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LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES... |
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Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur. Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma. J'espère que vous aimerez... |
Carte de ce monde |
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Chapitre 11
Depuis plusieurs jours, après avoir obtenu l'autorisation de la Reine Hilda, Siegfried et Bud fouillaient sans relâche les archives royales. Ils passaient leurs journées enfermés dans l'immense salle. Si les trois derniers siècles étaient relativement bien classés, il n'en était rien pour tout ce qui était plus ancien. Et ce qu'ils recherchaient remontait à presque mille ans. Au milieu de la pièce, il y avait une longue table sur laquelle était déposée une quantité impressionnante de parchemins et de livres plus ou moins épais. Une sorte de routine s'était installée entre les deux hommes. Le matin, ils se retrouvaient pour un copieux repas puis se rendaient aux archives. A la mi-journée, une servante ou un serviteur leur apportait de quoi déjeuner et en soirée, le diner clôturait cette journée de labeur. Entre temps, ils lisaient des dizaines de documents à la lumières des torches et des bougies jusqu'à ce que leurs yeux brulent de fatigue. Et tard dans la nuit, ils se décidaient enfin à aller se coucher. Bien souvent, ils ne prenaient même pas le temps de faire quelques ablutions pour se rafraîchir et s'écroulaient sur leur lit. Ce matin-là, Bud s'éveilla avec la ferme intention de faire une pause dans leurs recherches. Il mit une tenue d'entraînement au combat bien décidé à convaincre Siegfried d'en faire autant. Celui-ci entra dans le salon et s'arrêta net en voyant son ami. - Tu as prévu quelque chose d'autre ce matin ? lui demanda-t-il en s'attablant en face de lui. Bud n'était jamais entré dans l'appartement de Siegfried. L'endroit était à l'image de l'occupant des lieux. Sobre, mais raffiné. Il y avait peu de meubles et chaque objet décoratif semblait avoir été choisi avec un soin tout particulier ainsi que la place qu'il occupait pour être parfaitement mis en valeur. Il suivit son ami dans la chambre où celui-ci commença à se déshabiller tout en sortant un gambison et un pourpoint de cuir. Bud ne put retenir le frisson qu'il sentit dévaler son échine jusqu'au creux des reins à la vue de son ami torse nu. Tout comme le sien, le corps de Siegfried n'était que muscles durs et parfaitement dessinés. Il les voyait rouler sous la peau claire et cette vision accentuait le trouble qu'il ressentait. Il avait bien fallu qu'il se rende à l'évidence. Il n'était pas insensible à la beauté froide du Duc de Dubhe. Et plus il passait de temps avec lui, plus il découvrait l'homme qu'il était, plus il tombait sous son charme. Il l'avait toujours cru arrogant et imbu de lui-même, mais il s'était rapidement aperçu que ces attitudes n'étaient que des façades. Siegfried était en réalité quelqu'un de timide et préférait se tenir en retrait des autres. Il arborait donc ce masque de froideur indifférente tout simplement pour dissuader quiconque d'envahir son espace vital sans son accord. Et de toute évidence, cet accord, Bud l'avait obtenu. Il n'avait jamais vu Siegfried sourire et rire autant que depuis qu'ils travaillaient ensemble sur ces archives. Il allait jusqu'à le taquiner et même faisait-il de l'humour. La voix de Siegfried le sortit de ses pensées et ils se rendirent à la salle d'armes. Ils y retrouvèrent leurs propres épées, dagues et autres couteaux et masses d'armes qui composaient leur attirail de Guerriers Divins. - Inutile de nous épuiser, fit le Duc de Dubhe en se plaçant face à Bud. Après cette passe d'arme verbale, ils engagèrent le combat. Les épées s'entrechoquaient violement. Le bruit résonnait sous la voute de la salle. Siegfried perdit son épée et pris celle à deux mains. Aussitôt Bud lâcha ses armes et récupéra la sienne. - Tu es très bon, Bud ! Et Bud se lança dans une série de moulinets et de coups plus violents les uns que les autres. Siegfried, surpris par l'ardeur de son adversaire fut contraint de reculer. Il se demandait ce qui donnait ce regain de force au Duc d'Alcor qui avait aux lèvres cet étrange sourire prédateur, comme s'il était certain de sa victoire. Un dernier coup d'une incroyable puissance désarma Siegfried qui tomba au sol, la pointe de la lame de Bud sur sa gorge. Celui-ci le surplombait, les yeux rendus brillant par l'excitation du combat et par sa victoire. - Que dirais-tu de lutter un peu à mains nues ? lui proposa ce dernier en éloignant la lame du cou. Bud se défit de ses vêtements de protection et c'est torse nu qu'il attendit que son ami fît de même. Siegfried eut un instant d'hésitation, mais il se déshabilla à son tour. Les deux hommes se firent face, sur leurs jambes légèrement fléchies, prêt à bondir à l'attaque ou à amortir celle de l'adversaire. Ils s'observèrent un long moment, étudiant soigneusement la position de garde de l'autre, mesurant leurs chances s'ils utilisaient telle ou telle technique. Puis soudain, ils s'élancèrent l'un sur l'autre. Chacun attrapa la nuque de son adversaire, prise stratégique s'il en est, tandis que l'autre main agrippait le bras. Une étrange danse débuta. Les deux combattants tentaient de se déstabiliser pour prendre l'avantage et peut-être réussir à faire tomber l'autre. Siegfried était un peu plus grand et plus lourd que Bud et il n'était pas facile pour le Duc d'Alcor de le déséquilibrer. De plus, la sueur rendait les prises glissantes et mal assurées. Mais il avait plus d'un tour dans son sac. D'un coup vicieux dans la cheville, il balaya la jambe d'appui de son adversaire qui ne put retenir sa chute. Rapide comme l'éclaire, Bud s'assit à califourchon sur le ventre de Siegfried, emprisonnant ses poignets au-dessus de sa tête. Stupéfait par la technique de son ami, le Duc de Dubhe resta immobile, fixant intensément le visage de Bud qui surplombait le sien à quelques centimètres seulement. Celui-ci ne souriait plus. Son visage était grave, l'ambre de ses yeux parcourait les traits figés par l'étonnement. Entre ses mains, il sentait bien que Siegfried ne résistait pas à sa prise. Aussi desserra-t-il lentement son étreinte. Ses mains glissèrent tout doucement le long des bras puis il prit appui de chaque côté de la tête. Le même trouble les parcourait. Leurs regards ne se quittaient plus, aucun ne bougeait. Ils étaient aussi immobiles que la statue de marbre blanc du Dieu Odin qui trônait dans le fond de la salle d'armes. Brusquement, Bud se leva, libérant son ami de son poids. Il avait toutes les peines du monde à contrôler son émoi et il ne voulait pas que Siegfried s'en aperçoive. Il lui tendit la main pour l'aider à se relever. - Tu t'es entraîné en cachette ? lui demanda-t-il avec une pointe de taquinerie dans la voix pour camoufler son malaise. Mais Bud n'était pas dupe. Il savait que son compagnon était aussi troublé que lui et qu'il faisait de gros efforts pour ne pas le montrer. - Non… C'est juste que je ne montre jamais mes capacités en une seule fois, en un seul affrontement. Il mit sa chemise, et se retourna comme il n'entendait pas de réponse. Il vit Siegfried en train de le regarder avec une bien étrange lueur dans les yeux. - Tu veux qu'on s'entraîne encore ensemble ? répéta-t-il. Ils déjeunèrent ensemble, presqu'en silence, n'échangeant que quelques mots. Une tension s'était installée entre eux et Bud commençait à s'en vouloir car il avait parfaitement conscience d'en être le responsable. Mais ça avait été plus fort que lui. Il avait besoin de savoir s'il était capable de séduire Siegfried. Il lui plaisait, il était attiré par cet homme et plus encore depuis qu'ils faisaient ces recherches. Bud avait toujours vu le Duc de Dubhe avec des femmes mais le contact d'un homme ne semblait pas le rebuter. Bien sûr, il ne s'agissait de d'effleurements innocents, mais quelques instants plus tôt, ça n'était plus si anodin. Siegfried s'était troublé, il avait même vu ses joues déjà rougies par l'effort, se colorer d'avantage. Pourtant, il n'avait pas protesté, il ne s'était pas débattu pour se libérer de son immobilisation. Et maintenant, l'esprit de Bud s'emballait à toute vitesse. Il se demandait ce qui se serait passé s'il avait osé, peut-être pas un baiser, mais une simple caresse du bout des doigts sur sa joue. Il lui fallut un bon moment avant d'oublier tout ça et se concentrer sur ces recherches. De l'autre côté, son compagnon n'avait du tout l'esprit à ce qu'il faisait. Il ne comprenait pas sa réaction ni ce qu'il éprouvait. Tout était confus et il n'aimait pas ça.
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Dans le milieu de l'après-midi, un homme blond visiblement en colère, la démarche déterminée, entra dans la salle des archives et se dirigea vers Siegfried qui leva les yeux du document qu'il consultait. - Hagen ? Que se passe-t-il mon ami ? Le Comte de Mérak ressortit comme il était entré. Même contrariété sur le visage, même démarche volontaire. Il se rendit dans les quartiers des officiers sous les ordres de Siegfried et trouva rapidement le dénommé Folker. Il lui expliqua brièvement ce qu'il attendait de lui et aussitôt l'homme réuni une vingtaine de soldats. - Pensez-vous que cela sera suffisant, monseigneur ?
Le groupe d'hommes en armes se mit en route, Hagen à sa tête. En traversant un bois dense, un des rares du Royaume d'Asgard, ils entendirent le hurlement des loups qui avaient dus les sentir approcher depuis bien longtemps. Les hommes regardèrent autour d'eux, inquiets, bien qu'ils soient nombreux et bien armés, en tentant de percer la végétation. Ils se dirigèrent vers les falaises aux pieds des quelles de petites criques difficilement accostables étaient propices aux trafics en tout genre. Mais celle où les hors la loi se trouvaient, était accessible par voie de terre. Il fallait être très prudent, mais la chose n'était pas impossible. Hagen avait voulu mettre le piège en place avant que les trafiquants ne soient là, ainsi, ils leur tomberaient dessus avant même qu'ils ne comprennent ce qui leur arrivait. Pour atteindre la plage de galet de la minuscule crique encastrée entre deux hautes falaises, il fallait emprunter un chemin étroit et sinueux. Par endroits, il ressemblait à des escaliers taillés dans la roche que la neige et le gel rendaient particulièrement glissants. Les chevaux furent laissés au sommet sous la garde de trois soldats, et les autres descendirent prudemment. Le temps était froid, le ciel couvert et la nuit commençait à tomber. Caché derrière les rochers, les hommes attendaient depuis un bon moment quand enfin une embarcation apparut. Au large un bateau de pêche semblait vouloir remonter un filet plein de poissons mais il peinait à le faire. Le Comte de Mérak avait donné des ordres précis. Il fallait attendre que ces ignobles profiteurs aient déchargé leur marchandise avant de les arrêter. Aucun ne devait s'échapper. Ils ne sortirent pas moins de vingt-quatre coffres de tailles différentes. Un autre bateau de même gabarit apparut, s'approcha de la plage et des hommes sautèrent à terre. Aussitôt, ils commencèrent à charger les caisses. C'est l'instant que le Comte de Mérak choisit pour intervenir. - Police du Royaume ! cria-t-il. Rendez-vous ! Les soldats jaillirent de derrière les rochers de chaque côté de la plage. Immédiatement les contrebandiers sortirent leurs épées, prêts à défendre chèrement leur liberté et leur vie. Le combat s'engagea. Certains trafiquants remontèrent dans le bateau et parvinrent à s'éloigner vers le large. A terre, le bruit des armes se répercutaient sur les parois de la falaise. Plusieurs contrebandiers furent tués ainsi que des soldats. Thor de Phecda, Ministre de la Justice, parvint à désarmer plusieurs ennemis et à les décourager de tenter quoique ce soit de désespérer par son impressionnante stature et son agressivité. Hagen fit plusieurs prisonniers. Certains étaient citoyens du Royaume, les autres n'étaient que de vulgaires pirates. D'ailleurs, un bateau s'approchait, tous voiles dehors, aussi noires que le pavillon à tête de mort qui claquait furieusement au vent au somment du mât. Le bastingage était orné de gros boucliers ronds, la figure de proue représentait un dragon, typique des peuplades barbares qui vivaient sur des terres situées encore plus au nord qu'Asgard. Les Viks(2). Il récupéra les hommes et la marchandise du petit esquif et le laissa aller à la dérive avant de s'éloigner, libre. Le Baron d'Alioth fit ouvrir les caisses et estima l'importance de la prise. Il y avait principalement des peaux et des fourrures. Des armes faisaient également parties du butin ainsi que quelques tissus précieux. - Aucun vol n'a été signalé dans les entrepôts de la ville, observa Thor, surpris. Il bouscula violemment un homme qui retomba à genoux avec une plainte de douleur. Soudain derrière eux, l'un des prisonniers réussit à s'échapper et couru vers la pointe de la falaise pour la contourner. Thor sortit un poignard qu'il portait à la ceinture et le lança avec une force incroyable. Le contrebandier, touché à la cuisse, s'écroula en hurlant de douleur. Il fut ramené sans ménagement auprès des autres. Le Baron de Phecda récupéra son arme sans aucune délicatesse, faisant gicler le sang de la blessure. - Tu es toujours aussi habile avec des lames, toi, sourit Hagen. On rentre ! Les prisonniers et les caisses furent remontés à la lueur des torches et la troupe reprit le chemin du Palais de Glace. Les contrebandiers furent jetés au cachot, en attendant leur procès et la marchandise fut rangée dans un réduit pour servir de preuve. C'était une journée qui ne se terminait pas trop mal, si l'on exceptait la mort de quatre soldats. Siegfried et Bud sortaient à peine des archives quand Hagen vint informer le Ministre des Armées des résultats de l'opération. Celui-ci le remercia et le félicita pour son efficacité.
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Le lendemain matin, assise à son bureau, la Reine Hilda commençait sa journée par la lecture des courriers qui étaient arrivés pendant la nuit. Un sourire étira ses lèvres lorsqu'elle reconnut le sceau de Syd. Elle le brisa et déroula le parchemin avec empressement A l'attention de la Reine Hilda de Polaris, Souveraine du Royaume d'Asgard. Majesté, J'espère que ce courrier vous trouvera en excellente santé. Il est fort probable que lorsque vous recevrez cette lettre, je serai en route pour rejoindre Walhalla. Mon frère a déjà dû vous parler de notre découverte et je viens les aider à lui et au Duc de Dubhe dans leurs recherches. Les travaux de consolidation de mon château avancent bien et ne requiert plus ma présence. Je suis resté éloigné de ma charge depuis assez longtemps, aussi fais-je au plus vite pour reprendre ma tâche au plus tôt. Très respectueusement, Syd, Duc de Mizar, Premier Ministre du Royaume d'Asgard. Hilda retint un petit rire. Eloigné de sa charge, quelle habile tournure pour lui faire comprendre qu'il avait hâte de la retrouver. Tout comme il lui manquait également. Les soirées et les nuits lui avaient parues bien longues et bien froides sans la présence du Duc. C'est d'excellente humeur qu'elle poursuivit sa lecture lorsqu'elle tomba sur un courrier de son Ambassadeur au Sanctuaire. Elle ne put retenir une fugace sensation d'inquiétude, bien que jusqu'à présent, le Marquis de Megrez ne lui ait donné aucune raison de regretter de l'avoir nommé à ce poste A l'attention de la Reine Hilda de Polaris, Souveraine du Royaume d'Asgard. Majesté, Je vous espère en excellente santé. Vous l'apprendrez certainement très bientôt de façon officielle, mais je me fais un devoir d'être le premier à vous en informer. Le Roi Mitsumasa a proposé au Roi Poséidon de faire la paix par l'union de leurs enfants, la Princesse Saori et le Prince Julian. Le messager a rapporté l'accord du Souverain des Océans. Nous pouvons d'ors et déjà nous réjouir car la guerre est terminée. J'espère pouvoir prochainement rentrer auprès de vous pour un court séjour et vous rendre compte de vive voix du déroulement des préparations du mariage dont je n'ai pour l'instant pas plus de détails. Avec tout mon respect et mon dévouement, Albéric, Marquis de Megrez, Ambassadeur d'Asgard au Royaume du Sanctuaire. Hilda blêmit. La tête lui tourna légèrement. Comment avait-elle pu oublier ? Elle fit venir un héraut et lui remit un courrier qui s'enquerrait de la santé de Freya de Megrez et de son père. Elle aurait dû le faire depuis longtemps, à l'instant même où, avec Angus, ils avaient constaté le départ de la jeune femme. Combien de jours s'étaient écoulés depuis ? Huit ? Dix peut-être ? Elle ne savait plus. Alors qu'Albéric venait de lui apporter la plus merveilleuse des nouvelles, elle espérait de tout son cœur qu'elle ne devrait pas, en retour, lui en annoncer une mauvaise. Elle posa les coudes sur le bureau et joignit ses mains devant sa bouche, contrarié par sa négligence. Le départ de Syd l'avait-il perturbé à ce point ? Et Angus ? Lui non plus ne lui avait pas rappelé ce qu'elle aurait dû faire comme tout Souverain inquiet du bien-être de ses proches collaborateurs. Elle s'en voulait terriblement. A son secrétaire aussi. - Angus ! appela-t-elle, en colère. Elle s'incluait dans ce qu'elle croyait être un manquement à son devoir et vit bien le sursaut de vexation de son secrétaire. - Vous pensiez que j'aurais pu oublier une chose aussi importante ? demanda-t-il d'une voix triste. Hilda s'approcha d'Angus et plongea son regard clair, empli de regret dans celui de l'homme qui la servait avec tant de dévouement. - Que ferais-je sans toi ? Merci mon ami de palier aux défaillances de mon esprit. On frappa à la porte, mettant fin à cet instant magique pour Angus qui ferma les yeux de déception quand Hilda se détourna de lui pour retourner à son bureau tout en criant d'entrer. - Le Duc de Mizar demande à être reçu, Majesté, fit le serviteur en s'inclinant. En sortant, il croisa Syd qui entra comme une bourrasque de blizzard dans la pièce. Une fois la porte fermée, il se précipita auprès de Sa Reine qui s'était levé. Il la prit dans ses bras, la souleva de terre et la fit tournoyer, le visage enfoui dans son cou. - Tu m'as manqué, lui dit-il en l'embrassant fiévreusement. Le sourire de Syd s'effaça quelque peu à cette réponse. Il prit cela comme le terme de leur entretien et sortit. Hilda, seule, laissa ses pensées vagabonder. De toute évidence, le Duc de Mizar était en train de trop s'attacher à elle. Bien trop. Il allait falloir songer à mettre un terme à leur relation avant qu'il ne tombe vraiment amoureux, comme cela avait été le cas de Siegfried. Elle n'avait pas voulu le faire souffrir, les choses avaient été claires entre eux dès le départ. Mais il est ardu de contrôler les élans du cœur lorsque celui-ci prend complètement le pas sur la raison. Syd serait malheureux pendant un certain temps, de ça, elle n'avait aucun doute. Mais elle le savait moins tendre que le Duc de Dubhe. Il s'en remettrait plus facilement. Elle soupira et allongea ses bras sur la table, devant elle. Elle n'aimait pas du tout ce genre de situation mais alors quoi ? Devait-elle rester chaste et renoncer aux plaisirs du corps ? Ou alors, devait-elle choisir des amants anonymes tout en ne leur dévoilant pas son identité ? Non. Elle avait parfaitement le droit de partager son lit avec qui bon lui semblait. Le peuple savait très bien que sa Souveraine n'avait pas la chasteté chevillée au corps. Tout comme ses prédécesseurs. A partir du moment que le Royaume était administré correctement, personne n'avait rien à redire. La lignée des Polaris n'était pas pure. Les Rois et Reines qui s'étaient assis sur le trône d'Odin n'avaient pas forcément choisi un enfant issu de leur mariage comme héritier. Parfois, un bâtard coiffait la couronne à condition que son père ou sa mère soit un souverain. C'était ainsi depuis… depuis longtemps. Et de toute façon, les étoiles n'avaient pas révélé de descendants à Hilda. Si elle devait en avoir, elle en aurait déjà une ribambelle avec tous les amants qu'elle avait eus. Non. Son destin n'était pas d'être mère. Ce qui lui fit penser qu'elle devrait commencer à réfléchir à celui ou celle qui la remplacerait à la tête du Royaume quand le temps serait venu. Mais elle chassa cette idée de sa tête. Ce n'était pas le moment d'y songer. Pour l'instant, le plus important était d'avoir des nouvelles de Freya. Une sourde angoisse lui étreignit le cœur. Elle priait tous les Dieux de la création qu'il ne soit rien arrivé à la jeune femme. Le lendemain, elle convoqua un Conseil Royal extraordinaire et fit part à ses Ministres de la nouvelle concernant le prochain mariage de la Princesse Saori et du Prince Julian mais en insistant sur le fait que pour l'instant, elle n'avait aucune confirmation officielle du Souverain du Sanctuaire. Les éclats de joie résonnèrent un long moment dans la salle et chacun se félicita de la fin de la guerre. Ils louèrent également l'initiative du Roi Mitsumasa. Hilda avait du mal à prendre part à cette euphorie, repensant à ce qu'elle avait lu dans les étoiles et à son rêve qui revenait de temps à autres…
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Comme à leur habitude, Syd et Bud tombèrent dans les bras l'un de l'autre. Immédiatement, le Duc de Mizar s'enquit de l'avancée de leurs recherches et se plongea à son tour dans les documents poussiéreux. Mais il ne parvenait pas à se concentrer correctement sur sa tâche. Son entrevue avec Hilda lui revenait sans cesse en mémoire. Il l'avait sentie heureuse de le voir, mais en même temps elle lui avait paru distante. Il mit cela sur la charge de travail qui pesait sur les épaules de la Souveraine, mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher de songer qu'il y avait peut-être une autre explication à cela. Une explication qui lui serra la gorge. Le soir venu ne vit aucune découverte significative qui aurait pu expliquer les raisons qui auraient poussé le Roi de l'époque à accepter les modifications de frontières ni les noms qu'il avait donné aux huit domaines. Et d'invitation pour diner avec la Reine, point. Le Duc de Mizar n'arrivait pas à dormir. La nuit été déjà bien avancée, pourtant il était toujours assis dans le fauteuil, devant la cheminée. Il regardait la danse des flammes, hypnotisé par elles. Il sentait confusément que sa relation avec Hilda avait un arrière-goût de souvenirs de plus en prononcé. Mais devait-il y mettre un terme lui-même ? Après tout, il avait sa fierté. Ou bien devait-il attendre que le Reine fasse le premier pas ? Il poussa un long soupir et posa ses coudes sur ses genoux écartés. La tête basse, il sentait l'étau froid de la tristesse enserrer son cœur. Oui, il était proche de tomber vraiment amoureux et il ne voulait pas se retrouver dans le même état que Siegfried. Il finit par se lever et se vêtit chaudement. Dehors, le froid était glacial. Un léger vent soufflait, il rabattit la capuche de sa cape sur sa tête. Il marchait au hasard. Il n'y avait personne dans les rues de la forteresse. Au loin, il entendait à peine les hérauts qui rentraient ou partaient, chargés de courriers. Il entendait parfois un rire ou le galop d'un cheval. Ses pas le menèrent jusqu'à l'éperon rocheux, derrière le Palais de Glace, dans lequel était taillée une gigantesque statue du Dieu Odin. Une divinité autrefois adorée, mais qui, comme de nombreuses autres, avait sombré dans l'oubli. Même si certaines expressions ou jurons avaient perduré dans le langage des habitants d'Asgard, les cultes, eux, avaient cessé d'être rendus. Syd referma sa cape autour de lui et s'appuya contre un rocher. Il leva la tête vers la statue. C'était un guerrier représenté jusqu'à mi-cuisses, vêtu de son armure. Dans sa main droite, il brandissait Balmung, l'épée légendaire du Dieu, la lame vers le sol. Il portait les cheveux longs et une barbe fournie cachait partiellement son visage. Sur sa tête, il y avait un casque orné de deux corbeaux de chaque côté. Sa main gauche tenait un énorme bouclier rond et juste à côté, l'avant d'un drakkar semblait l'accompagner dans sa marche immobile. Les sculpteurs avaient fait un travail extraordinaire, si l'on considère les conditions dans lesquelles ils avaient dû tailler la pierre, à l'époque. Syd ne se souvenait plus de ce que disait l'Histoire à ce sujet. Il plongea son regard dans celui de la statue. Pendant quelques instants, il la fixa. Il eut un petit rire. Croyait-il vraiment que le Dieu oublié allait lui faire un signe pour lui prouver à lui, et à personne d'autre bien sûr, qu'il existait encore ? Qu'il suffisait de le prier avec ferveur pour qu'il réalise vos vœux les moins raisonnables ? Quelle idiotie ! Les Dieux, s'ils avaient un jour existé, étaient partis depuis longtemps, désertant la terre et l'esprit des hommes, les laissant seuls décisionnaires de leur vie et de leur destin. Pourtant, on continuait à faire appel à eux parfois. Juste au cas où on serait entendu et exaucé. Après tout, si ça ne faisait pas de bien, ça ne faisait pas de mal non plus. Ça ne changerait pas les choses, mais ça ne coûtait rien d'essayer quand même, par réflexe. Ses yeux se portèrent sur le bord du casque, sur le front. Les huit étoiles de la constellation de la Grande Ourse y étaient marquées. Ces étoiles dont on disait qu'elles avaient toujours protégé Asgard et son peuple. Syd bondit et courut à toutes jambes vers le Palais. Les gardes, le reconnaissant le laissèrent passer, surpris. Il gagna l'étage où se trouvaient ses appartements et ceux de son frère et de Siegfried. Il entra dans la chambre de Bud et se jeta sur son lit le faisant sursauter. - Je crois que je sais…, lui dit-il alors que son frère, encore dans les brumes du sommeil, avait du mal à le reconnaître.- Syd ? Mais qu'est-ce que tu fais debout ? Le Duc de Dubhe faillit lui trancher la gorge en tirant vivement un poignard de sous son coussin. Tout aussi surpris que Bud, il consentit à le suivre. Dans le couloir, Syd avisa une servante de nuit et lui demanda de leur porter des boissons chaudes. - Tu vas enfin nous dire pourquoi tu nous tires du lit au milieu de la nuit ? bougonna Bud, visiblement grognon. A l'évidence et vue l'humeur de ses compagnons, Syd songea furtivement que ses raisons de les tirer du lit plutôt brutalement avaient intérêt à être solides. - Je crois que je sais pourquoi ton duché a été transféré et d'où vient l'existence des huit domaines. Syd extirpa un énorme grimoire d'une étagère et le posa sur la table. Il l'ouvrit et les trois hommes se penchèrent dessus. - Ici ! C'est le Roi Dorbal qui a demandé au Duc de Dubhe de l'époque, de faire don d'une partie de ses terres pour créer un nouveau domaine, celui d'Alcor. Et le duché de Mizar a été déplacé. Un silence s'établit dans la salle. Syd regardaient ses deux compagnons. A l'évidence, ils avaient du mal à réaliser ce qu'il venait de leur expliquer. - J'ai trois questions, finit par dire le Duc de Dubhe. Les jumeaux se regardèrent, un peu décontenancés. Il leur fallut un bon moment pour se souvenir qu'ils étaient là parce que la foudre avait détruit une partie de la falaise du duché de Mizar et qu'ils avaient découvert de grosses pierres rondes avec le blason de la famille de Dubhe dessus. - J'avoue que j'avais mis ça au second plan, fit Bud, mal à l'aise.
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Ce matin-là, le Baron d'Alioth se leva avec une étrange sensation. Il ressentait comme un appel. Mais il était incapable d'en préciser la nature. Il y avait encore quelques mois, à ses côtés, son épouse dormait. Mais une maladie foudroyante l'emporta et Fenrir avait éprouvé un immense soulagement. Bien que leur mariage ait été arrangé et qu'il n'aimait pas sa femme, il n'avait pas non plus souhaité qu'elle souffre trop longtemps. Il avait de l'affection pour elle et avait tout fait pour la soulager. Dans la pièce à coté de leur chambre, il entendait les gazouillis de leur fille de neuf mois, Sunniva(4). Aussitôt, la voix de la nourrice lui parvint. Il se leva et raviva le feu dans la cheminée avant de se rendre dans la pièce d'eau. Il s'aspergea d'eau froide pour finir de se réveiller et s'habilla chaudement. - Glenys ? fit-il en entra dans la chambre de sa fille. Je serais absent toute la journée. Prenez bien soin de mon petit trésor. Il prit Sunniva dans ses bras et l'embrassa à plusieurs reprises. La petite fille sourit à son père et poussa un petit cri de joie. Il la rendit à la nourrice et sortit. Il rejoignit l'écurie et prit son cheval. La route qu'il devait faire pour atteindre l'endroit où poussaient les plantes nécessaires à la préparation de ses remèdes, était longue. Il n'y arriverait qu'en milieu de matinée.
Le temps était gris et froid, mais il n'y avait pas trop de vent. Il chevaucha à bonne allure tout en se remémorant les pénibles souvenirs du décès de sa femme. Sa grossesse l'avait beaucoup affaiblie mais l'accouchement s'était relativement bien passé. Elle avait pu s'occuper de leur bébé pendant quelques semaines, puis sa santé s'était rapidement dégradée. En tant que Médecin de la Reine, il examina son épouse. Dans son ventre, il sentit plusieurs grosseurs qui devaient être très douloureuses à en juger par les plaintes de sa femme lorsqu'il les touchait. Il comprit que la grossesse avait ralenti la progression de la maladie mais que depuis la naissance de Sunniva, elle recommençait à évoluer rapidement comme si elle voulait rattraper les neufs mois pendant lesquels elle avait été bridée. Il savait qu'il ne pouvait rien pour elle. Ce n'était pas en son pouvoir de la guérir. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était soulager les terribles souffrances qui apparurent quelques jours avant sa mort. Mais le remède était si puissant que la jeune femme n'était pratiquement plus consciente. Elle partit en lui tenant la main. Dans la solitude sa chambre, il avait pleuré. Un peu parce qu'il tenait à elle, mais plus parce que leur enfant ne connaitrait jamais sa mère. Puis un matin, les cris de Sunniva furent un déclic. Elle avait besoin de lui. Il décida de s'installer au Palais de Glace et confia son domaine à son intendant. Ainsi, il pourrait accomplir son devoir auprès de sa Souveraine et voir Sunniva tous les jours. Mais il ne pouvait ignorer le sentiment d'injustice qui lui rongeait le cœur. Pendant quelques temps, il s'était renfermé sur lui-même. Ses amis s'étaient éloignés de lui, pensant qu'il préférait être seul, mais le Baron avait pris cela comme un abandon. Oui, il s'était senti abandonné alors qu'il aurait aimé avoir un peu de soutien dans cette épreuve. Au début, il leur en avait voulu, mais par la suite, il comprit qu'ils ne savaient pas comment l'aborder. Son humeur était changeante. Il passait de l'apathie à l'agressivité en un instant. Ses compagnons semblaient l'avoir compris et ne lui en voulaient pas. Pourtant, pendant plusieurs semaines, il fut plus sauvage qu'un ours blanc. Il le reconnaissait volontiers. Même la Reine l'avait laissé se remettre de sa douleur. Et ce fut sa fille qui lui fit reprendre pied dans la réalité, lui permettant ainsi de rouvrir son cœur à la vie et aux sentiments. Il avait réintégré le Conseil Royal sous les sourires de ses pairs et d'Hilda, tous heureux de le revoir parmi eux. Il avait atteint les rives du Lac de la Walkyrie et s'engagea dans la forêt. C'était probablement la plus grande du Royaume. Et comme elles étaient rares, elles étaient d'autant plus respectées et protégées par les habitants, en particulier par les chasseurs et les bucherons. Fenrir avançait au pas, les yeux rivés au sol, à la recherche des plantes dont il avait besoin. Au début, il n'y fit pas attention, mais soudain le silence lui fit mal aux oreilles. D'ordinaire, on entendait toujours des bruits dans une forêt, ne serait-ce que les cris des oiseaux avertissant les alentours qu'il y avait un intrus et donc un danger potentiel. Mais là, rien. Seuls les craquements légers du givre qui pesait sur les branches des arbres se faisaient entendre. Il avança encore. Soudain, il perçut des grognements furieux, des bruits de lutte. Son cheval renâcla lorsqu'il voulut le faire avancer. Il comprit qu'il devait s'agir de loups qui se battaient pour une proie. Il déboucha dans une minuscule clairière et vit un loup au sol. Dans les buissons, trois autres s'éloignaient. Fenrir descendit de cheval et s'approcha de l'animal mort. Une louve. Sous son ventre, il vit les mamelles et comprit qu'elle devait avoir une portée. C'était pour ses petits qu'elle chassait. Mais elle ne rentrerait plus à la tanière. Les bébés étaient condamnés à mourir. Elle devait être solitaire, ne pas appartenir à une meute. Si ça avait été le cas, les louveteaux auraient été pris en charge par les autres femelles. Peut-être avait-elle été chassée de son groupe pour avoir eu des petits ? Dans le monde des loups, seule la femelle dominante avait le droit de mettre bas. Les autres étaient des "nourrices" qui s'occupaient des petits avec la mère. Et si l'une d'elle était grosse, elle était chassée de la meute. C'était la loi des loups. Fenrir eut un incompréhensible pincement au cœur en songeant à ces petits qui allaient mourir d'une horrible façon. Alors, sans trop savoir pourquoi, il se mit à remonter les traces de la louve. Tout en fouillant le sous-bois à la recherche de simples, il se rapprochait de la tanière. Vers le milieu de l'après-midi, il trouva enfin ce qu'il cherchait. Un trou, bien caché derrière un tronc mort. Il s'allongea sur le sol et engagea le bras à l'intérieur, où il tâtonna de la main. Il la retira vivement en sentant de petits crocs pointus se planter dans son index. Il sourit. - Tu m'a l'air bien vivant, dis-moi, fit-il à voix haute en retirant son bras du trou avec dans la main une petite boule de poil qui crachait et grognait. Il examina le louveteau, un petit male à la fourrure d'un gris bleuté, très rare. Sur le front, il avait une tache blanche en forme de croissant de lune. Il le mit contre lui et l'animal se calma. Fenrir songea qu'il avait touché sa mère et que son odeur devait être sur lui. L'image de sa fille lui traversa l'esprit et il se dit que ce serait amusant de les voir grandir tous les deux. - Tu t'appelleras Jing(5), décida-t-il. Ça te plait ? Il mit le louveteau à l'intérieur de son pourpoint et remonta à cheval. Il avait trouvé les plantes qu'il cherchait, et il était temps de rentrer au Palais de Glace. Il savait qu'il allait devoir s'occuper de Jing jour et nuit. Il ne pouvait le confier à personne, mais quelque chose lui disait que c'était ce qu'il devait faire. A la nuit tombée, il arriva au Palais. Aux cuisines, il demanda qu'on lui prépare une bouillie faite de viande crue écrasée et hachée et de lait chaud. Lorsqu'il posa l'écuelle devant le nez du louveteau, celui-ci sentit mais ne mangea pas. Il tourna autour du récipient et émit une petite plainte. Fenrir se traita mentalement d'idiot. Il trempa son doigt dans la mixture et le présenta à Jing qui se mit à le sucer goulument. Il répéta l'opération jusqu'à ce que le bol soit vide. Le louveteau ne savait que téter et n'était pas encore habituer à laper bien que ce réflex lui viendrait vite. Il reprit l'animal dans ses mains et le porta devant ses yeux. Le petit loup lui lécha le nez, le faisant sourire. Il était sa mère désormais. Il fallait lui trouver un endroit pour dormir, un panier ferait très bien l'affaire, et surtout une caisse où il pourrait faire ses besoins. Le Baron donna des ordres dans ce sens et gagna sa chambre. Quelques instants plus tard, un serviteur lui apportait ce qu'il avait demandé. Il déposa Jing dans la caisse et comme s'il comprenait ce qu'on attendait de lui, il laissa une petite flaque humide dans la terre de la caisse ainsi qu'un autre cadeau plus consistant. Les choses se compliquèrent lorsqu'il fallut le mettre dans le panier. Le petit loup couinait sans arrêt. Là aussi, il fallut un moment à Fenrir pour en comprendre les raisons. Il ôta sa chemise et la plaça dans le fond du panier. L'animal, reconnaissant l'odeur, se sentit en sécurité. Il se roula en boule et s'endormit aussitôt. La journée avait été plus que mouvementée pour lui. Fenrir sombra à son tour dans un profond sommeil réparateur avec le sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait. Demain, il le présenterait à Sunniva(6)
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Quelques jours plus tard, les hommes qui avaient été capturés par le Comte de Mérak, furent jugés coupables et condamnés à la peine capitale. Pris en flagrant délit de contrebande et de marché noir en temps de guerre, ils pouvaient juste espérer que leur mort soit rapide et sans douleur. Mais c'était sans compter sur la rancune du Comte de Mérak et du Baron de Phecda. Il fut décidé que les neuf hommes capturés seraient condamnés à avoir les jambes et bras brisés puis qu'ils seraient hissés en haut d'une potence où les corbeaux et autres rapaces pourraient se repaitre de leurs chairs jusqu'à ce que mort s'en suive. Les cris de terreurs des accusés retentirent jusque dans les sous-sols de la prison. Mais ils ne survivraient pas longtemps. Le froid glacial les tuerait avant les charognards. Il gèlerait les cadavres et éviterait ainsi la propagation de l'odeur putride des chairs en décomposition. Mais avant cela, ils souffriront un véritable calvaire et serviront d'exemple à ceux qui avaient peut-être l'idée de se lancer dans cette activité. Le lendemain à l'aube, aux portes de la Cité, neuf potences avaient été érigées et un bataillon de gardes, suivit des Barons de Phecda et d'Alioth, accompagnait les condamnés, torses nus. Ils furent battus jusqu'à en avoir les jambes et les bras fracturés en plusieurs endroits puis hissés en haut des mats. Il ne fallut pas longtemps aux premiers corbeaux pour venir tourner autour de cette pitance providentielle. Les hurlements se firent entendre pendant deux jours pleins. Au troisième, le froid avait eu raison d'eux et les neufs corps furent brulés, leurs cendres dispersées aux quatre vents. - Si j'avais entendu leurs cris un jour de plus, disait Syd à son frère et Siegfried, les trois hommes toujours plongés dans les archives du Palais, je les aurais achevés moi-même !
Ralentis par une tempête de neige, Siegfried et Bud n'arrivèrent au Château de Dubhe que trois jours plus tard. Epuisés, gelés, ils s'en remirent aux bons soins des servantes et serviteurs du Duc. Ce n'est que le lendemain tard dans la matinée, qu'ils s'éveillèrent. - Par où veux-tu que l'on commence ? demanda Bud en lançant un regard noir aux rayonnages de la bibliothèque. Ils prirent chacun une Chronique et se plongèrent dans sa lecture. De temps à autres, Bud regardait son ami discrètement. Siegfried était absorbé par ce qu'il lisait et ne semblait plus faire attention à ce qui l'entourait. Il se leva, rangea le livre et en prit un autre, sans un mot, sans un regard pour son ami. Il toussait et avait une respiration laborieuse. A son tour, Bud arriva à la fin du manuscrit et alla en prendre un autre, précédant celui qu'il venait de lire. C'est en retournant à sa place qu'il vit Siegfried tomber de sa chaise. Aussitôt à ses côtés, il constata que le Duc de Dubhe était brulant de fièvre. Il appela les serviteurs qui portèrent leur maître jusque dans sa chambre alors que Bud demandait à l'intendant d'aller quérir le guérisseur du village le plus proche. - Avec cette tempête, il ne sera pas là avant le matin, fit l'homme, tout aussi inquiet pour son Seigneur que pour sa vie s'il sortait maintenant. Bud trouva la vielle femme assise devant la cheminée dans la grande cuisine. Il s'approcha pour ne pas l'effrayer, pensant qu'elle avait dû s'assoupir. - Un guerrier aussi fort que toi craindrait-il une femme sans défense ? fit-elle d'une voix forte, habituée à donner des ordres. Dans son lit, le Duc de Dubhe grelottait. Il avait perdu connaissance et la fièvre le faisait délirer. Bud s'assit à ses côtés et observa la jeune servante bassiner son front avec un linge frais. - Toi, prépare un bain pas trop chaud, fit Ditgarde à la jeune femme en entrant dans la pièce avec une sacoche en cuir dans les mains. Et toi, aide-moi à le déshabiller, demanda-t-elle à Bud qui obéit sans discuter. L'autorité de Ditgarde était incontestée et incontestable dans le Château de Dubhe. Même Siegfried ne se risquait pas à encourir les remontrances de la gouvernante qui n'avait pas la langue dans sa poche. Elle savait que de par son âge, personne ne s'aviserait à lui tenir tête. Et son savoir et ses connaissances étaient bien trop appréciés pour en être privé, si par malheur elle décidait de punir l'impudent. Sans se formaliser le moins du monde, elle ôta tous ses vêtements à Siegfried. - Toi aussi, déshabille-toi. Et Bud obéit. Il porta son ami dans l'eau où il s'assit et le calla entre ses jambes, contre son torse. Sa peau était brulante, plus chaude que l'eau. Bud fut troublé par ce contact, bien plus qu'il ne l'aurait cru. C'était une bien agréable sensation dont il profita pleinement. Toujours inconscient, le Duc de Dubhe marmonnait des mots incohérents et incompréhensibles. Il délirait toujours. Bud prit un linge et bassina son front et sa poitrine sans arrêt. - De quoi souffre-t-il ? demanda enfin Bud en regardant Ditgarde qui préparait une potion. Bud prit la coupe que lui tendant la gouvernante et tenta de verser le contenu entre les lèvres sèche de son ami. Il craignait de le voir s'étouffer mais il y parvint. - Il doit boire davantage, la potion n'est pas suffisante. Trempe ce linge dans l'eau et mets-le entre ses lèvres. Il aspirera tout seul. Et Bud constata avec soulagement que Siegfried suçait le tissu frais et plein d'eau instinctivement. C'était un réflexe naturel pour lutter contre la soif provoquée par la fièvre. - L'eau commence à être froide, dit Bud en frissonnant. Bud baissa les yeux, conscient qu'il venait de faire une bourde monumentale. C'est certainement ce qu'Almut avait voulu lui dire, mais il lui avait coupé la parole, sans l'écouter, trop préoccupé par l'état de Siegfried. - Veuillez accepter mes excuses, bafouilla-t-il, contrit. Je n'imaginais pas que vous puissiez être aussi instruite. Bud baissa son regard sur le visage de son ami qui semblait dormir paisiblement. Avec l'aide de deux serviteurs, ils réussirent à le sortir du bain et à le porter jusqu'à son lit après l'avoir sommairement essuyé. Le Duc d'Alcor se vêtit et vint s'asseoir près de son ami. Il dégagea les mèches humides qui s'étaient collées sur son front et ses joues avec beaucoup de douceur. Il ne le quittait pas du regard. Il voulait tellement qu'il ouvre les yeux, tellement voir leur couleur froide, mais si pétillante d'intelligence. - Il va falloir le garder bien au chaud. J'ai préparé deux autres coupes. S'il a de nouveau de la fièvre, fais-lui boire comme tout à l'heure et continue à lui faire sucer le linge frais pour qu'il boive. S'il détourne la tête n'insiste pas. S'il se met à trembler et à grelotter, déshabille-toi et allonge-toi contre lui. La fièvre peut parfois donner froid et seule la chaleur d'un autre corps peut s'avérer efficace. Tôt dans la matinée, Ditgarde entra dans la chambre de Siegfried. Elle trouva Bud couché contre lui et l'une des coupes vide. Le Duc d'Alcor avait suivi ses instructions à la lettre, sans s'inquiéter outre mesure. Elle sourit. En les regardant de plus près, elle put voir que le Duc de Dubhe tenait la main de Bud dans la sienne sur sa poitrine. Sa tête était callée dans le creux du cou et leur respiration à tous deux était paisible. On aurait dit des amants. Elle rangea les vêtements qui avaient été jetés au sol avec hâte probablement et rinça la coupe vide. Avec le tisonnier, elle raviva le feu dans la cheminée et plaça une grosse buche dedans. Elle s'assit dans un fauteuil et somnola, attendant le réveil des deux hommes. - Non… Le gémissement réveilla Bud. Il se souleva sur un coude pour ne pas trop bouger le malade. Il mit sa main sur le front de Siegfried et le trouva un peu chaud, mais moins que la veille. - Bud… Siegfried tournait la tête à droite et à gauche, en proie à une sorte de cauchemar. Bud comprit qu'il devait rêver de la Reine et que ses sentiments pour elle devait être encore très forts. Il en fut incompréhensiblement contrarié ou peut-être ne voulut-il pas comprendre. - Bud… reste… pars pas… Il sursauta à ses propres paroles. Pourquoi l'avait-il appelé ainsi ? Il ne vit pas un sourire s'étirer sur des lèvres anciennes appartenant à une vieille femme qui ne dormait pas tout à fait et qui avait une ouïe particulièrement fine. Bud voulut sortir du lit mais Siegfried s'accrocha à lui de toutes ses forces. Ou du moins, de celles qui lui restaient. Il se résigna et reprit son ami dans ses bras. Aussitôt, celui-ci se pelotonna contre lui, entourant son torse d'un bras, une jambe par-dessus la sienne. Il songea que si quelqu'un entrait et les voyait ainsi, il ne manquerait pas d'imaginer des choses qui n'existaient pas. Il regarda le visage paisible, écarta une mèche châtain et déposa un baiser sur le front moite. Il se rendormit ainsi.
C'est la faim qui réveilla Bud. Contre lui, le corps de Siegfried était à nouveau brulant de fièvre. Il sortit du lit et s'habilla rapidement remarquant que ses vêtements n'étaient plus là où ils les avaient laissés tomber. Il vit la gouvernante endormie sur le fauteuil. Depuis quand était-elle là ? Il s'approcha et posa sa main sur son bras. - Ah… Vous voilà réveillé… Comment va-t-il ? Bud s'assit aux cotés de Siegfried qui ouvrit les yeux mais sans vraiment savoir ce qui se passait. Il but sans discuter. Ditgarde revint avec une drôle de gourde. C'était une poche faite dans l'estomac d'un animal. Il y avait une partie longue et plus étroite terminée par un anneau en bois cousu sur le bord. Sans se préoccuper de la dignité du maître des lieux, elle enleva les fourrures qui le recouvraient, plaça le réservoir entre ses jambes et glissa la verge dans l'ouverture sous les yeux ahuris de Bud. - S'il veut uriner, il aura du mal à se lever. Il est trop faible. Comme ça, il pourra se soulager et nous éviterons qu'il ne souille son lit. Veillez à ce que cela reste bien en place. Donnez-le ensuite à un serviteur pour qu'il le vide et le rince. Une servante apporta un plateau avec de la nourriture sur laquelle Bud se jeta, affamé, se détournant pour un moment de ce qu'il venait de voir. Il devait bien s'avouer que la gouvernante n'avait pas tort. Après s'être restauré, il sentit ses forces lui revenir, mais il n'avait pas le courage de poursuivre ses recherches dans la bibliothèque. L'idée de le faire seul, sans Siegfried lui sapait tout simplement le moral. Il attendrait que son ami aille mieux pour continuer. Il ne savait pas combien de temps allait durer l'indisposition du Duc de Dubhe, mais la priorité était sa santé et son rétablissement. Il vit soudainement Siegfried s'agiter dans le lit. - Doucement… calme-toi… La chaleur lui fit comprendre pourquoi Siegfried s'était agité. Comme celui-ci avait l'air à peu près lucide, il lui expliqua ce que c'était mais son ami ne sembla pas du tout surpris. Il est vrai que Ditgarde avait dû le soigner bien souvent et qu'il était habitué à ses méthodes. Il sortit le réservoir et le posa au sol à côté du lit. Un serviteur appelé par Bud l'emporta et le ramena quelques instants plus tard. La gouvernante entra et sourit. - Comment vous sentez-vous, mon Seigneur ? Siegfried approuva de la tête et Bud lui mis le bol entre les mains. Leurs doigts s'effleurèrent et leurs yeux s'accrochèrent pendant un instant qui leur sembla interminable. - Merci Bud, murmura le Duc de Dubhe en lui rendant le bol vide. Le Duc d'Alcor s'assit derrière son ami et l'aida à se tenir droit pendant que la gouvernante plaquait un emplâtre sur sa poitrine qu'elle fit tenir avec des bandes de lin. - Ça va chauffer et vous permettre de mieux respirer. Il porta la coupe qui contenait la potion à Siegfried qui la but sans rien dire. Ditgarde l'aida à passer une chemise épaisse pour accentuer encore la chaleur que dégagerait le cataplasme. Bud arrangea confortablement les coussins et Siegfried se laissa aller dessus en poussant un soupir de fatigue et de bien être à la fois. Ditgarde sortit et ils furent à nouveau seuls. - Pourquoi t'occupes-tu de moi ainsi ? demanda le Duc de Dubhe d'une voix lourde de sommeil. Bud leva les yeux comme il n'entendait pas de réponse et vit que Siegfried s'était rendormi. Il sourit, un sourire tendre. Lorsque sa main fila pour caresser doucement la joue, il ne put la retenir, un peu comme si elle était animée d'une volonté propre. Il sentit une barbe naissante, dure et rappeuse et se dit que lui-même devait être dans le même état. Puisque Siegfried semblait dormir paisiblement, pourquoi ne se rendrait-il pas aux bains, dans le sous-sol du Château ? Il se détendrait, se ferait masser et raser. Ce qu'il fit en ordonnant au serviteur de garde de bien veiller sur son Seigneur et de venir le chercher s'il se passait quoi que ce soit. Il faillit s'endormir sous les mains habiles du masseur, mais il se força à rester éveillé. Il regagna la chambre de Siegfried qui dormait toujours. Le serviteur lui confirma que le Duc ne s'était pas agité. Il passa des vêtements d'intérieur et s'allongea sur les fourrures. Il toucha le front, il était frais. La respiration était encore un peu sifflante mais pas autant que le matin même. Sentant ses paupières s'alourdir, il ôta sa robe de chambre et sa chemise pour ne garder qu'un pantalon de toile fine. Puisque Siegfried ne semblait plus avoir de fièvre, il était inutile qu'il soit entièrement nu. Il se glissa sous les fourrures et s'approcha de son ami qui bougea légèrement pour venir se blottir contre lui. Bud sentit son cœur se gonfler d'allégresse. Siegfried avait besoin de lui et inconsciemment, il le dévoilait. Jamais il n'aurait admis une telle chose dans son état normal, mais là, affaibli par la maladie, aucun mensonge n'était possible. Il avait bien murmuré le nom de la Reine dans son délire, mais c'est à lui qu'il avait demandé de rester. Petit à petit, le Duc d'Alcor commençait à comprendre la nature de ce qu'il éprouvait pour son compagnon. De l'attirance, certes, mais il y avait autre chose. De plus profond, de plus respectueux, de plus noble. Une chose qu'il refusait encore de nommer… Dans la nuit, Siegfried s'éveilla. Il fut surpris de trouver Bud dans son lit, lui-même blotti dans ses bras. Alors qu'il aurait dû s'éloigner, il ne bougea pas. Il se sentait bien là, et il éprouva une impression de déjà vu ou plutôt, de déjà ressenti. Pour une raison qu'il ne s'expliquait pas encore, il connaissait cette situation. Elle lui était familière et agréable. A la lueur du feu, il regarda Bud dormir. Ses traits étaient détendus, son torse dénudé se soulevait régulièrement au rythme paisible de sa respiration. Il sentait bon. Il avait certainement profité des bains et d'un massage aux huiles parfumées. Il l'avait bien mérité. Il était rasé, il était beau. Il se laissa aller contre l'épaule musculeuse et soupira de bien être avant de se rendormir profondément, inconscient de ce qui commençait à s'éveiller dans la caverne sous le Château de Mizar. Une chose qui allait changer le cours de sa vie et s'il n'y prenait pas garde, s'il en perdait le contrôle, s'il se laissait écraser par elle, il perdrait tout. Peut-être même la vie… La découverte d'informations dans les Chroniques Familiales serait peut-être sa seule planche de salut… A suivre…
(1) Folker signifie "Un guerrier, un homme du peuple" en scandinave. Etant le premier collaborateur de Siegfried qui est Ministre des Armées, je considère que cette signification convient bien à l'un de ses hommes. (2) Abréviation toute personnelle de Vikings afin de ne pas reprendre un terme existant, mais qui permet de comprendre à qui je fais référence. (3) Il s'agit du Grand Prêtre d'Odin dans le film "La guerre des Dieux" (4) Sunniva : en Norvégien, ce prénom signifie "le don du soleil"
(6) Cette scène avec le louveteau m'a été inspirée par un passage similaire dans le livre de Jean M. Auel "Les Chasseurs de Mammouths" troisième tome de la saga "Les enfants de la Terre". (7) Almut : signifie "Au noble courage" en viking. (8) Ditgarde : signifie "Celle qui protège le peuple" en franc.
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