LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES...

 
   

Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur.

Genre
:
Univers Alternatif à tendance celtico-médiévale et Heroic Fantasy. Aventure/Romance. Certains couples sont très inhabituels. Yaoi, het et lemon bien sûr.

Rating : interdit au moins de 18 ans.

Auteur : Scorpio-no-Caro

Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma.

J'espère que vous aimerez...

 


Carte de ce monde

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Chapitre 06

Ashplant merry harrier - Martin Hayes
Kanon rend visite au Roi Poséidon

Année 10219 de la Licorne, mois de janvier, Palais de Corail, Royaume des Océans…

Quelques jours après que son fils lui ait rapporté sa visite dans le petit village de pêche de Lycos(1), le Roi Poséidon trouva enfin un moment pour revenir sur la demande de ce dernier, à savoir d'envoyer une demi-douzaine d'hommes là-bas pour aider les pêcheurs à traiter plus de poissons afin de pourvoir en nourriture d'autres villages. Lycos le faisait déjà avec quatre de ses voisins mais avec des hommes et des chariots supplémentaires, ils pourraient aider d'autres bourgs et hameaux.

Le Roi avait tout d'abord réagi comme son Ministre des Armées, le Général SeaDragon. Amputer leur force de frappe de plusieurs hommes pour quelques poissons n'était pas une idée vraiment raisonnable mais le Prince Julian avait fait valoir ses arguments et fini par convaincre son père. Il demanda au Général de faire un recensement pour voir combien d'hommes il pouvait prélever sur les effectifs des troupes, presque toutes engagées sur le front du Nord. Ce n'est qu'en ce début d'année que celui-ci trouva le temps de s'en occuper et le Roi attendait son retour.

Bien qu'Atlantis, la capitale du Royaume, bénéficiât d'un climat doux, cet hiver était plus rigoureux que les autres. C'était rare de voir tomber la neige sur le littoral et Poséidon voyait virevolter quelques flocons à travers la fenêtre de son bureau. Ils fondaient en atteignant le sol, mais avec la nuit et les températures plus basses, ils pourraient bien tenir jusqu'au lendemain matin.

On frappa à la porte. Un garde entra et mit un genou à terre.

- Majesté, le Ministre des Armées désire vous voir.
- Qu'il vienne !

Un homme en armure pénétra dans la pièce et s'agenouilla à son tour tandis que le garde sortait et refermait la porte. Il tenait son casque dans le creux de son bras et ses longs cheveux bleus cachaient son visage.

- Relève-toi, Kanon et viens t'asseoir. Alors, qu'as-tu pu faire pour Lycos ?
- Comme vous me l'avez demandé, j'ai cherché des hommes qui pourraient être soustraits de nos effectifs sans que cela ne désorganise l'armée. J'en ai trouvé huit.
- C'est plus que ce que mon fils avait requis. Es-tu toujours opposé à son idée et à ma décision ?
- Eh bien, après y avoir réfléchi plus longuement, je reconnais que ne pas aider Lycos serait criminel pour vos sujets. Si le village peut, avec de l'aide, nourrir plus de personnes, alors il est de notre devoir de lui donner les moyens de le faire. Les hommes que j'ai prélevés sur l'armée ne sont pas des soldats de première ligne, mais ils savent parfaitement se battre et sauront, si c'est nécessaire, protéger le village et les convois des bandes de déserteurs et de pillards qui écument le pays.
- Ne peut-on rien faire pour arrêter ces traitres ?
- Il faudrait voir ça avec le Ministre de l'Intérieur et ses effectifs à lui sont déjà bien réduits. Ces hors-la-loi sont un fléau et il faut les stopper.
- Je lui en parlerai. Quelles sont les dernières nouvelles du front ? Celles que j'ai datent d'une semaine.
- Je viens de voir le messager, il m'a remis ceci pour vous, répondit le Ministre en tendant un rouleau de parchemin au Roi.
- Ouvre-le. De toute manière, je t'en ferai lire le contenu.
- Il semble que la dernière offensive se soit soldée par une avancée significative de nos troupes dans les terres ennemies, fit-il après quelques instants de lecture. Mais il est certain que le Sanctuaire va contrattaquer.
- Alors, il ne faut pas leur laisser le temps de réorganiser leurs forces et poursuivre notre avancée. Envoie un message dans ce sens au Commandant en Chef.
- Oui, Majesté.
- Pour Lycos, Julian avait promis des chariots pour le transport du poisson. Où cela en est-il ?
- On termine de les équiper pour entraver les tonneaux afin d'éviter qu'ils ne se renversent pendant le trajet. Ils devraient être prêts d'ici deux jours.
- Fort bien. Tu accompagneras le convoi. Rentre chez toi. Tu es épuisé.
- Merci Majesté. Demain je repars pour le Nord et je porterai moi-même votre message. Je mènerai nos hommes au combat.
- Hors de question ! Je viens de te dire d'aller te reposer et ce n'est pas en une nuit que tu feras disparaître les cernes de ton visage. Tu n'iras nulle part tant que je ne l'aurai pas décidé.
- Mais Sire…
- Ceci est un ordre pour le Général SeaDragon. De plus, j'ai besoin de mon Ministre des Armées, donc tu restes ici quelques jours.

Le léger sourire qui accompagna ces derniers mots fit refluer la colère que Kanon sentait monter en lui. Son Roi voulait qu'il soit en forme et bien qu'il meure d'envie de retourner sur le front, il ne pouvait qu'en être reconnaissant. Il sourit à son tour puis se leva et s'inclina respectueusement avant de quitter le bureau royal.

Il longea un interminable couloir qui le mena dans un immense hall. Il était toujours fasciné par la couleur des murs de corail qui allait du bleu gris au blanc en passant par toutes les nuances de jaune, de rose et d'orange. A la lueur des torches, les parois scintillaient comme des pierres précieuses. Il passa sur un pont qui enjambait un canal dans lequel évoluait toutes sortes de poissons et où se développaient des algues aux longues tiges, ondulant comme la chevelure d'une femme. Le doux bruit de l'eau omniprésent apaisait l'esprit.

Il emprunta un autre couloir, identique au premier, et ouvrit une lourde porte en tek flanquée d'un trident en or. Il était enfin chez lui. Son écuyer, le jeune Ethain, était là et l'attendait pour l'aider à ôter son armure.

- Emmène-la pour la faire réparer. Le plastron et le cuissot droit sont enfoncés et la spallière gauche se coince(2).
- Bien Seigneur. Votre bain est prêt, ajouta le jeune homme en sortant de l'appartement.

Kanon se déshabilla et eut l'impression d'avoir perdu plusieurs kilos. En fait, c'était exactement ça. Entre l'armure, le gambison, la cotte de maille et ses armes, il s'était délesté d'une bonne dizaine de kilos si ce n'est d'avantage. Le baquet d'eau chaude était placé devant la cheminée, face à la fenêtre qui donnait sur la mer. Il s'allongea dedans et ferma les yeux et comme si cela ne suffisait pas, il s'immergea totalement. Il ressortit un instant plus tard et commença à se laver. Il entendit Ethain revenir et l'appela.

- Frotte-moi le dos.

L'écuyer obéit sans discuter puis lui lava la tête et les cheveux avant de les rincer abondement à l'eau claire.

- Vous vous êtes battu ? demanda-t-il en constatant que son maître avait des contusions sur les bras et une dans le dos. Une bande déserteurs encore ?
- Oui, encore une.
- Vous leur avez donné une bonne leçon, j'espère.
- Pour ça, ils ne l'oublieront pas.
- Vous les avez rossés comme ils le méritaient pour avoir déserté avant de les laisser nus en pleine nature ?
- Je les ai tués…

Kanon sentit la main sur son dos s'arrêter de frotter sa peau. Ethain n'avait que seize ans, presque dix-sept et aspirait à devenir un Chevalier. Il avait une bonne mentalité mais n'avait encore jamais été confronté à un véritable ennemi qui en voulait à sa vie. Le Général l'entraînait au maniement des armes et au combat à cheval et il avait été son seul adversaire jusqu'à présent. Il comprenait sa surprise et se retourna vers l'écuyer.

- Ethain, le jour où tu deviendras Chevalier, tu auras à faire ce genre de chose. Des hommes en voudront à ta vie pour diverses raisons. Parce que tu les auras interrompus dans leur méfait, parce qu'ils voudront ton épée, parce qu'ils seront envieux de ce que tu es et qu'ils ne seront jamais. Ce jour-là tu devras être capable de prendre une vie pour sauver la tienne ou celle d'un innocent. C'est ce que j'essaie de t'enseigner. Est-ce que tu comprends ?
- Oui, Seigneur, mais je me demande si je pourrai le faire, répondit le jeune homme en baissant la tête.
- Bien sûr que tu te le demandes. C'est normal. Tu ne serais pas humain sinon. Cela prouve que tu as du cœur et de la compassion et une intelligence suffisante pour te poser ce genre de question. Il vaut mieux vivre avec la mort d'un scélérat sur la conscience qu'avec celle d'un innocent que tu n'auras pas aidé.
- Ça ne fait qu'un an que je suis à votre service. Avec le temps, je m'endurcirai, déclara fermement l'écuyer.
- J'en suis sûr, sourit Kanon pour l'encourager. Allez ! Rince-moi que je sorte de là !

The Hills Of Home - Kevin Braheny et Tim Clark
Une leçon particulière

Vêtu d'un pantalon de coton noir et d'une chemise de la même couleur sous une robe de chambre en velours bleu ciel richement brodée, Kanon dégustait un verre de vin léger en guise de dessert du repas qu'il venait de faire, les pieds posés sur le fauteuil en face du sien. Venant de dehors, le bruit des vagues le berçait et une douce torpeur le gagnait. Le bain l'avait détendu, la digestion le faisait légèrement somnoler, le vin et la fatigue achevaient de le jeter dans les bras du sommeil. Il fit un effort, se disant qu'il serait bien mieux dans son lit. Il se déshabilla et se glissa sous les fourrures, à plat ventre. Il passa ses bras sous l'oreiller de plume. Une légère odeur de lavande le fit sourire. Ethain savait qu'il aimait ce parfum et Antée(3), le Médecin Royal, lui avait dit que cela aidait à avoir un sommeil paisible. Alors qu'il allait s'endormir, un léger frottement ainsi qu'une odeur étrangère mirent tous ces sens en éveil. Sous l'oreiller, il referma le poing sur le manche de la dague qu'il cachait là en permanence. Il savait bien qu'aucun ennemi n'aurait pu s'infiltrer dans le Palais, mais sans être paranoïaque, il était prudent.

La silhouette ne bougeait pas. Les yeux regardaient l'homme allongé. Les fourrures avaient glissé, découvrant le dos aux muscles détendus mais parfaitement visibles. Ils parcoururent la courbe de l'épaule puis remontèrent le long du cou jusqu'au visage dont ils ne voyaient que le profil. Les longs cheveux étaient éparpillés en une gerbe d'un bleu turquoise foncé. L'ombre s'avança jusqu'au pied du lit. Le visage le fascinait. Les joues étaient un peu creuses, les grands yeux en amande remontaient doucement vers les tempes. Les lèvres étaient charnues sans être épaisses et le nez était droit. Tout n'était qu'harmonie des formes. Ce qui lui manquait, c'était le regard. Son expression à la fois insolente et agressive, sensuelle et sauvage qui le déroutait totalement.

L'homme s'avança encore jusqu'à n'être qu'à deux doigts de ce visage. Soudain une poigne de fer le saisit à la gorge alors que la pointe d'une dague lui piquait le flanc gauche, entre deux côtes, à la hauteur du cœur.

- Julian ? expira Kanon sous le coup de la surprise, en reconnaissant le Prince héritier. Tu es fou ? J'aurais pu te tuer !

Pour toute réponse, il reçut un baiser violent qui le surprit au-delà des mots. Interdit, il regarda le jeune homme avant de reprendre ses esprits.

- C'est quoi, ça ?
- Un baiser.
- Pourquoi ?
- Pourquoi pas ?
- Non, je veux dire pourquoi t'es-tu introduit dans ma chambre de façon sournoise et si peu digne de ton rang ?
- Je ne t'ai pas vu depuis des jours. Mon père t'a envoyé en mission et tu m'as manqué. C'est tout.
- Julian… soupira Kanon en libérant le Prince en roulant sur le dos. Tu ne dois pas venir comme ça dans ma chambre.
- Pourquoi ?
- Parce que ça ne se fait pas. Si quelqu'un te voit, que va-t-il penser ?
- Que je rejoins mon amant, minauda le jeune homme, espiègle.
- Justement ! Et c'est un mensonge !

Le Général attrapa sa robe de chambre et l'enfila avant de se lever. Julian s'installa plus confortablement sur le lit, bien décidé à obtenir ce qu'il était venu chercher.

- Alors faisons en sorte que cela devienne la vérité…
- Tu ne sais pas ce que tu dis…
- Vraiment ?

Julian se leva et s'approcha de l'homme debout devant la fenêtre. Il posa une main tendre sur son épaule et se tint sur son coté. Par l'échancrure du vêtement, il voyait le torse et le ventre plat divinement musclés, éclairés par la lumière de la lune. Il se mordit les lèvres et retint de justesse sa main qui mourrait d'envie d'aller caresser cette peau chaude.

- Je sais exactement ce que je dis, murmura-t-il en se rapprochant encore.
- N'importe qui dans ce Palais serait ravi d'être ton amant ou ta maîtresse.
- Mais je serais encore celui qui décide, celui qui… domine, murmura Julian en appuyant son front contre l'épaule du Général.

Celui-ci ne répondit pas tout de suite. Il tourna légèrement la tête et regarda la chevelure bleue qui se mêlait à la sienne. Ainsi le Prince semblait avoir envie de changer un peu le déroulement de ses ébats sexuels, plus que réputés au Palais de Corail. Combien d'hommes et de femmes avaient partagé son lit parce que celui-ci en avait simplement émis le désir ? Le caprice, devrait-il dire. Qui serait assez fou pour se refuser à ce jeune homme séduisant, charismatique et… héritier du trône ? Quelle jeune femme n'avait pas caressé le rêve de le voir tomber amoureux d'elle et par là, devenir la future Reine des Océans ? Quel jeune homme n'avait pas eu l'idée d'être le favori de Julian, même si celui-ci devait se marier un jour pour assurer sa descendance ?

Mais le Prince savait bien que, même ayant un physique attrayant, c'était surtout son statut qui séduisait ses conquêtes. Kanon aussi le savait et il songea que Julian devait parfois se sentir bien seul. Il devait en avoir assez de cette affection simulée qu'il récoltait.

- Tu veux être passif ?
- Oui… souffla Julian. Et je ne peux demander ça à quelqu'un qui se précipiterait pour crier sur les toits qu'il a possédé le Prince héritier. Tu es le seul à qui je peux me fier, reprit le jeune homme. Je sais que tu ne diras jamais rien.
- Quel intérêt aurais-je à le faire ?
- C'est pour ça que ce doit être toi…
- Sais-tu ce que cela signifie ?

Julian leva les yeux vers le Général de son père, pas vraiment sûr de comprendre la question.

- Que veux-tu dire ?
- Tu vas t'en remettre entièrement à moi. Tu ne seras qu'un jouet entre mes mains. Tu devras me faire une confiance aveugle.
- C'est déjà le cas. Après mon père, tu es l'homme en qui j'ai le plus confiance. Tu as déjà tenu ma vie entre tes mains justement. Tu es l'homme le plus loyal et le plus honnête que je connaisse.
- Ça n'a rien à voir, Julian. Tu vas offrir ton corps comme tu n'en as pas la moindre idée. Sais-tu ce que tes amants ont pu éprouver lorsque tu les prenais ?
- Non ! Et c'est ce que je veux ! Je veux savoir ce que c'est que de s'offrir à son amant et je veux que ce soit toi. Parce que je sais que tu m'aimes.
- Je t'aime comme j'aime ton père et comme j'aime les Océans. Mais je ne suis pas amoureux de toi. Tu dois te garder pour l'homme qui t'aimera vraiment pour toi et non pas pour ce que tu représentes.
- Kanon… tu me plais… et j'ai très envie de toi… Faut-il que je te l'ordonne ?
- Ne te donne pas cette peine, je n'obéirai pas.
- Je peux me mettre à hurler au viol. Tu seras accusé d'avoir voulu abuser de moi alors que je venais te rendre visite pour prendre de tes nouvelles.

Le regard du Général brilla d'une dangereuse lueur qui fit reculer Julian. Aurait-il été trop loin dans la provocation ? Connaissait-il cet homme aussi bien qu'il le croyait ?

- Ton père sait qui je suis. Jamais il ne te croira. Alors vas-y ! Crie au viol !
- Oooh Kanon ! gémit Julian. Je t'en prie ! Je veux que ce soit toi et personne d'autre.
- Tu me pries ? fit-il, surpris tandis que le Prince enroulait ses bras autour de son cou.
- Quel genre d'homme es-tu pour refuser de faire l'amour alors que ton partenaire s'offre à toi de son plein gré ?
- Tu n'es pas mon partenaire. Tu es mon Prince.
- Arrête de jouer sur les mots, c'est lassant…

Disant cela, Julian tenta d'embrasser le Général qui se détourna. Mais le Prince ne capitula pas aussi vite. Il s'accrocha de toutes ses forces alors que Kanon tentait de se défaire de son étreinte. Une brève lutte s'en suivit et les deux hommes tombèrent au sol.

- C'est toi qui vas me violer, si tu continues, murmura le Ministre, coincé sous le corps du jeune homme.
- S'il le faut… pour obtenir ce que je veux…

Julian réussit enfin à l'embrasser sans se douter un seul instant que Kanon s'était laissé faire. Et celui-ci devait bien s'avouer que le baiser était loin d'être innocent. Peut-être que s'il effrayait suffisamment Julian, celui-ci renoncerait à son projet. Il entrouvrit les lèvres et sentit aussitôt une langue câline venir caresser la sienne. Dire que cela le laissait froid serait à des lieues de la vérité. Contre son ventre, il sentait le désir du Prince et le sien devenait difficilement contrôlable. D'un brusque coup de rein, il inversa les rôles et se retrouva entre les cuisses princières.

- C'est vraiment ce que tu souhaites ? chuchota-t-il à son oreille avant de mordiller le cou.
- Hmm… Kanon… oui, c'est ce que je veux…

Le Général se releva. A son tour, le Prince se mit debout, un peu surpris par cette attitude. Il regarda l'homme face à lui. Sa robe de chambre s'était ouverte dans leur lutte et devant ses yeux se dévoilait un corps adulte aux formes enchanteresses. Le visage, dans la pénombre de la chambre, semblait être celui d'un animal en chasse. Julian était comme hypnotisé.

Kanon attrapa le revers de la robe de chambre du jeune homme et l'attira à lui Il défit la ceinture et écarta les pans. Puis il passa un bras autour de la taille et le serra brutalement contre lui. Julian gémit adorablement à ce contact mais ne s'effraya pas pour autant. Le baiser que lui donna le Général fut violent. Il fouilla sa bouche comme s'il était en terrain conquis sans lui laisser le temps de reprendre son souffle. Puis il s'écarta et plongea son regard énigmatique dans les yeux voilés de désir du Prince.

- Agenouille-toi !
- Quoi ?
- Tu as dit que tu voulais être passif. La première des choses à faire c'est d'obéir sans discuter à celui à qui tu te soumets. Agenouille-toi !

Interdit mais déjà sous la coupe du Général, Julian s'exécuta et fit face à une virilité de belle taille.

- Caresse-moi… ordonna Kanon d'un ton plus doux.
Le Prince fit remonter ses mains sur les cuisses et les joignit sur le sexe en partie dressé. Il entama des caresses lentes et douces sur toute la longueur.

- Avec ta bouche…

Julian sursauta. Kanon voulait que…

- Qu'y a-t-il ? Tu ne l'as jamais fait ?
- Eh bien, je…
- Tu n'as jamais offert ce plaisir à tes conquêtes ?
- Je…, non…
- Quel piètre amant tu dois être alors ! Prends-moi dans ta bouche… ou sors d'ici !

Le Prince se redressa vivement, les yeux flamboyant de colère sous l'insulte.

- Quel plaisir prends-tu à m'humilier de la sorte ?
- Je n'y prends aucun plaisir. Je fais ton éducation.
- Et moi j'ai dit que je voulais être passif, pas avili.
- Et que fais-tu à ceux qui s'offrent à toi ? Tu te contentes de prendre ton plaisir sans penser un seul instant au leur ! L'amour charnel est un partage, Julian. Tu reçois, tu donnes. C'est aussi simple que cela.
- Pour l'instant c'est moi qui dois te donner du plaisir. Que vais-je recevoir en retour ?
- Tu le verras…
- Je ne suis pas prêt à ça, Kanon, avoua piteusement le Prince en baissant les yeux, après quelques instants d'hésitation.

Le Général soupira intérieurement. Même si Julian était infiniment désirable, il ne voulait pas lui faire cela. Il ne pouvait pas. Pour lui, le Prince était intouchable. Pourtant, il savait qu'un jour ou l'autre, il demanderait à un homme de le faire sien. Et celui-ci n'aurait pas de scrupules à assouvir le désir de son Prince et il ne se gênerait pas non plus pour s'en vanter. Mieux valait alors que ce soit quelqu'un de confiance qui prenne le pucelage de Julian.

- Ecoute-moi, chuchota Kanon en lui relevant le menton d'un geste empreint de douceur, tu n'es pas encore prêt, effectivement. Tu fais preuve de trop d'égoïsme. Ce n'est pas un reproche. On est tous passés par là. Un jour viendra où tu seras capable de donner autant que tu recevras. A ce moment-là, reviens me voir parce qu'il est hors de question que tu fasses ça avec le premier venu.
- Kanon… comment fais-tu ? Comment sais-tu ?
- Je choisis mes amants avec soin, c'est tout. Il faut que ce soit quelqu'un à qui j'ai envie de faire plaisir et auprès de qui j'essaie de me rendre désirable. Si j'arrive à séduire cette personne, je sais que je ferai tout pour son plaisir et qu'il ou elle fera de même. Tu dois être capable de donner ce que tu veux obtenir.
- Je comprends…, finit par admettre Julian. Pardonne-moi.
- De quoi ?
- D'avoir voulu me servir de toi de la sorte.
- Ce n'est rien. Ton éducation a des failles. Et je suis heureux d'aider à les combler.
- Tu aurais pu avoir moins de scrupules et profiter de la situation.
- Tu me connais donc si mal ? murmura le Général d'un ton où perçait la tristesse.
- Oooh Kanon ! Je suis désolé ! Je ne voulais pas te blesser… Ce n'est pas ce que je voulais dire…
- Je sais, ce n'est rien. Allez retourne chez toi et dormons. Si ton père voit que j'ai encore des cernes sous les yeux, il va se demander ce que j'ai fait cette nuit.
- Réponds-lui que tu as assouvi un plaisir dont tu te prives lorsque tu es en mission, sourit Julian.
- Nul doute qu'il comprendrait, mais il me consignerait au Palais encore plus longtemps pour que je me repose. Et j'ai hâte de repartir sur le front.
- Et me laisser seul à nouveau ? Lorsque tu n'es pas là, j'ai du mal à trouver des adversaires pour m'entraîner.
- Parce que tu es presque aussi fort que moi et que personne dans le Royaume n'oserait me défier. Tant que je serai là, nous nous entraînerons ensemble.
- D'accord. Bonne nuit, mon ami.
- Bonne nuit, mon Prince.

Kanon s'endormit et ne s'éveilla qu'un jour et demi plus tard…

Ooooo00000ooooO

Cet après-midi-là, le Roi avait convoqué un Conseil des Ministres. Tous les concernés attendaient dans la salle que le Souverain les rejoigne. Le Roi entra et les invita à prendre place autour de la table. Orion, le Chevalier de Gaïa et Chambellan du Roi s'assit aux côtés du Souverain pour noter tout ce qui se dirait pendant la réunion.

- Bien ! Faisons un rapide tour de table. Seigneur Bian, qu'en est-il de nos partenaires commerciaux ?
- Les rares qui nous suivaient encore malgré notre situation, nous lâchent les uns après les autres, Majesté. Comme nous ne sommes plus en mesure de leur offrir une marchandise de qualité en quantité suffisante, ils se tournent vers d'autres fournisseurs.

Quelques années plus tôt, une accalmie dans les combats avait permis aux Océans de renouer des liens commerciaux avec d'autres Royaumes. Les marchandises étaient alors acheminées vers les ports de la côte sud, loin du front. Mais la désertification de ces petites villes avait contraints les bateaux de commerce à faire route vers la côte est, beaucoup plus exposée aux combats. Petit à petit, plus personne ne prit le risque d'être la cible des navires de guerre du Sanctuaire.

- Et on peut les comprendre, soupira le Roi. Tant que la majorité de nos hommes sera sur le front, nous ne pourrons espérer une augmentation de notre volume de négoce. Faites pour le mieux.
- J'aimerais votre accord pour prendre des contacts avec nos voisins du Royaume des Ténèbres, reprit le Ministre du Commerce. Ils sont tout autant affaiblis que nous par cette guerre civile qui a ravagée leur pays. Peut-être accepteront-ils quelques échanges, termina-t-il approuvé par le Ministre de l'Agriculture, le Comte que Scylla qui hocha vigoureusement la tête.
- Pourquoi pas, admit le Souverain en caressant sa barbe d'un gris clair et bleuté, d'un air peu convaincu. Gardons cette idée en tête. Nous verrons plus tard. Seigneur Isaak ? Qu'en est-il des tribunaux et du respect des lois ?
- Personne ne les enfreint vraiment mais on ne les respecte pas totalement non plus, répondit le Ministre de la Justice. Etant donné la situation, vos sujets se débrouillent du mieux qu'ils peuvent surtout quand on sait que la plupart des villes et villages sont vidés de leurs hommes. Et les déserteurs qui sont repris, sont condamnés et exécutés dans les plus brefs délais. J'ai donné tous pouvoirs aux magistrats des villes pour cela. Ou à la personne qui fait office de magistrat.
- Excellente initiative. Seigneur Kassa ? Quelles nouvelles vous ont rapportées vos espions ?

Tous les yeux se tournèrent vers un homme discret au regard perçant comme une dague. Il était vêtu de sombre de la tête au pied. Kanon ne l'avait jamais aimé. Il le trouvait fuyant. Toute sa personne transpirait la fourberie et la traitrise. C'était pourtant lui qui avait découvert les espionnes d'Amazia dans la Cité d'Atlantis et qui avait démantelé leur réseau de renseignements. Depuis ce jour, le Roi Poséidon considérait la Reine Antiope comme sa pire ennemie après le Roi Mitsumasa. Le Marquis de Lyumnades était un homme à la loyauté indéfectible et il ne fallait surtout pas la mettre en doute devant lui. Il jouait très facilement et très habilement du couteau.

- Asgard a nommé un nouvel ambassadeur au Sanctuaire depuis quelques semaines. Le Baron Albéric de Megrez. La Reine Antiope a rendu visite en personne et de façon anonyme au Roi Hadès. J'ignore la teneur de leur entretien mais mon contact m'a rapporté qu'il avait vu la Reine repartir fort en colère. Les Ténèbres sont calmes mais se renforcent de jour en jour. Ils pourraient bien être un futur allié pour nous.
- On ne sait rien ou presque d'eux, intervint le Seigneur Krishna; Ministre de l'Intérieur. Malheureusement, il n'est pas aisé pour les hommes du Seigneur Kassa d'obtenir des renseignements. Giudecca est une forteresse où l'on n'entre pas si facilement. C'est pour cela que je reste réservé quant à un partenariat commercial. Attendons d'en savoir plus.
- Mes hommes ne m'ont pas rapporté d'activité belliqueuse à notre égard, mais le Seigneur Krishna a raison. Il est pratiquement impossible d'entrer à Giudecca et quand vous y parvenez, les marchands et les étrangers sont cantonnés dans les basses cours. Il n'y a là que des gardes et des soldats qui ne sont au courant de rien et qui se contentent d'obéir aux ordres.
- De plus, intervint le Ministres des Armées, vos effectifs doivent être bien réduits.
- Absolument. Je fais surveiller Egide et Asgard, mais je ne peux pas mettre plus d'hommes sur Giudecca si ce ne pas nécessaire pour l'instant.
- Asgard ? releva le Ministre du Commerce.
- Oui, c'est moins risquer pour obtenir des informations sur le Sanctuaire que de trop surveiller Egide directement.
- Comment pensez-vous que le Roi Hadès soit disposé à notre égard ? s'enquit encore le Roi.
- Je l'ignore Sire, mais j'enverrai un message là-bas pour que mes hommes tentent d'en savoir un peu plus.
- Bien, maintenant j'aimerai savoir si parmi vous quelqu'un aurait une idée pour affaiblir réellement notre ennemi. Il est temps de concevoir une offensive de grande envergure.

Les hommes se regardèrent, attendant l'intervention de l'un ou l'autre.

- J'ai peut-être une idée, Majesté.
- Nous vous écoutons, Seigneur Krishna.

Le Baron de Chrysaor observa les autres Ministres d'un rapide coup d'œil circulaire, pour être bien certain que tous étaient attentifs.

- En résumé, si nous coupons l'armée de son approvisionnement arrière, elle ne recevra plus ni nourriture ni armement ou du moins pas en quantité suffisante. Cela nous donnerait un avantage certain.
- Et comment s'y prend-t-on ? demanda le Marquis Bian de SeaHorse en charge du Commerce mais dont l'activité s'amenuisait de jour en jour.
- C'est bien pour cela que j'ai dit qu'il s'agissait d'un résumé. Sire, si l'idée vous agrée, nous nous emploierons à la réaliser.
- De quelle façon coupe-t-on l'armée de ses ressources ? demanda le Comte de Sirène qui songeait que sa tâche de Premier Ministre était loin de le déborder étant donné le ralentissement de toutes les autres charges.
- Nous pouvons envoyer quelques hommes pour saboter les routes, proposa le Ministre de l'Intérieur.
- L'idée n'est pas dénuée d'intérêt, intervint le Général SeaDragon. Le Seigneur Krishna et moi pouvons mettre au point un plan. C'est faisable.
- Je suis d'accord avec le Seigneur Kanon. Mais le sabotage des routes n'est pas suffisant.
- A quoi pensez-vous, Baron ? s'enquit le Roi à qui l'idée commençait à plaire.
- Eh bien, il faudrait que quelques hommes aillent à Egide de façon à empoisonner la terre et le bétail. Ainsi le Sanctuaire serait dans l'incapacité de nourrir son armée, alors que les routes peuvent être réparées. Le sabotage ne ralentirait qu'un temps l'approvisionnement. Le Sanctuaire aurait beaucoup plus de mal à se remettre d'un empoisonnement des troupeaux.
- C'est étrange que personne n'y ait pensé avant, observa le Baron de Kraken.
- Parce que peut-être que personne n'a cru que cette idée pouvait fonctionner, répliqua le Roi. Cela me plait. Général SeaDragon, Général Chrysaor, mettez tous les détails au point. Quelqu'un a-t-il une objection ?
- Sire, je dois m'occuper du convoi pour Lycos qui part demain, rappela le Ministre des Armées.
- Ah oui… Lycos. Combien de temps cela va-t-il vous prendre pour faire l'aller-retour ?
- Je dirais une semaine… dix jours tout au plus…
- Fort bien. Reportons donc la mise au point de ce plan jusqu'à votre retour. Seigneur Krishna ?
- Je vais déjà me pencher sur la question et lorsque le Seigneur Kanon sera de retour, nous en discuterons, fit-il en regardant son pair.
- Bien. Messieurs, au travail !

Le Comte de Scylla, Ministre de l'Agriculture, s'approcha de Kanon qui se tenait devant la fenêtre et regardait la mer scintiller sous les rayons du soleil hivernal en attendant que la salle se vide.

- J'ai vu Julian sortir de chez toi, il y a deux nuits, lui confia-t-il à voix basse.
- Tu ne dormais pas ?
- Eh bien… je n'étais pas seul… et je vérifiais que les couloirs étaient déserts avant que mon… visiteur ne sorte.

Kanon lui relata brièvement les raisons de la présence du Prince chez lui. Io de Scylla hocha la tête.

- Tu as bien agi, mon ami. Il est terriblement ignorant de certains concepts.
- Je dois t'avouer qu'il n'a pas été facile de lui résister.
- Et tu dois être encore sur ta faim, je suppose, le taquina gentiment le Comte.
- Tu supposes bien. Je vais devoir trouver quelqu'un qui me rassasie jusqu'à indigestion…
- Ne cherche pas trop loin, murmura Io en le contournant tout en laissant une main vagabonde traîner discrètement sur son ventre.

Le message était clair et le Général sourit. Cette nuit, il ne dormirait pas seul et cette simple idée lui redonna un moral de fer.

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Lorsque le Général SeaDragon regagna ses appartements, il fut accueilli par son écuyer qui l'aida à se déshabiller. Kanon se glissa dans le baquet d'eau chaude, mais quelque chose dans l'attitude d'Ethain lui mis la puce à l'oreille.

- Quel est ce sourire idiot que tu affiches ?
- Oh… euh… Je…, non… tout va bien…
- Ne me mens pas Ethain. Je te connais trop bien. Que t'arrive-t-il ?
- Eh bien… c'est assez embarrassant…
- Tu as fait une bêtise ? Si c'est le cas, il vaut mieux que tu me le dises et je me montrerai indulgent.
- Non Seigneur ! sursauta le jeune homme. Je n'ai pas fait de bêtise, ajouta-t-il d'une petite voix. Sauf si coucher avec une fille en est une…

Kanon regarda son écuyer, surpris et amusé. Il se retint de ne pas éclater de rire. C'est donc cela qui mettait des étoiles dans les yeux d'Ethain.

- A partir du moment que tu ne l'as pas obligée, qu'elle était consentante, eh bien il n'y a pas de problème.
- Oh non ! Jamais je ne forcerai une jeune fille, ce n'est pas digne d'un Chevalier. C'est plutôt… elle qui…
- Quoi donc ? Elle t'a sauté dessus ?
- On peut dire ça comme ça, Seigneur…

Cette fois, Kanon éclata franchement de rire. Ethain était si attendrissant, sa naïveté et son innocence étaient rafraîchissantes.

- Tu devras être prudent. Il ne faudrait pas que tu engrosses une fille alors que tu n'as pas l'intention de former une famille. Un Chevalier se doit aussi de faire face à ce genre de responsabilité si jamais elle venait à lui échoir.
- Oui, Seigneur, je comprends… mais comment fait-on ?
- Tu dois prendre ton plaisir en dehors du corps de ta maîtresse, c'est aussi simple que cela. Je t'expliquerai plus tard. Pour l'instant, fini de me laver, je dois aller voir quelqu'un.
- Oui, Seigneur.
- Et mon armure ?
- Le forgeron a dit que ce n'était pas grave, elle sera prête demain matin.

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Blissfull Stillness - Dan Gibson's Solitudes
Scène entre Kanon et Io

Kanon avait revêtu un pantalon de cuir avec un large ceinturon, une chemise blanche en coton, ample et ouverte jusqu'à la taille, ses bottes d'intérieur et il s'était enroulé dans un chaud manteau de laine. La capuche rabattue sur ses cheveux, il traversa rapidement les quelques mètres qui le séparait de l'appartement de Io de Scylla. Le Comte lui avait bien fait comprendre qu'il n'était pas contre le fait de lui tenir compagnie de façon des plus agréables. Et le Général, encore frustré par la visite de Julian, n'avait pas hésité une seconde. Ce n'était pas la première fois qu'ils étaient amants et Kanon appréciait particulièrement le Comte. De plus, il repartait le lendemain en mission alors, il estima qu'il avait bien le droit de se détendre un peu. Il frappa doucement à la porte.

- Enfin te voilà ! J'ai cru que tu n'avais pas compris mon invitation, sourit le Comte en s'effaçant pour laisser entrer son visiteur.
- Il faudrait être complètement idiot pour ne pas la comprendre.
- Mets-toi à ton aise.

Le Général se débarrassa de son manteau en le posant sur le dossier d'une chaise et s'assit dans un fauteuil, devant la cheminée à côté de laquelle une fontaine murmurait sa complainte cristalline tout doucement.

- Tu sais te rendre désirable, dit le Comte qui l'observait tout, en lui tendant une des deux coupes qu'il venait de remplir de vin.
- Tu veux m'enivrer et abuser de moi ? fit Kanon en dévisageant son hôte, les yeux plissés.

Io était incapable de résister à ce regard. Au lieu de s'asseoir sur le second fauteuil, il vint tout naturellement s'installer sur les genoux du Général.

- T'enivrer ? Abuser de toi ? J'en ai bien souvent rêvé, mais porté comme tu l'es sur la chose, je crois inutile d'user d'un quelconque stratagème pour que tu te laisses aller.
- C'est donc l'opinion que tu as de moi ? minauda Kanon en buvant une gorgée de vin.

Puis il planta ses magnifiques yeux émeraude dans ceux d'Io en passant la pointe de sa langue sur ses lèvres pour essuyer une goutte de vin. Le Comte bloqua sa respiration, les yeux braqués sur cette bouche brillante d'humidité. Puis il sentit le revers d'un ongle parcourir sa colonne vertébrale. Un violent frisson le secoua. Il baissa les yeux sur l'ouverture de la chemise et glissa un doigt sur la peau chaude du sillon qui séparait les pectoraux. Un sourire lubrique apparut sur les lèvres qu'il regardait un instant auparavant.

- Je ne pensais pas que tu serais si patient, frustré comme tu l'as été.
- J'ai la nuit devant moi pour satisfaire mes désirs… et les tiens… susurra Kanon dans le creux du cou du Comte qui ferma les yeux, frémissant comme une pucelle le soir de ces noces.
- Toujours aussi attentionné… C'est ce que j'aime chez toi… parvint-il à répondre.
- Le plaisir de mes amants est une partie du mien. En amour, je déteste être égoïste…

Io vida sa coupe d'une traite, la posa par terre et prit les lèvres du Général en un baiser étourdissant. Il glissa une main dans la chemise et caressa le torse puissant. Réagissant à la stimulation, la bouche de Kanon se fit plus gourmande. Il souleva Io et le plaça à califourchon sur ses cuisses avant de lui ôter sa robe de chambre. Le Général contempla le corps nu du Comte qui n'avait rien à envier au sien si ce n'est qu'il était un peu plus petit que lui et paraissait plus frêle. Mais il ne fallait pas s'y fier. Ce corps si désirable renfermait une force hors du commun.

Kanon passa ses mains sur la poitrine et posa ses lèvres sur un téton qui se dressa sous sa langue. Io gémit et se cambra en arrière, une main dans la chevelure bleue, l'incitant à poursuivre. Ce que le Général fit sans se faire prier.

Par les Dieux ! Qu'il aimait être dans les bras de cet homme. Qu'il aimait le sentir contre lui, en lui. Il eut un râle lorsqu'il sentit les dents de Kanon pincer cette perle de chair. Il lui releva la tête pour l'embrasser encore et lui enlever sa chemise. Entre leur corps, la virilité d'Io se tendait désespérément pour attirer l'attention, mais le Général l'ignorait.

Ses mains descendirent dans le dos jusqu'aux fesses qu'il pétrit sans douceur. Il savait que son amant aimait sa brusquerie. Ce n'était pas pour lui faire mal, c'était pour l'exciter. Et à entendre sa respiration, Kanon sut qu'il avait désormais dans les bras, un homme qui ne pourrait rien lui refuser, qui assouvirait le moindre de ses désirs. Tout en l'embrassant, il glissa son majeur dans la bouche du Comte qui ferma les yeux et le suça avec avidité. Bientôt, il le sentit contre son intimité et se mordit les lèvres.

- Mets-le, souffla-t-il entre deux gémissements de plaisir.

Avec beaucoup de délicatesse, Kanon accéda à la demande. Io fut soudain plus bruyant. Il venait lui-même s'empaler sur cet intrus qui le rendait fou. Sous ses fesses il commença à sentir le désir de son amant s'éveiller et cela l'excita d'avantage. Tout doucement, il ondulait des hanches, frottant son sexe sur le pantalon du Général qui commençait à avoir de la lave en fusion dans les veines. Il attira Io contre lui et glissa l'index. Le Comte cria puis son cri se transforma en un râle de plaisir. Il emprisonna son sexe dans une main et se caressa mais Kanon le stoppa.

- Pas avant que je ne te le dise…
- Annh… j't'en prie…
- Non… continue… bouge comme ça… viens sur mes doigts…
- Encore un… hmm…

Io se tendit comme un arc sous la douleur qui le déchira avant de faire place à un plaisir fulgurant. Ses mouvements devinrent désordonnés, presque frénétiques. Il était pris de tremblements. Kanon captura sa bouche, étouffant ses cris de plaisir. Il le maintint contre lui, accéléra le mouvement de ses doigts. Le Comte cria enfin sa jouissance et se répandit entre leurs ventres. A bout de souffle, il s'écroula sur l'épaule du Général qui le libéra tout doucement. Il se sentait d'une humeur encore plus dominatrice que d'habitude. Il voulait soumettre son amant par le plaisir pour l'inciter à assouvir ses propres désirs, à le laisser faire ce qu'il voulait. Et ce soir, Kanon avait des idées plein la tête.

Quand le Comte eut repris son souffle et ses esprits, ils s'installèrent sur le grand lit à baldaquin. Aussitôt, Io le débarrassa de son pantalon et voulut lui rendre la pareille, mais Kanon l'interrompit.

- Plus tard… J'ai envie d'abuser de toi…
- Si c'est comme tout à l'heure, tu peux le faire tant que tu veux…
- Puisque tu le dis… Tourne-toi…

Io obéit. Derrière lui, Kanon se colla à ses fesses. Il caressa le dos, la cambrure affolante des reins, les hanches. Le Comte soupirait, frottait son corps contre le bassin de son amant. Il eut un petit cri de plaisir lorsqu'il sentit une langue contre son intimité déjà détendue.

- Kanoooon… aaanh… prends-moi…

Un instant plus tard, il sentit son corps s'ouvrir délicieusement sous la présence d'un autre. Io gémit longuement, les sens en feu. Kanon fit quelques mouvements circulaires, arrachant des plaintes adorablement obscènes à son amant. Puis il bougea ses hanches d'avant en arrière. Le Comte se cambra violemment, le Général se courba sur son dos et lui murmura des paroles salaces à l'oreille. Il le prit longuement, avec passion et force. Leurs gémissements se faisaient écho dans l'espace clos de la chambre.

- Que dirait ta femme… annh… si elle savait ? ironisa Kanon en enroulant sa main autour du sexe dur.
- Tu crois qu'elle s'offusquerait ? Hmm… Ouiii… Cette garce serait… aaanh… serait bien capable de se joindre à nous…
- Oh… je vois… La prochaine fois que tu rentres chez toi… Hmm ouiii… bouge comme ça… je t'accompagnerai…
- Si tu veux… Annh… t'arrête pas…

Mais le Général fit tout le contraire. Il se retira pour retourner le Comte qui le serra dans ses bras en lui donnant un baiser brulant. Sous les suppliques de son amant, Kanon fut plus fougueux, plus brutal. Mais une fois encore, il libéra Io. Il se leva pour utiliser l'aiguière et le Comte le vit laver son sexe avec beaucoup de soin. Revenant vers lui, Kanon le surplomba et s'installa sur son torse. Le Comte de Scylla ouvrit la bouche et se délecta de cette virilité qui ne demandait qu'à être flattée.

Pendant une bonne partie de la nuit, les deux hommes firent l'amour. Ce n'est que vers l'aube, qu'ils s'abandonnèrent enfin au sommeil…

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Kanon fut légèrement en retard pour rejoindre le convoi des hommes et des chariots qui partaient pour Lycos. Son écuyer était en grande tenue de voyage, les yeux brillants d'excitation. C'était la première fois que le Général l'autorisait à participer à une mission officielle et importante. Il formait des vœux pour être digne de son maître et ne pas lui faire affront.

Revêtu de son armure tout juste réparée de la veille et couvert d'une lourde cape aux épaules garnies d'une magnifique fourrure de loup, le Général SeaDragon prit la tête de la colonne et donna le signal de départ.

La matinée était grise et froide. Des nappes de brumes jalonnaient les routes. Aucun homme ne parlait. Deux cavaliers suivaient Kanon et Ethain, deux conduisaient les chariots auxquels étaient attachés leurs chevaux et quatre fermaient la marche. A cette allure, il leur faudrait au moins quatre jours pour atteindre le village de Lycos. La plaine fit place à un relief plus escarpé vers la mi-journée. La route était plus accidentée et les chariots cahotaient sur les pierres et les ornières. Le Général ordonna un bivouac pour qu'ils puissent se restaurer. Il s'assit sur un rocher et mordit à belles dents dans un morceau de viande séchée.

- Seigneur Kanon, l'interpella un homme en s'approchant de lui.
- Oui ?
- Nous sommes suivis…
- Je sais. Ne faisons rien pour l'instant. Lorsque le terrain nous sera favorable, nous interviendrons…
- A vos ordres.
- Je n'ai rien vu, murmura Ethain, conscient que la discrétion était de mise.
- C'est parce que tu n'as pas notre expérience, lui répondit le Général avec un sourire. Sois prêt à te battre et à défendre ta vie.
- Je… Oui Seigneur, bafouilla le jeune écuyer qui avait brusquement blêmi.
- N'aie crainte, je serai à tes côtés, le rassura Kanon, sachant parfaitement ce que devait éprouver son écuyer.

Revenge - BO Brave Heart
Attaque du convoi

Un mélange de terreur, avec une irrésistible envie de rentrer à Atlantis ventre à terre, et d'excitation face à l'inconnu, mais qui pourrait bien le rendre imprudent au mauvais moment. Ethain n'en était qu'au début de sa formation et Kanon espérait de tout son cœur qu'il avait été un bon maître.

Le convoi repartit et traversa un défilé de falaises escarpées. L'endroit idéal pour une embuscade, mais rien ne se produisit. Ceux qui les suivaient avaient peut-être renoncés à leur projet. Connaissaient-ils le Général SeaDragon ? L'avaient-ils reconnu ? Le craignaient-ils ? Ou bien, ils n'étaient peut-être pas assez nombreux. Toujours est-il que le petit groupe passa une fin de journée et une nuit paisible.

Ils poursuivirent leur voyage sans encombre pendant trois jours. Au loin, sur leur gauche, la mer les accompagnait. Elle avait, au matin, cette couleur grise et triste. Quand, plus tard, le soleil parvenait à percer les brumes, elle se parait du plus beau des bleus. Une couleur glaciale, piquetée de petites virgules d'écume blanche. Parfois, ils voyaient un hameau. Les lieux semblaient déserts, mais les soldats sentaient les regards curieux et effrayés des quelques habitants qui se terraient chez eux, derrière les portes entrouvertes et les planches disjointes des maisons. Ils se demandaient très certainement qui étaient ces hommes et ce qu'ils pouvaient bien transporter. Probablement une cargaison de valeur pour qu'elle soit si bien escortée. Kanon ordonnait toujours la halte loin des lieux d'habitations pour ne pas incommoder les gens et pour ne pas risquer de les mettre en danger s'ils devaient être eux-mêmes attaqués par des pillards.

Au matin du quatrième jour, ils se sentirent à nouveau suivis et épiés. Kanon fit forcer l'allure pour atteindre une petite forêt. Elle était très dense et ils cheminaient lentement. A son grand étonnement, Ethain réalisa que son maître et deux des soldats n'étaient plus là.

- Continue petit, ne te retourne pas, fit l'un des hommes qui s'était porté à sa hauteur.
- Où sont…
- Regarde devant toi et reste calme…

Soudain, surgissant des fourrés en hurlant, des hommes dépenaillés, sales et amaigris, se jetèrent sur le convoi. Ethain et les six soldats avec lui sortir leurs épées et engagèrent le combat. L'ennemi n'était pas vraiment dangereux. Il s'agissait certes, de déserteurs de l'Armée des Marinas, leurs vêtements le prouvaient, mais ils n'avaient plus rien de fiers soldats. La faim, le froid avaient fait d'eux des créatures plus proches de l'animal que de l'être humain. Leurs yeux fous et hagards montraient à quel point ils étaient obsédés par ce qu'ils croyaient être enfin une bonne prise. Tellement, qu'ils ne comprirent que trop tard qu'ils venaient de tomber dans le piège qu'ils croyaient avoir tendu.

Kanon et les deux soldats leurs tombèrent dessus. En un rien de temps, il y eu six morts et cinq blessés graves. Le Général s'approcha d'Ethain qui était paralysé par la peur. Il croisa le regard de son maître et se tourna pour vomir. Il venait de tuer pour la première fois.

- Emmenez les morts dans les fourrés et occupez-vous des autres, ordonna-t-il en allant vers son écuyer.
- Seigneur, pitié ! fit l'un des déserteurs. Nous implorons votre clémence ! Nous regagnerons l'Armée !
- Il est trop tard pour ça, répondit Kanon d'une voix glaciale et implacable. Il fallait y penser avant de déserter. Vous êtes des traitres à la Couronne ! La sentence pour votre crime est la mort.

D'un mouvement de tête, il ordonna leur exécution. Ses soldats se postèrent derrière les cinq survivants et d'un geste sûr et précis parce que simulé des centaines de fois à l'entraînement, ils enfoncèrent leur dague dans la nuque des condamnés qui moururent instantanément, sans souffrance inutile.

Kanon s'approcha d'Ethain qui se tenait à l'écart.

- Ça va mieux ?
- Oui, Seigneur…, murmura le jeune homme d'une voix caverneuse.
- Moi aussi j'ai vomi la première fois, et la deuxième ainsi que la troisième, mais après, lorsque j'ai été vraiment convaincu que ce que je faisais était bon pour mon Roi, pour mon Royaume, celui où je vis, qui me nourrit et m'habille, j'ai arrêté de vomir. Je n'étais pas fier d'ôter une vie, mais je le faisais pour une bonne raison. C'est ce qui m'a aidé à maîtriser mon estomac.
- Je suis désolé…, je vous ai fait honte…
- Pas du tout, je suis même fier de toi. Ne crois pas que ces hommes ont toujours été capables de tuer de sang-froid, poursuivit le Général en désignant les soldats d'un mouvement du menton. Eux aussi ont été malades la première fois. Mais, nous nous sommes endurcis parce que nous sommes des soldats et que les femmes, les enfants et les vieillards de notre pays comptent sur nous pour les protéger. C'est notre devoir de Chevalier, tu n'as pas oublié ?
- Non, Seigneur… mais c'est monstrueux. Il y a encore quelques instants, ces hommes étaient vivants et…
- … et maintenant, ils sont morts. Que crois-tu qu'ils auraient fait de nous ?
- Ils nous auraient tués, admit le jeune homme en baissant la tête.
- Exactement. Alors mieux vaut eux que nous ! Que toi !
- Oui, Seigneur… J'avoue que je suis bien content d'être en vie…
- Bien sûr que tu es content. Et ne te sens pas coupable d'éprouver cela. Allez viens. Il faut nous remettre en route.
- Nous ne les enterrons pas ?
- Les prédateurs de la forêt se chargeront de leur donner une sépulture.
- Ils avaient peut-être des familles… des femmes, des enfants…
- Alors ils auraient dû penser d'abord à eux avant de décider de déserter. De chacun de nos choix, de chacune de nos décisions découlent des conséquences. Il fallait qu'ils y songent avant. C'est dur, oui Ethain, mais la vie est dure. Dis-toi que ces chariots et ses huit hommes vont aider à la survie de beaucoup plus de gens que ces onze morts là. L'intérêt du plus grand nombre l'emporte sur celui du plus petit. Allez, en route.

En fin d'après-midi, ils arrivèrent en vue de Lycos. Prévenu, le chef du village se porta au-devant du groupe, suivit de sa petite fille et de deux femmes qui ne cachaient pas leurs épées.

- Seigneur Kanon ! s'écria le vieil homme. Nous sommes bien contents de vous revoir.
- Vous pensiez que le Prince vous avait oublié ?
- Eh bien… j'avoue que l'idée m'a effleuré, reconnut-il humblement.
- Il a fait valoir ses arguments devant le Roi qui s'est finalement rangé à son avis. Et me voilà avec huit hommes et deux chariots.
- Menez-les jusqu'à l'entrepôt. Nous nous en occuperons plus tard. Pour l'instant, vous nous ferez bien l'honneur de partager notre repas.
- Ce sera avec plaisir. Dites-moi, Marjan, existe-t-il d'autres villages comme le vôtre dans les environs ?
- Hélas, ils sont encore plus démunis que nous. Ils sont trop loin des côtes pour pouvoir pécher, et les habitants sont des femmes et des vieillards, ou des enfants qui ont du mal à chasser. Ils cultivent bien quelques lopins de terre, mais c'est insuffisant.
- Je demanderai au Roi si nous ne pouvons pas aussi les aider un peu, fit le Général plus pour rassurer le vieil homme que réellement sûr de parvenir à convaincre Poséidon de prélever d'autres hommes sur les effectifs de l'armée.

Kanon fit un geste aux soldats qui s'empressèrent de conduire les chariots là où Marjan le leur avait indiqué, puis tous se retrouvèrent dans l'auberge qui servait aussi de capitainerie. Gwen ne quittait pas son grand-père et le Général s'en aperçut.

- Tu as là un garde du corps des plus efficaces, plaisanta-t-il en ôtant sa cape qu'il posa sur le dossier d'une chaise.
- Elle remplace de plus en plus mes yeux, Seigneur. C'est elle qui vous a vu arriver.
- Un œil aussi perçant que celui d'un aigle, observa Ethain qui était visiblement sous le charme de la jeune fille.

Elle rougit et baissa la tête, se cachant un peu plus derrière le vieil homme. Les huit soldats entrèrent à ce moment et s'installèrent le long de la grande table en bois. Aussitôt trois femmes leurs apportèrent de quoi se restaurer.

- Nous vous avons amené deux chariots contenant six tonneaux chacun, commença à expliquer le Général. Vous pourrez ainsi transporter plus de nourriture aux villages voisins. Et mes hommes vous aideront à nettoyer et saler plus de poissons. De surcroit, ce sont des soldats qui pourront protéger les chariots le cas échéant ou même le village.
- Ici, il ne se passe jamais rien, Seigneur. Personne ne s'intéresse à nous.
- Pas plus tard que ce matin nous avons été attaqués par une bande de déserteurs. Un jour ou l'autre, certains risquent d'arriver jusqu'ici.
- Vous n'avez pas de blessé j'espère, s'inquiéta l'une des femmes en posant un pichet de vin sur la table.
- Non, rassurez-vous. Ceux-là ne poseront plus jamais de problème.
- Messeigneurs, mangez pendant que c'est chaud, fit le chef du village, visiblement heureux d'avoir ces hommes sous son toit. Pendant ce temps, les femmes vont vous préparer vos lits.
- Ne vous tracassez pas pour ça. Nous avons l'habitude de dormir dehors.

Ethain jeta un regard noir à son maître. Lui, c'était la première fois qu'il couchait à la belle étoile et il rêvait d'un bon lit bien douillet ainsi que d'un bon bain. Ils mangèrent tous de bon appétit. Le ragoût de poissons fit l'unanimité et changeait des rations de porc séché. Puis, voyant que ses visiteurs faisaient des efforts pour rester éveillés, Marjan prétexta qu'il était fatigué et prit congé d'eux. Les femmes qui les avaient servis les guidèrent jusqu'au premier étage de l'étable où elles avaient recouvert la paille avec de grands draps et des fourrures. Elles furent chaleureusement remerciées, et une fois les hommes débarrassés de tout leur attirail, ils se laissèrent aller à un repos bien mérité.

Le lendemain matin, Kanon donna ses derniers ordres à ses hommes. Il serra la main à Marjan et prononça quelques mots à l'oreille de Gwen. Les deux cavaliers s'éloignèrent en faisant un signe de la main aux villageois. Ils chevauchaient depuis peu lorsque le Général s'arrêta.

- Que se passe-t-il Seigneur ? s'enquit l'écuyer, la main sur son épée, blanc comme un linge.
- Nous attendons quelqu'un…
- Quelqu'un ? Mais comm…

Un galop de cheval l'interrompit et les deux hommes virent sortir du bois la jeune Gwen sur un étalon visiblement énervé par la présence de celui de Kanon.

- Merci d'être venue, lui dit le Général en tentant lui aussi de calmer son cheval.
- Vous m'avez inquiétée, Seigneur.
- Je sais que tu es un cavalier émérite aussi j'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi.
- Quoi donc ?
- Je souhaite que tu me tiennes informé de ce qui se passe dans ton village et aux alentours. Les bandes de pillards descendent de plus en plus bas sur la côte et je ne voudrais pas qu'il vous arrive quoique ce soit. Le Prince en serait fort attristé.
- Pensez-vous que nous soyons réellement en danger ? demanda la jeune fille, pour le coup, effrayée.
- Il vaut mieux être prudent. Si quelque chose te semble étrange à toi ou à l'un de vous, tu dois venir nous le dire. Mes hommes savent ce que tu as fait avec ton grand-père en ralliant Atlantis en moins quatre jours. Ils t'aideront, fais-leur confiance.
- Gagner Atlantis en quatre jours ? s'étonna Ethain. N'as-tu jamais pensé à devenir un héraut du Roi ?
- Je suis encore bien jeune, écuyer, répondit Gwen en rougissant sous le regard brillant du jeune homme.
- Gwen, je peux compter sur toi ? insista le Général.
- Bien sûr, Seigneur. Désormais, je me considère comme étant à votre service, fit-elle en redressant fièrement le menton, toute timidité envolée.
- Holà jeune fille ! Sois déjà au service de ton village en faisant ce que je te demande. Allez ! Rentre avant que ton grand-père ne s'inquiète.

Elle inclina le buste avec respect et fit reculer son cheval qui cabra furieusement, mais elle resta solidement accroché à sa selle et ses rênes. Puis elle disparut dans le sous-bois.

- Sacré cavalier, murmura Ethain, encore sous le charme de cette vision, en éperonnant sa jument pour suivre le Général qui avait repris la route.
- Mouais, grogna son maître. Je ne sais pas qui lui a appris à monter mais il a fait du bon boulot.
- Elle a peut-être un don pour ça…
- C'est possible…

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Do you think I'm a Saxon ? - BO King Arthur
Le courrier du Roi Mitsumasa

 

Il leur fallut cinq jours pour regagner Atlantis. Ils n'avaient pas vraiment forcé l'allure, mais n'avaient pas non plus traîné en chemin. Kanon se demandait déjà ce qui avait bien pu se passer durant son absence.

- Général SeaDragon ! cria un grade en accourant vers lui. Le Roi veut vous voir immédiatement.
- Est-ce si urgent ? Ne puis-je me changer et me rafraîchir avant de me présenter à lui ? protesta Kanon qui ne rêvait que d'un bon bain.
- Un messager est arrivé pendant votre mission. Le Roi en personne m'a ordonné de guetter votre retour et de vous dire qu'il voulait vous voir sur le champ.
- Fort bien. Puis-je au moins laisser Golden aux écuries ?
- Je l'y conduirai, Seigneur, fit le garde en prenant d'autorité les rênes du cheval.

Là, le Général s'inquiéta vraiment. Pour que le Roi ne lui laisse même pas le temps d'arriver, il avait dû se produire quelque chose de grave. Il prit le garde en croupe et galopa jusqu'aux portes du Palais de Corail. Il lui confia son cheval et ordonna à Ethain de ranger leurs affaires et de lui préparer un bain.

Il traversa les couloirs aussi vite qu'il le put. Les gardes, le voyant arriver à cette allure, ouvraient les portes devant lui. Même celles du bureau du Roi le furent avec célérité. Il s'agenouilla devant son souverain.

- Général ! Enfin !
- Sire ! Que se passe-t-il donc de si grave ?
- Je ne sais pas si l'on peut qualifier cette nouvelle de grave, toussota le Premier Ministre.
- Puis-je savoir de quoi il retourne ?
- Lis ceci, fit Poséidon en lui tendant un rouleau de parchemin.

Kanon le prit et reconnu immédiatement le sceau du Roi Mitsumasa. Sa curiosité piquée au vif, il déroula le message. A mesure qu'il lisait, il s'était approché d'un siège sur lequel il se laissa tomber avant de relever la tête vers le Roi et le Seigneur Sorrento. Le Souverain affichait un léger sourire alors que le visage du Ministre était inexpressif.

- Sorrento, tu doutes de l'authenticité de ce message ? voulut savoir Kanon devant la mine du Ministre.
- Non. Je suis juste… sous le choc. Jamais je ne me serais attendu à une telle proposition de Mitsumasa.
- Aucun d'entre nous, reprit le Roi en retournant s'asseoir derrière son bureau. Qu'en penses-tu, Kanon ?
- Julian est-il au courant ?
- Pas encore…
- Sire, il est quand même le premier concerné.
- Votre avis Général ? insista le Roi, en lui donnant son titre militaire et le vouvoyant.
- Je crois qu'il faut saisir cette occasion. Pour le peuple qui souffre depuis bien trop longtemps, nous n'avons pas le droit de laisser passer une chance de faire enfin la paix.
- Et vous croyez que pour cela, je doive sacrifier mon fils ?
- Majesté, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un sacrifice, intervint Sorrento. De toute manière, il aurait bien fallu, un jour ou l'autre, qu'il fasse ce que la raison d'état exige de lui.
- Alors si l'on peut mettre un terme aux maux de vos sujets, Sire, il faut le faire sans hésiter, renchérit le Général, soutenant son ami.
- Je ne sais pas comment lui annoncer la nouvelle, souffla Poséidon.
- Directement, Sire. Ce sera brutal, certes, mais il s'en remettra.

Poséidon regarda son Premier Ministre en haussant les sourcils puis son Ministre des Armées qui soutenait son confrère.

- Je vais devoir réunir un nouveau Conseil Royal…
- D'abord Julian, suggéra judicieusement Kanon.

Connaissant l'influence que le Général SeaDragon avait sur son enfant, le Roi Poséidon avait tenu à ce qu'il soit présent lorsqu'il annoncerait la nouvelle à son fils. Assis dans un coin légèrement en retrait, Kanon attendait la réaction du Prince. Celle-ci se faisait désirer et n'augurait rien de bon compte tenu du caractère emporté du jeune homme. Il avait commencé par s'asseoir, les jambes légèrement tremblantes, puis la première surprise passée, il s'était levé et arpentait le bureau royal de long en large d'un pas nerveux.

- Je comprends que tu sois déconcerté par la nouvelle, lui dit son père.
- Déconcerté ? s'écria Julian en jetant au Roi un regard flamboyant de colère. Atterré serait plus juste ! Ecœuré encore plus ! Que suis-je donc à vos yeux, père ? Suis-je donc quantité si négligeable que vous décidiez de mon avenir sans m'en parler ? Vous disposez de moi comme si j'étais n'importe lequel de vos sujets ! Mon avis a-t-il un quelconque intérêt à vos yeux ? Ou bien dois-je me contenter d'obéir comme un vulgaire serviteur ?
- Julian !

La voix de Kanon venait d'éclater comme le tonnerre pendant un orage. Il se leva du fauteuil dans lequel il était assis et s'approcha du Prince qui fit un pas en arrière en voyant la colère dans les yeux de son ami. Ce qu'il était effrayant par moment.

- Et toi, qui es-tu pour parler ainsi à ton Roi ? Bien qu'il soit ton père, il n'en est pas moins ton Souverain. Et je ne tolèrerai pas que qui que ce soit lui parle sur ce ton, fusse-t-il son fils, mon Prince. Tu vas prendre tes responsabilités et faire ce qu'il faut dans l'intérêt de ce Royaume que tu es appelé à diriger un jour. Il est temps que tu deviennes adulte. Que ça te plaise ou pas, tu vas épouser cette Princesse !

Julian plissa les yeux. La colère qui le consumait explosa.

- Jamais ! hurla-t-il. Jamais ne n'épouserai une fille qui est encore célibataire à dix-neuf ans. Elle doit être d'une laideur repoussante pour ne pas avoir encore trouvé d'homme qui veuille d'elle. Jamais je ne l'épouserai !

Il sortit en courant du bureau. Kanon regarda son Roi qui lui fit un signe de tête. Aussitôt, il s'élança à la poursuite du jeune homme. Le Palais de Corail était un vrai labyrinthe mais il se fia aux attitudes étonnées des gardes qui venaient très certainement de voir passer leur Prince, courant à toutes jambes. Il savait que Julian n'irait se réfugier qu'en deux endroits. Son appartement ou les bords du Lac Patras(4). Le jeune homme avait choisi son appartement. Kanon le trouva tremblant de rage, à boire coupe de vin sur coupe de vin. Il s'approcha de lui et le regarda dans les yeux.

- Qu'est-ce que tu veux ? lui cracha le Prince avec mépris.
- Que tu arrêtes de boire d'abord, que tu m'écoutes ensuite, répondit calmement le Général.
- J'arrêterai quand j'aurai oublié cette journée…
- Julian… ne m'oblige pas à te forcer la main…
- Et qu'est-ce que tu vas faire ? Me mettre sur tes genoux et me donner une fessée comme si j'étais un petit garçon désobéissant ?
- L'idée est tentante, je l'avoue. Mais j'aimerais autant ne pas en arriver là !
- Tu oserais porter la main sur une personne royale ?
- J'ai l'autorisation de ton père, mentit Kanon.

Le Prince changea brusquement d'attitude et s'approcha de son ami, une lueur aguicheuse dans les yeux.

- Mon père t'autorise à me toucher ? Eh bien… Voilà qui est intéressant… Je devrais peut-être te pousser à bout et voir ce que tu as prévu de me faire subir…
- Julian soit sérieux un instant…
- Tu veux que je m'asseye tout de suite sur tes genoux ? Tiens… Je vais même me déculotter, comme ça tu n'auras pas à le faire…
- Julian, gronda Kanon, qui commençait à trouver l'attitude du Prince franchement exaspérante.

Alors que l'héritier du Royaume des Océans s'approchait pour l'embrasser, il lui assena une gifle magistrale qui, du moins l'espérait-il, allait raisonner le jeune homme. Celui-ci posa sa main sur la joue meurtrie et douloureuse, les yeux écarquillés de surprise.

- Bon, on peut discuter maintenant ? Assieds-toi et écoute bien ce que je vais te dire.
- Si c'est pour me répéter encore que je dois épouser cette fille, inutile de perdre ton temps. C'est hors de question ! termina Julian en criant sa dernière phrase.
- Et pourtant, c'est très exactement ce que tu vas faire. Et en plus tu vas être reconnaissant envers le Roi Mitsumasa d'avoir eu cette idée qui va mettre un terme à la guerre et aux souffrances de nos deux peuples. Es-tu égoïste au point de faire passer ta personne, même si elle est royale, avant l'intérêt de tes futurs sujets ?
- Et moi dans tout ça ? Je dois me laisser mener comme un bœuf à l'abattoir ?
- Si la raison d'état l'exige ?... Oui !
- Tu ferais ça toi ? Tu te sacrifierais de la sorte ?
- Si ma mort pouvait arrêter ce conflit, je me suiciderais sur le champ, Julian.

Le Prince n'en revenait pas d'entendre de telles paroles dans la bouche d'un homme qu'il respectait au moins autant que son père. Un homme qui avait mené leurs soldats au combat contre ce même ennemi avec qui il fallait maintenant faire la paix.

- Tu irais jusque-là ? murmura-t-il, incrédule.
- Je l'ai dit à Ethain dans d'autres circonstances, mais cela s'applique dans ton cas aussi. L'intérêt du plus grand nombre l'emporte sur celui d'un seul. Alors oui. Si à l'instant de ma mort, j'avais l'absolue certitude que cette guerre se terminerait, je n'hésiterais pas.
- Tu épouserais cette fille ?
- Même si c'est la plus laide du monde, ce serait mieux que de m'ôter la vie, non ?

Le Prince se tassa sur lui-même, lâchant enfin prise. Sa colère retomba et il fut envahi d'une grande lassitude.

- Tu ne m'aimes pas autant que je le croyais. Me voir dans le lit d'une autre ne te fait rien.
- Ne joue pas sur ce terrain. Tu sais parfaitement que je t'aime et que…
- Tu m'aimes comme ton Prince ! s'écria Julian en lui coupant la parole. Tu ne vois pas l'homme en moi ? Moi je vois l'homme que tu es derrière le Général et le Ministre et c'est cet homme que j'aime, Kanon.
- Tu confonds amour et attirance. Tu es très séduisant et terriblement attirant. N'en doute jamais.
- J'ai l'impression que le monde s'effondre autour de moi, souffla-t-il en passant une main lourde sur son visage.
- Julian, tu exagères. Ce n'est pas si dramatique tout de même ! Tu vas juste changer un peu ton mode de vie et surtout, ton père va enfin avoir du temps pour faire de toi un futur Roi. Tu apprendras comment on gouverne avec sagesse et fermeté. Pour l'instant, tu ne sais que mener une guerre. Il y a tellement d'autre chose à découvrir…
- Lesquelles ?
- Tu le saurais si tu assistais un peu plus souvent aux Conseils Royaux comme tu y es convié à chaque fois. Mais tu préfères des activités plus légères…
- Je n'avais pas conscience de tout ça…
- Je le sais… Je t'ai dit que ton éducation avait des failles. Maintenant que la paix va être établie, ton père aura plus de temps pour toi.
- Je suis toujours passé après les Océans à ses yeux…
- Mais pas dans son cœur. Il t'aime plus que tout, mais il n'oublie pas qu'il est un Roi sur qui des milliers de gens comptent pour leur sécurité, leur prospérité.
- L'intérêt du plus grand nombre… maugréa tristement le jeune homme.
- Oui, mais dans son cœur, tu tiendras toujours la première place.

Agenouillé devant Julian, Kanon avait ses mains sur ses genoux pour se maintenir en équilibre. Il avait un sourire tendre que finit par lui renvoyer le jeune homme.

- Kanon, tu te souviens quand tu m'as dit que… que je devais venir te voir quand je me sentirai prêt ?
- Bien sûr, répondit le Général, comprenant immédiatement de quoi il était question.
- Ce soir, ici…
- Julian, il n'y a pas d'urgence.
- Mais… Je vais me marier !
- Et alors ? Qu'est-ce que ça change ? On ne te demande pas d'être fidèle, juste de faire en sorte que ta femme te donne un héritier rapidement.
- Ce soir, alors ?
- Va d'abord voir ton père pour lui dire que tu es d'accord.
- De toute façon, je n'ai jamais eu le choix, n'est-ce-pas ?
- Non… Pour le reste, attends tes noces. Nous en reparlerons après.
- Pourquoi refuses-tu de me faire l'amour, Kanon ?
- Je ne refuse pas…
- Tu temporises, tu repousses, tu me dis de patienter. Pourquoi ? Je ne te plais pas ?
- Là n'est pas la question. Nous en reparlerons une autre fois.
- Tu vois ? Tu te défiles encore ! Tu fuis !
- Comment oses-tu dire à un Général en Chef qu'il se défile ? Qu'il fuit ! s'écria Kanon en se relevant, le regard brillant de colère.
- Peut-être que si je te provoque, tu réagiras enfin. Si tu te sens insulté, demande réparation. Punis-moi pour mon arrogance. Je subirai… sans protester.

Le Prince s'était approché lentement du Général et ses lèvres à un doigt de celles de son ami, il chuchota sa dernière phrase. Vif comme l'éclair, Kanon s'empara de cette bouche si tentante. Ils échangèrent un baiser vorace et brulant. Puis le Général repoussa doucement le Prince et appuya leurs fronts l'un contre l'autre, leurs souffles légèrement haletants.

- Va voir ton père. Même s'il se passera de ton accord, il préfèrera l'avoir pour la forme et ne pas se sentir trop coupable de t'avoir imposé ça. Je te rejoindrai ce soir…

Le lendemain matin, aux premières lueurs de l'aube, le messager repartit vers Egide avec la réponse du Roi Poséidon, rangée dans sa chemise, au chaud, contre son cœur…

A suivre…

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>> Chapitre 7 >>

 

(1) Lycos est l'un des enfants de Poséidon et de la Pléiade Céléno. Source Wikipédia.

(2) Voici les noms des différentes pièces d'une armure. Concernant le casque, je n'ai pas trouvé l'origine de cette appellation pour le moins insolite.

(3) Antée était un des fils de Poséidon et de Gaïa. Source Wikipédia.

 

(4) Patras est une ville de Grèce, située au nord de la péninsule du Péloponnèse. Un culte à Poséidon y était rendu dans l'antiquité.



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