![]() |
|
|
|
LA LEGENDE DES QUATRE ROYAUMES... |
|
Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. L'auteur n'en retire aucun profit si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, appartiennent à l'auteur. Betalecteur : Gajin, Frasyl et Hyma. J'espère que vous aimerez... |
Carte de ce monde |
Avant de commencer la lecture du chapitre, cherche les lecteurs de la page en la faisant défiler. Clique ici pour écouter toutes les musiques
Chapitre 19 Année 10219 de la Licorne, mois d'avril, Royaume des Ténèbres et des Plaines…
Depuis plusieurs semaines, Penthésilée s'échinait à mettre en place la rébellion que Phorcys et sa sœur Eurybie menaient en paroles creuses. Oui, ils parlaient beaucoup depuis quatre ans, mais, concrètement, rien, strictement rien n'avait été fait. Ils avaient bien une sorte de réseau de sympathisants, principalement des nobles du temps du règne de Pontos, qui s'étaient vu brutalement privés de leurs privilèges quand Hadès avait repris son trône. Alors, ils parlaient beaucoup. Ils critiquaient, fustigeaient, médisaient, vitupéraient, se montraient courageux dans le cercle privé des petites réunions clandestines qu'ils organisaient, mais dans la pratique, rien. Et Penthésilée avait dû faire appel à des trésors de patience. Si ce n'était une mission ordonnée par sa mère, elle les aurait tous étripés lentement avec un plaisir sadique. Elle ne supportait plus ces gens imbus d'eux-mêmes qui ne faisaient que parler, parler et encore parler. Heureusement qu'elle avait Eurybie pour lui changer les idées. Sa douce et débauchée petite esclave soumise à ses moindres désirs et avide de savoir comment gouverner dans l'ombre. Dans le salon qui leur servait de salle de "conspiration", elle la regardait discrètement. Fini la petite oie blanche et effacée qu'elle avait rencontrée quelques semaines plus tôt. Eurybie avait abandonné ses robes fermées jusqu'au menton pour des bustiers au décolleté plus valorisant. Elle la voyait tenter ses nouvelles connaissances en matière de séduction sur les hommes qui allaient et venaient dans cette pièce. Et ma foi, elle ne s'en sortait pas trop mal. Elle n'avait franchi le pas avec aucun d'entre eux, mais semblait prête à le faire si cela s'avérait nécessaire et utile à leur cause. Elle reporta son attention sur Phorcys et le dégoût la prit à nouveau. Il était en train de faire un résumé de la situation à deux nouveaux venus comme si c'était lui-même qui avait tout fait. Les deux hommes, un négociant en tissus et un nobliau écoutaient avec la plus grande attention, l'air impressionné par l'ampleur de l'organisation et le nombre de sympathisants que le cousin d'Hadès avait largement exagéré. Penthésilée eut soudain l'impression d'étouffer dans cette ambiance de mensonges fats et d'attitudes orgueilleuses. Chacun faisait de son mieux pour paraître ce qu'il n'était absolument pas. De toute évidence, au moindre danger, ces gens-là s'évanouiraient dans la nature aussi loin que possible de Giudecca pour échapper à la police de Minos et aux salles de torture de la prison du Tartare. Et ceux qui se feraient attraper déballeraient tout sur cette organisation à la simple vue du bourreau. Et sur ça, la Princesse n'avait aucun doute. Elle fit un signe de la tête à Blodwyn et les deux Amazones s'éclipsèrent discrètement.
Vêtues comme des lavandières(1), elles se dirigèrent vers les lavoirs situés à l'angle d'une place, non loin du port. Alimentés par une source d'eau chaude venant directement du volcan, c'étaient les plus fréquentés de la ville et les deux jeunes femmes passeraient aisément inaperçues parmi les autres blanchisseuses. Bien cachées sous leurs jupons, elles n'en emportaient pas moins des dagues pour le cas où il leur faudrait se défendre. C'était le milieu de la matinée et les rues étaient pleines de monde. Elles traversèrent le marché et il sembla à la Princesse que les étals étaient plus nombreux et les marchandises plus abondantes. Elle sourit en baissant la tête sur ses bottines. Hadès… Quel homme ! Ceux qui avaient parié sur sa réussite avaient été bien inspirés. Où qu'elle tende l'oreille, elle n'entendait pas une parole désobligeante sur le Roi. Il était, aux yeux du peuple, un monarque d'exception. Et personne ne doutait qu'il ferait des Ténèbres un Royaume à la puissance et à la richesse inégalée. Tout le monde semblait sourire. Qu'elle regarde à droite ou à gauche, les visages étaient heureux, les gens plaisantaient, riaient même. Le peuple était satisfait. Bien sûr, il y avait toujours des défavorisés, mais le Roi avait fait ouvrir des dispensaires pour les malades et les handicapés qui ne pouvaient pas travailler et subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille. Moyennant leur aide, en fonction de leurs capacités, pour le bon fonctionnement de ses établissements, certains faisaient la cuisine, d'autres le ménage. Les plus pauvres aussi étaient reconnaissants à leur Roi. Elles arrivèrent aux lavoirs. Toutes les places étaient prises aussi s'assirent-elles à l'écart, attendant leur tour. Que bien souvent, elles laissaient passer. Une Amazone qui lave le linge ? Quelle idée absurde ! Mais parfois, elles devaient s'y plier pour ne pas éveiller les soupçons. - Il doit passer ici ! dit l'une des femmes en battant vigoureusement une chemise. - Qui ça ? demanda sa voisine. - Le Roi ! C'est aujourd'hui qu'il part en voyage, chuchota-t-elle comme si elle venait de dévoiler un secret qu'elle seule détenait. - Mais comment tu sais ça ? - La fille du cousin de la voisine de ma belle-sœur travaille aux cuisines du Palais. - Si on reste là, on a des chances de le voir, alors ! - C'est pour ça que je t'ai dit de venir plus tard. - On dit que c'est un très bel homme, fit une troisième de l'autre côté du bassin. - Et il est toujours célibataire. - Ne rêvons pas ! Il épousera une Princesse ou Reine. Pas une simple lavandière ! Elles éclatèrent de rire et continuèrent à battre leur linge avec encore plus d'entrain. Les deux Amazones s'étaient regardées. Si seulement cette information avait été connue plus tôt, à cet instant, la rébellion serait sur pied depuis longtemps avec de bonnes chances d'aboutir. Mais le destin en avait décidé autrement et il allait falloir faire avec ses caprices. - Princesse, nous devrions nous éloigner. Si Hadès vous reconnait… - Je sais… je me cacherai dans la foule… - Mais Princesse… insista Blodwyn qui savait bien pourquoi Penthésilée ne voulait pas partir. - Je dois le voir…, murmura-t-elle. - Mai c'est dangereux, je vous en prie ! - J'en ai besoin Blodwyn. Tu peux comprendre ça ? Le regard que lui offrit sa Princesse laissa l'Amazone dubitative. Il était animé d'une volonté implacable et en même temps, si triste. Elle savait que le Roi Hadès et sa Princesse avait été élevés ensemble, ou presque. A une époque, ils passaient leurs journées à suivre les cours du précepteur, du maître d'armes, du professeur de danse et de bien d'autres disciplines que se doivent de maîtriser les Princes, Princesses, Rois et Reines. Blodwyn savait bien que ce genre de vie peut rapprocher deux personnes qui ont, en plus, beaucoup de points communs. Elle était persuadée que Penthésilée avait succombée au charme d'Hadès. Elle ne l'avait jamais vu, mais pour que la Princesse se mette dans un tel état, alors ce devait être un homme vraiment exceptionnel. Du coup, elle aussi était impatiente de le voir. Soudain, des cris se firent entendre, provenant du bout de la rue qui longeait les lavoirs et les quais. Hadès et son escorte approchaient pour embarquer sur les canots qui les mèneraient jusqu'à la Frégate Royale. Une fois n'est pas coutume, le Roi ne montait pas Achéron qui était déjà à bord du navire. Accompagné de Rune, Myu et Thanatos, il déclencha des cris de joie dans la foule qui se pressait sur leur chemin. Rhadamanthe et Minos durent intervenir fermement avec leurs hommes, à plusieurs reprises, pour tenir les gens à bonne distance du Roi. Hypnos se tenait à sa droite et son frère à sa gauche, mais même ainsi, des hommes et des femmes tentaient de s'approcher ne serait-ce que pour toucher son cheval ou son manteau pour les plus chanceux. Penthésilée se cacha derrière Blodwyn. Ses yeux ne quittaient pas Hadès. Il était encore plus beau que dans ses souvenirs. La première surprise passée, elle sentit monter en elle une colère et une rage qu'elle n'avait plus éprouvée depuis longtemps. Sa mère lui aurait dit que si elle se mettait dans un tel état c'est parce que l'objet de sa colère ne la laissait pas du tout indifférente. Et une fois encore, elle aurait eu raison. Hadès, le compagnon de jeu de son enfance et son adolescence, la bouleversait toujours autant. C'était donc cela qu'on appelait l'amour ? Non ! Une Amazone ne tombait pas amoureuse. Elle se servait des hommes pour son plaisir ou pour perpétuer la lignée. Mais elle ne pouvait le nier. Elle éprouvait un violent désir pour cet homme. Et dire qu'elle aurait pu être sa Reine si ce mufle ne l'avait pas rejetée. Elle l'aurait enfin eu dans son lit, dans ses bras… dans son corps. Mais ce goujat avait refusé de tenir la promesse que la Reine Rhéa avait faite à Antiope arguant qu'il s'agissait là de l'engagement de sa mère et non du sien. Tant pis pour lui. Il allait payer très cher cet affront. Personne, non personne ne se refusait à une Amazone. Blodwyn sentit sa Princesse trembler alors qu'elle s'accrochait à elle, se cachant du Roi. Elle la comprenait maintenant. Elle aussi était fortement impressionnée par la présence et le charisme écrasant de cet homme. Sans parler de sa beauté. Un Roi dans tous les sens du terme. La troupe s'arrêta au bout du quai. Hadès et ceux qui l'accompagnaient, descendirent de cheval pour monter à bord d'un gros canot, escorter par six hommes. Hypnos et Thanatos se donnèrent une franche et fraternelle accolade. C'est la première fois qu'ils allaient être séparés si longtemps eux aussi. Queen n'était pas là. Il avait préféré rester au Palais d'Ebène. L'amarre fut détachée et les rameurs s'activèrent en rythme vers la Leucé(2), la Frégate Royale. Sur les quais, le peuple criait toujours, souhaitant un bon voyage et un retour rapide à son Roi. Le Comte de Dream resta là, debout, jusqu'à ce que la Leucé eût disparu à l'horizon. Un étrange sentiment de vide s'empara de lui. Son frère, son jumeau, était désormais si loin de lui. Pourtant, la nuit dernière, ils avaient été si proches… comme jamais auparavant…
Ooooo00000ooooO
La veille…
Hypnos se hâtait dans le couloir pour rejoindre les appartements de son frère. Celui-ci lui avait fait parvenir un message où il lui demandait de le rejoindre chez lui. Il voulait probablement lui parler du voyage du Roi. Il toqua à la porte et la voix de Thanatos l'invita à entrer. Pourtant, il ne le trouva ni dans le salon ni dans son bureau. Attiré par un bruit qui venait de la chambre, il s'approcha. Là, devant ses yeux, sur le lit, une jeune servante aux courbes délicieuses, chevauchait son frère avec ardeur et force gémissements. Le Premier Ministre sourit et alla s'asseoir au bas du lit. - C'est pour… ça… que tu m'as fait venir ? dit-il d'un ton qu'il voulait détaché. - Anh… pas seulement… mmf… Regarde… N'est-elle pas jolie ? - Si… très jolie, sourit encore le Premier Ministre. Thanatos avait toujours été le plus débauché. Plus d'une fois, il avait été surpris par leurs parents lorsqu'ils étaient encore en vie, en train de culbuter une servante ou un serviteur. Et à chaque fois, Hypnos se moquait gentiment de lui, lui disant qu'il n'avait pas été assez discret. Alors Thanatos venait se blottir contre lui et murmurait : "Tu verras, un jour personne ne nous entendra, personne ne saura". A l'époque, ces mots n'avaient pas de signification pour l'aîné mais maintenant, ils commençaient à en prendre une. - Tu te rappelles ce que je t'ai dit l'autre fois ? demanda le cadet alors que la jeune femme avait adopté un rythme plus lent. - A quel propos ? - Que je partagerais avec toi ma prochaine maîtresse. - Ah… Ça ? - Eh bien voilà ! Partageons-la nous. Le Premier Ministre ancra ses yeux d'or dans ceux d'argent de son jumeau cherchant à savoir s'il était sérieux ou bien s'il plaisantait encore sans pour autant parvenir à le déterminer. - Thana, nous devons parler de ton voyage. Je reviendrai plus tard. - Pas question ! bondit son frère en reversant la servante qui poussa un petit cri de surprise. Tu vas rester ici, avec moi, et te détendre, ajouta-t-il en attrapant la main jumelle. Le geste fit basculer Hypnos sur le lit. Il laissa échapper une interjection mais la jeune femme le bloqua sous elle en le chevauchant, amusée par la situation. Derrière elle, son frère la caressait, son regard brillant de désir encore inassouvi rivé aux prunelles d'or. - Regarde… elle en a envie… tu ne vas pas te dérober quand même… Mais déjà, les mouvements langoureux de la servante sur ses hanches commençaient à éroder les défenses d'Hypnos. Quand il vit la bouche de son jumeau se refermer sur un sein lourd, tirant un nouveau gémissement de plaisir à la jeune femme, il sut qu'il ne pourrait résister. Depuis l'annonce du voyage du Roi, il avait travaillé sans relâche pour préparer tout ce qui dépendait de ses compétences. Alors quels qu'aient été ses besoins physiques, ils les avaient étouffés. Seulement c'était sans compter sur la malice de son frère. Il avança sa main vers l'autre sein et se mit à le caresser et le pétrir. La servante se déplaça pour permettre au Premier Ministre de se dévêtir puis elle se pencha vers son entrejambe pour le flatter de sa bouche. Hypnos renonça à sa dignité et poussa un long râle de plaisir. Son excitation s'intensifia lorsqu'il vit Thanatos se placer derrière leur maîtresse pour la pénétrer. L'expression d'extase qui se peignit sur son visage fut un coup de fouet sur les sens de l'aîné. La chambre s'emplit rapidement de soupirs et de gémissements. Alors que tout semblait se dérouler au mieux, Hypnos se redressa soudainement. Il saisit la jeune femme par le bras et lui ordonna de prendre ses vêtements et de quitter l'appartement. Thanatos, un peu surpris, fronça les sourcils et allait protester quand le regard doré bloqua les mots dans sa gorge. Hypnos s'approcha tout doucement, à genoux, nu. - Merci, murmura-t-il en entourant la gorge de son jumeau de ses doigts. Tu m'as ouvert les yeux, poursuivit-il en resserrant sa prise. - A quel propos ? demanda le Conseiller du Roi d'une voix étranglée. Pour toute réponse, il se retrouva sous le corps de son frère qui l'embrassait à perdre haleine. Les mains enfouies dans les cheveux argentés, il maintenait la tête de son jumeau pour qu'il ne puisse se dérober à ses lèvres mais bien vite il comprit que ce n'était pas du tout dans les intentions de ce dernier à en juger par l'ardeur avec laquelle il répondait à ce baiser. - J'ai lutté…, chuchota-t-il, ponctuant chaque mot d'un baiser, inconsciemment j'ai lutté contre mes sentiments… parce que je ne voulais pas les reconnaître pour ce qu'ils sont. - Et que sont-ils ? l'interrogea Thanatos dont les mains dévalaient le dos jusqu'aux reins. - Une abomination… irrésistible… - Pourquoi ? Parce que nous sommes frères ? - Nous sommes plus que cela. Jumeaux. Mais il est trop tard. Nous serons damnés pour l'éternité pour ce que nous allons faire… - Et qu'allons nous faire, mon ange ? Annh… ouiii… gémit-il lorsqu'Hypnos appuya ses hanches sur les siennes. - Partager la seule chose qui ne l'est pas encore… Par les Dieux ! Tu me rends fou ! Une lutte sauvage et sensuelle s'engagea entre les deux hommes. Entièrement nus, chacun tentait de dominer leur étreinte. Le cœur de Thanatos était rempli d'une joie indicible. Lui qui avait comprit depuis longtemps la nature des sentiments qu'il éprouvait à l'égard de son frère, avait, jour après jour, œuvré pour que les mêmes se développent chez Hypnos. Il savait qu'il y était parvenu, pourtant, l'aveuglement de son jumeau avait, plus d'une fois, failli avoir raison de sa patience. Mais voilà que le destin lui donnait un coup de pouce. Et de toute façon, si leur relation ne devait pas voir le jour, les choses n'en seraient pas arrivées là. De ça, il était persuadé. Par contre, la chose à laquelle il ne s'attendait pas du tout, c'était la brutale prise de conscience de son jumeau et la rapidité avec laquelle il était prêt à franchir le pas. Après cela, plus aucun retour en arrière ne serait possible. Ils auraient commis l'irréparable, le condamnable, l'abominable inceste. Mais qu'importe. L'un comme l'autre savait que personne ne pourrait les rendre heureux. Personne d'autre qu'eux-mêmes. Et lorsque Hypnos sentit son frère unir leurs corps, le cri qui lui déchira la gorge n'était pas un cri de douleur ni même de plaisir. Non. C'était un cri de libération. Pour la première fois de sa vie, il réalisa que jusqu'à présent son cœur et son esprit étaient entravés par des chaines qui portaient des noms comme convenance, bonnes mœurs, respectabilité, interdits. Ces chaines venaient de se briser et il ne se sentait ni inconvenant, ni moins respectable. Qu'y a-t-il d'inconvenant ou d'irrespectueux dans un sentiment comme l'amour quand il est aussi pur et profond que le leur ? Au contraire, il convient de le respecter. Thanatos se faisait plus ou moins le même genre de réflexions. Mais il fut soudain surpris par le violent plaisir qui lui laboura les reins. Il s'effondra sur le dos de son frère après s'être longuement répandu en lui. Tout doucement, Hypnos se retourna et son jumeau s'allongea à ses côtés. - Tu comptes me laisser dans cet état ? chuchota l'ainé en mordillant amoureusement le cou de son jumeau. - Non… viens par là… Le Premier Ministre se déplaça jusqu'à ce que son frère puisse lui offrir l'hospitalité de sa bouche. Il se mit à balancer lascivement les hanches, poussant de petits soupirs de plaisir. L'une de ses mains descendit caresser le sexe esseulé et ses doigts purent constater que Thanatos semblait impatient qu'il lui rende la politesse. Ce qu'il fit sans tarder. Hypnos se délectait de la mélodie de gémissements, de cris et de soupirs qu'il provoquait. Son frère enroula ses jambes autour de ses hanches, le projetant plus fort en lui en appuyant sur ses reins. Mais la vision de Thanatos se caressant au même rythme que ses coups de reins eut raison de lui. Il cria son nom quand l'orgasme le dévasta. Il s'écroula sur le ventre souillé du plaisir de son jumeau puis il le lécha avant de l'embrasser à pleine bouche. - Maintenant, nous partageons vraiment tout, ronronna-t-il en se blottissant dans la chaleur de son frère. Ils n'eurent pas le temps de parler du voyage du Roi. Le sommeil les emporta profondément dans ses limbes jusqu'au matin. Ce n'est qu'en chemin pour le port qu'ils abordèrent certains sujets tout en se dévorant du regard. L'accolade qu'ils se donnèrent faillit se transformer en un baiser passionné mais, ils se souvinrent à temps d'où ils se trouvaient. - Je t'aime, entendit Hypnos à son oreille alors qu'il serrait son frère dans ses bras. - Je t'aime aussi. Sois prudent… Ooooo00000ooooO Blodwyn n'avait pas bougé d'un cheveu. Elle sentait les mains crispées de Penthésilée sur ses épaules. Elle pouvait deviner la violence que celle-ci retenait. Elle n'avait aucun mal à imaginer l'envie presqu'irrépressible que sa Princesse tentait de ne pas laisser paraître. L'envie de se jeter sur le Roi pour… Pour faire quoi ? Lui planter une dague dans le cœur ? L'embrasser à en perdre la raison ? Maintenant qu'elle aussi avait vu Hadès, elle comprenait mieux la jeune femme. Car quoi qu'on en dise, Penthésilée était certes une Princesse, héritière d'un grand Royaume riche, puissant et prospère, un soldat exceptionnel, elle n'en restait pas moins une femme avec ses forces et ses faiblesses, avec ses désirs. Et lorsqu'en plus cette femme était une Amazone, cela amplifiait d'autant sa frustration de ne pouvoir avoir l'homme dont elle était amoureuse. Surtout quand celui-ci l'avait rejetée. La colère inhérente à l'affront atteignait des sommets. - Nous devrions rentrer, suggéra-t-elle doucement en tournant la tête pour regarder sa Princesse. Celle-ci avait le regard braqué au bout du quai où l'escorte du Roi finissait d'embarquer. Elle n'entendait pas la voix de son lieutenant, perdu qu'elle était dans la contemplation de cette silhouette qu'elle aurait reconnue entre des milliers d'autres. Blodwyn ne le lui dirait jamais, mais elle avait bien vu une larme briller au bord des cils. Elle décida que c'était à elle de prendre les choses en mains. Avec autorité, elle entoura les épaules de Penthésilée et la guida à travers la foule. Soudain, celle-ci se dégagea d'un brusque mouvement et planta son regard flamboyant de rage dans les yeux bleu marine de son lieutenant. Pendant un court instant, Blodwyn eut l'impression d'avoir une inconnue devant elle. Presqu'un animal sauvage. - Princesse, commença-t-elle d'une voix douce, vous vous faites du mal pour rien. Nous avons encore du temps devant nous pour mettre au point l'insurrection. Votre haine, mettez-la au service de ce projet. Elle sera ainsi mieux employée. - Qui crois-tu être pour me faire la morale ! siffla dangereusement Penthésilée. - Altesse, nous avons une mission ordonnée par votre mère, commença-t-elle en haussant un peu le ton. Elle m'a donnée toute autorité pour vous aider à l'accomplir. Et si cela doit me mener à vous faire la morale ou bien… autres choses qu'en temps ordinaire je ne ferais pas, je n'hésiterai pas. Je tiens ces ordres de la bouche même de la Reine. Je vous en prie… Ainsi donc Antiope lui avait assignée un chien de garde. Pourquoi était-elle si surprise ? Parce qu'elle croyait qu'elle avait vraiment carte blanche, comme le lui avait dit sa mère ? Oui, peut-être en ce qui concerne l'organisation de cette rébellion. Mais elle commençait à prendre conscience qu'en réalité, elle n'avait pas les mains aussi libres qu'elle le croyait. Oh, elle n'en voulait pas à Blodwyn, elle obéissait, c'est tout. Elle s'en voulait à elle-même d'avoir été aussi naïve et d'avoir laissé, une fois de plus, Hadès la déstabiliser totalement. Il était doué pour ça, elle s'en souvenait encore…
Elle devait avoir dix-huit ans à l'époque. Elle venait de terminer son entrainement au tir à l'arc et regagnait le Palais. Elle traversa l'immense cour de la garnison et aperçut un attroupement. Elle s'approcha et vit sa mère, la longue épée dans les mains, attaquer le Prince Hadès uniquement équipé d'une dague et d'un bouclier. Sa chemise était déchirée et plusieurs petites plaies couvraient ses avant bras et son torse. Une longue déchirure ensanglantée barrait son dos de l'épaule gauche jusqu'au flanc droit. Antiope ne le ménageait pas. Penthésilée savait que sa mère n'irait pas jusqu'à le tuer, mais elle lui ferait mordre la poussière douloureusement. Gêné par les lambeaux de son vêtement, Hadès l'ôta. Les deux adversaires se tournaient autour, feintant des attaques, conscients qu'à la plus petite erreur, ils pouvaient être blessés à nouveau. Antiope avait une coupure à la cuisse droite et à l'avant bras gauche. Soudain elle se mit à faire des moulinés avec son épée et battit l'air au niveau des jambes du Prince. Il sauta pour esquiver et retomba sur la lame. La Reine lâcha son arme et Hadès la ceintura en lui mettant sa dague sous la gorge. Antiope leva mains signalant par là sa défaite. - Bravo ! s'exclama-t-elle. Tu as beaucoup progressé. Amazones, poursuivit-elle à l'égard des femmes qui les entouraient, voici un homme capable de tenir tête à la plupart d'entre vous. Ne le sous-estimez surtout pas ! L'attroupement se dispersa et le Prince ramassa sa chemise. Il glissa sa dague dans sa ceinture et posa le bouclier sur son support. Il se dirigea vers un baquet d'eau fraîche et commença à essuyer ses blessures. - Laisse-moi faire, fit Penthésilée qui s'était approchée de lui. Dans le dos tu n'y arriveras pas. Il lui passa le linge mouillé. La fraîcheur du tissu lui fit du bien mais lui arracha un gémissement de douleur. - Elle n'y a pas été de main morte, observa la Princesse. Cette plaie n'est pas profonde mais elle est vilaine. Tu devrais te faire soigner par Hyppolitée. - Ta mère ne plaisante pas avec l'entraînement. Et il n'y a que comme ça que je progresserai. - Tu prends le risque de te faire estropier pour devenir plus fort ? Et si elle te coupe une main ? Ou qu'elle t'éventre ? - Tu t'inquiètes pour moi, jolie Princesse ? Hadès s'était retourné et fixait Penthésilée de son regard d'un bleu si clair, si perturbant. Assorti d'un petit sourire séducteur, la jeune femme sentit son cœur battre plus vite. - Bien sûr que je m'inquiète. Tu dois reprendre ton trône. Ton Royaume est à l'agonie. Tu ne pourras pas faire pire que Pontos. Mais pour ça, tu dois rester vivant. Le Prince eut un petit rire. Qu'avait-il cru ? Qu'elle craignait pour sa personne ? Quelle idiotie ! Penthésilée était plutôt préoccupée par les bonnes relations qu'elle devait entretenir avec un futur allié d'Amazia car dans son esprit, il ne faisait aucun doute que les Ténèbres seraient l'allié des Amazones quand Hadès serait sur le trône. - Et puis, reprit-elle, aguicheuse, je connais beaucoup de filles et de femmes qui seraient déçues de ne pas avoir pu partager ton lit. - Elles savent où me trouver et comment s'y prendre pour ça, rétorqua le jeune homme. Les deux jeunes gens avaient parfaitement compris le double sens de cette conversation. Elle était certaine de lui plaire, elle n'avait aucun doute, mais qui savait si Antiope ne lui avait pas formellement interdit de culbuter sa fille ? La Reine en serait bien capable. Alors elle jugea préférable de se tenir à distance de ce beau Prince, tout en testant, de temps à autres, son pouvoir de séduction sur lui. - Parce que tu crois peut-être qu'elles n'attendent que toi ? se moqua Penthésilée, un air de défi sur le visage. - Je crois, oui… Et avant qu'elle n'ait pu esquisser le moindre geste, Penthésilée se retrouva dans les bras puissants d'Hadès, ses lèvres contre les siennes. Alors que son esprit lui hurlait de se débattre, de se libérer de cet étau si chaud, son corps ne lui obéissait déjà plus. Elle se cambra contre lui, répondant à ce baiser avec passion. Ces mains se perdirent dans les longs cheveux d'ébène pour s'assurer que cette bouche brulante ne s'éloignerait pas trop vite. D'un bras, le Prince la souleva et la plaqua contre le mur. Il écrasa son corps contre le sien et ses mains se mirent à la caresser. La Princesse ne put retenir un gémissement de plaisir. Elle sentait qu'elle se perdait dans cette étreinte enfiévrée. Elle devait y mettre un terme, mais c'était trop difficile. C'était trop bon. Hadès le fit pour elle. Il s'écarta et la regarda, les yeux moqueurs. Haletante, elle était sur point de lui sauter dessus. - Tu diras à toutes ces filles et ces femmes que je ne suis pas un jouet qu'elles peuvent se passer de l'une à l'autre. Je choisis avec qui je joue. Et il lui tourna le dos pour aller se faire soigner. Penthésilée resta immobile, les yeux fixés sur l'espace qu'il occupait. Elle venait de prendre une gifle magistrale. Elle s'était laissée piéger comme gamine inexpérimentée. Les battements de son cœur se calmèrent tout doucement, le feu dans son corps décru et une rage froide et dévastatrice monta en elle. Comment avait-il osé la traiter de la sorte ? Il ne perdait rien pour attendre. Elle se jura qu'un jour, il la supplierait de partager sa couche. Mais il était trop tard pour son cœur. Penthésilée venait de tomber amoureuse. La Princesse repensait à ce jour, tout en suivant Blodwyn à travers les rues de la Cité. Elle s'était fait cette promesse, mais elle n'avait pas pu la tenir. Hadès ne revint jamais vers elle. Elle se souvenait encore des cris de rage et de colère qu'elle avait poussés, seule dans la forêt, lorsqu'elle avait appris que l'une des servantes de sa mère était enceinte de lui. Elle fut heureuse d'apprendre que c'était un garçon. Ainsi, malgré le sang royal qui coulait dans ses veines, il plierait le genou sous le joug de la servitude de ces femmes. Mais elle fut encore déçue et frustrée en apprenant que sa mère avait décidé qu'il serait élevé dignement sans pour autant que ses origines lui soient dévoilées. Et il y avait eu un petit frère. Et puis les années passant, elle fut de plus en plus absorbée par son rôle de futur Reine. Antiope avait toujours l'intention d'en faire son héritière et elle avait beaucoup de choses à apprendre. Hadès quitta Antianeira sans dire au revoir. Mais Penthésilée n'avait toujours pas digéré l'affront qu'il lui avait fait ce jour-là. Blodwyn avait raison. Elle devait consacrer son énergie à la réalisation du plan. S'il réussissait, et il y avait de bonnes chances pour ça, alors peut-être aurait-elle enfin une occasion d'assouvir sa vengeance… Ooooo00000ooooO - Mais où étiez-vous donc passées ? les invectiva Phorcys de toute l'autorité dont il était capable devant les quelques personnes présentent dans la pièce. - Bien que je n'ai aucun compte à vous rendre, je vais vous le dire, rétorqua Penthésilée, exaspérée. Nous sommes allées nous assurer qu'Hadès embarquait bien pour les Plaines. - Ah ! Donc il est parti ! sourit le cousin du Roi. Voilà une excellente nouvelle. J'en ai une autre pour vous. Grâce à votre collaboration, nous sommes fins prêts. Nous pouvons prendre le pouvoir ! s'écria-t-il en levant les bras vers ces "troupes" comme il aimait appeler ceux qui le soutenaient. - Eh bien il vous faudra tempérer votre ardeur et votre impatience, le contra la Princesse en se laissant tomber sur l'un des fauteuils. Ma mère m'a fait parvenir un message. - Et pourquoi n'en suis-je informé que maintenant ? La jeune femme leva vers lui un regard méprisant, empli de dégoût. Elle avait hâte que cette mission se termine quelle que soit son issue. La simple vue de cet homme lui donnait envie de vomir. Mais il fallait qu'elle fasse encore bonne figure quelques temps. Eurybie avait encore besoin d'elle et de ses conseils. - Il ne vous était pas adressé, répondit-elle et portant à ses lèvres, le verre de vin que lui avait servi Blodwyn. - Puis-je en connaître le contenu, s'il concerne notre organisation ? - Nous frapperons fin mai, la nuit de la Fête de l'Eté. Il y aura du relâchement dans la vigilance des gardes et un groupe d'Amazones nous aura rejoints pour nous aider. Ma mère leur a assigné une mission très spéciale. Je vous parlerai plus tard. - Mais à la fin ! Qui commande ici ? Votre mère ou moi ? J'ai peut-être des idées qui pourraient se heurter à l'intervention de ce groupe. Y avez-vous pensé ? - Pour être sincère, non. Mais faites-moi donc part de ces idées, mon cher Phorcys. Le jeune homme eut un mouvement de recul face au regard moqueur de l'Amazone. Il exécrait cette femme et tous ceux qui l'accompagnait. Il avait bien remarqué l'ascendant qu'elle avait pris sur sa sœur. Le changement de comportement d'Eurybie ne lui avait pas échappé. Il n'était pas totalement idiot, non plus. Lui aussi avait hâte que tout ceci se termine, mais pas pour les mêmes raisons que Penthésilée. - Je vous en parlerai également plus tard, répondit-il pour ne pas perdre la face devant les autres, un sourire mauvais aux lèvres. Dans l'après-midi, ils se retrouvèrent dans un salon privé. La maison avait été désertée de ses visiteurs matinaux et les subordonnés de la Princesse étaient occupés à l'extérieur à rassurer leurs sympathisants quant à l'avancée de la mise en place de leur plan et pour leur préciser encore et toujours le rôle qu'ils auraient à jouer. - Nos effectifs ont presque triplés depuis votre arrivée, Altesse, disait Eurybie postée devant la fenêtre. - C'est parce que les gens ont vu qu'il y avait quelqu'un de compétent à la tête de l'organisation, assena Blodwyn. - Est-ce à dire qu'avant que vous ne soyez là, il n'y avait personne de compétent ? - C'est exactement ce qu'elle veut dire, intervint sèchement la Princesse. Sans nous, vous en seriez encore à discuter dans le vide. Alors que maintenant nous sommes presque prêts à agir. La main de sa sœur se posa sur son épaule, lui signifiant de ne pas relever la provocation. - Qu'est-ce que votre mère vous a suggéré comme idée ? - Elle ne suggère pas, elle ordonne. Nous agirons, comme je vous l'ai dit, pendant la Fête de l'Eté. - Et qu'a-t-elle… ordonné ? cracha Phorcys, montrant ainsi qu'il n'aimait pas du tout la main mise des Amazones sur ces plans à lui. - Nous allons faire évader Pontos, votre père. Faites m'en une description précise. Taille corpulence, signes particuliers… Ooooo00000ooooO
La Leucé leva l'ancre vers la mi-journée. Les voiles se gonflèrent d'un vent de travers assez fort qui donnait naissance à une grosse houle. L'équipage courait sur le pont pour finaliser les dernières manœuvres. Appuyé au bastingage, Hadès regardait les côtes des Ténèbres disparaître lentement à l'horizon. Machinalement, il porta la main à l'amulette de protection que Queen avait réalisée avec la patte griffue d'une petite chauve-souris, refermée sur une petite boule de fils d'araignée imbibée d'une goutte de leur sang à tous les deux. Sous les yeux admiratifs du Roi, le Magicien avait prononcé des paroles mystérieuses dans une langue qui l'était encore plus. Il avait ensuite muni le talisman d'un cordon de cuir qu'il avait attaché autour du cou royal. - Si tu sens qu'il te brule un peu c'est qu'il agit contre un sort que quelqu'un veut te jeter, lui expliqua son amant. - Pour l'instant, c'est moi qui brule de t'aimer, avait répondu Hadès en capturant les lèvres de Queen. Pour la première fois depuis le début de leur relation, Hadès demanda à Queen de lui faire l'amour. Il ne se demanda pas pourquoi le Roi désirait une telle chose. Ça ne lui serait jamais venu à l'esprit de lui proposer d'inverser leur place, même s'il en avait de plus en plus envie ces derniers temps. Aussi fut-il heureux que se soit Hadès qui prenne cette initiative. Peut-être la perspective de leur séparation avait-elle décidé le Souverain à s'offrir ainsi à l'homme qu'il aimait. Le Magicien puisa dans son amour pour mener son Roi aux confins du plaisir à plusieurs reprises. Hadès cria son nom à chaque fois que l'orgasme le faucha. - Je comprends mieux la signification de tes cris, de tes soupirs, de tes gémissements, lui murmura-t-il alors qu'enlacés, ils sombraient lentement dans le sommeil. - Il ne tient qu'à toi de les entendre à nouveau, répondit Queen en se serrant d'avantage contre le corps chaud. - Ne veux-tu pas encore écouter les miens ? - Aussi souvent que tu le désireras… Le lendemain matin, jamais Hadès n'avait éprouvé autant de difficultés à s'arracher des bras de Queen. Celui-ci dut presque se mettre en colère pour qu'il daigne enfin regagner sa chambre pour se préparer à partir. Le Roi quitta le Palais d'Ebène sans retourner le voir. L'un et l'autre savaient que ça ne servirait qu'à les faire souffrir d'avantage. Le Magicien sourit quand il entendit les sabots des chevaux claquer sur les pavés de la grande cour avant de s'engager sur le pont de pierres qui enjambait les douves. C'était mieux ainsi. Il soupira. L'attente commençait et déjà il sentait le manque et l'impatience se jouer de ses nerfs. Lorsque l'escorte revint, il fit tomber sur le Palais et la Cité une chape de puissants sortilèges dont certains sortaient tout droit d'un vieux grimoire de Magie Ancienne. Après cela, il alla au dispensaire. Soigner les blessés et les malades lui ferait penser à autre chose qu'à la distance qui le séparait de son amant. Hadès repassait dans son esprit les moindres instants de cette nuit. Il avait adoré appartenir à Queen et il se demandait pourquoi il ne l'avait pas fait plus tôt. Il était pourtant loin de considérations comme "Je suis le Roi donc je domine". Leur relation était au-delà de ces idées qui soutenaient que celui qui offre son corps à son amant est plus faible, soumis. Rien n'était plus faux pour le Roi. Il était toujours à l'écoute du désir de son compagnon, il faisait tout ce qu'il lui murmurait à l'oreille. C'était plutôt lui le soumis et il était faible face au plaisir toujours plus grand qu'il voulait procurer à Queen. Les embruns balayèrent son visage et le firent sourire. Il espérait de tout son cœur que cette traversée serait tranquille. Pas que la Leucé redoute une attaque de pirates qui sillonnaient la mer entre les deux continents et s'en prenaient aux navires marchands, mais il songeait plutôt à une tempête. Il ne craignait pas le mal de mer mais il ne fallait pas que les flots soient trop déchaînés. Il rejoignit le timonier à la barre. L'homme lui sourit. - A votre avis, aurons-nous beau temps ? lui demanda le Roi. - Notre Capitaine a fait sa danse de la chance, Sire. On devrait faire un voyage paisible. - Sa danse de la chance ? éclata de rire Hadès. - Oui, Majesté. Il a fait trois fois le tour de la Leucé debout, en équilibre sur le bastingage sans tomber. C'est un signe qui ne trompe pas. - Debout… sur le… le bastingage ? bredouilla le Roi, dubitatif. Eh bien, faisons-lui confiance alors… Il quitta le pont pour rejoindre ses quartiers dans le château arrière lorsqu'il entendit des voix dans la cabine de Myu. Il toqua à la porte. - Entrez ! fit la voix de Rune. - Quelque chose ne va pas ? s'inquiéta le Roi en voyant son Ministre du Commerce allongé sur la couchette. - Il a le mal de mer. - Ah… Et il le savait ? - Non, Sire. Je ne suis jamais monté à bord d'un navire, grommela le malade, blanc comme un drap. - Je vais voir si les marins n'ont pas un remède ou un conseil à nous donner, fit le Roi en ressortant. Sur le pont, il retrouva le timonier en pleine discussion avec le Capitaine Tortuga(5). Il s'approcha des deux hommes, non sans se tenir à la rampe de l'escalier. - Auriez-vous un remède contre le mal de mer ? - En souffrez-vous, Sire ? s'inquiéta immédiatement l'homme. - Pas moi, le Comte de Butterfly. Il agonise, plaisanta le Roi avec un air compatissant. - Il n'y a pas de remède miracle. Il faudrait qu'il puisse venir sur le pont. Respirer de l'air frais lui fera le plus grand bien. Et aussi voir les mouvements du bateau plutôt que de les subir aveuglément, pourra l'aider. - Merci, Capitaine. Je vais essayer de le convaincre de se sortir. Hadès regagna la cabine de Myu. Il ouvrit la porte et vit Rune en train de passer un linge humide sur le visage du malade. - Peux-tu te lever et venir sur le pont ? lui demanda-t-il. Le Capitaine a dit que l'air frais te fera le plus grand bien. - Pourquoi pas… Je suis prêt à tout pour que mon estomac cesse de vouloir déserter mon corps par ma bouche. - De toute façon, tu a l'estomac vide. Ça va te faire de plus en plus mal si tu vomis encore. - C'est pour ça qu'il faut manger, fit la voix du Capitaine à la porte. - Manger ? Vous voulez ma mort ! couina piteusement le Ministre du Commerce. - Et pourtant, c'est moins douloureux quand on a quelque chose à rendre. Venez Seigneur Myu. Levez-vous et allons sur le pont. Le Capitaine saisit fermement le malheureux Comte par les épaules, Rune lui jeta son manteau sur le dos et tous montèrent sur le pont. Thanatos les suivit, la mine sombre. La Leucé avait un vent arrière mais des courants contraires. La proue frappait violemment les vagues et les chocs se répercutaient dans la coque. Cela pouvait inquiéter des novices, mais l'équipage ne semblait pas s'en apercevoir. - Voilà. Tenez vous au bord et respirez profondément, conseilla le Capitaine à Myu. Regardez la proue. Anticipez son mouvement avec votre corps et bientôt votre mal de mer devrait s'atténuer. - Merci Capitaine, fit Rune. Je vais m'occuper de lui. Nous ne voulons pas vous accaparer plus que nécessaire. - Mais cela fait partie de mon travail et mon devoir est de veiller au bien-être de mes passagers. N'hésitez à venir me voir. - Nous n'y manquerons pas. Comment te sens-tu ? demanda-t-il à Myu en le coinçant entre ses bras et le bastingage pour ne pas qu'il s'affaisse sur ses jambes. - On dirait… qu'il y a un léger mieux… Hadès et Thanatos se tenaient un peu plus loin, côte à côte. Ils avaient fini par attacher leurs cheveux en catogan. Le vent assez fort qui soufflait en rafales, était le pire ennemi des longues chevelures. Mais ni l'un ni l'autre n'aurait renoncé à cet accessoire de leur élégance. On peut être un homme et avoir un minimum de coquetterie. - Si tu me disais ce qui ne va pas, Thanatos. - Pardon ? Oh… rien. Je suis comme toi. Je quitte les Ténèbres pour la première fois depuis que tu es monté sur le trône et… c'est une sensation étrange… - De la mélancolie ? - De la peur. - Peur ? Comment ça ? - J'ai peur d'être éloigné de ma terre. Avant de te suivre, je n'y avais jamais mis les pieds, mais quand j'ai foulé le sol des Ténèbres, c'est comme si j'y avais toujours vécu. C'est idiot, je sais… - Pas tant que ça… Je ressens la même chose… J'étais très jeune quand ma mère et moi en sommes partis. Je n'ai que très peu de souvenirs. Là, j'ai l'impression de déserter mes responsabilités. Il y a encore tellement de choses à faire et moi je pars en voyage. - Ce n'est pas un voyage d'agrément. Tu l'entreprends pour le Royaume justement. Je ne vois pas pourquoi tu parles de désertion. - Je te l'ai dit, c'est juste une impression. Et Queen me manque déjà terriblement… Thanatos sourit. Il était bien placé pour comprendre son Roi. Il aurait voulu être plus vieux de deux semaines pour être déjà de retour et revoir son frère. Il ferma les yeux. Hypnos… La nuit tomba rapidement. L'équipage entama les quarts et les prestigieux passagers de la Leucé gagnèrent leurs cabines après avoir pris un repas léger tous ensemble. Myu parvint à avaler un bouillon de légumes et une pomme. Rune le conduisit jusqu'à sa chambre et alors qu'il allait partir, le Comte le retint par la main. - Merci de t'être occupé de moi… - Nous sommes amis… c'est normal… - Ça ne me dispense pas de te remercier quand même. - Essaie de dormir. Je suis sûr que demain tu te sentiras beaucoup mieux. - Je l'espère… Bonne nuit, Rune… Ooooo00000ooooO
Année 10219 de la Licorne, mois d'avril, Royaume des Plaines… Le jour suivant ressembla au précédent, ainsi que le jour d'après. La danse de la chance du Capitaine Gregor Tortuga semblait être efficace. Après six jours de mer, la vigie cria. La terre était en vue. La Leucé accosta dans le port de Samothrace en milieu d'après-midi devant un long quai ce qui permit à l'équipage de débarquer les chevaux. Un homme vint à la rencontre du Roi qui s'avança vers lui. - Sire, soyez le bienvenue au Royaumes des Plaines. Je me nomme Ploutos(3), je suis le Capitaine du port. Nous avons mis à votre disposition plusieurs chariots pour transporter vos bagages. Sa Majesté Déméter vous fait dire qu'elle serait ravie de vous rencontrer dans la soirée, si vous n'êtes pas trop fatigué. - Merci pour cet accueil, Capitaine, dit enfin le Roi, noyé sous le discours de ce Ploutos. Faites savoir à la Reine que ce sera pour moi un honneur de m'entretenir avec elle. - Je n'y manquerai pas. Capitaine, est-ce que l'équipage restera à bord ? poursuivit-il en s'adressant à Tortuga. - Oui. Nous nous occuperons des réparations indispensables après une telle traversée, répondit celui-ci. - Nos ateliers sont à votre disposition. Sire, une escorte est prête à vous conduire avec votre suite jusqu'au Palais des Saisons. Là-bas, vos chevaux seront pris en charge par les palefreniers des Ecuries Royales et les serviteurs vous conduiront aux appartements qui vous ont été réservés. - Eh bien ! Rien n'est laissé au hasard ! sourit Hadès. Vous êtes d'une efficacité redoutable. J'aime ça. Un des hommes de la garde rapprochée du Roi lui donna la longe d'Achéron qui avait été sellé, comme les autres chevaux. Avant d'enfourcher sa monture, le Souverain murmura quelques mots au Capitaine Tortuga qui hocha la tête. Puis la petite troupe s'en fut vers les hauteurs de la ville de Samothrace où s'élevait le Palais des Saisons. C'était un bâtiment gigantesque. Bien plus grand que le Palais d'Ebène. En fait, il semblait plus grand parce qu'il était construit sur un plateau. Les extensions s'étaient faites à l'horizontal alors que le Palais d'Ebène qui lui était érigé sur un piton rocheux s'était agrandi à la verticale. Encadrée à l'avant et à l'arrière par l'escorte désignée par la Reine pour ses invités, Hadès et ses hommes profitaient pleinement du paysage qui s'offrait à leurs yeux. Le chef de cette troupe montée chevauchait aux côtés du Roi en lui décrivant ce qu'ils voyaient. Derrière le Palais, il y avait un grand lac à l'eau claire, alimenté par un petit fleuve qui coulait depuis les montagnes lointaines. A perte de vue s'étendaient des champs parfaitement entretenus. Certains commençaient à prendre la couleur vert tendre des jeunes pousses qui sortent à peine de terre. Ils arrivèrent devant les remparts. Ils franchirent une porte immense dont le linteau de pierre était sculpté du blason Royal. Deux gerbes de blé croisées sous une couronne. Les gerbes étaient remplacées par des épis sur les sceaux officiels. La première cour était grouillante de marchands. Une multitude d'hommes et de femmes de toutes conditions ou presque se pressaient entre les étals. Myu remarqua que certaines bannières au dessus des boutiques, comportaient le sceau Royal. Il en fit la remarque au Roi. - C'est pour distinguer les marchands des Plaines des étrangers, leur expliqua le Lieutenant. Certains sont là toute l'année et sont approvisionnés par les bateaux de commerce de leur pays. Ici, c'est un marchand de vin d'Eleusis. Il est livré régulièrement, c'est quelqu'un de très sérieux. Et là, un vendeur de manuscrits du Royaume des Muses. Le Roi Apollon a des écrivains remarquables. Leurs histoires s'arrachent à prix d'or. - Sera-t-il au jubilé de la Reine ? - Oui, Sire. Il est arrivé hier. Derrière le second rempart tout aussi massif que le premier, se trouvait la deuxième cour. Le lieu était beaucoup plus austère. Là se trouvait uniquement la garnison attachée à la sécurité du Palais. On entendait les coups de marteaux des forgerons, les hennissements des chevaux dans les écuries, le fracas des armes contre les boucliers des hommes qui s'entraînaient. Tous stoppèrent leur activité pour regarder passer la petite troupe, puis ils reprirent leurs occupations. Ils passèrent à nouveau un rempart, mais moins grand que les deux autres et une nouvelle porte pour arriver dans la troisième cour. Celle-ci était vide. - C'est la cour d'apparat, là où une partie des festivités se déroulera pour le peuple. - Les gens vont aussi fêter le jubilé de la Reine ? demanda Thanatos qui jusqu'à présent était resté silencieux, observant de tous ces yeux, tâchant de graver dans sa mémoire le moindre détail. - C'est normal pour Sa Majesté que ses sujets festoient eux aussi. Depuis qu'elle est montée sur le trône, le pays est en paix, il prospère et nous avons le ventre plein. Nous voici arrivé. Ma mission s'arrête là. Je vous confie au Gouverneur du Palais. Je vous souhaite un agréable séjour, Sire, Messeigneurs. A peine Hadès mit-il pied à terre qu'une armée de serviteurs se précipita sur les chariots pour les décharger et emporter les malles dans ses appartements. Des palefreniers vinrent prendre les chevaux et un homme richement vêtu descendit les immenses marches qui menaient à l'entrée principale. - Majesté, Messeigneurs, soyez les bienvenue au Palais des Saisons. Votre présence est un honneur pour nous. Sa Majesté Déméter regrette de ne pouvoir vous accueillir elle-même. Une légère indisposition… Je suis Anytos(4), le Gouverneur du Palais. Je vais vous conduire à vos appartements. Ils ont été préparés selon les désirs que vous avez exprimés dans votre réponse à la Reine. - J'espère qu'elle ne m'a pas trouvé trop excentrique, sourit Hadès à l'homme qui le précédait. - Bien au contraire. Vous êtes quelqu'un de facile à satisfaire. La Reine Aphrodite a demandé que tous les jours lui soit préparé un bain de lait tiède au couché du soleil. - Du lait tiède ? répéta Hadès, dubitatif et un rien amusé. - Du lait tiède. - Quels autres Souverains seront présents, si ma question n'est pas indiscrète ? - Les Rois Apollon, Zeus et Héphaïstos, les Reines Artémis et Aphrodite et vous-même. Il y aura presque toute la noblesse du Royaume ainsi que des Ambassadeurs de pays dont le dirigeant n'aura pu faire le déplacement comme le Roi Arès par exemple. - Il doit être encore en train de guerroyer dans quelques contrées lointaines, dit Myu qui était toujours à l'écoute des rumeurs que rapportaient les marchands qu'il lui arrivait de rencontrer. - En fait, l'Ambassadeur d'Azura nous a confié qu'il s'agit de repousser une invasion barbare, expliqua le Gouverneur. - Espérons qu'il soit vainqueur, déclara Rune. - Et le Souverain d'Eleusis ? s'enquit encore le Roi. - Il est souffrant depuis plusieurs semaines, toujours d'après son Ambassadeur. Vous voici arrivés. Vos malles sont là et les hommes de votre escorte seront loger dans les deux chambres en face des vôtres. Il y a toujours des serviteurs dans les couloirs. Si vous avez besoin de quelque chose n'hésitez à faire appel à eux. - La Reine a souhaité me rencontrer ce soir. - Oui, j'en ai été informé. Je viendrai vous chercher après le souper si vous n'êtes pas trop fatigué. Par contre, il vous faudra laisser vos armes ici. Dans en entretien en tête à tête avec la Reine, nul n'est autorisé à porter une lame. - C'est tout à fait normal. Gouverneur, je vous remercie pour votre amabilité. - Le plaisir est pour moi, Majesté. Ce bref échange conforta Hadès dans son idée de lier véritablement des relations diplomatiques avec d'autres Royaumes. La présence d'ambassadeurs garantie une communication entre deux gouvernements, même si les informations échangées n'étaient pas toujours vraies et que le principe de prêcher le faux pour savoir le vrai dominait largement. Les quatre hommes se retrouvèrent entre eux et purent admirer les lieux. L'appartement était plutôt grand. Les murs de granit étaient recouverts de tentures brodées de scènes champêtres. Plusieurs fauteuils habillés de fourrures étaient disposés autour d'une table basse devant la cheminée. Des braseros chauffaient les pièces éclairées par de grandes fenêtres et par des torches, le soir venu. Le sol était couvert de plusieurs tapis de laine sur lesquels il devait être agréable de marcher pieds nus. - Tu es trop poli avec les serviteurs, lui reprocha gentiment son Conseiller. - Quel mal y a-t-il à remercier les gens pour leur efficacité ? Je ne suis pas un sauvage. - Tu n'as pas l'habitude de ce genre de réception, fit Myu à son tour. Mais c'est par ta gentillesse que tu as su t'attacher notre fidélité et notre loyauté. Cet homme va te manger dans la main. - Je ne lui en demande pas tant, mais je sais que ça lui aura fait plaisir. Thanatos, dis au Capitaine Sylphe(6) de venir. Le Roi se débarrassa de sa cape, de sa brigandine, de ses armes, et même de ses bottes. Il se laissa tomber sur un fauteuil, un verre de vin à la main en soupirant de lassitude. Il était fatigué et ses hommes aussi. - Sire, vous m'avez fait appeler. - Oui, je veux que vous mettiez un homme de garde devant nos deux portes. Ceux qui sont le plus en forme. Et relevez-les de bonne heure demain matin, qu'ils puissent dormir aussi. - Bien, Majesté. On frappa à la porte. Le Gouverneur Anytos se tenait sur le pas de la porte, souriant. - Majesté, commença-t-il comme le Roi se dirigeait vers lui, je suis au regret de vous annoncer que l'indisposition de la Reine n'est toujours pas passée. Elle vous prie de bien vouloir l'excuser pour ce contretemps. - J'en suis désolé. Mais peut-être vaut-il mieux qu'elle se repose pour profiter pleinement des festivités. Je m'en serais voulu de la fatiguer d'avantage. Transmettez-lui tous mes vœux de prompt rétablissement. - Je n'y manquerai pas. Elle sera touchée par votre sympathie. Demain aura lieu la réception à partir de la mi-journée qui marquera le début de la célébration du jubilé. Cela commencera par un grand buffet dans les jardins royaux suivit de nombreux divertissements. - J'ai hâte d'y être, Gouverneur. - Je vous souhaite une bonne soirée et une bonne nuit, Sire. - Je vous remercie. J'aimerais manger avec les Comtes de Balrog et de Butterfly chez moi. - Il en sera fait selon vos désirs.
Après un copieux et délicieux repas et bien qu'il soit encore tôt, les quatre hommes accusèrent la fatigue. Hadès les abandonna sans plus de cérémonie pour aller s'écrouler sur un lit accueillant. Rune et Myu regagnèrent leur chambre en trainant les pieds. - Tu veux une dernière coupe de vin ? demanda Myu en se servant. - Très peu alors, répondit son compagnon en s'asseyant à ses côtés. - Alors ? Qu'elles sont tes premières impressions ? - Je me sens plutôt bien. Mon sixième sens ne s'affole pas. - Le mien non plus. Nous sommes très bien reçus. - C'est l'intérêt d'accompagner un Roi, plaisanta Rune. - Ce vin est traitre. Je sens que demain, j'aurai mal au crâne. - Raison de plus pour aller nous coucher. - Je peux te poser une question ? le retint le Comte de Butterfly, en regardant le fond de sa coupe. - Bien sûr. - Pourquoi t'es-tu tant occupé de moi pendant la traversée ? - Comment ça ? Je ne comprends pas. - Tu aurais pu laisser le médecin du bord s'acquitter de cette tâche, non ? - Myu, tu es mon ami. On se connait depuis qu'on est gamin. J'ai déjà remis ma vie entre tes mains et toi, la tienne entre les miennes. Tu ne trouves pas normal que je prenne soin de toi ? - Si, bien sûr. Mais je t'ai entendu dire au médecin du navire que personne d'autre ne s'occuperait de moi. Que tu t'en chargerais. Tu étais presque agressif. - Tu étais si pitoyable et attendrissant. On aurait dit un petit garçon complètement perdu. J'ai juste pris soin de toi. Tu vas me le reprocher ? - Non... certainement pas… En fait je voulais te remercier encore… - Eh bien voilà, c'est fait, murmura Rune en s'accroupissant près du fauteuil de son ami. Tu sais que dans trois ou quatre jours, on rembarque ? - Toi tu veux me gâcher mon séjour, railla le Ministre du Commerce en terminant son vin. - Non. Je veux juste te dire que je veillerai sur toi à nouveau, si c'est nécessaire. Je serai toujours là pour toi, Myu. - Quelle solennité dans cette déclaration, sourit le Comte de Butterfly. On dirait presque que tu me fais une déclaration d'amour ! - J'espère que ça te prouve la sincérité de mes propos. J'ai beaucoup d'affection pour toi. Tu es mon ami, je te le répète. - Mmm… Espérons que je sois en meilleur forme au retour pour ne pas être trop accaparant. Bon, je vais me coucher. Bonne nuit. - A demain, Myu. Ooooo00000ooooO Le lendemain alors qu'Hadès et ses trois compagnons finissaient de se préparer pour se rendre au buffet qui lancerait les festivités du jubilé, le son des buisines(7) annonça le début de la fête. Ils quittèrent leurs appartements suivis de leur escorte et longèrent de grands couloirs pour arriver dans un immense hall. D'un coté, il s'ouvrait sur l'entrée principale du Palais et de l'autre, de grandes fenêtres donnaient sur les Jardins Royaux. Leur arrivée ne passa pas inaperçue. En effet, déjà présents, d'autres invités les dévisagèrent sans vergogne. Peu habitué à être le point de mire, Hadès préféra se replier dans un coin à l'écart. - L'un de vous connait-il ces gens ? demanda-t-il à sa suite. - La superbe brune qui te dévisage, c'est la Reine Aphrodite, l'informa Myu. Méfie-toi d'elle, c'est la pire débauchée et séductrice qui soit. - Et peut-on savoir comment tu sais qui elle est ? s'enquit Rune. - J'ai vu son portrait dans les affaires d'un marchand avec qui je négociais. - Les gens emportent des portraits de leur Reine avec eux ? s'étonna Thanatos dont le regard perçant ne perdait rien. - Je soupçonne fortement celui-ci d'être éperdument amoureux de sa Souveraine, sourit le Ministre du Commerce. - On peut le comprendre ce marchand. J'ai rarement vu plus belle femme, murmura Hadès. - Sire, Messeigneurs, les interrompit Anytos, vous allez être introduits dans la salle du trône pour être présentés à Sa majesté suivant le protocole dont vous avez été informés. Vous pourrez, à cette occasion, lui offrir un présent si vous avez prévu de le faire. - Comment se porte la Reine ? s'enquit Hadès. - Elle va beaucoup mieux, je vous remercie. Il ne s'agissait que de banals maux de tête. Elle a été très touchée par votre sollicitude. - C'est normal. Vous m'en voyez soulagé. Il aurait été fort dommage qu'elle ne soit pas au mieux de sa forme pour un tel évènement. - Je suis bien d'accord. Lorsque vous serez appelé, dirigez-vous vers cette porte.
Le Gouverneur s'éloigna après d'être incliné respectueusement. Quelques instants plus tard, toutes les délégations furent introduites dans la salle du trône. La pièce était immense. Une succession de colonnes bordaient l'allée centrale à intervalles réguliers. Chaque Souverain et sa suite se placèrent de parts et d'autres. Au fond, au centre, en haut de trois escaliers en marbre beige, le Trône des Saisons occupé par la Reine Déméter semblait écraser tous ceux qui se trouvaient là. Il était énorme. Pour poser ses mains sur les accoudoirs, la Souveraine devait largement écarter les bras. Il était taillé dans un bloc de granit vert. Les pieds ressemblaient à la base d'un tronc d'arbre et l'immense dossier était sculpté de gerbes de blé en son centre, de grappe de raisin et de fleurs. Une véritable merveille. D'un côté, de hautes fenêtres laissaient généreusement entrer la lumière du jour et de l'autre de lourdes tentures vertes et blanches brodées aux armoiries du Royaume pendaient aux murs, cachant des portes menant à d'autres parties du Palais. Au balcon du premier étage, une formation de musiciens animait agréablement l'instant. Le Gouverneur Anytos apparut et se plaça sur la première marche, à droite du Trône. - Sa majesté le Roi Zeus, Souverain du Royaume des Nuées. Un homme d'un certain âge, bâti comme un colosse remonta l'allée centrale suivit des personnes qui l'accompagnaient. Ceux-ci mirent un genou au sol et le Roi s'inclina. - Je suis enchanté que vous ayez pu faire le déplacement, déclara Déméter avec un sourire chaleureux. - Très chère, vous savez que je ne rate jamais une occasion de faire la fête. La répartie fit rire l'assemblée et détendit l'atmosphère. Il offrit à la Reine des soieries venues de l'Est lointain. De toutes les couleurs, elles charmèrent la Souveraine. Puis se fut le tour de la Reine Aphrodite qui offrit des produits pour la beauté de la peau. Ce n'était pas tant le cadeau en lui-même qui était important mais le geste. Apollon lui offrit un triptyque fait de miroirs enchâssés dans une monture en or forgé et sculptée aux symboles du Royaume des Plaines. Pour le Roi Héphaïstos, ce fut une longue épée à deux mains dont la lame était gravée de la date du jour et de l'évènement. Quant à la Reine Artémis, il fallut se diriger vers les fenêtres pour admirer son cadeau. - Ce sont deux étalons de race percheronne, expliqua la jeune Reine. Ils engendreront des chevaux robustes pour les travaux des champs. Et cette jument anglo-arabe est pour vous. Elle est dressée et vous fera faire de longues promenades. - Un cadeau bien utile pour mon Royaume, ma chère Artémis, sourit la Reine. J'apprécie grandement. - Sa Majesté le Roi Hadès, Souverain du Royaume des Ténèbres, clama haut et fort le Gouverneur. Le silence se fit dans la salle. Ainsi donc voici ce Roi qui a accompli des miracles pour son Royaume, semblaient dire tous les regards braqués sur lui. Il s'avança, digne, fier, magnifique dans sa tenue de cuir noir enveloppé dans sa cape de velours noir, doublé de fourrure noire. Ce qui n'était pas noir ? Ses armes, sa bague, sa peau et ses yeux. Il fixa Déméter du regard pour ne pas voir ce qui l'entourait. Rune, Myu et Thanatos s'agenouillèrent tandis que lui s'inclinait. - Roi Hadès, c'est un plaisir de vous recevoir à ma cour et de faire enfin votre connaissance. - Le plaisir est pour moi, Reine Déméter. Si vous le permettez, j'aimerais vous offrir ceci. Myu lui tendit les deux coffrets qu'il tenait. Hadès prit le premier et ensemble, ils les ouvrirent, dévoilant à la Souveraine ce qu'ils contenaient. Celle-ci ne put retenir un sursaut de surprise, la main sur son cœur. - Je pense qu'avec les tissus offerts par le Roi Zeus, vos couturiers confectionneront de magnifiques toilettes qui seront mises en valeurs par ses parures. Pas du tout gênée, la Reine Aphrodite s'approcha et jeta un œil dans les écrins. Elle aussi ouvrit des yeux ronds. - Roi Hadès, vous avez des orfèvres particulièrement doués. Ces parures sont splendides. - Merci ma Dame. Je ferai part de vos louanges à qui de droit. Si vous me le permettez, je pense que la parure en argent et malachite rehausserait parfaitement la robe que vous portez. Déméter fit un signe de la main. Une jeune femme sortit de derrière une tenture et s'approcha. Elle débarrassa la Reine de ses bijoux et lui mit ceux offert par Hadès. Il y avait une bague, deux larges bracelets ciselés et sertis de pierres, des boucles d'oreilles, un diadème frontal semblable au pectoral. Celui-ci était certainement le plus impressionnant. Cinq colliers de perles de malachite polie couvraient la poitrine. Le diadème en comportait trois avec des pierres plus petites. La servante apporta un miroir et Déméter s'observa. Un large sourire orna son beau visage à peine ridé malgré les ans. La seconde parure en or et lapis-lazuli était sensiblement identique. Le pectoral avait trois colliers, le diadème qu'un rang et les pierres étaient taillées en carré. - Je vais faire des envieuses, dit la Souveraine, visiblement émue et ravie. Roi Hadès, vous savez comment combler une femme. Il s'inclina et remercia Myu par la pensée. Il regagna sa place après que la Reine lui ait confirmé qu'elle souhaitait toujours s'entretenir avec lui. Vint ensuite le défilé des Ambassadeurs, notamment celui d'Eleusis qui offrit pas moins de cent tonneaux du meilleur vin de son pays. Tonneaux qui furent immédiatement mis en perce pour tout le temps des festivités. L'ambassadeur d'Azura fit présent d'une meute de huit chiens de chasse de race Pharaon(8) - Le Roi Arès l'a rapporté d'une de ces campagnes d'Orient d'un pays appelé Kemit(9). Le Roi de ce pays est nommé Pharaon et il avait ces chiens à ses côtés. Mon Souverain en a déduit qu'il s'agissait là d'un chien de Roi. C'est un excellent chasseur. Vous qui aimez cette activité, Majesté, je suis persuadé qu'ils vous donneront toute satisfaction. - Quelques bêtes magnifiques, murmura Thanatos à l'oreille d'Hadès. - Mmm, marmonna celui-ci. Ensuite, la noblesse défila devant la Reine apportant cadeaux et vœux de long règne. Les autres commencèrent à se diriger vers les grandes tables dressées pour le buffet sous des tentes pour protéger les invités du soleil. Non loin de là, d'immenses fosses avaient été creusés dans le sol pour y accueillir les braises qui, depuis la veille, rôtissaient des bœufs entiers. Le matin même, de très bonne heure, des sangliers et des moutons avaient été mis en broche et c'étaient au tour des volailles comme les faisans ou les perdrix, d'embaumer l'air. Sur les tables, les tourtes à la viande côtoyaient les petits pâtés de légumes, les poissons en croute de sel ou les ragoûts. Les fruits de saisons étaient présentés comme de grandes pyramides colorées aux côtés des tartes et petits pains fourrés de miel et de fruits secs. Une telle abondance faisait rêver Hadès. S'il pouvait un jour, offrir à son peuple ce genre de nourriture, il serait un Roi comblé. Mais qu'à cela ne tienne, il faisait ce qu'il fallait pour ça. - Vous êtes donc le Roi Hadès, fit une voix grave et puissante derrière le petit groupe qu'il formait avec ses trois conseillers. - Roi Héphaïstos, c'est un plaisir de faire votre connaissance, répliqua-t-il en inclinant légèrement le buste tandis que Thanatos, Myu et Rune faisait la révérence. - Je ne sais pas pourquoi, bien que l'on m'ait dit que vous étiez jeune, je m'attendais à rencontrer un homme plus âgé. - En seriez-vous déçu ? - Nullement. Quand on sait ce que vous avez accompli chez vous en si peu de temps, on pense que cela est l'œuvre d'un homme plus expérimenté et donc plus mature. - Faire ce qu'il faut pour son peuple relève de la logique. Nous avions des besoins, j'ai fait en sorte de les satisfaire. - Nous nous faisons parfois de fausses idées. J'ai ouï dire que votre pays est riche en minerai de fer et de cuivre. Peut-être serait-il bon d'établir un partenariat commercial ? Qu'en dites-vous ? - Que l'idée me parait excellente. Mon Ministre du Commerce, le Comte de Butterfly que voici, se fera un devoir de se mettre en relation avec le vôtre. - C'est une affaire entendue, alors ! s'exclama le Souverain boiteux. Vous me semblez un peu perdu dans cette foule. Je me rompe ? - J'avoue que c'est la première fois, depuis que j'ai repris mon trône, que je suis amené à… que je rencontre d'autres têtes couronnées. J'ai la hantise de commettre un faux pas. - J'ai connu ça. Le conseil que je peux vous donner c'est d'être vous-même. - Etre lui-même ne pourra jamais le desservir, fit une voix de femme particulièrement suave. - Reine Aphrodite ! s'exclama le Souverain des Forges. Vous êtes toujours aussi resplendissante. - Vous n'êtes qu'un vil flatteur, Seigneur Héphaïstos. Voici donc le Roi Hadès dont la réputation de fermeté et de détermination a déjà fait le tour de toutes les cours du monde connu. - J'ignorais une telle chose. - Ah ! Voici notre jeune Souverain ! s'exclama la Reine Déméter qui s'approchait du petit groupe en compagnie de Zeus et d'Artémis. Je vous considère un peu comme mon invité d'honneur. C'est votre première apparition à ma cour. - Et nul doute que vous allez recevoir bien d'autres invitations, renchérit Zeus avec un grand sourire. - En bien… je suis très flatté. Je serais ravi d'accepter, mais en retour, les Ténèbres et le Palais d'Ebène ne sont malheureusement pas encore en mesure de donner une réception digne de vos Majestés. Mon pays commence à peine à sortir la tête de l'eau. - Cela viendra, susurra Aphrodite. Ne vous croyez pas obligé de rendre fête pour fête. - J'ai une question qui va vous paraître un peu étrange, Reine Déméter. - Quelle est-elle ? - Comment se fait-il que mes voisins ne soient pas là ? Auraient-ils décliné votre invitation ? - Vous parlez de Mitsumasa, Poséidon et Hilda ? Il y a bien longtemps que je n'ai plus de relation diplomatique avec eux. La guerre qui les oppose est devenue ridicule et ils ne le voient pas. Ils sont au bord de la ruine et une proie facile pour les Amazones ou même vous. Ils seraient dans l'incapacité de résister à une quelconque invasion. Même Dionysos serait capable de les soumettre. - Nous sommes tous du même avis, poursuivit Héphaïstos. Ils courent à la catastrophe. Si Antiope le décide, elle ne fera qu'une bouchée des Océans. Ensuite, elle remontera vers le Sanctuaire pour finir pas annexer Asgard. - Ils sont impliqués dans cette guerre depuis si longtemps, intervint le Roi Apollon, qu'ils ont eux-mêmes finis par négliger les relations diplomatiques. Les Rois et Reines qui nous ont précédés ont fini par rappeler leurs Ambassadeurs dont la sécurité n'était plus assurée. - Je comprends mieux, fit Hadès. - Vous pourriez bien vous retrouver dans une mauvaise posture, mon cher Hadès, conclue Aphrodite en jouant négligemment avec le long collier de perles bleues qu'elle avait au cou. Surtout qu'Amazia est une puissance militaire qu'il ne faut surtout pas négliger. - Antiope est un véritable démon ! s'énerva Déméter. J'ai envoyé trois conseillers avec le titre de diplomate pour tenter d'ouvrir un dialogue avec elle. Ils sont revenus estropiés et terrifiés ainsi que les gens de leur suite. Malgré leurs dires, et je les crois sur paroles, je ne peux pas prouver que ce sont les Amazones qui sont responsables de leur triste état. - Il fallait lui envoyer une femme. Antiope aurait été plus encline à l'écouter, fit Hadès en souriant. Vous savez ce que ces femmes pensent des hommes… - Mais un messager est intouchable. C'est un règle, une loi dans tous les Royaumes, s'emballa Zeus à sont tour. Comment communiquerions-nous si nous devions interdire les messagers ou les diplomates ? - Croyez-moi, reprit le Roi des Ténèbres. Envoyez-lui une femme. Elle aura plus de chance de réussir là où des hommes échoueront certainement. - C'est vrai que vous les connaissez assez bien, remarqua Déméter. - C'est exact. Tous les Souverains allèrent s'installer sous la grande tonnelle qui leur était réservée. Ils admirèrent les différentes troupes de troubadours et d'acrobates tout en discutant. Le vin aidant, une farandole s'improvisa parmi les membres de la noblesse au son de la musique enjouée. Le temps passait vite. De leur côté, Thanatos, Rune et Myu prirent de nombreux contacts avec les Ministres et Conseillers qui accompagnaient les royaux invités. A la nuit tombée, les cracheurs de feu firent sensations ainsi que les jongleurs de torches enflammées. Artémis fut la première à prendre congé suivit de Zeus et d'Héphaïstos. Apollon semblait trouver Hadès à son goût à en juger par les regards langoureux qu'il lui jetait et qui n'avait pas échappé au Roi. - Je suis désolée de n'avoir pu vous recevoir hier soir, confia Déméter à Hadès en se penchant vers lui. - Ce n'est pas grave. L'important est que vous vous sentiez mieux. - J'ai une information de la plus haute importance à vous donner, murmura-t-elle encore. Bien. Je vais allez me coucher. Demain une grande chasse nous attend et j'ai bien l'intention de monter ce magnifique cheval que m'a offert Artémis. Et ma fille devrait être rentrée. - Je pensais que la Princesse Perséphone serait là, fit Apollon d'une vois pâteuse. - De violents orages l'on retenus dans le sud. Elle aurait dû être là depuis plusieurs jours. Je vous souhaite à tous une très bonne nuit. Bons nombres d'invités somnolaient ou dormaient un peu partout. Hadès, Apollon et Aphrodite se retirèrent à leur tour. Dans l'appartement du Roi, Thanatos, Rune et Myu soufflèrent enfin. Ils s'étaient certes divertis, mais surtout, ils avaient glanés des informations qu'ils s'empressèrent de mettre par écrit avant que le vin qu'ils avaient bu ne les leur fasse oublier.
- Eh bien messieurs ! Quelle soirée ! s'écria Hadès en rentrant. - Les réceptions sont-elles toujours aussi fatigantes ? grommela Rune en s'étirant comme un chat. - Nous sommes encore sous très haute surveillance, dit Thanatos en ôtant ses vêtements et restant torse nu. - Que veux-tu dire ? tiqua le Roi. - Rien de bien méchant, rassure-toi. Personne ne nous connait et tout le monde nous observe pour se faire une idée. C'est tout à fait naturel. - Et de ton côté, Majesté ? s'enquit Myu. - J'ai eu un très bon contact avec tout le monde. Apollon et Artémis sont peut-être un peu moins expansifs que les autres, mais c'était globalement très encourageant. On tapa doucement à la porte, interrompant la conversation. - Sa Majesté la Reine Déméter souhaite s'entretenir avec le Roi Hadès, déclara le Gouverneur à Thanatos qui était allé ouvrir. - Si tard ? s'étonna le Roi. Je croyais qu'elle était fatiguée et voulait se reposer pour la chasse de demain. - C'est ce qu'elle a voulu faire croire à tout le monde, Sire. Si vous voulez bien me suivre… Hadès laissa ses armes et rajusta son pourpoint. Il suivit Anytos le long d'interminables couloirs. Enfin celui-ci s'arrêta devant une porte simple. Si les appartements de la Reine se trouvaient derrière, rien ne le laissait supposer. Et c'était bien le cas. La pièce n'était pas particulièrement meublée ou décorée de façon ostentatoire. C'était élégant, raffiné mais simple. Déméter se leva à son entrée et lui sourit. - Je suis contente que vous soyez venu. Je craignais que vous ne soyez trop fatigué. - Le vin d'Eleusis est traitre, mais je n'ai pas beaucoup bu. - Contrairement à nos autres compagnons, sourit-elle. Venez, asseyez-vous avec moi. - Vous m'avez dit avoir une information à me donner. Puis-je savoir ce qu'elle concerne ? - Lorsque vous avez dit que nous devrions envoyer des femmes comme messagers chez les Amazones pour qu'Antiope daigne les recevoir, vous n'aviez pas tort du tout. Il y a longtemps que mes espionnes ont investi le Palais d'Antianeira. - Vos espionnes ? Dans le Palais d'Antiope ? s'étonna Hadès. - L'une d'elle est même dans la suite de ses servantes depuis plus de quatre ans. Elle est arrivée peu après votre départ. Vous ne cessez d'être un sujet de conversation dans le Palais. Vous avez eu un grand nombre de maîtresses parmi les Dames de Compagnie de la Reine. Parmi ses servantes aussi. - Eh bien… je… - Ne soyez pas gêné, mon cher. C'est tout à fait normal, sourit la Souveraine. J'ai reçu récemment des nouvelles d'Amazia et c'est ce qui m'a, en partie, poussé à vous inviter, hormis le fait que je vous trouvais intrigant et que je désirais vous connaître. - Reine Déméter, je vous en prie, ne me faites pas attendre plus longtemps. De quoi s'agit-il ? - Laissons de côté le protocole. Nous sommes entre nous. Appelez-moi Déméter, tout simplement. Je vous appellerai Hadès. - Déméter, s'il vous plait… - Vous êtes un jeune Roi, encore plein de fougue et d'illusions sur le monde dans lequel il vit. - Je n'ai plus vraiment d'illusion. Je sais que pour obtenir ce que l'on désir, il faut se donner soi-même les moyens de l'obtenir. Ne pas compter sur la bienveillance des Dieux, la bonté des hommes ou je ne sais quoi encore. Mais j'aime à croire que nous pouvons façonner notre destin. - Que voilà une remarque intéressante. Il arrive parfois que l'on rencontre des personnes qui peuvent vous aider à façonner ce destin. - Etes-vous l'une d'elle ? - Possible… Je l'ignore. Tout dépendra de la valeur de cette information à vos yeux. J'aimerais d'abord que vous me confirmiez une chose. - Laquelle ? - Etes-vous bien père de deux garçons ? Hadès se figea. Il plongea son regard agrandi de surprise dans celui de la Reine. Elle lui souriait doucement, presque tendrement. - Votre réaction est plus parlante que des mots. - Que savez-vous à leur sujet ? - Pourquoi les avez-vous laissés là-bas ? - J'ignorais tout de leur existence jusqu'à ce que je sois sur le point de partir. Antiope a menacé de les tuer si je faisais quoique ce soit pour les prendre avec moi. J'ai préféré les laisser en espérant qu'elle tienne sa promesse de ne rien leur faire plutôt que m'enfuir avec eux et avoir les Amazones à mes trousses avec deux enfants à protéger. - Je vois… Je vous ai observé toute la journée, Hadès. Vous n'êtes pas un homme à qui l'on peut dicter sa conduite. Je suis persuadée que vous envisagez très sérieusement d'aller les chercher. - C'est vrai, mais d'un autre côté, comment les convaincre de suivre des hommes qu'ils ne connaissent pas ? A leur place, j'aurai du mal à croire celui qui me dirait que je suis un Prince de sang. - Ça peut se comprendre… Vous souhaitez vraiment les reprendre à Antiope ? - C'est mon vœu le plus cher. - Alors je vais vous faire gagner du temps… Grâce à cette espionne dont je vous ai parlé, je sais exactement où ils sont. Ensuite, ce sera à vous de faire ce qu'il faut. Et je tiens d'ors et déjà à vous assurer de mon soutien inconditionnel si vous décidez de vous en prendre aux Amazones. Parce que ne vous y trompez pas. Si vous lui reprenez vos fils, Antiope considèrera cela comme un acte de guerre... Hadès se leva et se mit à marcher de long en large en mordant son pouce. Il était assommé par la nouvelle. Il savait au fond de lui que Déméter disait vrai, mais il ne voulait pas céder à l'espoir trop vite par crainte d'être profondément déçu. - Il n'y a qu'un seul moyen d'identifier formellement mes fils. Comment votre espionne peut-elle affirmer une telle chose ? - Elle a découvert que dans le haras royal, deux jeunes garçons semblant bénéficier d'un traitement de faveur. Tout d'abord, ils n'ont pas été estropiés comme la plupart des hommes. Ensuite, même s'ils accomplissent des tâches ingrates, ils sont sous haute surveillance. D'abord parce qu'ils font certainement des jaloux qui pourraient vouloir s'en prendre à eux et ensuite parce qu'Antiope vous connait bien. Elle sait qu'un jour où l'autre vous viendrez les prendre. Et si pour l'instant, ils sont toujours en vie, c'est parce qu'elle sait que c'est le seul moyen qu'elle a pour vous faire rester tranquille. - Et maintenant, ce qu'elle ignore, c'est que je n'aurai pas besoin de chercher à l'aveuglette pour les trouver. J'ai donc l'avantage. - Exactement… De retour dans ses appartements, Hadès trouva Thanatos endormi. Il fallait qu'il se calme. Son esprit bouillonnait. Déméter lui avait donné cette information capitale sans rien lui demander en retour. S'il s'était écouté, il aurait fait voiles pour les Ténèbres immédiatement. Mais ce serait bien mal remercier la Reine pour son aide si providentielle. Il décida d'écourter sa visite d'une journée. Demain, il participerait à la grande chasse et assisterait aux joutes le surlendemain. Il ne pouvait pas faire mieux. Il était trop impatient d'avertir Rhadamanthe, mais lui envoyer un pigeon serait bien trop hasardeux. Le voyage de retour prendrait encore une bonne semaine. Il devait prendre son mal en patience. Trop de précipitation pourrait bien ruiner ses espoirs…
A suivre…
>> Chapitre 19 >> Ooooo00000ooooO
|