entendait battre le cœur de Darina un peu vite. Elle devait être émue, elle aussi. En tout cas, il devait s'avouer qu'elle savait garder un secret. Elle était au courant depuis deux ans et n'avait rien dit. Il sentit qu'elle resserrait son étreinte, sa main caressant son épaule. Il se sentait mieux, il était bien là. Darina était douce et intelligente. Compréhensive aussi. Elle sentait bon le chèvrefeuille. Il releva un peu la tête et sa joue reposa tout contre la peau de sa gorge. Il la sentit poser sa tête sur la sienne, comme on le ferait avec un enfant pour le rassurer. A croire que toutes les femmes ont un peu les mêmes gestes lorsqu'il s'agit d'apaiser la peine de quelqu'un, quel que soit son âge. Mais ce qu'il commençait à ressentir n'avait rien d'enfantin. Il s'écarta légèrement et la regarda. Elle soutint ce regard sans ciller. Lorsqu'il posa ses lèvres sur les siennes, elle ne se déroba pas. Elle répondit avec cette gentillesse qui la caractérisait. Et les choses allèrent très vite. Les mains d'abord, partirent se perdre sous les habits, cherchant la peau hérissée de frissons. Puis, rapidement, les vêtements girent au sol alors que sur le fauteuil, deux corps s'enlaçaient pour un ballet fiévreux et sensuel. L'impatience de Kanon ne surprit pas Darina qui s'offrit totalement à cet homme qu'elle désirait ardemment. Elle qui rêvait de se faire épouser, se contenterait d'être simplement sa maîtresse s'il lui faisait toujours l'amour ainsi. Elle ne compta plus le nombre de fois où elle se perdit dans les méandres du plaisir ultime. Il était fort dans ses étreintes, puissant dans ses coups de reins, tendres dans ses caresses, passionné dans ses baisers. Respectueux dans sa façon de la regarder jouir. Pourquoi avait-il envie de sentir la chaleur d'un corps l'envelopper ? Il n'aurait su le dire, mais Darina était là, et visiblement consentante. Il prit tout ce qu'elle lui offrait. Il se délecta une bonne partie de la nuit de la peau soyeuse de ses cuisses, du velouté de celle de ses seins. Elle avait du savoir-faire et cela lui plut. Et toujours la même douceur dans les gestes et les yeux. Il en avait besoin et elle l'avait compris. A leur réveil, ils virent qu'ils avaient dormi à même le sol, sur le tapis, leurs vêtements leur servant de couvertures. Darina s'habilla rapidement et s'enfuit dans la cuisine pour leur préparer quelque chose à manger. La Duchesse n'allait pas tarder à s'éveiller et il faudrait s'occuper d'elle. - Tu regrettes ? fit la voix rauque de son amant de la nuit, nonchalamment appuyé contre le chambranle de le porte. Elle se figea un instant, cherchant la réponse à cette question. - Je crois que… que j'ai peur de ce que vous pourriez lire sur mon visage… Elle posa le couteau qu'elle utilisait pour trancher la miche de pain et se tourna vers Kanon, puis finit par lever les yeux vers lui. Il s'approcha et la prit dans ses bras. - Je sais que tu as des sentiments pour moi. Kanon avait haussé le ton pour se faire entendre car le petit bout de femme qu'il avait devant lui était persuadé qu'il pensait qu'elle l'avait piégé. - Si tu es enceinte, je ne t'épouserai pas. J'ai bien compris que tu prendrais cela très mal. Mais par contre, tu ne manqueras de rien et je reconnaîtrai mon enfant. Si comme tu le dis, ce doit être le destin, alors ce sera ainsi. Je n'ai pas pour habitude de fuir mes responsabilités. Si tel était le cas, je serai un bien piètre Général. Il s'approcha et l'embrassa tendrement. Il la sentit se pâmer sous son baiser. - Tu mérites mieux que moi. Tu mérites de trouver un homme qui t'aimeras vraiment, pour toi, pas uniquement pour ce que tu fais pour lui. De mon côté, je ne pourrai pas te donner cela. Il déposa un baiser sur son front et s'en fut récupérer ses vêtements dans le salon. Il terminait d'attacher son baudrier lorsqu'il entendit sa mère appeler Darina. Il se précipita dans la chambre et trouva la Duchesse assise sur son lit. - Bonjour mère, fit-il en s'asseyant près d'elle et l'embrassant sur la joue. Le Duc échangea un regard surpris avec Darina qui venait d'entrer à son tour et qui se dirigea vers la fenêtre pour ouvrir les tentures. - Le Roi et le Prince vont bien et Julian va fêter ses vingt-deux ans. Elle emboita le pas à Kanon qui descendait les escaliers comme s'il fuyait un monstre. - Mais comment…, s'étrangla-t-il, les larmes aux yeux. Il sortit et gagna l'écurie. Golden hennit doucement en sentant son maître arriver. Kanon le sella rapidement et l'enfourcha. Il s'éloigna au triple galop, le cœur gros, le vent séchant les larmes qui coulaient sur ses joues… Ooooo00000ooooO Lorsqu'il arriva au Palais de Corail, Kanon alla immédiatement au bureau du Baron de Chrysaor. Une voix l'invita à entrer et quelle ne fut pas sa surprise de voir son pair en train de besogner une jolie servante aux jupes relevées jusque sur la tête. - Assieds-toi ! J'en ai pas pour longtemps ! Kanon, un peu gêné aurait préféré ressortir, mais Krishna l'apostropha. - Je pensais que tu viendrais plus tôt ! Du coin de l'œil, Kanon vit son ami accélérer ses coups de reins et le gémissement qu'il entendit lui indiqua qu'ils allaient enfin pouvoir se mettre au travail. - Rien de tel pour bien démarrer la journée ! s'écria le Baron en rajustant ses vêtements. Il servit un verre de vin et en proposa au Général qui refusa poliment. Krishna s'assit en face de lui et l'observa en silence quelques instants. - Pourquoi ne fais-tu pas venir ta mère ici ? Alors qu'il se hâtait vers le bureau royal, Kanon se souvint que le Prince lui avait demandé d'aller le voir, la veille. Il pesta intérieurement d'avoir oublié. Ces temps-ci, il ne semblait faire aucun cas des désirs de Julian et il savait que le jeune homme le coincerait tôt ou tard et lui demanderait des comptes. Poséidon fut surpris de voir son Général en Chef et malgré le travail qu'il avait, il consentit à lui accorder un peu de temps. - Ma démarche est personnelle, Sire. Elle ne concerne pas le Royaume. Le Roi se calla dans son fauteuil, joignit les mains et posa ses deux index contre sa bouche. Cette attitude ne fit que conforter Kanon dans ses doutes qui devinrent des certitudes. Poséidon savait. - Saviez-vous que le Duc et la Duchesse de SeaDragon n'étaient pas mes véritables parents ? Le Général avait haussé le ton de ses dernières paroles. Dans ses yeux, le Roi put lire une immense tristesse et un profond désespoir. Cette nouvelle fragilisait son meilleur élément, à l'évidence. Et cela risquait d'amoindrir ses capacités. Et il avait trop besoin de Kanon pour le voir diminué. Son moral en avait pris un coup et il était de son devoir de le remotiver. Il prit le parti de lui révéler tout ce qu'il savait. - Il y a vingt-trois ans, le Duc et la Duchesse de SeaDragon habitaient encore leur château. Les combats n'avaient pas encore atteint vos terres. Un jour qu'ils se promenaient à cheval sur la plage, ils t'ont trouvé. Tu étais à peine vivant. Autour de toi, les morceaux d'épaves leur firent conclure que tu étais sur un bateau qui avait fait naufrage. Ils t'ont ramené chez eux et ont envoyé un messager me prévenir pour que je demande à mon médecin de t'examiner. Le guérisseur du village voisin avait déjà nettoyé et pansé tes blessures. Antée n'a rien fait de plus, satisfait de voir qu'il y avait des gens compétents en soins médicaux. Il a juste prié les Dieux pour qu'ils t'accordent la vie sauve. Le Roi se leva et se servit un verre de vin. D'un geste, il invita Kanon à se joindre à lui, mais le Général refusa. - Tu es resté plusieurs jours sans connaissance, reprit Poséidon. A ce moment, j'étais venu rendre visite à tes parents. Ta mère t'a veillé jour et nuit. Elle ne te connaissait pas, mais déjà elle t'aimait et s'était attachée à toi. Tu as ouvert les yeux, tu nous as regardés. Le premier mot que tu as prononcé fut "Saga" Nous avons songé qu'il s'agissait peut-être d'un ami de ton âge ou de ton frère qui aurait pu être sur ce bateau avec toi. Tu semblais ne plus savoir ce qui s'était passé. Ta mère m'a demandé l'autorisation de te garder en attendant de retrouver tes parents. Ton père a sillonné les villages environnants, mais personne ne déplorait la perte d'un enfant ou d'un bateau. Finalement, ils t'ont gardé et adopté. J'ai signé les documents qui font de toi le seul et unique héritier de tous les biens de SeaDragon. Tes parents étaient bien tristes de ne pas pouvoir avoir d'enfant et voilà que tu leur tombais dans les bras. Ils y ont vu un signe. - Et personne n'est jamais venu me réclamer ? demanda Kanon après un long silence. Il se retira après s'être incliné puis une fois dans le couloir, il décida d'aller voir le Prince Julian. Celui-ci devait être suffisamment énervé d'avoir été négligé, mieux valait ne pas rajouter les caprices du jeune homme à ses soucis personnels. - Faut-il que je transforme mes demandes en ordres pour que tu daignes y obéir ? l'accueillit Julian, encore plus en colère que le Général ne l'avait imaginé. Il était vêtu d'une robe de chambre en soie bleue brodée de fil d'or sur un pantalon de coton très ajusté et de bottillons d'intérieur. - Pardonne-moi, mais j'ai été… Depuis la nuit où le Prince s'était introduit dans la chambre de Kanon pour le séduire et après avoir reçu une leçon d'humilité qu'il n'était pas prêt d'oublier, ni le jeune homme ni le Général n'avait abordé à nouveau le sujet bien trop occupés qu'ils avaient été. Ou bien Julian n'était pas encore sûr de lui. - Je te renouvelle pourtant ma proposition, poursuivit Kanon. Quand tu seras prêt, viens me voir. Demain ou après-demain ou dans une semaine, je serai mieux disposé à… à te satisfaire. Ooooo00000ooooO
Après avoir pris un bain préparé par Ethain, le Général s'octroya un moment de détente. Il s'allongea sur les coussins et la fourrure posés au sol devant la cheminée de son salon, un verre de vin à la main. Il n'avait vraiment pas envie de penser à leur projet commun à lui et au Baron de Chrysaor. De toute façon, il avait bien le temps de le faire avant le prochain Conseil. Les révélations de sa mère, les détails fournis par Darina et la confirmation du Roi, cela faisait beaucoup en une seule journée. Il n'arrivait plus à avoir une pensée cohérente. Et si ses parents étaient des citoyens du Sanctuaire ? Ça lui semblait inconcevable. Et qui donc était ce Saga ? Un ami ? Un frère ? L'homme à qui appartenait le bateau ? Un animal qu'il aurait emmené avec lui ? Mais apparemment quelqu'un ou quelque chose d'important pour qu'il crie son nom dans ses rêves. Il avait beau se creuser la cervelle, il ne se souvenait de rien avant le moment où il avait ouvert les yeux et vu le visage de Maïa penché sur lui avec un sourire d'une incroyable tendresse. Rien. Si ce n'est ce cauchemar récurrent qui était revenu le hanter après des années d'absence. Il avait froid, il faisait noir. Il savait qu'il était dans l'eau et il criait. Il criait ce nom : Saga. Il sentait l'eau lui remplir la bouche, il suffoquait, crachait, toussait. Puis il se réveillait en sursaut, en sueur avec l'horrible impression d'avoir perdu quelque chose de précieux, d'inestimable. Le regard perdu dans les flammes de l'âtre, il s'endormit, épuisé par toutes ses pensées qui se bousculaient dans sa tête. Ethain ramassa la coupe de vin encore à moitié pleine et recouvrit son Seigneur avec sa cape en fourrures de loups. Même s'il faisait bon dans la pièce, Kanon était parterre et même sur le tapis, le froid de la pierre finirait par passer au travers. Ceci fait, il alla se coucher à son tour…
>> Chapitre 10 >>
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